« L’Amour ouf » **** de Gilles Lelouche avec Adèle Exarchopoulos, François Civil, Mallory Wanecque, Malik Frikah, Alain Chabat, Benoît Poelvoorde, Elodie Bouchez, Vincent Lacoste, etc. Durée : 161’

Je n’ai pas entre 18 et 24 ans et ne fais donc pas partie du public pour qui ce film est en passe de devenir un film culte…

Et pourtant, j’ai adoré ce drame romantique franco-belge ! Du scénario en passant par la photographie, le jeu époustouflant, criant de vérité des 4 acteurs qui interprètent les deux protagonistes aux différentes étapes de leur vie jusqu’au rythme dont celui des scènes de danse tels des clips vidéo en n’oubliant surtout pas la musique de Cure, etc. j’ai été captivée, impressionnée, touchée par l’intelligence de ce film violent mais réaliste, j’imagine, comme peut être la vie dans les années 80 dans cette région du nord de la France, à cet âge et dans ces conditions sociales là… Alain Chabat y joue un père juste, présent, à l’écoute, juste exceptionnel et Benoit Poelvoorde, égal à lui-même incarne ce rôle comme s’il avait fait cela toute sa vie. 

Dès les premières minutes, on tombe sous le charme, un charme qui opère jusqu’à la fin des 2h41’ de projection sans que l’on se soit même rendu compte de la longueur.

Allez le voir et faites-nous part svp de vos commentaires qui nous intéressent beaucoup. On a rarement une telle qualité de films de ce genre sur nos écrans.

« The Wild Robot » ** film d’animation de Chris Sanders. Durée : 1h42’

Tiré d’un roman homonyme de Peter Brown publié en 2016, l’histoire suit Roz, un robot qui se retrouve accidentellement échoué sur une île inhabitée et qui apprend à coexister avec la nature et les animaux locaux, explorant des thèmes comme l’intelligence artificielle, l’empathie et la relation avec la nature.

Le réalisateur américain Chris Sanders en livre une adaptation émotionnellement puissante et visuellement magnifique, à la croisée de l’humour, de la tendresse et de la profondeur narrative. 

Il enrichit la manière dont on explore la relation entre un robot et la nature dans une forme audiovisuelle attachante, en donnant vie à l’île, aux animaux et aux dilemmes de Roz. 

« Monsieur Aznavour » **** de Mehdi Idir & Grand Corps Malade avec Tahar Rahim, Victor Meutelet, Bastien Bouillon, Redouane Bougheraba, Marie-Julie Baup, Camille Moutawakil, Tigran Mekhitarian, etc. Durée : 2h14’

Biopic très attendu sur la vie du célèbre chanteur français Charles Aznavour. Mettant en lumière le parcours d’un artiste complexe et déterminé, le film adopte une structure chronologique qui permet de retracer les étapes marquantes de sa carrière. Un choix de narration linéaire aussi classique que séduisant.

Le véritable atout du film est l’interprétation de Tahar Rahim, dont la prestation intense est unanimement saluée. Rahim parvient à capturer non seulement la voix unique d’Aznavour mais encore ses gestes et expressions scéniques, offrant un portrait authentique et touchant.

Il est entouré par un casting solide, notamment Marie-Julie Baup dans le rôle d’Édith Piaf, plus vraie que nature !

J’ai adoré cet hommage sincère et respectueux ce qui ne m’a pas empêchée de me demander s’il ne manquait pas peut-être de nuances pour offrir un point de vue vraiment singulier sur l’artiste ?  

« Anora » * de Sean Baker avec Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Youri Borissov, Ivy Wolk, Vache Tovmasyan, Daria Ekamasova, Lindsey Normington, etc. Durée : 2h19’

Palme d’Or à Cannes pour cette comédie dramatique atypique explorant la vie d’Ani, une danseuse de New York qui se retrouve mariée au fils d’un oligarque russe.

« Anora » combine un regard critique sur l’illusion du rêve américain avec un style proche de la comédie romantique, teintée de tensions sociales et culturelles. La relation complexe entre Ani et son époux Ivan sert de trame principale, mais Baker dépeint aussi les personnages secondaires, comme les gardes russes plus humains et vulnérables que de simples stéréotypes, ce qui souligne le réalisme cher au réalisateur américain. 

Une approche visuelle propre et une attention aux détails sociaux donnent vie à des personnages marginaux, tout en remettant en question les préjugés culturels et économiques. L’interprétation de Mikey Madison dans le rôle d’Ani et la richesse émotionnelle du film ont marqué les critiques, qui y voient un hommage à des réalisateurs classiques, tout en traitant des thèmes modernes et poignants. Personnellement, je suis moins enthousiaste et me demande s’il est intéressant de donner la Palme d’Or à un tel film ?

Nous voilà en tous cas face à une « Pretty Woman » dans une peinture nettement plus réaliste d’un monde qui a bien changé en presque 35 ans et dont les codes sont peut-être encore plus durs ?

“Bambi : l’histoire d’une vie dans les bois” ** de Michel Fessler. Durée : 1h17’

Adaptation inspirée du roman de Felix Salten qui revisite le classique avec une sensibilité contemporaine, le film met en scène la vie du jeune faon Bambi, explorant les joies et les dangers de la forêt avec une approche plus réaliste et naturaliste que le film d’animation de Disney.

Michel Fessler adopte une mise en scène sobre et poétique, mettant en avant les cycles de la vie et les interactions subtiles entre les animaux et leur environnement.

Contrairement à la version animée, cette adaptation se concentre davantage sur le réalisme des comportements animaliers et la lutte pour la survie. L’atmosphère du film est parfois plus sombre, soulignant les menaces que peuvent représenter les humains pour la faune. 

Au moyen d’une narration lente et contemplative, racontée avec simplicité et sensibilité par Mylène Farmer et d’une photographie exceptionnelle, le réalisateur nous immerge tant dans la beauté que dans la cruauté de la nature. Une approche dont le rythme est peut-être plus difficile à suivre pour un public habitué à des récits plus enlevés et dynamiques ?

En bref, voici une interprétation fidèle et émouvante du roman de Salten, mettant en lumière la fragilité de la vie sauvage, tout en célébrant sa résilience. J’y ai vu une œuvre qui incite à la réflexion sur notre rapport avec la nature, en harmonie avec le temps que nous devons tous, sans exception, absolument prendre aujourd’hui face aux défis environnementaux…

A mettre devant tous les yeux de 3 à 93 ans ! 

« Emilia Perez » de Jacques Audiard avec Karla Sofia Gascón, Zoe Saldana, Selena Gomez, Edgar Ramirez, Adriana Paz, etc. Durée : 2h10’

Il est rare que je me laisse convaincre d’aller voir un film qui ne me dit rien, surtout quand il a un grand battage médiatique et… malgré une critique (presque) unanimement positive ! 

Dieu mal m’en a pris. J’aurais pu éviter de perdre plus de 2h de temps précieux où dès les 10 premières minutes, j’ai senti que le pilule ne passerait pas. J’étais prête à partir mais je n’étais pas seule. Je suis donc restée patiemment et difficilement, je l’avoue, assise sur mon siège à voir se dérouler cette comédie latino sous mes yeux ébahis de montrer au grand public une telle image du Mexique. Et le film n’a fait que s’enfoncer car le début n’était encore rien par rapport à la fin …

Je m’explique : j’ai vu un genre de comédie musicale avortée, un scénario qui tient en une ligne et qui, dès qu’on en connait le sujet n’apporte plus rien en substance, nada, des acteurs qui surjouent, une peinture tellement peu nuancée du plus extraordinaire, intéressant et complexe pays d’Amérique latine qui surfe de cliché en cliché (violence et corruption en tête) et j’en passe…

Je n’ai vu que de la forme sans la moindre analyse de fond et j’en suis ressortie en me disant, combien il faut être prudent, en tant qu’étranger, quand on aborde des pays dont on n’a qu’une vision limitée et superficielle. Je ne connais pas personnellement la vie de Jacques Audiard, fils de Michell, l’un des plus grands réalisateur et dialoguiste français, mais là, excusez-moi, 14 ans ont passé et il n’est plus le « Prophète »… Quand je pense que Cannes l’a suivi dans ce triste délire cinématographique, je m’en remets encore moins.

Je suis franchement désolée pour les très nombreux spectateurs qui ont aimé « Emilia Perez » et le portent aux nues.

« Quand vient l’automne » *** de François Ozon avec Hélène Vincent, Ludivine Sagnier, Pierre Lottin, Josiane Balasko, Sophie Guillemin, Malik Zidi, etc. Durée : 1h42’

Même si l’on s’est habitué au fil des années au style particulier du cinéaste français, le plaisir à la sortie de chacun de ses films reste intact. Une facture classique, une histoire (presque) banale, une photographie soignée, un choix judicieux d’acteurs qui collent incroyablement chacun à leur rôle, une psychologie omniprésente, une morale aussi complexe qu’intéressante, etc.

Sans vous en dévoiler la trame, le dernier opus de François Ozon qui traite d’un sujet difficile à savoir le 3e âge avec tout ce qu’il traîne derrière lui, nous a séduits, touchés, émus.

Hélène Vincent et Pierre Lottin portent littéralement le film sur leurs épaules, interprétant ces rôles, ô combien difficiles avec un talent exceptionnel. 

Un film fin, sensible, intelligent à voir. Du vrai cinéma comme on aime.

« Le comte de Monte-Cristo » **** d’Alexandre de La Patellière & Matthieu Delaporte avec Pierre Niney, Anaïs Demoustier, Laurent Laffitte, Anamaria Vartolomei, Vassili Schneider, Pierfrancesco Favino, Julien De Saint Jean, Julie de Bona, Bastien Bouillon, Patrick Mille, Oscar Lesage, etc. Durée : 2h58’

Le film adapte le chef-d’œuvre d’Alexandre Dumas en modernisant subtilement certains aspects, tout en restant fidèle à l’esprit de vengeance, de justice et de rédemption du roman. Pierre Niney incarne Edmond Dantès, un marin jeune et ambitieux injustement accusé de trahison par ses rivaux et condamné à la prison. Après des années de captivité et des épreuves à la prison du Château d’If, Dantès s’échappe et se réinvente sous l’identité du mystérieux comte de Monte-Cristo, pour mener une implacable revanche contre ceux qui l’ont trahi.

Le pari de confier à Pierre Niney le rôle d’Edmond Dantès était audacieux et il s’avère être un choix judicieux. Niney, connu pour son élégance et sa capacité à jouer des rôles intenses se révèle digne de la Comédie Française. Il incarne parfaitement, avec son talent habituel, l’évolution du personnage : du jeune homme naïf et amoureux, il se transforme en un aristocrate froid et calculateur. Navigant habilement entre la vulnérabilité d’un homme brisé par la trahison et la force implacable d’un homme déterminé à se venger, Il ajoute une nuance de fragilité dans cette métamorphose, ce qui rend, malgré sa soif de vengeance, son Monte-Cristo humain.

Anaïs Demoustier, dans le rôle de Mercédès, apporte une sensibilité touchante. Elle interprète une femme déchirée entre son amour pour Dantès et son mariage malheureux avec Fernand. Elle brille dans les scènes de confrontation, où son désespoir est palpable et donne à son personnage une profondeur émotionnelle qui contraste bien avec le personnage plus stoïque de Niney.

Vassili Schneider en tant que Fernand Mondego, futur comte de Morcef, se révèle être un antagoniste charismatique et nuancé. Plutôt que de jouer un simple vilain, Schneider dote Fernand d’un sentiment de culpabilité et de regret, ce qui le rend plus complexe. Il est le contrepoint idéal à Dantès, et leurs scènes ensemble sont électriques, surtout dans la confrontation finale, où les motivations de chacun sont mises à nu.

Laurent Laffitte, en tant que procureur Gérard de Villefort livre une belle performance aussi terrible que glaciale.

Les réalisateurs apportent une approche contemporaine à l’esthétique du film tout en conservant l’aspect dramatique de l’époque. La photographie est somptueuse, avec des décors qui capturent à merveille le luxe ostentatoire de la nouvelle vie de Monte-Cristo. L’atmosphère pesante de la prison, où l’on voit un Dantès désespéré contraste fortement avec la lumière froide des salons dorés où il orchestre sa vengeance. Les scènes d’action, bien que peu nombreuses, sont filmées avec une grande précision, offrant une tension palpable sans pour autant surcharger le film.

La Patellière & Delaporte livrent une approche plus psychologique de l’histoire, ce qui leur permet d’approfondir les thèmes de la trahison, de la loyauté et du sacrifice qui donnent une version plus personnelle à cette grande fresque. 

Ce « comte de Monte-Cristo » revisité par Pierre Niney et Anaïs Demoustier est une flamboyante réussite à plusieurs égards. En s’attachant à l’aspect humain de la vengeance et à la complexité émotionnelle des personnages, le film parvient à renouveler une œuvre classique sans trahir l’essence du roman. Le jeu des acteurs, notamment celui de Niney est la clé de cette réinvention.

Un film hors du commun, pur joyau cinématographique incontournable, à voir de toute urgence (si ce n’est déjà fait) pour redécouvrir cette histoire intemporelle sous un nouveau prisme plus intimiste et actuel. Une réussite totale !

J’en suis sortie, le cœur battant d’émotion sans même me rendre compte de la durée tant j’étais absorbée par l’histoire, le jeu des acteurs, bref la magie d’un cinéma, osons le mot, exceptionnel.  

« Beetlejuice Beetlejuice »***  de Tim Burton avec Michael Keaton, Winona Ryder, Jenna Ortega, Monica Bellucci, Arthur Conti, Willem Dafoe, Justin Theroux, etc. Durée : 1h44’

L’univers de Tim Burton est vraiment unique. Il a un style très reconnaissable avec son mélange d’esthétique gothique, d’humour noir et de fantaisie. Le fait d’avoir vu l’exposition qui lui était consacrée l’année dernière à Tour & Taxis à Bruxelles, d’avoir été immergée dans cet univers avant de voir le film a été une expérience très enrichissante.

“Beetlejuice” sorti en 1988 est un classique de la comédie fantastique qui mélange habilement l’humour noir et le surnaturel. C’est un chef-d’œuvre déjanté, avec Michael Keaton dans le rôle du personnage excentrique, un peu effrayant, aussi loufoque que détestable, mais difficile à oublier. 

Son interprétation du bio-exorciste chaotique et malfaisant est mémorable. Les décors et effets spéciaux étaient ingénieux pour l’époque. Le style visuel et l’approche unique de Tim Burton en ont fait un film culte.

Tant les critiques que le public attendaient beaucoup de cette suite, notamment en ce qui concerne le retour de Michael Keaton dans le rôle-titre. L’esthétique et l’humour noir de Burton ont marqué une époque, et le nouvel opus a su capter l’essence du premier, tout en apportant une touche de modernité. Le premier film posait les bases du personnage de Beetlejuice – cet esprit farfelu – et de son monde caractéristique. Plus léger que le second, avec un côté très burlesque et absurde, il capturait parfaitement l’esprit de Burton des années 80.

Si l’on compare les deux films, on remarquera sûrement l’évolution des techniques visuelles, mais aussi la manière dont Burton traite ses personnages avec sans doute plus de profondeur aujourd’hui.

Quel univers aussi grotesque qu’hilarant et créatif. J’y ai même vu des références picturales à Chagall, Dali et bien d’autres.

Une comédie noire très séduisante au charme bien particulier…

« Songs of Earth » *** documentaire norvégien réalisé par Margreth Olin en 2023. Durée : 1h31’

Ce film plonge les spectateurs dans les paysages majestueux de la Norvège, tout en explorant des thèmes profonds liés à la nature, au passage du temps et à l’héritage familial. Esthétique et réflexion philosophique s’entrelacent.

Dès les premières minutes, on est séduit par sa beauté visuelle. La caméra d’Olin capture les vastes panoramas de montagnes enneigées, de fjords majestueux et de forêts denses, révélant la grandeur et la sérénité de ces paysages. Chaque plan semble être une œuvre d’art, exploitant la lumière naturelle et le contraste des éléments pour créer une immersion sensorielle. Une maîtrise du visuel qui donne au film une dimension presque méditative, proche de la contemplation.

La réalisatrice parvient à faire plus qu’une simple célébration de la nature : elle présente cette dernière comme un personnage à part entière, à la fois protecteur et indifférent au passage du temps. Le soin apporté à la mise en scène et à la cinématographie en fait un hommage émouvant aux forces naturelles qui façonnent non seulement le paysage mais encore l’âme humaine.

Ce qui distingue « Songs of Earth » d’autres documentaires sur la nature, c’est son ancrage personnel et familial. Margreth Olin explore à travers ce film son propre lien à sa terre natale, en particulier à travers la figure de ses ancêtres et de sa famille. Il ne s’agit pas seulement d’un regard extérieur sur un environnement grandiose, mais encore d’une exploration sur la manière dont cette terre a façonné plusieurs générations.

Le film parvient ainsi à être intimiste tout en abordant des thèmes universels tels que la transmission intergénérationnelle, la mortalité et l’attachement aux racines. Les moments où Olin s’adresse directement à sa famille ou évoque ses souvenirs donnent au documentaire une profondeur émotionnelle touchante, en écho à l’immensité des paysages naturels.

Au-delà de sa dimension visuelle et familiale, « Songs of Earth » est aussi une réflexion philosophique sur le temps qui passe. La nature est ici le témoin silencieux des générations qui se succèdent, des vies qui naissent et s’éteignent. Olin fait un parallèle subtil entre la pérennité des paysages et la fragilité de l’existence humaine. Je pense que sa lenteur renforce cette idée de temporalité étendue et invite à une introspection sur notre propre place dans ce cycle perpétuel.

Le film de Margreth Olin ne cherche pas à divertir, mais plutôt à émouvoir et à faire réfléchir.

Remarquable.

« Goodbye Julia » **** de Mohamed Kordofani avec Eiman Yousif, Siran Riak, Nazar Goma, etc. Durée : 2h05’

Le premier long métrage du réalisateur (et ingénieur en aéronautique) soudanais qui plonge dans les réalités complexes et souvent douloureuses du Soudan est poignant.

Tout d’abord, sa force réside dans sa capacité à aborder des thèmes lourds tels que les divisions ethniques et les tensions sociales, tout en conservant une sensibilité et une humanité qui résonnent encore longtemps après que la fin du film. Kordofani réussit à créer un tableau saisissant de la société soudanaise, en mettant en lumière les conséquences des conflits ethniques sur les vies individuelles et les dynamiques familiales.

Les personnages sont complexes et multidimensionnels, ce qui permet au spectateur de s’immerger totalement dans leurs expériences et leurs émotions. Le personnage principal, Julia, incarne la lutte intérieure entre la loyauté envers sa famille et la quête de justice et de réconciliation. Cette dualité est dépeinte avec une authenticité qui crée l’empathie.

La réalisation de Kordofani est à la fois sobre et puissante. Il utilise la caméra de manière à capturer non seulement les paysages physiques du Soudan, mais aussi les paysages émotionnels de ses personnages. Les scènes sont souvent chargées de symbolisme et de sous-entendus, ce qui nous invite inévitablement à réfléchir aux thèmes abordés. La musique et la photographie complètent cette atmosphère, ajoutant une subtile couche d’émotion.

Cependant le film n’est pas sans défauts : parfois le rythme peut sembler lent, et d’aucuns pourraient trouver que l’histoire met du temps à se développer. De plus, la complexité des relations et des tensions ethniques peut être difficile à suivre pour celui qui n’est pas au faite de l’histoire et la culture soudanaises. Mais cela peut être aussi une force, ajoutant richesse et authenticité au propos.

Bref, “Goodbye Julia” est un film qui mérite d’être vu pour sa peinture honnête et nuancée des réalités soudanaises. Mohamed Kordofani a réussi à créer une œuvre qui est à la fois un cri de douleur et un appel à l’espoir et à la réconciliation. Ce film est marquant, non seulement par son contenu, mais aussi par la manière dont il a été réalisé et interprété. A mes yeux, c’est une œuvre majeure qui nous ouvre d’autres perspectives cinématographiques essentielles.

Notez que, remarqué au Festival de Cannes l’année dernière, il a été présélectionné aux Oscars.

« The Monk and The Gun” **** de Pawo Choyning Dorji avec Tandin Wanghuk, Kelsang Choejay, Deki Lhamo, Pema Zangmo Sherpa, Tandin Sonam, Harry Einhorn, Tandin Phubz, Yuphel Lhendup Selo, etc. Durée : 1h47’

Après “Luana : A Yak in the Classroom”, le réalisateur bhoutanais poursuit son travail de révélation/ transmission des valeurs de sa culture et de ses traditions.

Introspectif et visuellement captivant, il explore les tensions entre tradition et modernité dans le contexte unique du Bhoutan. Dès les premières images, nous sommes transportés dans un univers où le calme spirituel des monastères bouddhistes se heurte aux influences extérieures et aux aspirations contemporaines.

L’un des aspects les plus remarquables de ce film est sa capacité à capturer la beauté sereine des paysages bhoutanais tout en racontant une histoire complexe et émotionnellement riche. La cinématographie est à couper le souffle, chaque cadre semble être soigneusement composé pour mettre en valeur la majesté des montagnes et la quiétude des monastères. Ces images servent de toile de fond à une narration qui, tout en étant ancrée dans une culture spécifique, aborde des thèmes universels.

Les personnages sont bien développés, chacun incarnant un aspect différent des tensions que traverse le pays. Le jeune moine, en particulier, est fascinant. Sa quête spirituelle et son engagement envers la tradition contrastent fortement avec l’arrivée des armes à feu et des influences occidentales. Une dualité présentée avec sensibilité, évitant les jugements simplistes et permettant une exploration nuancée des défis contemporains.

Pawo Choyning Dorji a un talent exceptionnel pour raconter des histoires avec délicatesse. Il alterne intelligemment silence et contemplation, permettant aux moments de réflexion et de méditation d’avoir autant de poids que les scènes plus dramatiques. La bande sonore, discrète tout en étant évocatrice participe à cette atmosphère méditative.

Le rythme est lent et contemplatif : les scènes de méditation et de réflexion, bien que puissantes, paraîtront peut-être un peu trop longues pour certains.

The Monk and The Gun” est une œuvre profondément touchante et intellectuellement stimulante. Pawo Choyning Dorji a réussi à créer un film qui non seulement émeut, mais incite également à la réflexion sur des questions de modernité, et de tradition.

On en sort avec un sentiment de paix, nous rappelant l’importance de trouver un point d’équilibre entre les anciennes sagesses et les nouvelles réalités. 

Une œuvre qui mérite certainement d’être vue et revue.

« Black Tea »*** de Abderrahmane Sissako avec Nona Melo, Han Chang, Ke-Xi Wu, Michael Chang, etc. Durée : 1h50’

Le réalisateur malien Abderrahmane Sissako, l’un de mes préférés, est reconnu internationalement pour son travail poignant et son style narratif. Tout en restant ancré dans le contexte africain, son dernier film “Black Tea” ne fait pas exception à la règle, offrant une plongée profonde dans des thèmes universels.

Le film raconte une histoire captivante qui explore les dynamiques sociales et politiques africaines. Plus particulièrement, celle de la communauté africaine établie dans les grandes métropoles chinoise, précisément à Canton. Sujet étonnant car on entend plutôt toujours parler de l’inverse, à savoir la ‘colonisation’ chinoise du continent africain.

Sissako aborde, avec une sensibilité remarquable, des thèmes tels que l’injustice, la résilience et la quête de dignité humaine. Le scénario est à la fois simple et puissant, naviguant entre le quotidien des personnages et les grandes questions existentielles.

Sa réalisation est, comme toujours, empreinte d’une grande finesse. En utilisant des plans larges pour capturer la beauté austère des paysages asiatiques, ici dans les plantations de thé, il crée une atmosphère contemplative qui invite le spectateur à s’immerger dans l’histoire.

La caméra de Sissako est à la fois un observateur distant et un participant empathique, ce qui lui permet de créer un beau lien émotionnel avec ses personnages.

Les acteurs sont remarquables. Chaque personnage est interprété avec authenticité et profondeur ce qui rend l’histoire encore plus crédible. Des acteurs qui, bien que peu connus sur la scène internationale, apportent une réelle dimension à leur rôle.

Avec une bande son, jouant entre mélodies traditionnelles et sons ambiants qui renforcent l’immersion du spectateur dans l’univers du film, le récit est joliment accompagné en musique ; une musique qui reste discrète, tout en ne prenant jamais le pas sur l’action.

« Black Tea” est un film qui invite à la réflexion. Sissako réussit à traiter des sujets complexes avec une subtilité qui évite le didactisme. Comme à son habitude, il met en lumière les réalités difficiles inhérentes à son continent sans tomber dans le piège de la victimisation : ses personnages sont peints avec une dignité et une humanité touchantes.

En bref, un film puissant et émouvant qui témoigne du talent exceptionnel d’Abderrahmane Sissako en tant que conteur et réalisateur. Sa capacité à aborder des thèmes profonds avec une telle élégance et sensibilité fait de ce film une œuvre à la fois universelle et intimement africaine. Des films qui sont toujours très enrichissants.

« Radical »**** de Christopher Zalla avec Eugenio Derbez, Daniel Haddad, Jennifer Trejo, etc. Durée : 2h05’

Oeuvre cinématographique unique et captivante, « Radical » explore les défis sociétaux et individuels avec beaucoup d’empathie. L’histoire, basée sur des faits réels se déroule dans une école de Matamoros, une ville frontalière mexicaine de l’État de Tamaulipas.

Fort d’un Master Fine Arts avec mention de Columbia, Christopher Zalla est un réalisateur kenyan d’une cinquantaine d’années qui vit à New York et dont le premier film, sorti en 2009, « Padre Nuestro » avait déjà obtenu le Prix Spécial du Jury à Sundance.

En nous contant l’histoire d’un professeur hors norme, il réussit à tisser une intrigue qui non seulement nous captive dès les premières minutes mais encore ne faiblit pas jusqu’à la fin. 

Les jeunes acteurs sont incroyables, criants de vérité avec une surprenante profondeur émotionnelle et des dialogues percutants. Avec un jeu convaincant et beaucoup de tact, ils réussissent à transmettre la complexité de leur rôle.

La photographie est visuellement saisissante : les choix de cadrage, l’utilisation de la lumière et des couleurs contribuent à créer une atmosphère immersive qui reflète magistralement ambiance et émotions.

En abordant des thèmes pertinents comme les inégalités sociales, la résilience, et la quête de justice, le film ne se contente pas de divertir, il pousse également à la réflexion et suscite des discussions sur des questions incontournables qui résonnent avec les réalités contemporaines tels que l’enseignement, la pédagogie, le respect, la violence, et j’en passe. Certaines scènes sont tellement touchantes que j’en ai pleuré plusieurs fois… 

« Radical » est un film puissant. Ne le ratez pas ! Un film avec un tel impact sur les questions contemporaines, au-delà du contexte où il est tourné, est rare. Il mérite plus que d’être vu. Il faut en parler autour de soi, le montrer dans les écoles, les universités. C’est un chef-d’œuvre à tous points de vue !  

Notez qu’il a reçu le Winner du prestigieux Sundance Film Festival, l’un des meilleurs festivals au monde, à mes yeux.

« Evil does not exist. Le mal n’existe pas » *** de Ryūsuke Hamaguchi avec Hitoshi Omika, Ryo Nishikawa, Ayaka Shibutani, Ryūji Kosaka, etc. Durée : 1h46’

Un film magnifique qui est revenu de la dernière Mostra de Venise auréolé du Grand prix du Jury. Takumi et sa petite fille Hana mènent dans un village une vie modeste, en harmonie avec leur environnement. Le projet de construction d’un camping glamour dans le parc naturel voisin va mettre en danger l’équilibre écologique du site. Écrire cela ou rien revient au même, tant ce film plein de grâce vous enveloppe dans un mystère nimbé par la beauté versus cruauté de cette nature, la douceur des rapports père-fille (qui lui enseigne e.a. le nom des arbres), l’avidité des gens de la ville et la fable politique qui se cache derrière.

A quoi reconnait-on parfois un grand film ? Peut-être à la capacité de nous faire voyager jusqu’à cette conclusion fantastique, ouverte qui laisse à chacun son interprétation, sa liberté de spectateur.

L’enthousiasme qui est le mien est partagé unanimement par la critique d’un film qui est vraiment du cinéma dans sa plus belle expression. Il y a des décors, une petite ville, des forêts ; des espaces filmés avec une attention et un intelligence incroyables, construits sur un scénario qui ne cesse de progresser par surprises pour nous, les spectateurs.

Voilà un film tout à fait étonnant avec un dénouement à la hauteur dont évidemment, je ne vous dirai rien sauf qu’il m’a beaucoup plu. J’en profite pour vous raconter que mes enfants que j’ai amenés au cinéma dès leur plus jeune âge (ils ne savaient pas encore lire, juste marcher) m’ont confié plus tard qu’ils ont été profondément marqués par ce genre de fin qui les laissaient toujours sur leur faim, ne sachant comment comprendre et interpréter cela. Vive l’imagination ! En effet, le cinéma d’auteur termine rarement en happy ending… 

Je n’ai pas encore évoqué la musique de Eiko Ishibashi qui avait aussi écrit celle de « Drive my car », une belle musique omniprésente.

Voilà donc un récit plein d’humanité sur nous, les autres et la nature avec un certain nombre d’avertissements qui font toujours du bien à voir et à entendre.

Et enfin, un titre aussi troublant que le film…

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« Evil does not exist. Le mal n’existe pas » *** de Ryūsuke Hamaguchi avec Hitoshi Omika, Ryo Nishikawa, Ayaka Shibutani, Ryūji Kosaka, etc. Durée : 1h46’

Un film magnifique qui est revenu de la dernière Mostra de Venise auréolé du Grand prix du Jury. Takumi et sa petite fille Hana mènent dans un village une vie modeste, en harmonie avec leur environnement. Le projet de construction d’un camping glamour dans le parc naturel voisin va mettre en danger l’équilibre écologique du site. Écrire cela ou rien revient au même, tant ce film plein de grâce vous enveloppe dans un mystère nimbé par la beauté versus cruauté de cette nature, la douceur des rapports père-fille (qui lui enseigne e.a. le nom des arbres), l’avidité des gens de la ville et la fable politique qui se cache derrière.

A quoi reconnait-on parfois un grand film ? Peut-être à la capacité de nous faire voyager jusqu’à cette conclusion fantastique, ouverte qui laisse à chacun son interprétation, sa liberté de spectateur.

L’enthousiasme qui est le mien est partagé unanimement par la critique d’un film qui est vraiment du cinéma dans sa plus belle expression. Il y a des décors, une petite ville, des forêts ; des espaces filmés avec une attention et un intelligence incroyables, construits sur un scénario qui ne cesse de progresser par surprises pour nous, les spectateurs.

Voilà un film tout à fait étonnant avec un dénouement à la hauteur dont évidemment, je ne vous dirai rien sauf qu’il m’a beaucoup plu. J’en profite pour vous raconter que mes enfants que j’ai amenés au cinéma dès leur plus jeune âge (ils ne savaient pas encore lire, juste marcher) m’ont confié plus tard qu’ils ont été profondément marqués par ce genre de fin qui les laissaient toujours sur leur faim, ne sachant comment comprendre et interpréter cela. Vive l’imagination ! En effet, le cinéma d’auteur termine rarement en happy ending… 

Je n’ai pas encore évoqué la musique de Eiko Ishibashi qui avait aussi écrit celle de « Drive my car », une belle musique omniprésente.

« Maria Montessori. La Nouvelle femme » *** de Léa Todorov avec Leila Bekhti, Jasmine Trenca, Nancy Huston, Agathe Bonitzer, Sébastien Poudéroux, Pietro Ragusa, etc. Durée : 1h39’

Les origines de la méthode Montessori abordée sous l’angle d’une rencontre imaginaire entre deux mères honteuses qui, à première vue n’ont rien en commun sauf d’avoir toutes les deux abandonné un enfant : l’une parce que sa fille souffre d’un handicap mental impossible à assumer pour une élégante courtisane parisienne  et l’autre, la future célèbre médecin italienne qui a placé son fils en nourrice, un fils qu’elle n’a pas pu reconnaître, refusant de se marier avec le père et collègue médecin.

Un premier film remarquable qui raconte les débuts de cette méthode pionnière où l’amour joue sans doute le plus grand rôle. Une méthode basée e.a. sur le connu, le vécu, l’intuition, le plaisir, l’exercice des sens qui fera son chemin, petit à petit, un peu partout dans le monde. Maria Montessori a en effet commencé avec les enfants catégorisés ‘idiots’.

Soulignons que l’un des points forts du film est celui d’avoir engagé pour le faire des jeunes réellement neuro atypiques.

Le sujet évidemment passionnant sur tous les plans est servi par des actrices exceptionnelles et ces enfants qui en sont les véritables héros. Terriblement touchant. 

“Bolero” d’Anne Fontaine avec Raphaël Personnaz, Doria Tillier, Jeanne Balibar, Emmanuelle Devos, Vincent Perez, etc. Durée: 2h

Avec un sujet en or – la commande en 1928 de la danseuse Ida Rubinstein de la musique de son prochain ballet à Maurice Ravel en panne d’inspiration -, de bons acteurs, l’un des meilleurs directeurs de la photographie (le Belge Christophe Beaucarne), une réalisatrice franco-luxembourgeoise qu’on ne présente plus (« Coco Chanel » e.a.), le tout était réuni pour nous donner envie de voir ce film sur la genèse d’une œuvre universelle qui est jouée, écoutée, retransmise toutes les 15’ dans le monde ! 

Quelle déception. On baille rapidement d’ennui face à ce récit qui s’étire en longueur sur deux heures, des acteurs au jeu peu naturel qui sont ennuyeux et un scénario mou. Le comble pour une réalisation sur un sujet dont le rythme est bien la caractéristique essentielle.

Vous avez compris que je vous le déconseille. Une fois n’est pas coûtume, heureusement.

« C’e ancora domani » **** de Paola Cortellesi avec Paola Cortellesi, Valerio Mastandrea, Romana Maggiore, Emanuela Fanelli, Vinicio Marchioni, Giorgio Colangeli, Francesco Centorame, Lorenzo Gangarossa, etc. Durée : 118’

Première fois que la grande actrice populaire italienne passe de l’autre côté de la caméra et, vu le succès sans précédent de son film en Italie, l’aventure ne va certainement pas s’arrêter là. Depuis sa sortie fin octobre, « Il reste encore demain » a engrangé plus de 5 millions de spectateurs, dépassant « Oppenheimer » et « Barbie » ! 

En abordant e.a. le thème du machisme dans la péninsule italienne d’après-guerre, à travers l’histoire de l’émancipation féminine, elle a touché la corde sensible de son pays et provoqué débats et discussions, loin d’être anodins. 

Il ne faut pas oublier qu’une jeune fille de 22 ans, Giulia Cecchettin a encore été victime de féminicide en Italie fin novembre 2023…

L’action se passe à Rome en 1946, au lendemain de la guerre, au moment où la république prend forme. Delia, une pauvre mère de famille se dévoue corps et âme à ses trois enfants et son mari, qui la violente sous les yeux révoltés de sa fille aînée, même si elle rêve d’un avenir meilleur.  

C’est le récit d’un drame, à la brillante mise en scène et au rythme passionnant qui aborde des thèmes essentiels tels que le féminisme, le patriarcat et la violence faite aux femmes, tout en laissant place à l’humour. 

On en ressort épaté par une fin à laquelle on ne s’attendait pas du tout.

Je ne peux rien vous dire de plus sauf de ne pas rater le film qui, à raison, est encensé non seulement par la presse italienne mais aussi étrangère.

La salle était comble, dès sa sortie sur les écrans à Bruxelles.   

« Chroniques de Téhéran » ** de Ali Asghari et Alireza Khatami avec Bahman Ark, Arghavan Shabani, etc. Durée : 1h17’

Neuf séquences ou instantanés qui se déroulent l’un à la suite de l’autre, captés à Téhéran à travers les aléas de la vie quotidienne de ses habitants sous un tel régime répressif…  Sans dévoiler l’essentiel, je ne gâche rien en vous disant qu’on assite e.a. à la déclaration de naissance d’un fils par le père à l’administration, les préparatifs de la rentrée scolaire d’une petite fille dans un magasin avec sa mère, la convocation d’une élève par la directrice dans une école, un chômeur dans son entretien d’embauche, une dame qui recherche son chien, etc. pour finir sur le même plan que celui du début avec une ‘surprise’ de taille…

Toutes des petites histoires banales qui en disent long, certainement plus que de longs discours. Édifiant.  

« Bye Bye Tibériade » ** de Lina Soualem avec Hiam Abbass. Durée : 1h22’

Une femme a quitté son village palestinien pour réaliser son rêve : devenir actrice en Europe, laissant derrière elle sa mère, sa grand-mère et ses sept sœurs. Trente ans plus tard sa fille franco-palestino-algérienne, née du deuxième mariage de sa mère avec Zinedine Soualem, français d’origine algérienne, d’abord comédienne comme ses deux parents puis réalisatrice, retourne avec elle sur ce qui reste des lieux, aujourd’hui disparus.

Le film nourri des archives familiales de la plus grande actrice palestinienne Hiam Abbass (écrits, poèmes, photos, vidéos) et historiques explore au moyen de la caméra de sa fille non seulement la mémoire de la famille – quatre générations de femmes palestiniennes – mais encore la féminité, la résistance, les traditions, le déracinement, l’Histoire et… le pardon.

A la fois intime et universel, « Bye Bye Tibériade » nous emmène, au fil des témoignages et des émotions de femmes qui ont appris à tout quitter et à se reconstruire, à comprendre un peu mieux la complexité du Proche-Orient. 

Encore l’un de ces films indispensables dont on ressort touché et plein d’admiration pour le travail sensible et difficile, principalement psychologique, effectué. Et quel vibrant portrait d’une famille.    

« Yallah Gaza » *** un documentaire de Roland Murier. Durée : 1h41’

Disons-le tout de suite : ce genre de film est indispensable pour nous tous qui sommes mal informés de la question palestinienne.

A commencer par Gaza, cette petite bande de terre, ce morceau de territoire palestinien de moins de 500 Km2 où vivent plus de 2 millions de personnes. Unepopulation complètement enfermée depuis 2007 par Israël et régulièrement bombardée, au mépris de toutes les règles de Droit International et conventions des Nations Unies.

Le film rythmé par de nombreux témoignages dans lequel les Palestiniens de Gaza sont mis en perspective avec les analyses de responsables politiques locaux, d’historiens, de journalistes, d’Israéliens, de juristes spécialistes de Palestine/Israël. La parole leur est donnée et ils évoquent dissertent tant de leur quotidien que de géopolitique, de religion, de sionisme, de droit international, bref de tous les éléments nécessaires à la compréhension du vécu de cette société palestinienne et de son environnement particulièrement anxiogène.

Roland Murier nous met sous les yeux la résilience des Gazaouis pour combattre à tout prix le désespoir et nous amène à comprendre pourquoi et comment se transmet, de génération en génération, cette flamme de la culture et de la terre. 

Il cherche à démystifier les préjugés, tordre le cou au ‘prêt à penser’ et témoigner que Gaza est une société normale qui vit dans un environnement totalement anormal.

Tel est le propos du dernier documentaire de cet intéressant réalisateur qui, tourné avant le 7 octobre, tombe dans une actualité aussi effrayante que bouleversante …

« Ferrari » ** de Michael Mann avec Adam Driver, Penelope Cruz, Shailene Woodley, Patrick Dempsey, etc. Durée :  2h10’

Présenté à la dernière Mostra de Venise cet été, le dernier film du célèbre réalisateur hollywoodien (désormais octogénaire) traite de l’histoire du fougueux constructeur Enzo Ferrari, un projet qu’il mûrit en lui depuis longtemps. En choisissant à la suite de Ridley Scott dans l’histoire d’une autre célèbre marque italienne, de mode cette fois-ci, à savoir Gucci, Adam Driver pour incarner le rôle-titre, il a tapé dans le mille. Avec à ses côtés, une femme détruite par la mort de son fils, incarnée par Penelope Cruz confirmant une fois de plus l’actrice exceptionnelle qu’elle est, Mann déroule sous nos yeux à la hauteur de la vitesse de ces bolides et de leurs jeunes pilotes qui prennent tous les risques, cette épopée haute en couleurs où plus d’un y a tragiquement laissé sa peau. 

Le réalisateur a pris beaucoup de soin à filmer les courses en permettant de vivre au spectateur, assis confortablement dans son siège, les sensations uniques avec les montées d’adrénaline qu’elles procurent et qui sont certainement les grandes scènes du film. 

L’histoire est intéressante aussi, surtout abordée sous cet angle-là. Et les plans sont excellents. On y reconnait la patte des grands réalisateurs. Tout en étant peu habituée à ce genre de film, je l’ai beaucoup apprécié. 

Je dois cependant reconnaître que je suis un fan d’Adam Driver depuis ses débuts dans le cinéma d’auteurs et bien que le grimage l’ait rendu presque méconnaissable, sa prestation est brillante.  

« The Zone of Interest » *** de Jonathan Glazer avec Christian Friedel et Sandra Hüller, Johann Karthaus, etc. Durée: 1h45’

La vie privée familiale de Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz dans une grande et belle villa architecturale qui jouxte le camp.

Dans un magnifique jardin fleuri entretenu avec soin et amour par sa femme qui élève ses nombreux enfants, entourée d’un personnel nombreux, on ne voit jamais rien du camp et des horreurs qui s’y passent mais on devine les bruits en sourdine, lancinants, insupportables auxquels on finit même par s’habituer…

Le réalisateur britannique (1965, Londres) qui n’avait plus fait de film depuis dix ans nous revient avec ce film glaçant, tiré d’un roman du même nom de l’écrivain britannique Martin Amis où il a non seulement mis de belles images qui sont celles du point de vue de ceux qui sont du ‘bon’ côté, servies par une mise en scène au cordeau, d’une facture exceptionnellement froide et clinique sous une tension palpable, de la première à la dernière minute et dans laquelle transparait toute l’inhumanité des nazis. 

Un film unique en son genre où l’on voit se dérouler sous nos yeux, tels des complices passifs, la vie d’un homme qui fait juste son boulot, si… l’on ne connaissait pas l’Histoire qui se cache derrière.

Un chef-d’œuvre effrayant dans lequel le réalisateur a particulièrement soigné la bande-son qui est sans doute l’un des points d’orgue du film. Et un long métrage choc honoré du Grand Prix au dernier Festival de Cannes. Notez que Sandra Hüller, l’actrice principale est aussi la protagoniste d’« Anatomie d’une chute », la Palme d’or.  

« Green Border » **** d’Agnieszka Holland avec Jalal Altawil, Maja Ostaszewska, Tomasz Wlosok, Behi Djanati Atai, Jasmina Polak, etc. Durée : 2h32’

Ayant fui la guerre, une famille syrienne entreprend un éprouvant périple pour rejoindre la Suède où les attend un parent, à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, synonyme d’entrée dans l’Europe. Ils se trouvent embourbés avec des dizaines d’autres familles dans une zone marécageuse dangereuse au cœur d’une forêt polonaise (si belle vue de haut…), à la merci des militaires aux méthodes violentes. Ils réalisent petit à petit qu’ils sont les otages malgré eux d’une situation qui les dépasse. Nous sommes en Europe, crient-ils, mais l’Europe n’est plus un refuge. L’errance, le désespoir, l’horreur et le courage filmé en noir et blanc.

Prix spécial de la dernière Mostra de Venise l’année dernière, ce film percutant réalisé par une cinéaste engagée, militante et concernée qui filme caméra à l’épaule est inspiré de faits réels. On a l’impression d’être dans un documentaire. 

A la sortie du film dans son pays natal, Agnieszka Holland a d’ailleurs été la cible d’ultraconservateurs qui n’ont évidemment pas aimé ses propos. Elle a envie de tout nous expliquer, tout nous montrer. A raison. Et nous, spectateurs sommes à côté des différents protagonistes : militants, migrants, travailleurs associatifs, humanitaires, garde-frontières, médecins, infirmiers, etc.

C’est un drame aussi terrible qu’invisible, indispensable à nous mettre sous les yeux et… l’un des films les plus durs que j’ai vus de ma vie.

La comparaison avec le film de Matteo Garrone est inévitable : « Io Capitano » traite de la voie maritime des migrants et « Green Border » de la voie terrestre. En n’oubliant pas d’ajouter qu’il s’agit ici d’un déplacement organisé par la Biélorussie à la porte de l’Europe, en accélérant le flux qui révèle les problèmes politiques auxquels sont confrontés les pays frontaliers.

“Past Lives” **** de Céline Song avec Greta Lee, Teo Yoo, John Magaro, Choi Won, Isaac Cole, Kristen Sieh, etc. Durée : 1h46’

Sous le titre français « Nos vies d’avant », la franco-coréenne Céline Song signe un film très attendu aux Oscars.

A 12 ans, Nora et Hae Sung sont amis d’enfance et amoureux platoniques. Les circonstances les séparent. A 20 ans, le hasard les reconnecte pour un temps. A 30 ans, ils se retrouvent adultes, confrontés à ce qu’ils auraient pu être, à ce qu’ils auraient pu devenir. Ont-ils raté toute leur vie ? Quand on sait que l’important pour un film, c’est moins le thème que la façon dont il est traité, « « Past Lives » déroule sous nos yeux une histoire sans doute banale mais sublimée par une peinture des sentiments, tout en finesse et sensibilité avec de surcroît, un portrait d’homme exceptionnel sous les traits de Arthur alias John Magaro, écrivain juif newyorkais que l’héroïne, désireuse d’ouverture au monde et d’indépendance a choisi d’épouser, la meilleure manière pour elle de couper les liens qui l’attachaient encore à son ami d’enfance et à sa culture familiale. Sincèrement je pense que le monde irait mieux s’il y avait plus d’hommes comme celui-ci. Si le film, le premier de Céline Song est si vrai et fort, il faut savoir qu’il est largement inspiré de sa vie, étant elle-même franco-coréenne.

“Priscilla” ** de Sofia Coppola avec Jacob Elordi, Cailee Spaeny, Kamilla Kowal, Dagmara Domińczyk, Tim Post, Jorja Cadence, etc. Durée : 1h50’ 

Dans son 8e film adapté des « Mémoires » de Priscilla Presley, Sofia Coppola dresse le portrait de Priscilla, une adolescente effacée de 14 ans qui fait la connaissance d’Elvis en Allemagne où il fait son service militaire. C’est ensuite une jeune fille qui le rejoint dans sa propriété de Graceland où ils se marient. C’est enfin l’histoire d’une jeune femme qui lentement se réveille de son conte de fées pour prendre sa vie en main. On a évité déjà un biopic de Presley grâce au penchant féministe de la réalisatrice de « Marie-Antoinette » qui lui préfère largement son épouse. Un portrait singulier d’une gamine condamnée à vivre dans l’ombre écrasante de la star qui la délaisse allégrement. Portait aussi d’une pauvre petite fille riche (qui rappelle la jeunesse de la réalisatrice elle-même ?) mais Sofia Coppola la filme avec énormément d’intensité. Cela résonne beaucoup derrière les barreaux de cette prison dorée et d’autant plus qu’elle fait le choix de s’enfuir. C’est sans doute là le plus intéressant. Le tout filmé dans son style à elle, imposé dès son premier film, dans des tons neutres avec peu de lumière sur une bande originale composée par son mari Thomas Mars, chanteur du groupe Phoenix qui a signé la musique de certains de ses films. Soulignons que Caile Spaeny a reçu la coupe Volpi de la meilleure actrice à la dernière Mostra de Venise. 

“Io Capitano”  *** de Matteo Garrone avec Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadogo, etc. Durée : 2h01’

Un xième film sur les migrants autour de Seydou et Moussa, deux jeunes sénégalais âgés de 16 ans qui décident de quitter leur terre natale pour rejoindre l’Europe mais sur leur chemin, rêves et espoirs s’évanouissent au rythme des dangers du périple.

Lion d’argent, meilleur réalisateur à la Mostra de Venise, ce film fait un carton en Italie où je l’ai vu d’ailleurs, 3 mois avant sa sortie en Belgique, un succès dû sans doute à la conjoncture politique de la part d’un public opposé au gouvernement actuel sur la question migratoire. Un propos envisagé sous la forme d’un conte par le réalisateur, une fable humaine racontée sous une forme qui contraste avec le fond douloureux et difficile, à la façon d’un Roberto Benigni sur la Shoah avec le célèbre « La vita è bella »  (1997.) 

De très belles images pleines de couleurs et de poésie pour attirer l’intérêt du spectateur sur un sujet devant lequel il fermerait bien les yeux, sauf pour les politiciens d’extrême droite qui en ont fait leur fer de lance. Le film est en lice pour les Oscars du meilleur film étranger.

“Monster” * de Hirokazu Kore-eda avec Sakura Andô, Eita Nagayama, Soya Kurokawa, etc. Durée: 2h06’

En repartant avec le prix du meilleur scénario au Festival de Cannes pour son dernier long métrage, le cinéaste japonais de 61 ans, connu pour aborder le thème de l’enfance comme nul autre raconte l’histoire d’une mère veuve qui élève seule son fils, tout en s’inquiétant du comportement de plus en plus préoccupant de ce dernier, encore petit garçon. Elle imagine que c’est son nouvel instituteur qui en est responsable. Un scénario construit en 3 temps – celui du point de vue de la mère puis de l’enseignant, ensuite de l’enfant – comme un jeu de piste dont nous, le spectateur devons assembler, au fur et à mesure, les indices.

Bien que Kore-eda traite, par le biais de cette histoire, plusieurs thèmes dont la famille, l’école, les relations enfantines et au-delà, tout un pan de la société japonaise (dont nous ne comprendrons malheureusement jamais grand-chose…) , il n’arrive pas à nous passionner – on a l’impression que le film est tiré en longueur – comme nous l’avions été  e.a. avec « Nobody Knows », sorti il y a déjà 20 ans.

Il n’est jamais trop tôt pour rendre ses enfants cinéphiles et leur faire découvrir l’univers fascinant des salles obscures, dont la taille de l’écran est un facteur majeur. Si je peux donner un conseil aux jeunes parents, Il vaut beaucoup mieux les amener régulièrement au cinéma pendant les vacances et les weekends plutôt que de les laisser traîner sur des smartphones et des tablettes. Les effets sur le cerveau en construction n’ont absolument rien à voir. C’est un long et intéressant débat dont vous trouverez facilement les tenants et les aboutissants en pianotant un peu sur la toile. Si je vous parle de cela, c’est qu’il y a pour le moment des films remarquables pour jeune public, ce qui je vous avoue n’est pas toujours le cas, des films que l’on pourrait même aller voir en tant qu’adultes sans enfants.

La palme revient à « Robot Dreams » *** de Pablo Berger et Sara Varon sur une musique de Alfonso de Villalonga. Durée : 1h41’

Un film d’animation espagnol, sans parole, qui traite de manière sensible et remarquable du thème de l’amitié mais aussi de la séparation et de la reconstruction dans le New York des années 70, avec de multiples références comme par exemple celles à Pierre Etaix, Victor Fleming ou Woody Allen. Il faut dire que le réalisateur avait déjà été remarqué et multi primé pour son film « Blancanieves », sorti en 2012. Le récit adapté d’une BD de Sara Varon intitulée « Rêves de Robot » est doux, sans agressivité, ni violence, ni vulgarité, ni… dialogue !





Comme quoi, les mots ne sont pas toujours nécessaires pour faire passer une émotion. 

« Migration » ** de Benjamin Renner et Guylo Honsy avec les voix de Pio Marmaï, Laure Calamy, etc. Durée : 1h22’

Mon 2e coup de cœur revient dans un tout autre genre, à une production du studio américain Illumination basé à Paris, derrière les célèbres « Minions », réalisée par le coréalisateur de « Ernest et Célestine » en 2012 et du « Grand Méchant Renard » en 2017. Il s’agit d’une fable classique en images de synthèse sur l’ouverture au monde et l’apprentissage de l’inconnu. Un scénario émaillé de péripéties, rebondissements et humour que l’on suit avec beaucoup de plaisir. Et un message sous-jacent important à faire passer dès le plus jeune âge : n’hésitez pas à sortir de votre zone de confort. Vous serez surpris de tout ce que cela vous apportera, malgré les pièges et les embûches inévitables. 

« Kina et Yuk : renards de la banquise » * de Guillaume Maidatchevsky avec la voix de Virginie Efira. Durée : 1h25’

Je serai nettement plus réservée sur ce conte animalier tourné en partie dans le Grand Nord canadien, en partie en France, qui raconte l’histoire d’un couple de renards polaires qui s’aiment (réellement) pour la vie mais dont le réchauffement climatique va perturber dangereusement le cours des choses. Jusque-là tout est merveilleux mais prendre 85’ pour le raconter avec des détours des répétitions et des longueurs est vraiment lassant malgré la jolie voix de Virginie Efira, qui se répète aussi sans fin. On a l’impression que la grossesse de Kina s’éternise à tel point que je n’ai pu m’empêcher d’aller vérifier sur internet la durée exacte tout à fait normale dans le règne animal, à savoir 52 jours.

Comme quoi, tout le monde n’est pas Luc Jacquet et sa « Marche de l’Empereur », ce chef-d’œuvre dont on garde toujours les images exceptionnelles en tête, 18 ans après sa sortie !

« Rapito » *** de Marco Bellochio avec Enea Sala, Fausto Russo Alesi, Paolo Pierobon, Barbara Ronchi, Leonardo Maltese, Fabrizio Gifuni, Filippo Timi, Samuele Teneggi, etc. Durée : 2h15’

Encore un cinéaste de plus de 80 ans qui présentait à Cannes cette année son 28e long métrage traitant d’un fait divers qui avait fait grand bruit au XIXe s., à savoir l’enlèvement d’un enfant juif sur ordre du pape Pie IX, pour lui prodiguer un enseignement catholique et en faire un prêtre. Pratique courante à l’époque, avec en toile de fond un antisémitisme avoué. Du très grand cinéma pour un sujet qui fait froid dans le dos, particulièrement intéressant à aborder aujourd’hui à l’heure de tous les fanatismes possibles doublé d’une leçon d’histoire, celle de la fin des États pontificaux et du Risorgimento,  l’unification de l’Italie.   

Dans une magnifique mise en scène, romanesque et lyrique, une reconstitution impressionnante de l’Italie du XIXe s. avec d’excellents acteurs à commencer par Enea Sala alias Edgardo Mortara, le petit garçon juif baptisé en cachette par l’une de ses nurses qui en l’avouant plus tard changea sa destinée, Bellochio nous livre une grande fresque tirée d’une histoire vraie. Celle du père Edgardo Mortara né en 1851 dans une famille juive de Bologne et qui finit ses jours à Bressoux près de Liège où il est mort en 1940, à près de 90 ans. 

La bande son est remarquable. J’ai essayé de lire dans le (très) long générique qui en étaient les compositeurs et j’ai cru apercevoir qu’il s’agissait d’une musique originale de Fabio Massimo Capogrosso. Après investigation, j’ai découvert qu’il avait déjà travaillé avec le maestro en 2022 pour « Esterno notte », la mini-série italienne sur l’enlèvement d’Aldo Moro.

Je n’ai qu’un seul bémol à ma critique, c’est la longueur. 30’ de moins auraient sans doute fait du bien tant au scénario qu’au spectateur. Que les réalisateurs, de plus en plus nombreux, à qui 120’ ne suffisent pas (et en disant 120, je pense 90’…) réfléchissent à la question.  

« Smoke Sauna Sisterhood » **** de Anna Hints. Durée: 1h28’

Un documentaire exceptionnel à tous points de vue tant au niveau du fond que de la forme, premier long métrage de la jeune cinéaste estonienne Anna Hints.

Elle filme les corps de femmes qui se livrent spontanément dans l’espace intime et sacré du sauna à fumée dans le sud-est de l’Estonie, classé au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco depuis presque 10 ans. Un patrimoine qui inclut e.a. les pratiques sociales comme ces séances de sauna en Estonie. Un sujet qui remonte à des souvenirs d’enfance lorsqu’elle avait participé à une séance familiale avec des tantes, des cousines et sa grand-mère. Un espace traditionnellement sacré pour les femmes (même s’il en existe pour les hommes et des mixtes aussi aujourd’hui) qui libère la parole et leur permet de se confier : « elles y accouchaient, y lavaient leurs morts, y pratiquaient des rituels de guérison, etc. » Nait au cours de ces séances un sentiment de complicité, de sororité. 

Il y a aussi a notion de temps qu’il faut prendre en compte car cela dure longtemps, 4h en moyenne, voire plus, avant de se jeter dans l’eau glacée d’un lac gelé devant la cabane, dans un trou qu’elles ont creusé au préalable : « Vous commencez à transpirer, les différentes couches de saleté physique commencent à remonter à la surface, mais aussi les couches plus profondes d’émotions… Le sauna à fumée offre une source de purification. On y transpire non seulement ses cellules mortes, mais aussi sa douleur, sa peur, sa honte, ses peurs… Tout sort avec autour des gens qui vous soutiennent, vous écoutent. Le sauna à fumée est vraiment un lieu sécurisé. Vous y entrez et vous devenez sœur ou frère et on vous écoute » pour reprendre les mots de la réalisatrice qui illustrent ce que je vous disais à propos du fond.

Venons-en maintenant à la forme : une photographie à couper le souffle, des paysages en harmonie totale avec le sujet, un langage cinématographique qui tout en filmant les corps de très près garde la distance nécessaire, pleine de respect et de pudeur. On est dans le registre de l’art avec des photos de paysages qui font penser à celles du photographe allemand Elger Esser, de corps à celles de Erwin Blumenfeld et des mises en scène dans la nature aux peintures de l’iranienne Sanam Khatibi (représentée par la Galerie Rodolphe Janssen à Bruxelles.)  

Un film hors du temps dont on a besoin, surtout ces froides journées d’hiver, où la flagellation avec de jeunes pousses de bouleau dans la chaleur du sauna serait bienvenue.

Un ovni dans le paysage cinématographique. Un véritable chef d’œuvre en images, sons et émotions.

Couronné par le prix de la meilleure réalisation dans la section documentaire du Sundance Festival à Salt Lake City dans l’Utah aux USA (l’un des meilleurs festivals au monde à mes yeux), par l’European Film Award, il est encore en lice aux Oscars et l’un des cinq sélectionnés au Prix LUX du Parlement européen dont on connaîtra le lauréat au printemps prochain.

« Perfect Days »**** de Wim Wenders avec Koji Yakusho, Tokio Emoto. Durée : 2h05’ 

On suit Hirayama, la soixantaine soignée et élégante, faire son boulot quotidien à savoir nettoyer les toilettes publiques de Shibuya à Tokyo (quelles toilettes!) au volant de son petit van bleu aussi propret que lui avec lequel il parcourt la ville au son des vieilles cassettes de son autoradio.

Une vie routinière que l’on suppose choisie délibérément au vu de la personnalité, des loisirs, du soin apporté à ses bonsaïs et des lectures de l’homme dont il est question. Un homme qui parle peu pour ne pas dire pas (facile pour le traducteur) dont on ne sait rien sinon qu’on le voit posé, contemplatif, sensible et à l’écoute, un être qui s’émerveille de la beauté de la lumière du soleil dans les branches d’arbres qu’il photographie avec un appareil argentique.

Un rôle tout en retenue du grand acteur japonais Koji Yakusho, qu’on a l’habitude de voir e.a. dans les films de Kurosawa et Kore-eda qui lui a valu le prix d’interprétation à Cannes cette année.

Un bijou de film (co-écrit avec Takuma Takasaki) qui renoue les liens du réalisateur avec un pays sur lequel il avait fait un documentaire « Tokyo-Ga » en 1985. Avec une économie de moyens impressionnante, à 78 ans, Wim Wenders nous livre un film épuré, délicat, aussi fin que profond qui campe sur fond de Patty Smith, Lou Reed et Morrison, le portrait d’un homme simple et heureux.

Hirayama, un nom qu’on n’oubliera pas de sitôt, évocateur du personnage d’un des plus célèbres films de Yasujiro Ozu sorti en 1962, « Le Goût du saké » qui analysait le rapport entre les générations dans un monde en plein boum. Ce n’est pas un hasard évidemment…  

A voir en priorité.

« Anselm (Le Bruit du temps) » ***  un documentaire de Wim Wenders. Durée : 1h34’

Un documentaire consacré à l’artiste Anselm Kiefer dans lequel on suit le plasticien, peintre et sculpteur allemand dans ses contemplations solitaires, se mouvant en silence dans différentes forteresses constituées par ses œuvres monumentales.

Un projet qui date de 30 ans, à Berlin même, un soir où dans un café, Wenders s’est assis à la table où était Kiefer.

Ensuite, la règle du jeu entre eux fut assez simple. Wenders eut carte blanche, Kiefer ne voulant rien savoir, ni voir les rushes, ni venir dans la salle de montage avec pour seule condition, celle d’être surpris à la fin.

Kiefer nourrissait depuis toujours un désir secret, celui de faire du cinéma alors que Wenders rêvait, lui de devenir peintre. Ils se sont dits : « Entre nous deux, on doit combiner nos efforts. » Et quand Kiefer a découvert le film achevé, ses mots ont été ceux-ci : « Voilà, tu m’as surpris » en ajoutant : « C’est un film qui va plaire à ceux qui aiment beaucoup mon travail mais aussi à tous ceux qui ne l’aiment pas. » 

Wenders a gardé une ambiguïté autour du personnage. Extrait : « Les gens cherchent la légèreté et refusent ce qui pèse, l’abime. C’est constitutif. Ils ne veulent pas le voir. De là, cette légèreté. Si on prend toute l’histoire géologique, cosmologique et qu’on les fait défiler, nous ne sommes même pas une goutte de pluie, nous sommes moins que cela, un atome et là, on peut dire nous sommes tous légers, ‘L’insoutenable légèreté de l’être.’ L’être fait partie du néant et le néant de l’être. Ils sont liés, c’est une simultanéité et non une chronologie. C’est consolant car si on  des projets, on sait que l’échec en fait déjà partie. »

Kiefer est un artiste qui ne craint pas la gravité en explorant l’histoire et la mythologie de l’Allemagne d’après-guerre.

Kiefer et Wenders ont en commun de faire partie d’une génération qui s’est retrouvée face au déni du passé nazi de l’Allemagne. Leurs professeurs à l’école étaient d’anciens nazis qui ne parlaient jamais du passé. Ils s’en sont rendus compte lentement, en grandissant dans un pays qui n’existait pas et essayait de s’inventer un avenir. Et la condition pour construire cet avenir était de rayer le passé, de ne pas en parler, de ne surtout pas regarder derrière soi. Un passé inexistant qui a marqué la vie des deux artistes de façon assez différente. Le film en parle avec cette série de photos au salut nazi, ces documents d’archives où il dit qu’il a voulu tendre un miroir à tout un chacun. Et Kiefer de se poser la question de savoir qui aurait-il été en 1930 ou en 1939 ? C’est Joseph Beuys qui est le premier à s’être investi personnellement à ce sujet. On a mis un certain temps à le comprendre.

Le film commence sur une comptine du plasticien, enfant, qui chante que sa mère est en Poméranie et son père à la guerre.

Kiefer a voulu confronter, résoudre son pays et son histoire. Les décombres et les ruines sont très importantes dans le film et l’œuvre de Kiefer, hantée par des fantômes qui sont partout à commencer par les sculptures de robes à têtes de planètes ou de livres dans une forêt. Dans la bande son, on entend des chuchotements, des gémissements, des râles et cette phrase : « Nous sommes des êtres oubliés, mais nous n’oublions rien. » 

Je pense vous avoir donné une idée de la texture et la densité du film, austère et poétique à la fois où le réalisateur tente de prendre le spectateur sous son aile pour lui faire découvrir toute la majestuosité, la beauté, la dureté des paysages, des couleurs, des matières, bref la complexité de l’œuvre de l’un, sinon du plus grand artiste de ce siècle.   

Notez que le grand cinéaste allemand (78 ans), également producteur, photographe et président de l’Académie européenne de cinéma à Berlin vient de recevoir le 15e Prix Lumière à Lyon.

« About dry grasses » (Les Herbes sèches) **** de Nuri Bilge Ceylan avec Deniz Celiloglu, Merve Dizdar, Musab Ekici, Ece Bagci, etc. Durée : 3h17’

Autant on a l’impression que les 94’ d’Anselm s’écoulent lentement, autant on ne voit pas passer ici les 197’.

Voilà le 9e film d’un cinéaste que l’on suit depuis ses débuts, pas toujours avec autant d’enthousiasme que dans ses trois derniers dont celui-ci est sans doute un accomplissement. Et un chef-d’œuvre. Après avoir reçu la Palme d’or pour « Winter Sleep » en 2014, le réalisateur, photographe turc (1954, Istanbul) s’intéresse à la complexité de l’âme humaine à travers l’histoire d’un instituteur, professeur de dessin, dans une école d’un village perdu d’Anatolie orientale au climat rude. Différents thèmes sont abordés comme la relation entre une jeune élève et le professeur, l’amitié entre les collègues.  

Présenté à Cannes en compétition cette année, Nuri Bilge Ceylan en est reparti avec le prix d’interprétation féminine pour l’exceptionnelle prestation de Merve Dizdar. 

A travers de longs plans souvent fixes, un rythme et un ton en symbiose avec la nature et les caractères des personnages, il dresse dans son style aride dont nous sommes désormais familiers, un portrait complexe et fascinant des contradictions de la Turquie d’aujourd’hui, exemple par excellence de l’expression ‘entre tradition et modernité’, loin de celle que l’on nous présente et dépeint habituellement dans les journaux. Notons le dialogue du dîner entre les deux jeunes professeurs sur l’individualisme et le collectivisme : 25’ très importantes, extraordinaires ! On n’est plus habitué aux longues scènes de conversation dans les films : « Elles ouvrent une autre façon de penser. Les films doivent avoir des scènes limite, qui repoussent les habitudes du public » dit-il. Et la surprise de la scène qui vient tout casser et qu’il a même cachée aux scénaristes car personne n’en voulait. Inédite, elle permet une respiration dans le film.  

Un film que l’on gardera longtemps à l’esprit et au cœur.  

« Le Garçon et le héron » **** de Hayao Miyazaki avec Masaki Suda, Takuya Kimura, Kö Shibasaki, etc. Durée : 2h04’

L’enchanteur du dessin animé signe à 82 ans son dernier film, après 50 ans de carrière.

Il y a 10 ans, Hayao Miyazaki annonçait prendre sa retraite après avoir réalisé « Le Vent se lève » dont, soit dit en passant, le titre est tiré d’un poème de Paul Valéry. 

Trois ans après, coup de théâtre, l’un des plus grands cinéastes japonais annonce retourner à sa planche à dessin pour un nouveau film intitulé « Et vous, comment vivrez-vous ? » rebaptisé « Le Garçon et le héron » pour le public français. 

Hasard du calendrier, un film qui constitue l’oméga de la carrière d’un artiste et d’un studio, le studio Gibli sort en France en même temps que « Le Voyage de Shuna » , un roman graphique incroyable, dessiné et peint à l’aquarelle par Miyazaki lui-même en 1983, sans jamais avoir été traduit en français jusqu’à présent. Une œuvre qui portait déjà en elle toutes les grandes obsessions du maestro à savoir le rapport de l’homme à la nature, la guerre et ses victimes et une jeunesse qui s’ingénie à rectifier les erreurs des adultes. Voir aujourd’hui ces deux chefs-d’œuvre qui se répondent, comme le début et l’aboutissement d‘une carrière est un événement de taille dans le monde culturel.

« Le Garçon et le héron » est sorti le 1er novembre et le public, fidèle, éclectique était impatient de retrouver la force de ses images et de ressentir à nouveau l’ingéniosité de ses scénarios que les files étaient longues dès la première séance !

Et Miyazaki frappe juste en mettant une fois de plus la jeunesse à l’honneur : alors que sa mère vient de mourir dans un incendie à Tokyo, le jeune Mahito et son père déménagent dans le village où elle était née. Là, le garçon rencontre le héron qui l’accompagne et le guide dans ses pérégrinations doublées d’une autre dimension, celle d’un voyage initiatique intérieur. Une relation sensible pleine de bienveillance et d’altérité, teintée de ses propres souvenirs, dans la ligne des préoccupations principales du réalisateur mythique. Et encore une réconciliation, un retour à un équilibre entre les humains et leur environnement.

Représentant de la culture japonaise empreinte d’animisme et de shintoïsme, Miyazaki a aussi été Influencé par des auteurs occidentaux. Il doit certainement son succès planétaire au fait qu’il touche à la fois à l’universel et au particulier. Il puise dans toute la culture mondiale comme Jules Verne « Vingt mille lieues sous les mers », Richard Corben aux Etats-Unis avec sa BD « Rolf » (1971) ou le roman qui a donné naissance au « Château ambulant » et à la fois des œuvres typiquement japonaises. Il arrive à faire cet alliage entre les deux, ce qui a pour effet que n’importe peut parler ou rêver de Miyazaki.

Il arrive à toucher tout le monde. Son œuvre puise à travers tout le patrimoine mondial. Il n’est pas nippono centré. Le nom même de Gibli vient d’un vent du Sahara qui a donné le nom à un avion italien. Un mélange permanent entre les cultures orientale et occidentale. Avec les croyances animistes, shintoïstes, la religion la plus importante de l’archipel qui amène à un rapport à la nature bien différent du nôtre qui renvoie à une tradition animiste où toute chose a une âme, une vie, à un temps où les arbres et les humains étaient amis, à une communauté à restaurer. En abolissant la frontière artificielle entre nature et culture, on pourrait avancer que Miyazaki emprunte une démarche artistique proche du Tao.  

Amateur ou non, ne ratez pas ce dernier film qui va prendre, à mon avis place, parmi ses plus gros succès comme « Le Voyage de Chihiro »(2002), « Le Château ambulant » (2005) ou encore « Princesse Mononoké » (2000)

Miyazaki est un homme qui n’a jamais transigé sur son amour de l’animation traditionnelle, sur sa capacité à faire des films engagés et universels. En bref, à faire de l’art avant de faire de l’argent.

Au-delà du message essentiel, il n’y a pas une scène, un plan qui n’est pas digne d’intérêt. On assiste émerveillé à une succession de tableaux graphiques, paysages animés, coulorés qui ont une âme et qui, mis les uns derrière les autres construisent un chef-d’œuvre.

« Coup de chance » *** de Woody Allen avec Lou de Laâge, Melvil Poupaud, Valérie Lemercier, Niels Schneider, etc. Durée : 1h33’. 

Après Ken Loach, 87 ans, Hayao Miyazaki, 82 ans, c’est au tour de Woody Allen, 88 ans le 30 novembre, de nous impressionner par leur capacité créative à se renouveler sans cesse au fil des années, tout en gardant leur ligne de conduite et en ne sacrifiant rien à leurs valeurs, leurs ‘combats’ pour un monde meilleur, plus ou moins complexe, le tout avec la même ‘fraîcheur’ qui les caractérise tous les trois. 

« Coup de chance », son 50e long-métrage (dévoilé à al 90e Mostra de Venise) est un marivaudage, un agréable polar romantique comme une pièce de théâtre écrite, tournée et réalisée en France avec des acteurs français, en français (c’est une première) avec des plans et surtout un éclairage où l’on identifie aisément la patte du grand maître dont on connaît depuis longtemps le succès en Europe, inversement proportionnel à celui de l’autre côté de l’Atlantique. 

Les acteurs sont excellents, le scénario intelligent et subtil et la fin… surprenante ! Un vrai coup de théâtre. 

Bref, vous avez compris que j’ai aimé cette comédie moins légère et plus spirituelle qu’elle n’y paraît et vous conseille vivement d’aller la voir. Je vous promets un bon moment.

Je continue donc de faire partie des fans européens du maestro américain…

« Une année difficile » *** de Eric Toledano et Olivier Nakache avec Noémie Merlant, Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Mathieu Amalric, Grégoire Leprince-Ringuet, etc. Durée : 1h58’

Avec ce duo de réalisateurs à succès, figures incontournables du cinéma français depuis « Les Intouchables » sorti il y a un peu plus de 10 ans, on change totalement de registre pour suivre l’histoire d’Albert et Bruno deux hommes aussi sympathiques – divins Jonathan Cohen et Pio Marmaï – qui, super endettés ne savent plus comment garder la tête hors de l’eau… Leur rencontre fortuite avec le mouvement associatif et sa séduisante militante incarnée par Cactus alias la fantastique Noémie Merlant va de manière hasardeuse et avec fort peu de conviction les remettre sur le droit chemin.

Un chemin où les arguments sont moins convaincants que les chips, bières et autres plaisirs… gratuits ! C’est drôle, mais plus que cela, c’est critique mais intelligent, c’est réaliste sans être lourd, bref c’est très bien. Toledano et Nakache abordent des sujets essentiels, des enjeux cruciaux, incontournables aujourd’hui tels le réchauffement climatique et la course effrénée à la possession matérielle (la scène initiale à l’occasion du Black Friday est excellente) et arrivent à traiter des sujets véritablement angoissants avec humour et émotion. On rit aux éclats en même temps que l’on est touché par le message. Décidément, le duo a toujours le vent en poupe et surtout, la capacité rare à combiner le comique et le profond.

« The Old Oak » **** de Ken Loach avec Dave Turner, Ebla Mari, Claire Rodgerson, Trevor Fox, Joe Armstrong, etc. Durée: 1h30’

L’arrivée de réfugiés syriens dans une ancienne cité minière du nord-est de l’Angleterre, près de Durham, va créer des tensions. T.J. Ballantyne qui est le patron du dernier pub local se lie d’amitié avec Yara, une jeune migrante passionnée par la photographie. Ensemble, ils vont tenter de redonner vie à la communauté. C’est manichéen ou candide.

C’est le cinéma de Ken Loach, son 29e long métrage auquel on adhère ou pas. Engagé, social, empathique, humain. Trop humain ? Sûrement pas ! Loach a dit que c’était son dernier film. Il a 87 ans. Le scénario a été écrit avec le fidèle Paul Laverty, son scénariste avec qui il travaille depuis très longtemps et dont j’apprécie beaucoup la simplicité, une simplicité qui n’empêche en rien la profondeur et la thématique sociale, toujours aussi passionnante au fil des années. 

Si, pour ma part, j’ai l’impression de connaître un peu l’Angleterre ‘abandonnée’, c’est certainement grâce à ce duo d’artistes uniques et vrais. On a droit à de grands moments d’émotions non seulement grâce à eux mais aussi grâce à ces acteurs du cru, anonymes, à qui le réalisateur arrive à faire faire des choses formidables.

Je range « The Old Oak » parmi ses tout grands films, à côté de « Sweet Sixteen » (2002) et « I, Daniel Blake » qui a reçu la Palme d’or en 2016 au Festival de Cannes.

« Comme toujours, en mettant en scène la dignité de ces hommes et de ces femmes en lutte contre la bêtise, Loach parvient à toucher juste » écrit Hubert Heyrendt dans la Libre. 

« Les Filles d’Olfa » de Kaouter Ben Hana avec Hend Sabri, Olfa Hamrouni, Eya Chikhaoui, Tayssir Chikhaoui, Nour Karaoui, Ichraq Hatar, Madj Mastoura, etc. Durée : 1h47’

Olfa, la mère tunisienne a quatre filles dont deux, les ainées disparaissent un jour. La réalisatrice Kaouter Ben Hana en a fait un film à la trame tout à fait inédite : elle engage deux actrices professionnelles pour les remplacer et filmer, saisir la réalité, le quotidien de leurs relations familiales. Par ce dispositif original, elle lève le voile (c’est le cas de le dire) sur l’histoire d’Olfa et ses filles.

Résultat : un film en forme de documentaire confus, trop long et souvent mal joué. Olfa et ses vraies filles disent des souvent choses horribles, inacceptables qu’elles ont vécues en matière d’éducation, en souriant et même en rigolant, ce qui est sans doute leur manière à elles de l’exprimer, ce que je ne conteste pas mais dans un style qui m’a souvent mise mal à l’aise. Cela sonne faux.

J’arrête là car le film a un succès fou, à commencer par le Festival de Cannes cette année et, bien que pensant connaître un peu la culture arabe et y étant très sensible, je n’ai pas du tout aimé.

« Le Colibri » * de Francesca Archibugi avec Pierfrancesco Favino, Kasia Smutniak, Nanni Moretti, Bérénice Bejo, etc. Durée : 2h06’

Adaptation d’un roman de l’écrivain Sandro Veronesi qui raconte la vie d’un bon père de famille qui bascule le jour où le psychanalyste de sa femme brave toutes les règles de déontologie en venant lui parler pour lui expliquer qu’il court un grave danger. A partir de là, on nous emmène de flashbacks en flashbacks dans la vie du protagoniste, depuis les années 70 jusqu’à aujourd’hui.

Certainement intéressant à lire, le propos devient compliqué et touffu, difficile à rendre à l’écran, même si Pierfrancesco Favino, l’un des meilleurs et omniprésents acteurs du cinéma italien brille par son talent et que Nanni Moretti est magistral d’un bout à l’autre, à la fois humain, sensible, intelligent et toujours tellement à sa place. Il est sans conteste l’axe, pour ne pas dire le pivot du film. Quant à Bérénice Bejo, elle ne s’améliore pas dans son jeu toujours aussi appuyé et peu naturel… 

Une adaptation décevante à mes yeux. Ou alors mes espérances étaient trop élevées ?

« Strange Way of Life » de Pedro Almodovar avec Pedro Pascal, Ethan Hawke, Manu Rios, etc. Durée: 31’

Le nouveau film de Pedro Almodovar produit par Anthony Vacarello, directeur artistique de la maison de couture Yves Saint-Laurent a été présenté à Cannes cette année. Un Western espagnol où Silva, alias Pedro Pascal traverse le désert à cheval pour retrouver Jake qu’il a connu 25 ans plus tôt, lorsqu’ils étaient tous les deux des tueurs à gages et des amants. Aujourd’hui, Jake est devenu shérif et Silva a un fils recherché pour meurtre, ce qui pose un inévitable problème de conscience. L’amour, toujours présent sert de toile de fond à une faible intrigue qui se joue dans un grand Ouest où l’homosexualité n’a pas bonne presse.

Un court-métrage dont on ne parlerait même pas s’il n’était signé Pedro Almodovar car, mis à part la scène initiale où l’on reconnait la patte de l’un des plus grands maîtres du cinéma contemporain, il n’y a qu’un vide abyssal… Quelle déception. En plus, le film donne l’impression de commencer au moment où il se termine et où apparaît le générique de fin, à tel point que j’ai pensé combien c’était une idée originale et inédite de le mettre à 1/3 de l’histoire ! On a l’impression d’avoir juste vu un prologue et l’on se demande pourquoi le réalisateur n’en a pas profité pour approfondir le thème du devenir de ces deux cow-boys vieillissants qui ont passé leur vie à se fuir malgré qu’il s’aiment.

En bref, voilà un film inachevé d’un chef décorateur financé par une marque de vêtements, ce qui en soi ne dérange personne pour peu qu’il y ait du contenu… Filmer le désir homosexuel, pourquoi pas mais dommage que l’on a juste droit à une bien pâle copie de « Brokeback Montain » de Ang Lee (2005).

Et enfin, dernière interrogation : que fait Ethan Hawke là-dedans ?

 

“Barbie” **** de Greta Gerwig (co-écrit avec Noah Baumbach) avec Margot Robbie, Ryan Gosling, Greta Gerwig, Will Ferell, Emma Mackey, Simu Liu, Michael Cera Alan, etc. Durée : 1h54’

Ce n’est certes pas le titre qui m’a attirée, bien que je reconnais qu’il m’a intriguée… C’est quand j’ai réalisé qui était la réalisatrice, que j’ai foncé et… j’ai été séduite dès les premières images, commentées par la voix d’Hellen Mirren. Quel propos, quelle analyse ! Il y a tout dans “Barbie”, une critique fine et tellement juste de la société américaine et en plus, c’est une comédie drôle, hilarante même, servie par d’excellents acteurs avec des dizaines de références au cinéma et des dialogues intelligents. Il faut le voir plusieurs fois car c’est tellement dense qu’il est impossible de tout capter en une seule vision. Je pense qu’il risque d’être le film de l’année. C’est en tous cas, l’un des meilleurs films actuels que j’ai vus !

“ L’Île rouge” *** de Robin Campillo avec Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle, etc. Durée : 1h57’

Un titre qui fait penser à la Bibliothèque verte et ses récits d’aventures avec lesquels on a grandi quand on avait comme moi, (presque) 10 ans à la fin des années 70. Et l’on ne pourrait si bien dire car le film commence par une aventure de Fantômette, cette petite héroïne intrépide de la Bibliothèque rose qui n’a pas peur d’affronter les gangsters et se défend d’ailleurs très bien. Les deux véritables protagonistes de ce merveilleux film poétique, admirablement filmé sont deux enfants qui se racontent à voix basse les aventures de Fantômette, cachés dans une caisse de déménagement restée dans le jardin de la maison des parents de Thomas, 8 ans dont le papa travaille comme expat français à Madagascar.

Chronique donc, depuis une base française des années 70 sur l’île malgache, des soldats et de leur famille assistant à la fin de l’époque coloniale. Un film magnifique aux couleurs de l’île paradisiaque, vue par le regard d’un enfant tranquille, attentif et observateur dont la mère a saisi toute la sensibilité. Et en filigrane, des paysages uniques et un pan de l’histoire coloniale française. Après « 120 battements par minute » en 2017, le réalisateur nous livre avec talent le récit de ses souvenirs fantasmés de Madagascar.

« Il sol de l’avvenire »*** de Nanni Moretti avec Nanni Moretti, Margherita Buy, Silvio Orlando, Mathieu Amalric, etc. Durée : 1h36’

Hommage au cinéma, au vrai, pas celui des plateformes de streaming ; réflexion sur la politique italienne et pas seulement italienne ; hommage aux acteurs, à leur rôle dans la réalisation, l’élaboration d’un film ; hommage aux cinéastes cultes – Jacques Demy, Federico Fellini, Ernst Lubitsch, Krzysztof Kieslowski e.a. – de la part de l’un des plus passionnants et passionnés d’entre eux, celui en tous cas qui pratique l’autodérision depuis son premier court métrage, il y a 50 ans. 

Il y a tout dans le dernier film de Nanni Moretti, fort peu remarqué par le jury de Robert Ostlund au dernier Festival de Cannes. Et pourtant, voilà une comédie très amusante, pleine d’entrain et de joie, de fantaisie et de créativité, légère et profonde à la fois dont l’on ressort heureux.

A près de 70 ans, le plus sympathique des cinéastes italiens réussit une fois de plus à nous séduire. Pas que nous d’ailleurs, mais encore les 600 000 entrées engrangées depuis sa sortie en Italie fin avril !

« Chien de la casse » *** de Jean-Baptiste Durand avec Raphaël Quenard, Anthony Bajon, Galatéa Bellugi, Dominique Reymond, etc. Durée : 1h33’

Si vous avez envie d’un excellent film, courez voir ce premier long métrage d’un jeune réalisateur, scénariste et acteur (1985, Antibes), formé aux Beaux-Arts de Montpellier qui raconte l’histoire d’une amitié entre deux jeunes un peu paumés à Pouget, un magnifique village perché sur les hauteurs de la ville où le cinéaste a étudié. Une amitié entre deux amis qui se connaissent depuis l’enfance et passent leur temps ensemble à jouer à Fifa sur la Play, dealer un peu ou glander avec leurs potes sur la place du village. 

Le plus grand en taille, Mirales, très beau gars au sourire magnifique et à la démarche dégingandée, interprété par Raphaël Quenard – sorti du Cours Florent qu’on avait déjà repéré dans « Les Olympiades » de Jacques Audiard et dernièrement, dans « Je verrai toujours vos visages », le brillant film de Jeanna Herry – veille sur le plus petit, Dog – primé à Berlin en 2018 pour sa prestation exceptionnelle dans « La Prière » de Cédric Kahn. Mirales ne peut se passer de Dog, surtout depuis qu’est arrivée Elsa – remarquable Galatéa Bellugi – et s’est donné pour mission de le prendre sous son aile, l’éduquer, à la limite de l’agressivité et du non-respect. Un traitement pas loin de celui qu’il exerce sur Malabar, son pitbull. 

Tout cela serait une histoire banale si elle n’était remarquablement interprétée par deux acteurs qui crèvent l’écran, à travers un récit tendu comme un arc où les dialogues, tels des flèches rythment le film d’un bout à l’autre, où la tension est palpable et l’humain à fleur de peau.

Durand brosse le portrait d’une jeunesse de province au milieu de paysages à couper le souffle, à commencer par le village qui sert de cadre au scénario, un scénario  qui dépeint une jeunesse comme une autre sauf qu’il nous en montre, en observateur, sans jamais la juger, toute la complexité, la sensibilité, la profondeur à travers ces jeunes capables de s’émouvoir en écoutant de la musique classique, prendre soin des habitants du village, lire Montaigne et stopper toute bagarre face à un événement inattendu dont je ne vous révélerai pas le contenu…

Un film rare, puissant et un réalisateur à suivre… of course !

« Disco Boy »**** de Giacomo Abbrusseze avec Franz Rogowski, Matteo Olivetti, Laetitia Ky, Mutamba Katonji, Mon N’Diaye, Leon Lučev, etc. Durée : 1h31’

Giacomo Abbrusseze (1983, Taranto, Puglia) est un réalisateur et scénariste italien, diplômé du Fresnoy, un studio français de formation artistique audiovisuelle de très haut niveau, situé dans le nord de la France, à Tourcoing qui sélectionne et accueille des étudiants en provenance de tous les horizons de la création artistique et de toutes nationalités. 

Si « Disco Boy » est son premier long-métrage, ses réalisations antérieures dont le documentaire “ America” (2021) ont été primés et sélectionnés dans de nombreux festivals internationaux. 

C’est l’histoire d’Aleksei, un jeune biélorusse qui s’enfuit à Paris et s’engage dans la Légion étrangère, avec laquelle il part combattre dans le Delta du Niger où il rencontre un jeune révolutionnaire courageux luttant contre l’exploitation de son pays par les grandes compagnies pétrolières. 

Reparti de la Berlinale cette année, auréolé d’un prix pour sa « contribution artistique exceptionnelle », Abbrusseze nous livre un film original, magistralement filmé, un conte moderne orchestré avec Vitalic, le pape de la musique techno. On passe 1h30’ dans un autre monde, en compagnie de jeunes hommes attachants et de l’envoûtante artiste afro-punk, Laetitia Ky. 

Coproduction franco-belge-polonaise réalisée par un Italien qui a étudié en France, filme à La Réunion et au Nigeria dont l’acteur principal est allemand sur des thèmes comme l’immigration, la guerre, l’écologie, l’exploitation des terres aux relents de postcolonialisme, le tout sur une séduisante musique électro, « Disco Boy » est un film au scénario plein de sens, sans jamais tomber dans la lourdeur ou les clichés, un ovni dans le paysage cinématographique actuel, aussi esthétique que puissant et pertinent. 

Non seulement un chef-d’œuvre visuel plein d’humanité dont nous ressortons admiratifs, même émus mais encore un brillant voyage cinématographique aux confins des arts plastiques.

« Tengo sueños eléctricos” * de Valentina Maurel avec Daniela Marín Navarro, Reinaldo Amien Gutiérrez, Vivían Rodrìguez, José Pablo Segreda Johanning, etc. Durée : 1h42’ 

Un premier film d’une Costaricienne formée à l’Insas en Belgique qui parle de la relation père-fille, suite à la séparation de ses parents dans ce petit pays d’Amérique centrale avec lequel elle noue, précise-t-elle, une relation très conflictuelle. Couronné de plusieurs prix e.a. au Festival de Locarno en 2022 (meilleure réalisation, meilleure actrice, meilleur acteur) et cette année au San Sebastian Film Festival, la réalisatrice ne m’a personnellement pas convaincue. J’ai vu un film dont le scénario, censé aborder un thème familial essentiel reste à un niveau très superficiel. On suit pendant près de 2h les déambulations inintéressantes d’une adolescente en manque de repères, dans un environnement d’une violence sourde et latente, sans jamais entrer dans le vif du sujet. N’y avait-il pas moyen d’exploiter le triangle père-mère-fille d’une autre manière ? J’ai du mal à comprendre les mots de Hubet Heyrendt dans la Libre Arts qui écrit : « Maurel esquisse avec brio le portrait de deux êtres qui dévorent la vie, autant qu’ils sont dévorés par elle… » Moi, je n’ai pas du tout vu cela. 

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« Jeanne du Barry » **** de Maïwenn avec Maïwenn, Johnny Depp, Benjamin Lavernhe, Pierre Richard, Melvil Poupaud, Pascal Greggory, Diego Le Fur, Noémie Lvovsky, Marianne Basler, Robin Renucci, etc. Durée : 1h56’

Présenté il y a quelques jours en ouverture du Festival de Cannes, le dernier film de la talentueuse réalisatrice française raconte l’histoire de Jeanne Vaubernier, une fille du peuple née de la relation d’un moine et d’une cuisinière. Elevée dans de très bonnes conditions dans la maison où sa mère travaille, elle est initiée aux arts et à la culture. Chassée du couvent où son protecteur l’a placée, elle décide, consciente de sa beauté et de son charme de s’élever socialement. Son amant (et souteneur), le comte du Barry qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne désire la présenter au Roi Louis XV. La rencontre est organisée via l’influent duc de Richelieu alias Pierre Richard, méconnaissable. Celle-ci dépasse les attentes de du Barry car entre Jeanne et le Roi, c’est le coup de foudre. Avec la courtisane, Louis XV retrouve le goût de vivre, à tel point que ne pouvant plus se passer d’elle, il en fait sa maîtresse officielle, autrement dit sa favorite. Et à la cour, c’est un véritable scandale car personne ne veut y voir une fille de rue. Le film se termine à la mort du Roi en 1774 où elle est chassée de Versailles. (Petit rappel historique :Dénoncée pendant la Terreur, Jeanne sera guillotinée en 1793, à 50 ans.)

Exceptionnellement autorisée à filmer à Versailles à la suite de Sofia Coppola en 2006 avec « Marie-Antoinette », Maïwenn nous livre un film abouti tourné en 35 mm – décor, costumes, intrigue – porté par des acteurs exceptionnels, à commencer par Johnny Depp, tellement juste, tout en retenue dans ce rôle royal vieillissant, difficile et Benjamin Lavernhe de la Comédie Française, en premier valet de chambre, remarquable du début à la fin.

J’ai vraiment aimé et vous conseille d’aller voir ce portrait d’une femme culottée, pleine d’audace (entre « Pretty Woman » et Cendrillon avec les méchantes sœurs) à qui la réalisatrice se serait en partie identifiée. Pourquoi pas ? J’ai toujours beaucoup d’admiration pour les réalisateurs qui tournent et jouent en même temps, dans le rôle principal en plus, comme c’est le cas ici. Maïwenn est magistrale dans ce film d’un genre très nouveau pour elle. Un très beau film. Sans doute son meilleur jusqu’à présent où le second degré et l’humour sont omniprésents. Voilà, dit-elle en filigrane, sans aucune prétention, mon interprétation de la du Barry.  

Du cinéma au vrai sens du terme. Ce n’est pas pour rien que Cannes a choisi de le projeter en avant-première à l’inauguration de sa 76e édition.

“Stars at Noon” de Claire Denis avec Margaret Qualley, Joe Alwyn, Danny Ramirez, Robert Pattinson, Ben Safdie, Robin Durán, Taron Egerton, etc. Durée: 2h15’

Quelle déception, ma parole ! On était tellement motivé pour découvrir le nouveau film de la grande réalisatrice française, qu’on suit depuis plus de 25 ans, sur une région du monde qu’on connaît bien et après 15’, on avait presque déjà compris que la sauce ne prenait pas. On a failli quitter plusieurs fois la salle comme la moitié des spectateurs mais par respect pour le travail, on ne l’a pas fait. Et puis, cela n’aurait pas été très professionnel non plus…

Adapté d’un livre de Denis le Johnson, que je ne connaissais pas et que je n’ai pas lu qui parle du Nicaragua, en période pré-électorale il y a 40 ans, Claire Denis a transposé l’histoire aujourd’hui en plein Covid. Voilà la démonstration de ce qu’il ne faut pas faire sur un pays complexe er méconnu dont il nous arrive ici en Europe qu’une image aussi tronquée que politisée. Déjà que la plupart des gens pensent que le pays est toujours à feu et à sang depuis 40 ans. Pour entretenir la confusion, on ne pouvait pas faire mieux. 

On suit les déambulations, sans queue ni tête, d’une ravissante jeune actrice américaine joliment sapée qui séduit de jeunes beaux hommes encore mieux sapés au fil d’un scénario confus où les clichés sont légion : corruption, chaleur suffocante, violence, police omniprésente, etc. Le pompon sera tout de même la scène finale au son de « El Cóndor Pasa », la musique la plus galvaudée de l’Amérique latine, celle des Andes péruviennes qui n’a littéralement rien à voir, ni à faire ici. Le Nicaragua d’aujourd’hui même en fiction, même tourné pour des raisons personnelles au Panama alors qu’elle avait reçu l’autorisation de le faire sur place est méconnaissable. 

Un film à éviter et à oublier aussi vite pour garder non seulement une image correcte de la réalisatrice mais encore du plus grand et intéressant pays d’Amérique centrale.

Enfin, la dernière question que je me pose est celle de comprendre comment un tel film a-t-il été sélectionné à Cannes l’année dernière, dans la section officielle de surcroît ? Comme quoi…

« Alma Viva »**** de Cristèle Alves Meira avec Lua Michel, Ana Padrão, Jacqueline Corado, etc. Durée : 1h28’

Le film raconte l’histoire d’une famille portugaise de la campagne, inspirée en grande partie de l’enfance de la réalisatrice, dont c’est le premier long-métrage. Repéré l’année dernière par la Semaine de la Critique à Cannes, le film en forme de récit initiatique est porté par Salomé (la fille de la réalisatrice) en vacances dans sa famille portugaise qui assiste à la mort de sa grand-mère, un peu sorcière, avec laquelle elle partage une grande et touchante complicité. Cette dernière lui explique qu’elle est ‘un corps ouvert’, réceptacle des esprits et des forces invisibles. Je ne vous en dis pas plus sur ce film que j’ai trouvé passionnant dans lequel on apprend beaucoup sur la culture portugaise profonde, dans la peinture aussi grave qu’empreinte d’humour d’une famille comme les autres. Celle d’un village pittoresque niché au cœur des sierras au nord, entre Vimioso et Mogadouro, dans le district de Bragance, appelé anciennement Trás-Os-Montes e Alto Douro.

Alors, réalisme magique dans le style des romans du colombien Gabriel Garcia Marquez ou plutôt des premiers films du réalisateur franco-serbe Emir Kusturica ? Peu importe, les influences sont là et font de ce premier film (déjà!) un chef-d’œuvre.

« La Femme de Tchaïkovski »* de Kirill Serebrennikov avec Aliona Mikhaïlova, Odin Lund Biron, Oxxxymiron, etc. Durée : 2h23’

Après « Leto » en 2018 sur la scène rock moscovite, nous revoilà plongés dans la musique mais cette fois-ci, à la fin du XIXe s., dans un film d’époque entre Moscou et Saint-Pétersbourg pour nous conter la relation entre le grand compositeur russe et sa jeune épouse dévote, naïve et éperdument amoureuse d’un homme qui n’aime pas les femmes. A travers ce mariage de façade, Sebrennikov révèle les zones d’ombre d’une figure universelle comme Tchaïkovski dans un film trop long. L’histoire de cette femme prisonnière d’un amour qui tourne à l’obsession et à la folie m’a rappelé les errements sans fin d’Isabelle Adjani dans « Adèle H. » Autrement dit, Tchaïkovski revu par Serebrennikov ne m’a pas convaincue, à l’instar de toute la presse internationale – TeleramaLes Inrockuptibles, Le New York Times, etc. – de la pertinence du propos et des élucubrations et stratèges cinématographiques du cinéaste russe, même si les acteurs livrent une excellente prestation.

Avec une dizaine de films à son actif qui l’ont imposé sur la scène internationale, Festival de Cannes inclus, Kirill Serebrennikov, 53 ans est considéré comme l’un des grands cinéastes russe du XXIe s. et la figure culturelle anti-Poutine.

« Je verrai toujours vos visages » **** de Jeanne Herry avec Adèle Exarchopoulos, Leïla Bekhti, Miou-Miou, Dali Benssalah, Elodie Bouchez, Suliane Brahim, Gilles Lellouche, Fred Testot, Denis Podalydès, Jean-Pierre Daroussin, Catherine Arditi, etc. Durée : 1h58’

La réalisatrice – fille de Miou-Miou et Julien Clerc – est ce qu’on appelle une enfant de la balle car elle est née et a grandi dans le milieu où elle travaille aujourd’hui d’abord en tant qu’actrice, ensuite comme réalisatrice. Elle a choisi de parler d’un thème passionnant, celui de la justice restauratrice, celle qui cherche à réparer les victimes en les mettant face à des agresseurs en train de purger leur peine en prison. Tous sont volontaires, animateurs, victimes et détenus. Une loi a été promulguée en France à ce sujet en 2014 pour que victimes et auteurs d’infraction dialoguent dans le but de « rétablir le lien social et prévenir au mieux la récidive. » Une justice basée sur l’écoute et la parole « des valeurs à contre-courant de l’époque actuelle… » dont ni le jugement ni le pardon ne font partie. Des cercles de parole où elle joue de son pouvoir réparateur pour redonner vie et reconnaissance aux victimes de part et d’autre : ceux qui sont physiquement en prison et les autres qui vivent parfois, souvent un enfer après une agression et n’arrivent pas à s’en sortir. Une manière de se reconstruire à travers le collectif selon un dispositif très cadré : 15 heures, 5 réunions et une rencontre-bilan 2 mois plus tard. Le casting excellent a certainement beaucoup à voir dans la réussite du film. Des visages, des expressions, des attitudes, des voix, des mots qui en disent long et peuvent libérer.

Très intéressée par le processus, je me suis renseignée pour savoir s’il existait en Belgique et ai découvert que oui, même si je n’en avais jamais entendu parler. Voilà le résultat de mes recherches dans un article paru le 3 avril 2023 dans le Journal Le Soir : « En Belgique, la justice restauratrice existe mais elle est ignorée par les juges. Mise sur pied en France en 2014, la justice restauratrice l’a été bien plus tôt en Belgique, lors de la création de la médiation pénale dans les années 90. Professeur de droit pénal et magistrat à la Cour de cassation, Damien Vandermeersch est un grand défenseur de ce principe de justice assez méconnu du grand public. Pour lui, la réparation d’un dommage est essentielle. Et la médiation entre l’auteur et la victime le permet. Au contraire de l’envoi en prison du condamné. »

Un sujet passionnant et un film captivant.  

 

« All The Beauty and The Bloodshed / Toute la beauté et le sang versé »*** un documentaire de Laura Poitras avec Nan Goldin, Cookie Mueller, David Wojnarowicz, Harry Cullen, etc. Durée : 1h57’

Une femme qui a révolutionné l’art de la photographie. En s’intéressant à travers son objectif au milieu underground newyorkais des années 70-90, elle a produit un travail unique et original qui a été assez vite remarqué et acheté par des galeries et des musées internationaux. Nancy Goldin (1953, Washington D.C.) fait partie de ces artistes comme Marina Abramović qui ont fait de leur vie, leur œuvre. En effet, tout le travail de la photographe américaine est intimement lié à sa vie personnelle, marquée dans sa jeunesse par le suicide de sa sœur aînée en 1963 alors qu’elle n’a que dix ans…

Évoluant dans divers milieux nourrissant au quotidien sa créativité, elle est devenue l’une des artistes incontournables de sa génération. Un documentaire poignant qui s’intéresse principalement à son combat contre la famille Sackler, responsable de la crise des opiacés aux Etats-Unis et dans le monde.

Une artiste courageuse et un documentaire percutant et… essentiel !

« Les Choses simples » *** de Eric Besnard avec Lambert Wilson, Grégory Gadebois, Marie Gillain, etc. Durée : 1h35’

Un film totalement dans l’air du temps, celui des burn-out, des remises en question, des crises de la cinquantaine, d’une recherche du bien-être et du sens de la vie. Avec deux acteurs exceptionnels, sans parler du chien qui joue peut-être le rôle principal, de la jeune femme si naturelle et vraie, de la petite fille et des paysages sublimes qui sont le cadre de cette comédie à la fois profonde, drôle et exaspérante, on vit 1h1/2 aussi intense que pleine d’émotions où l’intrigue est intéressante et le dénouement libérateur. Alors, n’hésitez pas à aller voir ce film dont les critiques sont mitigées et faites-vous une opinion au-delà des clichés car il en vaut franchement la peine. Il fait partie de ces films rares, à la fois intelligents et divertissants. Décidément Lambert Wilson, crédible quoi qu’il joue du dandy au Commandant Cousteau ne finira jamais de nous surprendre. Quelle belle soirée.   

Festival Millenium **** du 26 mars au 6 avril 2023 inclus

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15 ans cette année que la dynamique Zlatina Rousseva et toute son équipe ont mis sur pied ce festival, unique entre tous.

« Elephant Mother »un documentaire de Jez Lewis à l’image du fil rouge de cette édition « Vers les réalités invisibles » sera projeté le dimanche 26 mars à l’inauguration : l’histoire de Lek Chailert, une femme tribale thaïlandaise qui s’attaque à l’industrie touristique de son pays pour sauver les éléphants emblématiques et autrefois sacrés, et ainsi dénoncer les pratiques cruelles du tourisme d’éléphants. Une héroïne inspirante et inspirée par son âme et ses rêves d’enfants

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Je vous invite à découvrir le programme complet et réserver vos places sur www.festivalmillenium.org

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« Interdit aux chiens et aux Italiens » *** film d’animation d’Alain Ughetto. Durée : 1h10’

Le petit-fils d’immigrés italiens raconte l’histoire de sa famille à travers Luigi, son grand-père, celui par qui tout est arrivé et qui a fait de lui un Français… à l’accent du sud ! Au début du XXe s., à Ughettera, un petit village du nord de l’Italie, la vie est devenue trop difficile et le grand-père, prenant son courage à deux mains décide de fuir. Après avoir traversé les Alpes, il s’installe en France.

Récit interprété par de jolis petits bonshommes en plasticine dans de beaux décors, auxquels on adhère immédiatement et dont on suit le cheminement avec intérêt et émotion car le film est d’une grande sensibilité. 

Tout est réuni pour faire de « Interdit aux chiens et aux Italiens » – une pancarte que l’on trouvait en Belgique (et oui) – un véritable petit bijou à valeur historique car on y apprend beaucoup.

Un film pour tout public de 7 à 77 ans, aussi touchant qu’instructif.

” The Fabelmans ” ***** de Steven Spielberg avec
Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano, Seth Rogen etc. durée 2h30′

Par Pierre Kluyskens : en l’absence de Virginie cette semaine je prends la plume pour signaler ce film exceptionnel de Steven Spielberg qui passe dans nos salles. On est vraiment au sommet de l’art du cinéma, un niveau de  François Truffaut ou David Lynch.

C’est le récit initiatique d’un jeune homme solitaire qui aspire à réaliser ses rêves .Passionné de cinéma, Sammy Fabelman passe son temps à filmer sa famille. S’il est encouragé dans cette voie par sa mère Mitzi, dotée d’un tempérament artistique, son père Burt, scientifique accompli, considère que sa passion est surtout un passe-temps. Le reste à l’écran..

Tout se retrouve dans cette production : un ton juste, de l’humour, une limpidité du scénario, un rythme soutenu … bref on ne s’ennuie pas une seule minute dans cette autobiographie fictionnelle d’un peu plus de deux heures.

C’est un délice pour les amateurs du vrai cinéma: la locomotive qui fonce sur vous ( Méliès) , David Lynch qui joue John Ford , la finale “Chaplinesque”….À voir absolument.

« Radio Metronom » **** de Alexandru Belc avec Mara Bugarin, Serban Lazarovici, Vlad Ivanov, Andreea Bibiri, etc. Durée : 1h42’

Couronné du prix de la mise en scène dans la section « Un Certain Regard » à la dernière édition du Festival de Cannes en mai 2022, ce petit bijou de film qui a pour trame la vie d’une bande d’adolescents dans la Roumanie de Ceaucescu est le premier long-métrage de fiction d’un réalisateur qui n’en est pas à ses débuts. En effet, Alexandru Belc a été l’assistant de Christian Mungiu, le plus célèbre réalisateur roumain sur « 4 mois, 3 semaines, 2 jours » qui, souvenez-vous, avait remporté la Palme d’Or à Cannes en 2007.

Nous sommes à Bucarest au début des années 70 et, à travers l’histoire amoureuse d’Ana et Sorin, sur le point de partir vivre en RDA avec sa famille, nous découvrons le quotidien de la jeunesse de ces années-là. 

Avec une photographie exceptionnelle, un cadrage carré magistral, nous vivons pendant près de 2h, non seulement grâce à l’histoire mais encore grâce à la qualité technique exceptionnelle, le climat terne, aux couleurs fades et l’ambiance répressive qui devaient être ceux de la Roumanie à l’époque, pesant comme une chape de plomb sur son peuple.

Un magnifique film à lire à plusieurs niveaux. A mes yeux… un chef-d’œuvre !  

« Retour à Séoul » ****  de Davy Chou avec Ji-min Park, Oh Kwang-rok, Guka Han, Yoan Zimmer, Louis-Do de Lencquesaing, etc. Durée : 1h59’

C’est l’histoire d’une adoption. Freddie est française, elle a une vingtaine d’années et n’a que les traits – les yeux bridé, la bouche en cœur et le visage rond – de son pays d’origine. Elle ne parle pas coréen. Elle ne pensait pas partir à la recherche de ses parents biologiques. Elle se retrouve tout de même un jour à Séoul, assise face à l’employée du Hammond Adoption Center, le bureau principal des dossiers d’adoption.

Le réalisateur lui est cambodgien, né en France en 1983 d’étudiants qui étaient venus pour parfaire leurs études à Paris et qui, surpris par la guerre ne sont jamais rentrés … Son grand-père était un producteur important au Cambodge dans les années 60-70 jusqu’à l’arrivée des khmers rouges en 1975. Il vit aujourd’hui entre la France et le Cambodge où il a e.a. relancé l’industrie du cinéma en créant un atelier avec des universités.

Pour interpréter librement l’expérience vécue par l’une de ses amies coréennes adoptée en France, il choisit Ji-min Park, une plasticienne coréenne, arrivée dans l’Hexagone à 9 ans avec ses parents, artistes eux aussi. Un 1er rôle à l’écran qu’elle assume avec une indépendance d’esprit incroyable, dit-il, naturellement, sans être perturbée un seul instant par la caméra.

Le film fort, à la fois très dur et sensible suit, au fil des années, celle qui doit faire son chemin, coûte que coûte au risque d’en blesser plus d’un, tout en veillant à cacher au maximum ses émotions. Un film en forme de témoignage aussi brillant que bouleversant. 

Et encore une peinture de la société coréenne qui a impressionné la section Un Certain Regard où il avait été sélectionné au dernier Festival de Cannes… loin des clichés.   

« No Bears » *** de Jafar Panahi avec Jafar Panahi, Naser Hashemi, Vahid Mobaseri, Bakhtiar, Mina Kavani, etc. Durée : 1h47’

Un cinéaste qui tourne à distance car empêché de sortir de son pays où il a été plusieurs fois emprisonné, dont tout récemment pour avoir soutenu son ami, le réalisateur Mohammad Rasoulof qui a fait à mes yeux le meilleur film du cinéma iranien et l’un des meilleurs et plus intelligents que j’ai vus de ma vie : « There is No Evil » couronné de l’Ours d’or à Berlin en 2020. 

Nous assistons à un film dans le film, une mise en abime et une vraie plongée dans la vie du réalisateur qui raconte une histoire qui est la sienne et celle de quantité d’Iraniens désespérés par le manque d’avenir dans leur pays natal. Depuis la Turquie frontalière, ils essaient d’obtenir des visas pour l’Europe.

Rattrapé par les traditions locales que Panahi accepte avec beaucoup de patience et de respect, le film nous apprend plus sur la situation du pays que n’importe quel autre médium artistique. Et avec beaucoup d’humanité, on comprend son hésitation entre choisir de rester ou de partir… Quel est donc le moyen le plus efficace pour dénoncer ce régime inacceptable qui, sous couvert de règles d’une absurdité qui dépasse les bornes couvre une corruption hallucinante. A travers le portrait ici de ces villageois et de cet Iran de l’intérieur replié sur lui-même, on découvre un nième aspect de ce pays qui nous donne l’un des plus intéressants et créatifs cinémas du monde.

A voir sans faute pour qui s’intéresse à cette culture mais avec un petit travail de préparation en amont pour appréhender toute la complexité du scénario.  

« Nostalgia » ***  de Martin Martone avec Pierre Francesco Favino, Francesco Di Leva, Sofia Essaïdi, Tommaso Ragno, etc. Durée : 1h57’

Felice a quitté Naples, il y a 40 ans, a fait sa vie au Caire et revient pour voir sa vieille maman. Même s’il ne voulait plus jamais mettre les pieds dans sa ville natale qu’il a fui à raison, il n’arrive plus à la quitter. Obsédé par revoir son ami de toujours qui est devenu le caïd d’un des gangs les plus violents de la Camorra, il fonce vers son destin sans écouter les conseils de tous les gens bienveillants autour de lui.

Présenté en compétition à Cannes l’année dernière, le réalisateur nous plonge à nouveau dans la Sanità, ce quartier pauvre et mal famé de Naples, sa ville natale qui était déjà au cœur de son film précédent (que je n’ai pas vu) et qu’il filme surtout depuis ses débuts de cinéaste !

Adapté d’un roman d’Ermanno Rea, Martone nous emmène dans le dédale des ruelles de sa ville qui ne change pas… Et nous le suivons derrière son héros plus qu’attachant dans les couleurs, les odeurs, les lumières, les saveurs napolitaines et tout le reste.

Un retour subtil sur le passé, l’enfance, l’adolescence d’un homme qui a fait sa vie ailleurs, contre son gré et qui a oublié les risques inhérents à son exil. Un film qui porte bien son nom. 

« Babylon » ** de Damien Chazelle avec Diego Calva, Brad Pitt, Margot Robbie, Tobbey Maguire, Jovan Adepo, etc. Durée : 3h08’

Une grande fresque virevoltante qui raconte, sur des airs de jazz, pendant 3h les débuts d’Hollywood, au rythme du sexe, de l’alcool et de la drogue (la cocaïne ne fut interdite aux Etats-Unis qu’en 1922.) Un hommage à la Mecque du cinéma décadent et dépravé, hors norme, interprété par un Brad Pitt égal à lui-même, un Diego Calva souvent hébété et une Margot Robbie qui crève l’écran. Elle est de loin la meilleure de tous et porte un grande partie du film sur les épaules.  

Un récit endiablé qui s’emballe dès les premières minutes et mêle, du début à la fin, l’histoire à la fiction. Un scénario construit avec les figures pionnières de la légende hollywoodienne sur lequel Chazelle a fameusement planché. 

Un jeune réalisateur (il a eu 38 ans la semaine dernière) qui avait déjà été remarqué pour son premier film « Whiplash » en 2014, couronné par l’Oscar de la réalisation avec « La La Land » en 2016 et qui fait déjà salle comble dès la sortie de son dernier film.

Je ne suis pas experte pour vous en faire une analyse plus approfondie mais je ne boude pas mon plaisir !  

« Pacifiction » *** d’Albert Serra avec Benoît Magimel, Pahoa Mahagafanu, Matahi Pambrun, Sergi Lopez, Marc Susini, etc. Durée : 2h45’

Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, le cinéaste catalan nous parle d’un sujet très français qui filmé à sa manière prend un tout autre dimension, voire universelle. Dans un rôle taillé sur mesure pour lui, Benoit Magimel est incroyable en haut-commissaire de la République sur l’île de Tahiti dans laquelle il évolue comme un poisson dans l’eau, à l’aise avec toutes les couches de la société.

Je pense que c’est un film plus expérimental qu’autre chose auquel il faut arriver préparé (Podcast France Inter « On aura tout vu » du samedi 29/10/22 46’) pour l’apprécier à sa juste valeur et ne pas tomber dans le piège de la longueur et inévitablement, de l’ennui. Car il est tout sauf ennuyeux. Serra réussit à capter toute la langueur et l’ambiance pesante de ces îles – en passant par la peau et la sensualité des Maoris – qui vivent sous le joug et le poids de la métropole et dont le caractère des autochtones est le reflet.

Dans une ambiance surréaliste sous un éclairage particulier, on suit pendant près de 3h la vie polynésienne, entourée du mystère de l’arrivée récente d’un sous-marin dans les eaux territoriales.

Le film baigne du début à la fin dans une ambiance unique entre fiction et réalisme, plus proche de la fable politique que du divertissement tropical. Tout y est décalé : les dialogues, les acteurs, le rythme créés par un réalisateur sans doute empreint de la figure d’anti-héros à la Joseph Conrad. J’ai beaucoup aimé cette digression tahitienne, aussi peu exotique qu’elle est idyllique.

« Vivre » * de Oliver Hermanus avec Bill Nighy, Aimee Lou Wood, Tom Burke, Lia Williams, Alex Sharp, Zoe Boyle, Adrian Rawlins, etc. Durée: 1h42’

Remake du film japonais du même nom du célèbre réalisateur Akira Kurosawa sorti en 1952, lui-même inspiré du roman de Dostoïevski « La mort d’Yvan Ilitch. » Plus de 70 ans après la sortie du premier film, le britannique Oliver Hermanus transpose dans l’Angleterre des années post Seconde guerre mondiale l’histoire d’un fonctionnaire qui, lorsqu’il apprend qu’il lui reste seulement quelques mois à vivre sort de sa réserve et décide de marquer ses derniers moments par un acte d’altruisme. Si le message n’a rien perdu de son acuité, la prestation de Bill Nighy exceptionnelle, la musique magnifique et la lumière très intéressante, la façon de filmer avec des ralentis, des plans trop attendus, etc. met malheureusement un bémol à mes yeux car cela donne un tonalité un peu trop commerciale à l’ensemble. Cela reste néanmoins un très beau film où emmener des enfants. 

« The Banshees of Inisherin” *** de Martin McDonagh avec Colin Farell, Brendan Gleeson, Kerry Condon, Barry Keoghan, etc. Durée : 1h49’

Après l’excellent “Bons Baisers de Bruges » en 2008 et « Three Bilboards » qui avait reçu e.a. le prix du scénario à Venise en 2017, le réalisateur irlandais adapte l’une de ses pièces de théâtre à l’écran. Mais quelle pièce de théâtre ! Sur fond des paysages mirifiques de son Irlande natale filmée de manière magistrale, il nous livre une histoire non dénuée d’humour aussi touchante qu’absurde et violente surtout qu’on ne s’y attendait pas du tout ! Une violence terrible de celles qui naissent d’un comportement obtus et borné comme peut l’être celui des insulaires qui vivent en circuit fermé. Explorant à la fois les thème de l’amitié, de la bêtise, de la petitesse d’esprit et de la tradition, MacDonagh nous entraine dans une dispute qui va prendre des proportions ahurissantes avec en arrière-fond, au loin, sur la grande île, les clameurs des prémices de la guerre civile. On en ressort sans voix, littéralement sonné… La performance des deux acteurs irlandais – le doux Colin Farrell face au dur Brendan Gleeson – est d’une justesse impressionnante tant au niveau des dialogues que de leur jeu. Mais, une fois de plus, je ne vous en dis pas plus sauf de ne surtout pas y emmener des enfants. Un film qui devrait d’ailleurs être Enfants Non Admis.  

    

« Broker »**** de Hirokazu Kore-eda avec Song Kang-ho, IU, Kang Dong-won, Bae Doo-na, Lee Jo-young, Song Sae-byeok, etc.Durée : 2h09’

Un film tourné par un réalisateur japonais en Corée sur un tragique phénomène de société : la boite à bébé qui soi-dit en passant est présente dans beaucoup d’autres pays dans le monde dont la Belgique. Une pratique qui existe depuis le Moyen-Âge sous le nom moins séduisant de Tours d’abandon…  Je vous conseille de vous documenter sur le sujet car il est particulièrement intéressant. Hirokazu Kore-eda dont le fil conducteur de la filmographie est la famille – rappelez-vous sa Palme d’or à Cannes il y a 4 ans avec « Une affaire de famille » – est l’un de mes réalisateurs préférés. Il existe aussi une boite à bébés au Japon mais le nombre d’abandons étant beaucoup plus important en Corée pour diverses raisons, il a choisi de tourner là-bas. C’est la 2e fois qu’il tourne hors les murs. Je ne vous cache pas mon enthousiasme pour ce récit exceptionnel dont on suit le déroulement avec émotion.

Kore-eda en profite pour déborder du sujet et aborder divers thèmes liés à l’enfance comme l’abandon, l’adoption et la filiation, autour d’un scénario construit avec subtilité et intelligence. A voir en priorité.

« A Parked Life »** un documentaire de Peter Triest. Durée : 1h27’

Nous croisons tous les jours pour peu que l’on emprunte un bout d’autoroute, ces gros camions qui parcourent les grands axes de l’Europe pour approvisionner nos supermarchés et autres grandes surfaces en produits fruits, légumes et autres comme ici des palettes en bois. Au volant, des chauffeurs qui sacrifient leur vie à ce métier, mal payé mais tout de même mieux que ce qu’ils peuvent espérer dans leurs pays respectifs. Ici, le réalisateur flamand Peter Triest nous brosse le portrait de Petar Doychev, un trentenaire bulgare qui a laissé femme et enfant au pays, qu’il voit seulement quelques semaines par an. Une relation familiale qui se passe essentiellement sur Skype.

Magnifiquement filmé, on ne peut s’empêcher de rapprocher sa vie de celle d’un cowboy du XXIe s. qui chevauche son destrier au milieu de paysages qui peuvent être très beaux. Nous voilà face, non seulement au portrait d’un homme derrière son volant mais encore, d’une famille à distance qui s’éloigne au fur et à mesure des kms parcourus… Quel témoignage et vive le cinéma qui nous permet de vivre de telles expériences. On a beau le savoir, le voir et le vivre pendant 1h1/2 est nettement plus instructif. 

 

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