« No Other Land » ****, documentaire de Yuval Abraham, Basel Adra, Rachel Szor, Hamdan Ballal. Durée: 1h35’

Documentaire percutant qui explore la réalité de la vie en Cisjordanie, notamment à Masafer Yatta, où l’armée israélienne procède à des démolitions systématiques de maisons palestiniennes. Le film est le fruit d’une collaboration entre des réalisateurs palestiniens et israéliens et se distingue par son approche immersive, utilisant des images brutes et des conversations spontanées pour plonger le spectateur au cœur du chaos et de la dégradation subis par les habitants de la région. Les séquences montrent la destruction de villages entiers, le déplacement forcé de familles et la violence exercée contre les civils. Les réalisateurs mettent également en lumière la vie quotidienne des Palestiniens, leur résilience face à l’oppression et les liens d’amitié qui se tissent malgré les tensions. 

La relation entre Basel Adra, journaliste activiste palestinien et Yuval Abraham, journaliste israélien est au centre du récit. Leur collaboration illustre la possibilité d’une solidarité transcendant les divisions ethniques et nationales, même si elle est mise à l’épreuve par les réalités de l’occupation et les préjugés des deux côtés.

Le film a été récompensé par le prix du meilleur documentaire à la Berlinale, témoignant de sa puissance narrative et de son impact émotionnel. Le film est également salué pour sa capacité à susciter une réflexion profonde sur les injustices en cours et sur la nécessité d’une action collective pour y mettre fin.

Appel obsédant à la solidarité et à la prise de conscience, offrant une perspective humaine sur un conflit souvent réduit à des considérations politiques et religieuses, « No Other Land » rappelle que, malgré les divisions, la réconciliation et la justice restent possibles grâce à la collaboration et à la compréhension mutuelle.

« Everybody Loves Touda » *** de Nabil Ayouch avec Nisrin Erradi, Jalila Talemsi, Lahcen Razzougui, Joud Chamihy, Abdellatif Chaouqi, El Moustafa Boutankite, Khalil Oubaaqa, Mouad Lasmak, etc. Durée : 1h42’

Le dernier film de Nabil Ayouch dont on avait beaucoup apprécié « Much Loved » est une œuvre qui capte subtilement les complexités de la vie marocaine contemporaine à travers le regard d’un personnage fascinant : Touda, une femme forte, émancipée, matriarche qui rêve de devenir une Cheikha, une artiste traditionnelle qui chante sans pudeur, ni censure des poèmes de résistance, d’amour, d’émanciaption, transmis depuis des génarations. Ayouch, fidèle à son style, mêle réalisme social et poésie visuelle pour offrir un récit à la fois poignant et profondément humain.

Le film s’attache à dépeindre un microcosme qui illustre des enjeux sociétaux plus larges. Touda est au centre d’une communauté où s’entremêlent traditions ancestrales et modernité parfois déconcertante.

L’interprétation de Touda par l’actrice principale est remarquable. Elle incarne ce personnage avec une justesse qui transcende l’écran, alternant entre moments de force stoïque et fragilité émotive.

Visuellement, le film est un régal. Ayouch exploite habilement les paysages marocains pour refléter les états d’âme des personnages. Les scènes dans les ruelles étroites, baignées de lumière dorée contrastent avec les espaces plus ouverts où le vent semble emporter les vestiges des anciennes croyances. La musique, subtile mais puissante, accompagne parfaitement l’évolution narrative, renforçant les moments de contemplation et d’émotion.

Sous son apparente simplicité, “Everybody Loves Touda” aborde des thématiques profondes. Ayouch ne tombe jamais dans le piège du didactisme, préférant laisser parler ses personnages et leurs interactions. Ce choix rend le film d’autant plus percutant, invitant le spectateur à réfléchir sans imposer de réponses.

La fin du film, à la fois douce-amère et pleine d’espoir, laisse de nombreuses questions en suspens, à l’image de la réalité qu’il décrit. Elle reflète le respect d’Ayouch pour son public, lui offrant un espace pour interpréter et digérer les thèmes explorés tout au long du récit. 

Everybody Loves Touda” est une œuvre riche, ancrée dans le local mais universelle dans ses questionnements. Avec ce film, Nabil Ayouch confirme une fois de plus son talent pour capturer l’âme de ses personnages et de leur environnement, tout en interrogeant les transformations sociales qui redéfinissent le Maroc d’aujourd’hui.

Un film qui fait partie de ceux qui nous ouvrent des pans de culture que nous n’arriverions jamais à connaître tout seul.

A voir absolument pour son humanité, sa poésie et sa capacité à faire vibrer à la fois le cœur et l’esprit.

« The Room Next Door » **** de Pedro Almodovar avec Tilda Swinton, Julianne Moore, John Turturro, Esther Rose McGregor, Alvise Rigo, Vicky Luengo,  etc. Durée: 1h50’

Premier long-métrage en anglais de Pedro Almodóvar, mettant en vedette Tilda Swinton dans le rôle de Martha, une ancienne correspondante de guerre atteinte d’un cancer en phase terminale, et Julianne Moore dans celui d’Ingrid, une auteure et amie de longue date. Le film explore des thèmes profonds tels que l’amitié, la mortalité et le choix de sa propre fin de vie. L’intrigue se concentre sur la décision de Martha de mettre fin à ses jours à l’aide d’une pilule euthanasiante illégale, avec Ingrid à ses côtés pour l’accompagner dans ses derniers moments. Leur séjour dans une maison moderniste isolée sert de cadre à des échanges intenses et introspectifs, où les dialogues révèlent la profondeur de leur relation et leurs réflexions sur la vie et la mort. 

Salué pour sa direction artistique et la remarquable performance de ses actrices principales, le film, malgré son sujet sombre comporte des moments d’humour et est visuellement saisissant, reflétant le style vibrant caractéristique d’Almodovar. Un style que l’on reconnaitrait, même les yeux bandés, à sa musique ! Il a été couronné par Le Lion d’or à la Mostra de Venise, consacrant le réalisateur espagnol presque octogénaire (1947) pour sa contribution exceptionnelle au cinéma et sa vision artistique à laquelle on adhère, depuis ses débuts, souvent avec beaucoup d’enthousiasme… Ce dernier fait partie, à mes yeux, de ses chefs-d’œuvre.

« En fanfare » **** d’Emmanuel Courcol avec Pierre Lottin, Benjamin Lavernhe, Sarah Suco, Jacques Bonnafé, Anne Loiret, Ludmila Mikaël, Yvon Martin, etc. Durée : 1h44’

Un film extrêmement brillant qui aborde de manière très subtile beaucoup de thèmes essentiels avec comme leitmotiv la musique – la musique classique de très haut niveau – avec comme références l’un des meilleurs orchestres américains, comme celui Cleveland ou européens comme celui Lille mais aussi la musique populaire tout aussi importante.

Les principaux acteurs servent cet excellent scénario, à rebondissements même, avec finesse et intelligence, tout en émotion sans jamais tomber ni dans les clichés ni dans le mélodrame alors que le sujet aurait pu l’être… Je pense qu’Emmanuel Courcol a vraiment réussi là l’un des meilleurs films de l’année, toutes catégories confondues, très émouvant en plus.

Je vous le conseille absolument. Votre année cinématographique ne sera pas la même sans celui-ci à votre palmarès.

« Le Grand Noél des animaux » *** de Camille Alméras, Ceylan Beyoglu, Caroline Attia, Natalia Chenysheva, Haruna Kishi, Oleya Shchukina. Durée : 1h12’

Cinq aventures ou cinq court-métrages réalisés par cinq réalisateurs aux sensibilités culturelles différentes ce qui donne une grande richesse à ce film pour enfants (à partir de 3-4 ans.) Des animaux du monde entier fêtent Noël et l’hiver de manière festive voire féérique. Pas de dialogues ou à peine, on entend quelques sons et trois mots, de très beaux dessins et couleurs, sur une musique douce, bref un joli moment à passer avec vos enfants ou petits-enfants qui laisse toute la créativité de leur petit cerveau en pleine construction se mettre en marche. J’ai beaucoup apprécié cette ouverture d’esprit non formatée comme dans la plupart des films commerciaux qui leur sont destinés ainsi que le côté non agressif qui me choque souvent aussi dans les autres productions. C’est le genre de films rarement distribués en salle, que je vois normalement seulement dans des festivals.

« How to make millions before Grandma dies” *** de Pat Boonnitipat avec Putthipong Assaratanakul, Usha Seamkhum, etc. Durée: 2h07’

Comédie dramatique thaïlandaise du jeune réalisateur Pat Boonnitipat qui, en abordant un sujet étonnant nous dépeint la société thaïlandaise d’aujourd’hui à travers les yeux et les comportements de plusieurs générations. Le film raconte l’histoire de M, un jeune homme qui, après avoir abandonné l’université décide de s’occuper de sa grand-mère Mengju, atteinte d’un cancer en phase terminale, dans l’espoir d’hériter de sa maison à Bangkok.

La performance d’Usha Seamkhum, qui incarne Mengju est remarquable avec une présence à la fois chaleureuse et déterminée. Celle du petit-fils est d’ailleurs tout aussi impressionnante. Leurs prestations apportent une réelle profondeur émotionnelle au film. Un film explore avec sensibilité les dynamiques familiales, mêlant humour et émotion. La relation entre M et sa grand-mère évolue de manière touchante, offrant une réflexion sur les liens intergénérationnels et les valeurs familiales. 

Le succès en Thaïlande et de là dans toute l’Asie (surtout en Indonésie) ne s’est pas fait attendre. Il a battu au box-office tous les records de fréquentation de ces 30 dernières années ! Encore l’un de ces films que je bénis car il nous apprend plus que tous les livres et essais que l’on pourrait lire sur le sujet. Tout ce que j’aime et recherche dans le cinéma d’auteur à savoir, cette fenêtre ouverte (et tellement facile d’accès) sur le monde dans sa complexité et sa diversité qui nous fait découvrir, par petites touches, des pans de son insondable richesse culturelle.  

« La Plus Précieuse des marchandises » **** de Michel Hazanavicius. Durée : 1h21’

Œuvre réellement magistrale où poésie et horreur se marient dans une fresque d’une humanité déchirante.

Adaptant avec brio le conte de Jean-Claude Grumberg, Hazanavicius transcende les limites du cinéma avec une mise en scène inventive et un récit d’une puissance émotionnelle rare. Les images d’une beauté poignante illuminent la noirceur du contexte historique, sans parler de la performance des voix des acteurs qui donnent vie aux personnages et insufflent une intensité bouleversante à chaque scène. Ce film d’animation exceptionnel, à la fois poignant et sublime est une ode à l’espoir dans l’abîme mais encore… une véritable pépite cinématographique.  

« The Apprentice » *** de Ali Abbasi avec Sebastian Stan, Jeremy Strong, Maria Bakalova, Martin Donovan, Charlie Carrick, Emily Mitchell, Joe Pingue, etc. Durée: 2h

Consacré à l’ascension de Donald Trump, il s’agit du portrait captivant d’une figure qui a redéfini le pouvoir et la communication à l’ère moderne. Mêlant habilement le clinquant de la réussite à l’ombre de manœuvres contestables, le film parvient à brosser un portrait plus nuancé de l’homme, lié par un pacte faustien à Roy Cohn, l’avocat conservateur et entremetteur politique, un personnage qui fait froid dans le dos. Précisément, il s’agit d’une adaptation du scénario du même nom écrite par le journaliste politique américain Gabriel Sherman sur la relation d’amitié trahie entre Trump et son mentor entre 1927 et 1986.

Le réalisateur danois d’origine iranienne (1981, Téhéran), oscillant entre fascination et critique dépeint Trump comme un produit de son époque autant qu’un acteur de son propre mythe.

Les moments les plus puissants sont ceux qui interrogent l’impact durable de sa méthode – un mélange d’audace, de provocation et de maîtrise médiatique – sur la politique et la culture contemporaines. On pourrait regretter l’absence d’une véritable mise en perspective historique ou éthique qui limite la profondeur du propos, nous laissant face à une œuvre parfois trop proche de son sujet.

J’avais déjà vu du même réalisateur « Border » et « Les Nuits de Mashhad », sortis respectivement en 2018 et 2022 que j’avais bien aimés. Le 4e film de Abbasi qui est reconnu aujourd’hui internationalement est tout aussi intéressant.

« L’Amour ouf » **** de Gilles Lelouche avec Adèle Exarchopoulos, François Civil, Mallory Wanecque, Malik Frikah, Alain Chabat, Benoît Poelvoorde, Elodie Bouchez, Vincent Lacoste, etc. Durée : 161’

Je n’ai pas entre 18 et 24 ans et ne fais donc pas partie du public pour qui ce film est en passe de devenir un film culte…

Et pourtant, j’ai adoré ce drame romantique franco-belge ! Du scénario en passant par la photographie, le jeu époustouflant, criant de vérité des 4 acteurs qui interprètent les deux protagonistes aux différentes étapes de leur vie jusqu’au rythme dont celui des scènes de danse tels des clips vidéo en n’oubliant surtout pas la musique de Cure, etc. j’ai été captivée, impressionnée, touchée par l’intelligence de ce film violent mais réaliste, j’imagine, comme peut être la vie dans les années 80 dans cette région du nord de la France, à cet âge et dans ces conditions sociales là… Alain Chabat y joue un père juste, présent, à l’écoute, juste exceptionnel et Benoit Poelvoorde, égal à lui-même incarne ce rôle comme s’il avait fait cela toute sa vie. 

Dès les premières minutes, on tombe sous le charme, un charme qui opère jusqu’à la fin des 2h41’ de projection sans que l’on se soit même rendu compte de la longueur.

Allez le voir et faites-nous part svp de vos commentaires qui nous intéressent beaucoup. On a rarement une telle qualité de films de ce genre sur nos écrans.

« The Wild Robot » ** film d’animation de Chris Sanders. Durée : 1h42’

Tiré d’un roman homonyme de Peter Brown publié en 2016, l’histoire suit Roz, un robot qui se retrouve accidentellement échoué sur une île inhabitée et qui apprend à coexister avec la nature et les animaux locaux, explorant des thèmes comme l’intelligence artificielle, l’empathie et la relation avec la nature.

Le réalisateur américain Chris Sanders en livre une adaptation émotionnellement puissante et visuellement magnifique, à la croisée de l’humour, de la tendresse et de la profondeur narrative. 

Il enrichit la manière dont on explore la relation entre un robot et la nature dans une forme audiovisuelle attachante, en donnant vie à l’île, aux animaux et aux dilemmes de Roz. 

« Monsieur Aznavour » **** de Mehdi Idir & Grand Corps Malade avec Tahar Rahim, Victor Meutelet, Bastien Bouillon, Redouane Bougheraba, Marie-Julie Baup, Camille Moutawakil, Tigran Mekhitarian, etc. Durée : 2h14’

Biopic très attendu sur la vie du célèbre chanteur français Charles Aznavour. Mettant en lumière le parcours d’un artiste complexe et déterminé, le film adopte une structure chronologique qui permet de retracer les étapes marquantes de sa carrière. Un choix de narration linéaire aussi classique que séduisant.

Le véritable atout du film est l’interprétation de Tahar Rahim, dont la prestation intense est unanimement saluée. Rahim parvient à capturer non seulement la voix unique d’Aznavour mais encore ses gestes et expressions scéniques, offrant un portrait authentique et touchant.

Il est entouré par un casting solide, notamment Marie-Julie Baup dans le rôle d’Édith Piaf, plus vraie que nature !

J’ai adoré cet hommage sincère et respectueux ce qui ne m’a pas empêchée de me demander s’il ne manquait pas peut-être de nuances pour offrir un point de vue vraiment singulier sur l’artiste ?  

« Anora » * de Sean Baker avec Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Youri Borissov, Ivy Wolk, Vache Tovmasyan, Daria Ekamasova, Lindsey Normington, etc. Durée : 2h19’

Palme d’Or à Cannes pour cette comédie dramatique atypique explorant la vie d’Ani, une danseuse de New York qui se retrouve mariée au fils d’un oligarque russe.

« Anora » combine un regard critique sur l’illusion du rêve américain avec un style proche de la comédie romantique, teintée de tensions sociales et culturelles. La relation complexe entre Ani et son époux Ivan sert de trame principale, mais Baker dépeint aussi les personnages secondaires, comme les gardes russes plus humains et vulnérables que de simples stéréotypes, ce qui souligne le réalisme cher au réalisateur américain. 

Une approche visuelle propre et une attention aux détails sociaux donnent vie à des personnages marginaux, tout en remettant en question les préjugés culturels et économiques. L’interprétation de Mikey Madison dans le rôle d’Ani et la richesse émotionnelle du film ont marqué les critiques, qui y voient un hommage à des réalisateurs classiques, tout en traitant des thèmes modernes et poignants. Personnellement, je suis moins enthousiaste et me demande s’il est intéressant de donner la Palme d’Or à un tel film ?

Nous voilà en tous cas face à une « Pretty Woman » dans une peinture nettement plus réaliste d’un monde qui a bien changé en presque 35 ans et dont les codes sont peut-être encore plus durs ?

“Bambi : l’histoire d’une vie dans les bois” ** de Michel Fessler. Durée : 1h17’

Adaptation inspirée du roman de Felix Salten qui revisite le classique avec une sensibilité contemporaine, le film met en scène la vie du jeune faon Bambi, explorant les joies et les dangers de la forêt avec une approche plus réaliste et naturaliste que le film d’animation de Disney.

Michel Fessler adopte une mise en scène sobre et poétique, mettant en avant les cycles de la vie et les interactions subtiles entre les animaux et leur environnement.

Contrairement à la version animée, cette adaptation se concentre davantage sur le réalisme des comportements animaliers et la lutte pour la survie. L’atmosphère du film est parfois plus sombre, soulignant les menaces que peuvent représenter les humains pour la faune. 

Au moyen d’une narration lente et contemplative, racontée avec simplicité et sensibilité par Mylène Farmer et d’une photographie exceptionnelle, le réalisateur nous immerge tant dans la beauté que dans la cruauté de la nature. Une approche dont le rythme est peut-être plus difficile à suivre pour un public habitué à des récits plus enlevés et dynamiques ?

En bref, voici une interprétation fidèle et émouvante du roman de Salten, mettant en lumière la fragilité de la vie sauvage, tout en célébrant sa résilience. J’y ai vu une œuvre qui incite à la réflexion sur notre rapport avec la nature, en harmonie avec le temps que nous devons tous, sans exception, absolument prendre aujourd’hui face aux défis environnementaux…

A mettre devant tous les yeux de 3 à 93 ans ! 

« Emilia Perez » de Jacques Audiard avec Karla Sofia Gascón, Zoe Saldana, Selena Gomez, Edgar Ramirez, Adriana Paz, etc. Durée : 2h10’

Il est rare que je me laisse convaincre d’aller voir un film qui ne me dit rien, surtout quand il a un grand battage médiatique et… malgré une critique (presque) unanimement positive ! 

Dieu mal m’en a pris. J’aurais pu éviter de perdre plus de 2h de temps précieux où dès les 10 premières minutes, j’ai senti que le pilule ne passerait pas. J’étais prête à partir mais je n’étais pas seule. Je suis donc restée patiemment et difficilement, je l’avoue, assise sur mon siège à voir se dérouler cette comédie latino sous mes yeux ébahis de montrer au grand public une telle image du Mexique. Et le film n’a fait que s’enfoncer car le début n’était encore rien par rapport à la fin …

Je m’explique : j’ai vu un genre de comédie musicale avortée, un scénario qui tient en une ligne et qui, dès qu’on en connait le sujet n’apporte plus rien en substance, nada, des acteurs qui surjouent, une peinture tellement peu nuancée du plus extraordinaire, intéressant et complexe pays d’Amérique latine qui surfe de cliché en cliché (violence et corruption en tête) et j’en passe…

Je n’ai vu que de la forme sans la moindre analyse de fond et j’en suis ressortie en me disant, combien il faut être prudent, en tant qu’étranger, quand on aborde des pays dont on n’a qu’une vision limitée et superficielle. Je ne connais pas personnellement la vie de Jacques Audiard, fils de Michell, l’un des plus grands réalisateur et dialoguiste français, mais là, excusez-moi, 14 ans ont passé et il n’est plus le « Prophète »… Quand je pense que Cannes l’a suivi dans ce triste délire cinématographique, je m’en remets encore moins.

Je suis franchement désolée pour les très nombreux spectateurs qui ont aimé « Emilia Perez » et le portent aux nues.

« Quand vient l’automne » *** de François Ozon avec Hélène Vincent, Ludivine Sagnier, Pierre Lottin, Josiane Balasko, Sophie Guillemin, Malik Zidi, etc. Durée : 1h42’

Même si l’on s’est habitué au fil des années au style particulier du cinéaste français, le plaisir à la sortie de chacun de ses films reste intact. Une facture classique, une histoire (presque) banale, une photographie soignée, un choix judicieux d’acteurs qui collent incroyablement chacun à leur rôle, une psychologie omniprésente, une morale aussi complexe qu’intéressante, etc.

Sans vous en dévoiler la trame, le dernier opus de François Ozon qui traite d’un sujet difficile à savoir le 3e âge avec tout ce qu’il traîne derrière lui, nous a séduits, touchés, émus.

Hélène Vincent et Pierre Lottin portent littéralement le film sur leurs épaules, interprétant ces rôles, ô combien difficiles avec un talent exceptionnel. 

Un film fin, sensible, intelligent à voir. Du vrai cinéma comme on aime.

« Le comte de Monte-Cristo » **** d’Alexandre de La Patellière & Matthieu Delaporte avec Pierre Niney, Anaïs Demoustier, Laurent Laffitte, Anamaria Vartolomei, Vassili Schneider, Pierfrancesco Favino, Julien De Saint Jean, Julie de Bona, Bastien Bouillon, Patrick Mille, Oscar Lesage, etc. Durée : 2h58’

Le film adapte le chef-d’œuvre d’Alexandre Dumas en modernisant subtilement certains aspects, tout en restant fidèle à l’esprit de vengeance, de justice et de rédemption du roman. Pierre Niney incarne Edmond Dantès, un marin jeune et ambitieux injustement accusé de trahison par ses rivaux et condamné à la prison. Après des années de captivité et des épreuves à la prison du Château d’If, Dantès s’échappe et se réinvente sous l’identité du mystérieux comte de Monte-Cristo, pour mener une implacable revanche contre ceux qui l’ont trahi.

Le pari de confier à Pierre Niney le rôle d’Edmond Dantès était audacieux et il s’avère être un choix judicieux. Niney, connu pour son élégance et sa capacité à jouer des rôles intenses se révèle digne de la Comédie Française. Il incarne parfaitement, avec son talent habituel, l’évolution du personnage : du jeune homme naïf et amoureux, il se transforme en un aristocrate froid et calculateur. Navigant habilement entre la vulnérabilité d’un homme brisé par la trahison et la force implacable d’un homme déterminé à se venger, Il ajoute une nuance de fragilité dans cette métamorphose, ce qui rend, malgré sa soif de vengeance, son Monte-Cristo humain.

Anaïs Demoustier, dans le rôle de Mercédès, apporte une sensibilité touchante. Elle interprète une femme déchirée entre son amour pour Dantès et son mariage malheureux avec Fernand. Elle brille dans les scènes de confrontation, où son désespoir est palpable et donne à son personnage une profondeur émotionnelle qui contraste bien avec le personnage plus stoïque de Niney.

Vassili Schneider en tant que Fernand Mondego, futur comte de Morcef, se révèle être un antagoniste charismatique et nuancé. Plutôt que de jouer un simple vilain, Schneider dote Fernand d’un sentiment de culpabilité et de regret, ce qui le rend plus complexe. Il est le contrepoint idéal à Dantès, et leurs scènes ensemble sont électriques, surtout dans la confrontation finale, où les motivations de chacun sont mises à nu.

Laurent Laffitte, en tant que procureur Gérard de Villefort livre une belle performance aussi terrible que glaciale.

Les réalisateurs apportent une approche contemporaine à l’esthétique du film tout en conservant l’aspect dramatique de l’époque. La photographie est somptueuse, avec des décors qui capturent à merveille le luxe ostentatoire de la nouvelle vie de Monte-Cristo. L’atmosphère pesante de la prison, où l’on voit un Dantès désespéré contraste fortement avec la lumière froide des salons dorés où il orchestre sa vengeance. Les scènes d’action, bien que peu nombreuses, sont filmées avec une grande précision, offrant une tension palpable sans pour autant surcharger le film.

La Patellière & Delaporte livrent une approche plus psychologique de l’histoire, ce qui leur permet d’approfondir les thèmes de la trahison, de la loyauté et du sacrifice qui donnent une version plus personnelle à cette grande fresque. 

Ce « comte de Monte-Cristo » revisité par Pierre Niney et Anaïs Demoustier est une flamboyante réussite à plusieurs égards. En s’attachant à l’aspect humain de la vengeance et à la complexité émotionnelle des personnages, le film parvient à renouveler une œuvre classique sans trahir l’essence du roman. Le jeu des acteurs, notamment celui de Niney est la clé de cette réinvention.

Un film hors du commun, pur joyau cinématographique incontournable, à voir de toute urgence (si ce n’est déjà fait) pour redécouvrir cette histoire intemporelle sous un nouveau prisme plus intimiste et actuel. Une réussite totale !

J’en suis sortie, le cœur battant d’émotion sans même me rendre compte de la durée tant j’étais absorbée par l’histoire, le jeu des acteurs, bref la magie d’un cinéma, osons le mot, exceptionnel.  

« Beetlejuice Beetlejuice »***  de Tim Burton avec Michael Keaton, Winona Ryder, Jenna Ortega, Monica Bellucci, Arthur Conti, Willem Dafoe, Justin Theroux, etc. Durée : 1h44’

L’univers de Tim Burton est vraiment unique. Il a un style très reconnaissable avec son mélange d’esthétique gothique, d’humour noir et de fantaisie. Le fait d’avoir vu l’exposition qui lui était consacrée l’année dernière à Tour & Taxis à Bruxelles, d’avoir été immergée dans cet univers avant de voir le film a été une expérience très enrichissante.

“Beetlejuice” sorti en 1988 est un classique de la comédie fantastique qui mélange habilement l’humour noir et le surnaturel. C’est un chef-d’œuvre déjanté, avec Michael Keaton dans le rôle du personnage excentrique, un peu effrayant, aussi loufoque que détestable, mais difficile à oublier. 

Son interprétation du bio-exorciste chaotique et malfaisant est mémorable. Les décors et effets spéciaux étaient ingénieux pour l’époque. Le style visuel et l’approche unique de Tim Burton en ont fait un film culte.

Tant les critiques que le public attendaient beaucoup de cette suite, notamment en ce qui concerne le retour de Michael Keaton dans le rôle-titre. L’esthétique et l’humour noir de Burton ont marqué une époque, et le nouvel opus a su capter l’essence du premier, tout en apportant une touche de modernité. Le premier film posait les bases du personnage de Beetlejuice – cet esprit farfelu – et de son monde caractéristique. Plus léger que le second, avec un côté très burlesque et absurde, il capturait parfaitement l’esprit de Burton des années 80.

Si l’on compare les deux films, on remarquera sûrement l’évolution des techniques visuelles, mais aussi la manière dont Burton traite ses personnages avec sans doute plus de profondeur aujourd’hui.

Quel univers aussi grotesque qu’hilarant et créatif. J’y ai même vu des références picturales à Chagall, Dali et bien d’autres.

Une comédie noire très séduisante au charme bien particulier…

« Songs of Earth » *** documentaire norvégien réalisé par Margreth Olin en 2023. Durée : 1h31’

Ce film plonge les spectateurs dans les paysages majestueux de la Norvège, tout en explorant des thèmes profonds liés à la nature, au passage du temps et à l’héritage familial. Esthétique et réflexion philosophique s’entrelacent.

Dès les premières minutes, on est séduit par sa beauté visuelle. La caméra d’Olin capture les vastes panoramas de montagnes enneigées, de fjords majestueux et de forêts denses, révélant la grandeur et la sérénité de ces paysages. Chaque plan semble être une œuvre d’art, exploitant la lumière naturelle et le contraste des éléments pour créer une immersion sensorielle. Une maîtrise du visuel qui donne au film une dimension presque méditative, proche de la contemplation.

La réalisatrice parvient à faire plus qu’une simple célébration de la nature : elle présente cette dernière comme un personnage à part entière, à la fois protecteur et indifférent au passage du temps. Le soin apporté à la mise en scène et à la cinématographie en fait un hommage émouvant aux forces naturelles qui façonnent non seulement le paysage mais encore l’âme humaine.

Ce qui distingue « Songs of Earth » d’autres documentaires sur la nature, c’est son ancrage personnel et familial. Margreth Olin explore à travers ce film son propre lien à sa terre natale, en particulier à travers la figure de ses ancêtres et de sa famille. Il ne s’agit pas seulement d’un regard extérieur sur un environnement grandiose, mais encore d’une exploration sur la manière dont cette terre a façonné plusieurs générations.

Le film parvient ainsi à être intimiste tout en abordant des thèmes universels tels que la transmission intergénérationnelle, la mortalité et l’attachement aux racines. Les moments où Olin s’adresse directement à sa famille ou évoque ses souvenirs donnent au documentaire une profondeur émotionnelle touchante, en écho à l’immensité des paysages naturels.

Au-delà de sa dimension visuelle et familiale, « Songs of Earth » est aussi une réflexion philosophique sur le temps qui passe. La nature est ici le témoin silencieux des générations qui se succèdent, des vies qui naissent et s’éteignent. Olin fait un parallèle subtil entre la pérennité des paysages et la fragilité de l’existence humaine. Je pense que sa lenteur renforce cette idée de temporalité étendue et invite à une introspection sur notre propre place dans ce cycle perpétuel.

Le film de Margreth Olin ne cherche pas à divertir, mais plutôt à émouvoir et à faire réfléchir.

Remarquable.

« Goodbye Julia » **** de Mohamed Kordofani avec Eiman Yousif, Siran Riak, Nazar Goma, etc. Durée : 2h05’

Le premier long métrage du réalisateur (et ingénieur en aéronautique) soudanais qui plonge dans les réalités complexes et souvent douloureuses du Soudan est poignant.

Tout d’abord, sa force réside dans sa capacité à aborder des thèmes lourds tels que les divisions ethniques et les tensions sociales, tout en conservant une sensibilité et une humanité qui résonnent encore longtemps après que la fin du film. Kordofani réussit à créer un tableau saisissant de la société soudanaise, en mettant en lumière les conséquences des conflits ethniques sur les vies individuelles et les dynamiques familiales.

Les personnages sont complexes et multidimensionnels, ce qui permet au spectateur de s’immerger totalement dans leurs expériences et leurs émotions. Le personnage principal, Julia, incarne la lutte intérieure entre la loyauté envers sa famille et la quête de justice et de réconciliation. Cette dualité est dépeinte avec une authenticité qui crée l’empathie.

La réalisation de Kordofani est à la fois sobre et puissante. Il utilise la caméra de manière à capturer non seulement les paysages physiques du Soudan, mais aussi les paysages émotionnels de ses personnages. Les scènes sont souvent chargées de symbolisme et de sous-entendus, ce qui nous invite inévitablement à réfléchir aux thèmes abordés. La musique et la photographie complètent cette atmosphère, ajoutant une subtile couche d’émotion.

Cependant le film n’est pas sans défauts : parfois le rythme peut sembler lent, et d’aucuns pourraient trouver que l’histoire met du temps à se développer. De plus, la complexité des relations et des tensions ethniques peut être difficile à suivre pour celui qui n’est pas au faite de l’histoire et la culture soudanaises. Mais cela peut être aussi une force, ajoutant richesse et authenticité au propos.

Bref, “Goodbye Julia” est un film qui mérite d’être vu pour sa peinture honnête et nuancée des réalités soudanaises. Mohamed Kordofani a réussi à créer une œuvre qui est à la fois un cri de douleur et un appel à l’espoir et à la réconciliation. Ce film est marquant, non seulement par son contenu, mais aussi par la manière dont il a été réalisé et interprété. A mes yeux, c’est une œuvre majeure qui nous ouvre d’autres perspectives cinématographiques essentielles.

Notez que, remarqué au Festival de Cannes l’année dernière, il a été présélectionné aux Oscars.

« The Monk and The Gun” **** de Pawo Choyning Dorji avec Tandin Wanghuk, Kelsang Choejay, Deki Lhamo, Pema Zangmo Sherpa, Tandin Sonam, Harry Einhorn, Tandin Phubz, Yuphel Lhendup Selo, etc. Durée : 1h47’

Après “Luana : A Yak in the Classroom”, le réalisateur bhoutanais poursuit son travail de révélation/ transmission des valeurs de sa culture et de ses traditions.

Introspectif et visuellement captivant, il explore les tensions entre tradition et modernité dans le contexte unique du Bhoutan. Dès les premières images, nous sommes transportés dans un univers où le calme spirituel des monastères bouddhistes se heurte aux influences extérieures et aux aspirations contemporaines.

L’un des aspects les plus remarquables de ce film est sa capacité à capturer la beauté sereine des paysages bhoutanais tout en racontant une histoire complexe et émotionnellement riche. La cinématographie est à couper le souffle, chaque cadre semble être soigneusement composé pour mettre en valeur la majesté des montagnes et la quiétude des monastères. Ces images servent de toile de fond à une narration qui, tout en étant ancrée dans une culture spécifique, aborde des thèmes universels.

Les personnages sont bien développés, chacun incarnant un aspect différent des tensions que traverse le pays. Le jeune moine, en particulier, est fascinant. Sa quête spirituelle et son engagement envers la tradition contrastent fortement avec l’arrivée des armes à feu et des influences occidentales. Une dualité présentée avec sensibilité, évitant les jugements simplistes et permettant une exploration nuancée des défis contemporains.

Pawo Choyning Dorji a un talent exceptionnel pour raconter des histoires avec délicatesse. Il alterne intelligemment silence et contemplation, permettant aux moments de réflexion et de méditation d’avoir autant de poids que les scènes plus dramatiques. La bande sonore, discrète tout en étant évocatrice participe à cette atmosphère méditative.

Le rythme est lent et contemplatif : les scènes de méditation et de réflexion, bien que puissantes, paraîtront peut-être un peu trop longues pour certains.

The Monk and The Gun” est une œuvre profondément touchante et intellectuellement stimulante. Pawo Choyning Dorji a réussi à créer un film qui non seulement émeut, mais incite également à la réflexion sur des questions de modernité, et de tradition.

On en sort avec un sentiment de paix, nous rappelant l’importance de trouver un point d’équilibre entre les anciennes sagesses et les nouvelles réalités. 

Une œuvre qui mérite certainement d’être vue et revue.

« Black Tea »*** de Abderrahmane Sissako avec Nona Melo, Han Chang, Ke-Xi Wu, Michael Chang, etc. Durée : 1h50’

Le réalisateur malien Abderrahmane Sissako, l’un de mes préférés, est reconnu internationalement pour son travail poignant et son style narratif. Tout en restant ancré dans le contexte africain, son dernier film “Black Tea” ne fait pas exception à la règle, offrant une plongée profonde dans des thèmes universels.

Le film raconte une histoire captivante qui explore les dynamiques sociales et politiques africaines. Plus particulièrement, celle de la communauté africaine établie dans les grandes métropoles chinoise, précisément à Canton. Sujet étonnant car on entend plutôt toujours parler de l’inverse, à savoir la ‘colonisation’ chinoise du continent africain.

Sissako aborde, avec une sensibilité remarquable, des thèmes tels que l’injustice, la résilience et la quête de dignité humaine. Le scénario est à la fois simple et puissant, naviguant entre le quotidien des personnages et les grandes questions existentielles.

Sa réalisation est, comme toujours, empreinte d’une grande finesse. En utilisant des plans larges pour capturer la beauté austère des paysages asiatiques, ici dans les plantations de thé, il crée une atmosphère contemplative qui invite le spectateur à s’immerger dans l’histoire.

La caméra de Sissako est à la fois un observateur distant et un participant empathique, ce qui lui permet de créer un beau lien émotionnel avec ses personnages.

Les acteurs sont remarquables. Chaque personnage est interprété avec authenticité et profondeur ce qui rend l’histoire encore plus crédible. Des acteurs qui, bien que peu connus sur la scène internationale, apportent une réelle dimension à leur rôle.

Avec une bande son, jouant entre mélodies traditionnelles et sons ambiants qui renforcent l’immersion du spectateur dans l’univers du film, le récit est joliment accompagné en musique ; une musique qui reste discrète, tout en ne prenant jamais le pas sur l’action.

« Black Tea” est un film qui invite à la réflexion. Sissako réussit à traiter des sujets complexes avec une subtilité qui évite le didactisme. Comme à son habitude, il met en lumière les réalités difficiles inhérentes à son continent sans tomber dans le piège de la victimisation : ses personnages sont peints avec une dignité et une humanité touchantes.

En bref, un film puissant et émouvant qui témoigne du talent exceptionnel d’Abderrahmane Sissako en tant que conteur et réalisateur. Sa capacité à aborder des thèmes profonds avec une telle élégance et sensibilité fait de ce film une œuvre à la fois universelle et intimement africaine. Des films qui sont toujours très enrichissants.

« Radical »**** de Christopher Zalla avec Eugenio Derbez, Daniel Haddad, Jennifer Trejo, etc. Durée : 2h05’

Oeuvre cinématographique unique et captivante, « Radical » explore les défis sociétaux et individuels avec beaucoup d’empathie. L’histoire, basée sur des faits réels se déroule dans une école de Matamoros, une ville frontalière mexicaine de l’État de Tamaulipas.

Fort d’un Master Fine Arts avec mention de Columbia, Christopher Zalla est un réalisateur kenyan d’une cinquantaine d’années qui vit à New York et dont le premier film, sorti en 2009, « Padre Nuestro » avait déjà obtenu le Prix Spécial du Jury à Sundance.

En nous contant l’histoire d’un professeur hors norme, il réussit à tisser une intrigue qui non seulement nous captive dès les premières minutes mais encore ne faiblit pas jusqu’à la fin. 

Les jeunes acteurs sont incroyables, criants de vérité avec une surprenante profondeur émotionnelle et des dialogues percutants. Avec un jeu convaincant et beaucoup de tact, ils réussissent à transmettre la complexité de leur rôle.

La photographie est visuellement saisissante : les choix de cadrage, l’utilisation de la lumière et des couleurs contribuent à créer une atmosphère immersive qui reflète magistralement ambiance et émotions.

En abordant des thèmes pertinents comme les inégalités sociales, la résilience, et la quête de justice, le film ne se contente pas de divertir, il pousse également à la réflexion et suscite des discussions sur des questions incontournables qui résonnent avec les réalités contemporaines tels que l’enseignement, la pédagogie, le respect, la violence, et j’en passe. Certaines scènes sont tellement touchantes que j’en ai pleuré plusieurs fois… 

« Radical » est un film puissant. Ne le ratez pas ! Un film avec un tel impact sur les questions contemporaines, au-delà du contexte où il est tourné, est rare. Il mérite plus que d’être vu. Il faut en parler autour de soi, le montrer dans les écoles, les universités. C’est un chef-d’œuvre à tous points de vue !  

Notez qu’il a reçu le Winner du prestigieux Sundance Film Festival, l’un des meilleurs festivals au monde, à mes yeux.

« Evil does not exist. Le mal n’existe pas » *** de Ryūsuke Hamaguchi avec Hitoshi Omika, Ryo Nishikawa, Ayaka Shibutani, Ryūji Kosaka, etc. Durée : 1h46’

Un film magnifique qui est revenu de la dernière Mostra de Venise auréolé du Grand prix du Jury. Takumi et sa petite fille Hana mènent dans un village une vie modeste, en harmonie avec leur environnement. Le projet de construction d’un camping glamour dans le parc naturel voisin va mettre en danger l’équilibre écologique du site. Écrire cela ou rien revient au même, tant ce film plein de grâce vous enveloppe dans un mystère nimbé par la beauté versus cruauté de cette nature, la douceur des rapports père-fille (qui lui enseigne e.a. le nom des arbres), l’avidité des gens de la ville et la fable politique qui se cache derrière.

A quoi reconnait-on parfois un grand film ? Peut-être à la capacité de nous faire voyager jusqu’à cette conclusion fantastique, ouverte qui laisse à chacun son interprétation, sa liberté de spectateur.

L’enthousiasme qui est le mien est partagé unanimement par la critique d’un film qui est vraiment du cinéma dans sa plus belle expression. Il y a des décors, une petite ville, des forêts ; des espaces filmés avec une attention et un intelligence incroyables, construits sur un scénario qui ne cesse de progresser par surprises pour nous, les spectateurs.

Voilà un film tout à fait étonnant avec un dénouement à la hauteur dont évidemment, je ne vous dirai rien sauf qu’il m’a beaucoup plu. J’en profite pour vous raconter que mes enfants que j’ai amenés au cinéma dès leur plus jeune âge (ils ne savaient pas encore lire, juste marcher) m’ont confié plus tard qu’ils ont été profondément marqués par ce genre de fin qui les laissaient toujours sur leur faim, ne sachant comment comprendre et interpréter cela. Vive l’imagination ! En effet, le cinéma d’auteur termine rarement en happy ending… 

Je n’ai pas encore évoqué la musique de Eiko Ishibashi qui avait aussi écrit celle de « Drive my car », une belle musique omniprésente.

Voilà donc un récit plein d’humanité sur nous, les autres et la nature avec un certain nombre d’avertissements qui font toujours du bien à voir et à entendre.

Et enfin, un titre aussi troublant que le film…

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« Evil does not exist. Le mal n’existe pas » *** de Ryūsuke Hamaguchi avec Hitoshi Omika, Ryo Nishikawa, Ayaka Shibutani, Ryūji Kosaka, etc. Durée : 1h46’

Un film magnifique qui est revenu de la dernière Mostra de Venise auréolé du Grand prix du Jury. Takumi et sa petite fille Hana mènent dans un village une vie modeste, en harmonie avec leur environnement. Le projet de construction d’un camping glamour dans le parc naturel voisin va mettre en danger l’équilibre écologique du site. Écrire cela ou rien revient au même, tant ce film plein de grâce vous enveloppe dans un mystère nimbé par la beauté versus cruauté de cette nature, la douceur des rapports père-fille (qui lui enseigne e.a. le nom des arbres), l’avidité des gens de la ville et la fable politique qui se cache derrière.

A quoi reconnait-on parfois un grand film ? Peut-être à la capacité de nous faire voyager jusqu’à cette conclusion fantastique, ouverte qui laisse à chacun son interprétation, sa liberté de spectateur.

L’enthousiasme qui est le mien est partagé unanimement par la critique d’un film qui est vraiment du cinéma dans sa plus belle expression. Il y a des décors, une petite ville, des forêts ; des espaces filmés avec une attention et un intelligence incroyables, construits sur un scénario qui ne cesse de progresser par surprises pour nous, les spectateurs.

Voilà un film tout à fait étonnant avec un dénouement à la hauteur dont évidemment, je ne vous dirai rien sauf qu’il m’a beaucoup plu. J’en profite pour vous raconter que mes enfants que j’ai amenés au cinéma dès leur plus jeune âge (ils ne savaient pas encore lire, juste marcher) m’ont confié plus tard qu’ils ont été profondément marqués par ce genre de fin qui les laissaient toujours sur leur faim, ne sachant comment comprendre et interpréter cela. Vive l’imagination ! En effet, le cinéma d’auteur termine rarement en happy ending… 

Je n’ai pas encore évoqué la musique de Eiko Ishibashi qui avait aussi écrit celle de « Drive my car », une belle musique omniprésente.

« Maria Montessori. La Nouvelle femme » *** de Léa Todorov avec Leila Bekhti, Jasmine Trenca, Nancy Huston, Agathe Bonitzer, Sébastien Poudéroux, Pietro Ragusa, etc. Durée : 1h39’

Les origines de la méthode Montessori abordée sous l’angle d’une rencontre imaginaire entre deux mères honteuses qui, à première vue n’ont rien en commun sauf d’avoir toutes les deux abandonné un enfant : l’une parce que sa fille souffre d’un handicap mental impossible à assumer pour une élégante courtisane parisienne  et l’autre, la future célèbre médecin italienne qui a placé son fils en nourrice, un fils qu’elle n’a pas pu reconnaître, refusant de se marier avec le père et collègue médecin.

Un premier film remarquable qui raconte les débuts de cette méthode pionnière où l’amour joue sans doute le plus grand rôle. Une méthode basée e.a. sur le connu, le vécu, l’intuition, le plaisir, l’exercice des sens qui fera son chemin, petit à petit, un peu partout dans le monde. Maria Montessori a en effet commencé avec les enfants catégorisés ‘idiots’.

Soulignons que l’un des points forts du film est celui d’avoir engagé pour le faire des jeunes réellement neuro atypiques.

Le sujet évidemment passionnant sur tous les plans est servi par des actrices exceptionnelles et ces enfants qui en sont les véritables héros. Terriblement touchant. 

“Bolero” d’Anne Fontaine avec Raphaël Personnaz, Doria Tillier, Jeanne Balibar, Emmanuelle Devos, Vincent Perez, etc. Durée: 2h

Avec un sujet en or – la commande en 1928 de la danseuse Ida Rubinstein de la musique de son prochain ballet à Maurice Ravel en panne d’inspiration -, de bons acteurs, l’un des meilleurs directeurs de la photographie (le Belge Christophe Beaucarne), une réalisatrice franco-luxembourgeoise qu’on ne présente plus (« Coco Chanel » e.a.), le tout était réuni pour nous donner envie de voir ce film sur la genèse d’une œuvre universelle qui est jouée, écoutée, retransmise toutes les 15’ dans le monde ! 

Quelle déception. On baille rapidement d’ennui face à ce récit qui s’étire en longueur sur deux heures, des acteurs au jeu peu naturel qui sont ennuyeux et un scénario mou. Le comble pour une réalisation sur un sujet dont le rythme est bien la caractéristique essentielle.

Vous avez compris que je vous le déconseille. Une fois n’est pas coûtume, heureusement.

« C’e ancora domani » **** de Paola Cortellesi avec Paola Cortellesi, Valerio Mastandrea, Romana Maggiore, Emanuela Fanelli, Vinicio Marchioni, Giorgio Colangeli, Francesco Centorame, Lorenzo Gangarossa, etc. Durée : 118’

Première fois que la grande actrice populaire italienne passe de l’autre côté de la caméra et, vu le succès sans précédent de son film en Italie, l’aventure ne va certainement pas s’arrêter là. Depuis sa sortie fin octobre, « Il reste encore demain » a engrangé plus de 5 millions de spectateurs, dépassant « Oppenheimer » et « Barbie » ! 

En abordant e.a. le thème du machisme dans la péninsule italienne d’après-guerre, à travers l’histoire de l’émancipation féminine, elle a touché la corde sensible de son pays et provoqué débats et discussions, loin d’être anodins. 

Il ne faut pas oublier qu’une jeune fille de 22 ans, Giulia Cecchettin a encore été victime de féminicide en Italie fin novembre 2023…

L’action se passe à Rome en 1946, au lendemain de la guerre, au moment où la république prend forme. Delia, une pauvre mère de famille se dévoue corps et âme à ses trois enfants et son mari, qui la violente sous les yeux révoltés de sa fille aînée, même si elle rêve d’un avenir meilleur.  

C’est le récit d’un drame, à la brillante mise en scène et au rythme passionnant qui aborde des thèmes essentiels tels que le féminisme, le patriarcat et la violence faite aux femmes, tout en laissant place à l’humour. 

On en ressort épaté par une fin à laquelle on ne s’attendait pas du tout.

Je ne peux rien vous dire de plus sauf de ne pas rater le film qui, à raison, est encensé non seulement par la presse italienne mais aussi étrangère.

La salle était comble, dès sa sortie sur les écrans à Bruxelles.   

« Chroniques de Téhéran » ** de Ali Asghari et Alireza Khatami avec Bahman Ark, Arghavan Shabani, etc. Durée : 1h17’

Neuf séquences ou instantanés qui se déroulent l’un à la suite de l’autre, captés à Téhéran à travers les aléas de la vie quotidienne de ses habitants sous un tel régime répressif…  Sans dévoiler l’essentiel, je ne gâche rien en vous disant qu’on assite e.a. à la déclaration de naissance d’un fils par le père à l’administration, les préparatifs de la rentrée scolaire d’une petite fille dans un magasin avec sa mère, la convocation d’une élève par la directrice dans une école, un chômeur dans son entretien d’embauche, une dame qui recherche son chien, etc. pour finir sur le même plan que celui du début avec une ‘surprise’ de taille…

Toutes des petites histoires banales qui en disent long, certainement plus que de longs discours. Édifiant.  

« Bye Bye Tibériade » ** de Lina Soualem avec Hiam Abbass. Durée : 1h22’

Une femme a quitté son village palestinien pour réaliser son rêve : devenir actrice en Europe, laissant derrière elle sa mère, sa grand-mère et ses sept sœurs. Trente ans plus tard sa fille franco-palestino-algérienne, née du deuxième mariage de sa mère avec Zinedine Soualem, français d’origine algérienne, d’abord comédienne comme ses deux parents puis réalisatrice, retourne avec elle sur ce qui reste des lieux, aujourd’hui disparus.

Le film nourri des archives familiales de la plus grande actrice palestinienne Hiam Abbass (écrits, poèmes, photos, vidéos) et historiques explore au moyen de la caméra de sa fille non seulement la mémoire de la famille – quatre générations de femmes palestiniennes – mais encore la féminité, la résistance, les traditions, le déracinement, l’Histoire et… le pardon.

A la fois intime et universel, « Bye Bye Tibériade » nous emmène, au fil des témoignages et des émotions de femmes qui ont appris à tout quitter et à se reconstruire, à comprendre un peu mieux la complexité du Proche-Orient. 

Encore l’un de ces films indispensables dont on ressort touché et plein d’admiration pour le travail sensible et difficile, principalement psychologique, effectué. Et quel vibrant portrait d’une famille.    

« Yallah Gaza » *** un documentaire de Roland Murier. Durée : 1h41’

Disons-le tout de suite : ce genre de film est indispensable pour nous tous qui sommes mal informés de la question palestinienne.

A commencer par Gaza, cette petite bande de terre, ce morceau de territoire palestinien de moins de 500 Km2 où vivent plus de 2 millions de personnes. Unepopulation complètement enfermée depuis 2007 par Israël et régulièrement bombardée, au mépris de toutes les règles de Droit International et conventions des Nations Unies.

Le film rythmé par de nombreux témoignages dans lequel les Palestiniens de Gaza sont mis en perspective avec les analyses de responsables politiques locaux, d’historiens, de journalistes, d’Israéliens, de juristes spécialistes de Palestine/Israël. La parole leur est donnée et ils évoquent dissertent tant de leur quotidien que de géopolitique, de religion, de sionisme, de droit international, bref de tous les éléments nécessaires à la compréhension du vécu de cette société palestinienne et de son environnement particulièrement anxiogène.

Roland Murier nous met sous les yeux la résilience des Gazaouis pour combattre à tout prix le désespoir et nous amène à comprendre pourquoi et comment se transmet, de génération en génération, cette flamme de la culture et de la terre. 

Il cherche à démystifier les préjugés, tordre le cou au ‘prêt à penser’ et témoigner que Gaza est une société normale qui vit dans un environnement totalement anormal.

Tel est le propos du dernier documentaire de cet intéressant réalisateur qui, tourné avant le 7 octobre, tombe dans une actualité aussi effrayante que bouleversante …

« Ferrari » ** de Michael Mann avec Adam Driver, Penelope Cruz, Shailene Woodley, Patrick Dempsey, etc. Durée :  2h10’

Présenté à la dernière Mostra de Venise cet été, le dernier film du célèbre réalisateur hollywoodien (désormais octogénaire) traite de l’histoire du fougueux constructeur Enzo Ferrari, un projet qu’il mûrit en lui depuis longtemps. En choisissant à la suite de Ridley Scott dans l’histoire d’une autre célèbre marque italienne, de mode cette fois-ci, à savoir Gucci, Adam Driver pour incarner le rôle-titre, il a tapé dans le mille. Avec à ses côtés, une femme détruite par la mort de son fils, incarnée par Penelope Cruz confirmant une fois de plus l’actrice exceptionnelle qu’elle est, Mann déroule sous nos yeux à la hauteur de la vitesse de ces bolides et de leurs jeunes pilotes qui prennent tous les risques, cette épopée haute en couleurs où plus d’un y a tragiquement laissé sa peau. 

Le réalisateur a pris beaucoup de soin à filmer les courses en permettant de vivre au spectateur, assis confortablement dans son siège, les sensations uniques avec les montées d’adrénaline qu’elles procurent et qui sont certainement les grandes scènes du film. 

L’histoire est intéressante aussi, surtout abordée sous cet angle-là. Et les plans sont excellents. On y reconnait la patte des grands réalisateurs. Tout en étant peu habituée à ce genre de film, je l’ai beaucoup apprécié. 

Je dois cependant reconnaître que je suis un fan d’Adam Driver depuis ses débuts dans le cinéma d’auteurs et bien que le grimage l’ait rendu presque méconnaissable, sa prestation est brillante.  

« The Zone of Interest » *** de Jonathan Glazer avec Christian Friedel et Sandra Hüller, Johann Karthaus, etc. Durée: 1h45’

La vie privée familiale de Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz dans une grande et belle villa architecturale qui jouxte le camp.

Dans un magnifique jardin fleuri entretenu avec soin et amour par sa femme qui élève ses nombreux enfants, entourée d’un personnel nombreux, on ne voit jamais rien du camp et des horreurs qui s’y passent mais on devine les bruits en sourdine, lancinants, insupportables auxquels on finit même par s’habituer…

Le réalisateur britannique (1965, Londres) qui n’avait plus fait de film depuis dix ans nous revient avec ce film glaçant, tiré d’un roman du même nom de l’écrivain britannique Martin Amis où il a non seulement mis de belles images qui sont celles du point de vue de ceux qui sont du ‘bon’ côté, servies par une mise en scène au cordeau, d’une facture exceptionnellement froide et clinique sous une tension palpable, de la première à la dernière minute et dans laquelle transparait toute l’inhumanité des nazis. 

Un film unique en son genre où l’on voit se dérouler sous nos yeux, tels des complices passifs, la vie d’un homme qui fait juste son boulot, si… l’on ne connaissait pas l’Histoire qui se cache derrière.

Un chef-d’œuvre effrayant dans lequel le réalisateur a particulièrement soigné la bande-son qui est sans doute l’un des points d’orgue du film. Et un long métrage choc honoré du Grand Prix au dernier Festival de Cannes. Notez que Sandra Hüller, l’actrice principale est aussi la protagoniste d’« Anatomie d’une chute », la Palme d’or.  

« Green Border » **** d’Agnieszka Holland avec Jalal Altawil, Maja Ostaszewska, Tomasz Wlosok, Behi Djanati Atai, Jasmina Polak, etc. Durée : 2h32’

Ayant fui la guerre, une famille syrienne entreprend un éprouvant périple pour rejoindre la Suède où les attend un parent, à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, synonyme d’entrée dans l’Europe. Ils se trouvent embourbés avec des dizaines d’autres familles dans une zone marécageuse dangereuse au cœur d’une forêt polonaise (si belle vue de haut…), à la merci des militaires aux méthodes violentes. Ils réalisent petit à petit qu’ils sont les otages malgré eux d’une situation qui les dépasse. Nous sommes en Europe, crient-ils, mais l’Europe n’est plus un refuge. L’errance, le désespoir, l’horreur et le courage filmé en noir et blanc.

Prix spécial de la dernière Mostra de Venise l’année dernière, ce film percutant réalisé par une cinéaste engagée, militante et concernée qui filme caméra à l’épaule est inspiré de faits réels. On a l’impression d’être dans un documentaire. 

A la sortie du film dans son pays natal, Agnieszka Holland a d’ailleurs été la cible d’ultraconservateurs qui n’ont évidemment pas aimé ses propos. Elle a envie de tout nous expliquer, tout nous montrer. A raison. Et nous, spectateurs sommes à côté des différents protagonistes : militants, migrants, travailleurs associatifs, humanitaires, garde-frontières, médecins, infirmiers, etc.

C’est un drame aussi terrible qu’invisible, indispensable à nous mettre sous les yeux et… l’un des films les plus durs que j’ai vus de ma vie.

La comparaison avec le film de Matteo Garrone est inévitable : « Io Capitano » traite de la voie maritime des migrants et « Green Border » de la voie terrestre. En n’oubliant pas d’ajouter qu’il s’agit ici d’un déplacement organisé par la Biélorussie à la porte de l’Europe, en accélérant le flux qui révèle les problèmes politiques auxquels sont confrontés les pays frontaliers.

“Past Lives” **** de Céline Song avec Greta Lee, Teo Yoo, John Magaro, Choi Won, Isaac Cole, Kristen Sieh, etc. Durée : 1h46’

Sous le titre français « Nos vies d’avant », la franco-coréenne Céline Song signe un film très attendu aux Oscars.

A 12 ans, Nora et Hae Sung sont amis d’enfance et amoureux platoniques. Les circonstances les séparent. A 20 ans, le hasard les reconnecte pour un temps. A 30 ans, ils se retrouvent adultes, confrontés à ce qu’ils auraient pu être, à ce qu’ils auraient pu devenir. Ont-ils raté toute leur vie ? Quand on sait que l’important pour un film, c’est moins le thème que la façon dont il est traité, « « Past Lives » déroule sous nos yeux une histoire sans doute banale mais sublimée par une peinture des sentiments, tout en finesse et sensibilité avec de surcroît, un portrait d’homme exceptionnel sous les traits de Arthur alias John Magaro, écrivain juif newyorkais que l’héroïne, désireuse d’ouverture au monde et d’indépendance a choisi d’épouser, la meilleure manière pour elle de couper les liens qui l’attachaient encore à son ami d’enfance et à sa culture familiale. Sincèrement je pense que le monde irait mieux s’il y avait plus d’hommes comme celui-ci. Si le film, le premier de Céline Song est si vrai et fort, il faut savoir qu’il est largement inspiré de sa vie, étant elle-même franco-coréenne.

“Priscilla” ** de Sofia Coppola avec Jacob Elordi, Cailee Spaeny, Kamilla Kowal, Dagmara Domińczyk, Tim Post, Jorja Cadence, etc. Durée : 1h50’ 

Dans son 8e film adapté des « Mémoires » de Priscilla Presley, Sofia Coppola dresse le portrait de Priscilla, une adolescente effacée de 14 ans qui fait la connaissance d’Elvis en Allemagne où il fait son service militaire. C’est ensuite une jeune fille qui le rejoint dans sa propriété de Graceland où ils se marient. C’est enfin l’histoire d’une jeune femme qui lentement se réveille de son conte de fées pour prendre sa vie en main. On a évité déjà un biopic de Presley grâce au penchant féministe de la réalisatrice de « Marie-Antoinette » qui lui préfère largement son épouse. Un portrait singulier d’une gamine condamnée à vivre dans l’ombre écrasante de la star qui la délaisse allégrement. Portait aussi d’une pauvre petite fille riche (qui rappelle la jeunesse de la réalisatrice elle-même ?) mais Sofia Coppola la filme avec énormément d’intensité. Cela résonne beaucoup derrière les barreaux de cette prison dorée et d’autant plus qu’elle fait le choix de s’enfuir. C’est sans doute là le plus intéressant. Le tout filmé dans son style à elle, imposé dès son premier film, dans des tons neutres avec peu de lumière sur une bande originale composée par son mari Thomas Mars, chanteur du groupe Phoenix qui a signé la musique de certains de ses films. Soulignons que Caile Spaeny a reçu la coupe Volpi de la meilleure actrice à la dernière Mostra de Venise. 

“Io Capitano”  *** de Matteo Garrone avec Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadogo, etc. Durée : 2h01’

Un xième film sur les migrants autour de Seydou et Moussa, deux jeunes sénégalais âgés de 16 ans qui décident de quitter leur terre natale pour rejoindre l’Europe mais sur leur chemin, rêves et espoirs s’évanouissent au rythme des dangers du périple.

Lion d’argent, meilleur réalisateur à la Mostra de Venise, ce film fait un carton en Italie où je l’ai vu d’ailleurs, 3 mois avant sa sortie en Belgique, un succès dû sans doute à la conjoncture politique de la part d’un public opposé au gouvernement actuel sur la question migratoire. Un propos envisagé sous la forme d’un conte par le réalisateur, une fable humaine racontée sous une forme qui contraste avec le fond douloureux et difficile, à la façon d’un Roberto Benigni sur la Shoah avec le célèbre « La vita è bella »  (1997.) 

De très belles images pleines de couleurs et de poésie pour attirer l’intérêt du spectateur sur un sujet devant lequel il fermerait bien les yeux, sauf pour les politiciens d’extrême droite qui en ont fait leur fer de lance. Le film est en lice pour les Oscars du meilleur film étranger.

“Monster” * de Hirokazu Kore-eda avec Sakura Andô, Eita Nagayama, Soya Kurokawa, etc. Durée: 2h06’

En repartant avec le prix du meilleur scénario au Festival de Cannes pour son dernier long métrage, le cinéaste japonais de 61 ans, connu pour aborder le thème de l’enfance comme nul autre raconte l’histoire d’une mère veuve qui élève seule son fils, tout en s’inquiétant du comportement de plus en plus préoccupant de ce dernier, encore petit garçon. Elle imagine que c’est son nouvel instituteur qui en est responsable. Un scénario construit en 3 temps – celui du point de vue de la mère puis de l’enseignant, ensuite de l’enfant – comme un jeu de piste dont nous, le spectateur devons assembler, au fur et à mesure, les indices.

Bien que Kore-eda traite, par le biais de cette histoire, plusieurs thèmes dont la famille, l’école, les relations enfantines et au-delà, tout un pan de la société japonaise (dont nous ne comprendrons malheureusement jamais grand-chose…) , il n’arrive pas à nous passionner – on a l’impression que le film est tiré en longueur – comme nous l’avions été  e.a. avec « Nobody Knows », sorti il y a déjà 20 ans.

Il n’est jamais trop tôt pour rendre ses enfants cinéphiles et leur faire découvrir l’univers fascinant des salles obscures, dont la taille de l’écran est un facteur majeur. Si je peux donner un conseil aux jeunes parents, Il vaut beaucoup mieux les amener régulièrement au cinéma pendant les vacances et les weekends plutôt que de les laisser traîner sur des smartphones et des tablettes. Les effets sur le cerveau en construction n’ont absolument rien à voir. C’est un long et intéressant débat dont vous trouverez facilement les tenants et les aboutissants en pianotant un peu sur la toile. Si je vous parle de cela, c’est qu’il y a pour le moment des films remarquables pour jeune public, ce qui je vous avoue n’est pas toujours le cas, des films que l’on pourrait même aller voir en tant qu’adultes sans enfants.

La palme revient à « Robot Dreams » *** de Pablo Berger et Sara Varon sur une musique de Alfonso de Villalonga. Durée : 1h41’

Un film d’animation espagnol, sans parole, qui traite de manière sensible et remarquable du thème de l’amitié mais aussi de la séparation et de la reconstruction dans le New York des années 70, avec de multiples références comme par exemple celles à Pierre Etaix, Victor Fleming ou Woody Allen. Il faut dire que le réalisateur avait déjà été remarqué et multi primé pour son film « Blancanieves », sorti en 2012. Le récit adapté d’une BD de Sara Varon intitulée « Rêves de Robot » est doux, sans agressivité, ni violence, ni vulgarité, ni… dialogue !





 

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