LES 30 ANS de LA FONDATION CARTIER pour L’ART CONTEMPORAIN
Et si on célébrait l’anniversaire de cette institution hors du commun à travers les témoignages de ses ‘pères’ ?
Différentes expositions durant toute l’année-anniversaire (1984 – 2014) présentent en plusieurs volets la communauté des artistes qui ont travaillé avec la FC durant ces 30 années (à travers les 150 expositions personnelles ou thématiques qui s’y sont succédées) et grâce auxquels elle a construit l’histoire d’un mécénat pionnier.
Tellement de choses à dire… Il fallait faire un choix, celui de la jeune journaliste qui eut la chance d’être invitée en 1990 à Jouy-en-Josas -au moment de l’exposition Andy Warhol- au fameux concert de Velvet Underground avec Lou Reed, moment de l’histoire de la Fondation inoubliable en tous, celui aussi qui ouvrait l’espace d’exposition aux spectacles vivants appelés aujourd’hui les « Soirées nomades ».
Quelques mots qui vont essayer de cerner au plus près ce qui fait les qualités intrinsèques de cette plateforme des arts, unique en son genre : découverte et création, ouverture et transversalité, mixité des voix et dépassement des limites.
Alain-Dominique Perrin. Président de la Fondation Cartier qui en est à l’origine :
« J’ai toujours voulu montrer des choses que les gens ne trouvaient pas ailleurs, être en rupture. François Léotard avait inventé la formule de « clergé culturel » que je trouve magnifique et m’avait recommandé de m’en méfier… Nous n’avons eu de cesse d’ouvrir nos portes à des thèmes absents des musées… Depuis que nous avons commencé à montrer tout et rien, de l’inattendu dans l’univers de l’art, les autres en ont fait autant… On a eu des rencontres magnifiques, des métissages extraordinaires… Cela continuera. »
Marie-Claude Beaud. Prestigieuse première directrice de la Fondation (1984-1994) :
« J’habitais sur place (à Jouy-en-Josas) et je crois que cela a été déterminant. J’ai eu envie d’inviter des artistes, créer des ateliers, faire de la Fondation Cartier un lieu de vie et de création. Avec les artistes en résidence, la Fondation n’était jamais vide… Ils avaient toute liberté de créer sans contraintes, sans thème imposé, sans obligation d’exposer… La dimension humaine a toujours été fondamentale. Nous avons aussi dès le début travaillé avec des animateurs, plutôt que des gardiens, ce qui était totalement nouveau en France… L’un de mes meilleurs souvenirs de scénographie est celui de l’exposition « Hommage à Ferrari. » J’avais choisi Andrée Putman. Grande prêtresse du noir et blanc, elle m’avait dit : « Mais enfin, Marie-Claude, vous n’y pensez pas. Le rouge, c’est tellement vulgaire ! »
Il n’y avait ni interdit, ni barrière. C’est aussi ce que Cartier permettait : aller chercher les meilleurs quel que soit le domaine. Et c’était surtout ce qui personnellement m’intéressait. C’était cette façon de regarder le monde sans hiérarchie… Un lieu d’art doit être aussi attentif, à l’écoute, mais aussi précurseur, être plus en amont que de suivre le courant.»
Hervé Chandès. Actuel directeur général de la Fondation (depuis 20 ans) :
« Le rassemblement d’une variété de voix, de personnages différents est la dynamique de la Fondation. Les personnages, ce sont les artistes de tous horizons (de William Eggleston à Moebius, de Marc Newson à Cai Guo-Qiang, ou d’Adriana Varejao à Daido Moriyama), les Indiens, les philosophes, les scientifiques… Ouvrir, croiser, partager, tel est le choix originel de la FC, qui se réinvente au fil de la programmation. Désir de dialoguer avec le public, d’articuler les notions de donner à voir, à penser, à connaître… Je crois également que l’architecture de Jean Nouvel joue un rôle essentiel. Transparente, elle met la curiosité en mouvement. Les jeux de lumière, l’ambiguïté entre intérieur et extérieur, tout cela suscite l’illusion, l’impermanence des sensations. L’incertitude est féconde, stimulante, source de richesse… L’échange est dans la rencontre. Nous sommes des « rencontreurs » ! Le jeu, c’est d’exposer un jour le rock’n’roll, le lendemain l’art populaire. Le jeu, c’est le dépaysement… Aller contre son goût. Le jeu, c’est donner à ‘exposition une forme ouverte qui engage des questions… Quand les artistes de la forêt reviennent chez eux, ils portent témoignage de l’échange entre l’exposition et leur communauté. Au fond, le mot « communauté » est celui qui selon moi évoque le mieux l’esprit de la Fondation… Espace entre ciel et terre, en mouvement perpétuel, extraordinairement suggestif auquel les artistes sont vivement attachés. »
Jean Nouvel. Architecte célèbre en France et dans le monde entier à qui l’on doit notamment à Paris l’Institut du Monde arabe (1987) et le musée du quai Branly (2006) :
« C’est Chateaubriand, en 1823, qui a planté le fameux cèdre du Liban qui se trouve ici et qui est pour moi le véritable monument du lieu… Je me suis donc demandé comment jouer sur la promiscuité de l’immeuble et du cèdre… J’ai eu l’idée de jouer sur la profondeur et de créer un maximum d’ambiguïté grâce à 3 plans de verres successifs : un jeu sur la dématérialisation, la présence-absence et l’absence de limites. J’ai opté concernant la base du bâtiment pour une absence totale grâce à une complète transparence sur plus de 8m de haut. En réalité, le plan du bâtiment est simplissime. J’ai fait le choix d’un espace d’exposition hyper-flexible… le rez-de-chaussée est totalement vide et le sous-sol, à l’inverse complètement opaque. La FC n’est pas un espace neutre… comme d’autres de mes projets, elle est un jeu permanent avec les plans de lumière… Les matériaux -verre et aluminium- ont été choisis pour leur capacité à capter la couleur de la lumière. Ce jeu sur la dématérialisation fait paradoxalement de la FC le bâtiment sans doute le plus imprégné dans son site que j’ai réussi à faire… »
Une célébration originale sous forme de peinture, design, photographie, art populaire, vidéo, sculpture, musique, performance, etc. à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment, dans le jardin le plus ‘sauvage’ et naturel possible créé par Lothar Baumgarten.
Une collection assurément bien vivante et… une histoire réellement passionnante.
« Les Habitants. Une idée de Guillermo Kuitca »
« Musings on a glass box. Diller Scofidio + Renfro »
Jusqu’au 22 février 2015
FONDATION CARTIER POUR L’ART CONTEMPORAIN
261, Boulevard Raspail
F-75 014 Paris
Tél. : +33 1 42 18 56 67
Ouvert tous les jours sauf le lundi de 11h à 20h. Nocturne le mardi jusqu’à 22h. Entrée : 10,50 €
www.fondation.cartier.com
Pour célébrer les 30 ans, la Fondation publie un coffret de 2 livres richement illustrés relatant son histoire à travers ses valeurs fondamentales : curiosité, audace et engagement auprès des artistes.