Tout d’abord je voudrais remercier Guy Duplat pour son bel article intitulé “Les émotions sont éternelles”, paru dans La Libre Belgique fin juin, sans lequel je n’aurais sans doute jamais été à l’Hôpital de Notre-Dame à la Rose à Lessines…
Fondé au XIIIe siècle le long de la Dendre, ce lieu magnifique est l’un des derniers exemples de site hospitalier ayant vécu en autarcie pendant plus de 700 ans! Grand bâtiment principal, chapelle, cloître, infirmerie, pharmacie, ferme, jardin de plantes médicinales, potager, cimetière et même une glacière dont le système de refroidissement fait réfléchir au gâchis d’électricité de nos modes de vie actuel.
Ancêtre de l’hôpital public, il était administré par les Seigneurs d’Oudenaarde dont Arnould IV avait épousé une princesse française, Alix de Rosoy qui, à la mort de son époux décida d’investir dans la fondation d’un hôpital pour les malades indigents et les laissés-pour-compte, à une époque où seuls les riches bénéficiaient de soins médicaux. Durant 8 siècles, les religieuses qui se sont succédées à l’Hôpital Notre-Dame à la Rose ont enrichi son patrimoine avec leur dot. Transformé aujourd’hui en musée, la collection intacte touche à tous les domaines de l’histoire de l’art.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là… Si j’ai eu envie d’aller un dimanche pluvieux au fin fond de la Wallonie picarde, c’est parce que le dynamique centre d’art de Charleroi appelé B.P.S.22 y a installé une vingtaine d’oeuvres contemporaines et, pour reprendre les mots de Guy Duplat, “ce mariage du contemporain et du patrimoine” fonctionne parfaitement. Voilà le prétexte pour découvrir cet endroit unique en Belgique, surtout quand on sait que le jour où les deux dernières religieuses fermèrent définitivement la porte derrière elles sans personne pour prendre la relève -la concurrence avec les établissements privés de la région étant ingérable-, on parlait de raser le tout pour construire un parking! Heureusement une poignée de gens éclairés et déterminés réussirent à sauver ce joyau. Le rapprochement avec l’Hôtel-Dieu de Beaune est évident. A 50km à peine de Bruxelles!
Sous le titre “Addenda” tiré du pluriel d”addendum’, l’exposition s’articule comme des rajoutes aux pièces historiques que non seulement elles questionnent mais avec lesquelles elles entrent en confrontation.
Une interaction ancien/contemporain exceptionnelle avec entre autres, dans le désordre, des oeuvres de:
– Marina Abramovic (Belgrade, 1946) qui explore à travers des vidéos installées dans le réfectoire couvert de grandes toiles illustrant le Chemin de croix, ses propres limites psychiques et physiques;
– les sculptures de Ivan Argote (Bogota, 1983) entre fils de fer et morceaux de statues en pierre réalisées in situ dans le jardin du cloître;
– les vidéos des 3 moires de Laurence Dervaux (Tournai, 1962) dans la salle de la Peste où le fil rouge s’apparente à un geste de guérison;
– les plaques en cuivre de Gina Pane (Biarritz, 1939 – Paris 1990) “St-François d’Assise, trois fois aux blessures stigmatisé”, figure majeure de l’art corporel dont la démarche est liée au sacré;
– les interventions journalistiques dorées et ‘vestimentaire’ de Fabrice Samyn (Bruxelles, 1981);
– la vidéo dans la chapelle de l’hôpital de Teresa Margolles (Culiacan, Mexico, 1963) qui fait référence au rite du baptême: un corps violemment aspergé d’eau en provenance de la morgue de Mexico, un pays qui détient le record du monde d’homicides par balle;
– la vidéo désincarnée et hors du temps de Hans Op de Beeck (Turnhout, 1969) dans la salle des malades qui poursuit son analyse de l’évolution de notre cadre de vie;
Escapade culturelle de très haut niveau à découvrir cet automne.
margelles
Informations pratiques
“Addenda” jusqu’au 30/11/2014
Musée de l’Hôpital Notre-Dame à la Rose
Place Alix de Rosoit
B- 7860 Lessines
Tél.: 068 32 24 03
Entrée: 8,50 EUR
Ouvert du mardi au dimanche de 14h à 18h et les jours fériés (lundi inclus)
Gratuit tous les premiers dimanches du mois
Pane Gina, Larmes de sang. Action Psyché, 1974
Le communiqué du musée:
Le troisième et dernier volet du triptyque d’expositions organisées par le B.P.S.22 à Lessines présente une sélection d’artistes dont les oeuvres entrent en dialogue avec les différentes salles de ce musée consacré à la médecine et à la vie conventuelle féminine.
Intitulée « Addenda », pluriel d’addendum, l’exposition se définit comme autant de notes additionnelles aux solos d’Alain Bornain (2012) et d’ORLAN (2013) afin d’explorer, par la confrontation entre les pièces historiques et les interventions contemporaines, les multiples questionnements soulevés par ce lieu patrimonial unique. Dans la logique du parcours classique de la visite du musée, les salles sont investies d’une proposition plastique spécifique choisie et/ou conçue pour un espace déterminé, révélant la diversité des approches et des sensibilités contemporaines tout en mettant en lumière les multiples sujets qu’aborde le Musée.
Curatrice de l’exposition: Nancy Casielles
Conservateur du Musée de l’Hôpital Notre-Dame à la Rose: Raphaël Debruyn
