« How will it end ? »
Titre emprunté (et amputé) à une série de photos de l’artiste Paola Yacoub (1965) pour évoquer la situation libanaise depuis plus de 4 décennies. Un chaos dont l’on ne prend pleinement conscience que si l’on est concerné de près par de la famille ou des amis libanais. Car le Liban est un bien petit pays, stratégiquement mal situé sur la carte du monde (entre Israël et la Syrie) et de ses enjeux politiques et économiques. C’est ce qui fait son malheur endémique, mis à part quelques périodes comme celle de 1943, date de sa création à 1975, début de la guerre civile, où Beyrouth est le centre bancaire, commercial, culturel et touristique de toute la région. On appelle parfois cette période « l’âge d’or » du Liban.
Alicia Knock et Louma Salamé, respectivement conservatrices du Musée National d’Art Moderne du Centre Pompidou et de la Fondation Boghossian n’ont pas envie de rester sur ce constat tragique. Avec l’enthousiasme et l’intérêt qui les caractérisent, elles ont organisé cette exposition pour nous montrer comment les artistes réagissent, intègrent et expriment leur vécu face à la faillite de ce pays du Proche-Orient balloté, au gré des humeurs régionales et internationales… Nous voilà face à une nouvelle génération d’artistes talentueux qui, chacun à leur manière repense son histoire personnelle en même temps qu’il retisse celle de son pays.
Après la génération de la guerre civile (la mienne) – ceux qui sont passés de l’adolescence à l’âge adulte entre 1975 à 1990 -, les artistes continuent inlassablement leur travail de mémoire et de reconstruction, alimentant une production artistique d’une richesse que beaucoup leur envie. Mais pourquoi faut-il donc des malheurs pour que naisse et s’exprime une telle créativité ? Quand arrivera le jour où l’on ne lira plus au fond des yeux de ce peuple cher qui souffre tant, la question « Comment cela va-t-il finir ? »
Démonstration aussi qualitative qu’intéressante et prenante. Avec Abed Al Kadiri (1984), Vladimir Antaki (1980), Ramy Saad (1989), Raed Yassin (1979), Ziad Antar (1978) pour ne citer que les plus jeunes, courez découvrir la richesse de la scène artistique d’un pays au bord du gouffre…
Concluons avec les toiles aussi pures que colorées et lumineuses de l’artiste pluridisciplinaire Etel Adnan (dont on pleure la récente disparition) aux cimaise d’une petite chambre, celle de Madame : « Un jour, le soleil ne se lèvera pas à son heure. Alors le jour ne sera pas. Et en l’absence de jour, il n’y aura pas de nuit non plus. »
Texte & Photos Virginie de Borchgrave
Jusqu’au 6 février 2022
Fondation Boghossian – Villa Empain
67, Avenue Franklin Roosevelt
B- 1050 Bruxelles