Immersion fascinante dans l’univers pictural d’un artiste majeur du XXe siècle, l’exposition, à la croisée des chemins entre exploration artistique et réflexion culturelle réussit à capter l’essence du parcours prolifique du peintre Pierre Alechinsky. Elle met en avant la diversité et la richesse de ses œuvres, tout en soulignant son statut de véritable “pinceau voyageur“. 

À travers plus d’une centaine d’œuvres, allant des dessins aux gravures en passant par de larges toiles, on découvre un artiste en perpétuelle quête d’expérimentation. Différentes sections révèlent comment il est arrivé à fusionner les influences orientales et occidentales, en résonance avec la mission interculturelle de la Fondation Boghossian. 

Le titre de l’exposition prend tout son sens à travers les œuvres sélectionnées car on a affaire à un artiste ne se contentant pas de peindre des paysages physiques mais encore d’explorer des paysages intérieurs, traversant les frontières du réel pour plonger dans un univers onirique, toujours en mouvement. Une quête de mouvement identifiable dans ses compositions très dynamiques, où les formes abstraites se rencontrent et s’entrechoquent, créant des toiles qu’on pourrait presque qualifier de vivantes.

Membre fondateur du mouvement Cobra, Alechinsky a su conserver, tout au long de sa carrière, cette énergie brute et spontanée propre au collectif. 

Les œuvres sélectionnées par la commissaire Catherine de Braekeleer révèlent la liberté de son geste, avec des formes souvent chaotiques mais subtilement maîtrisées. Les couleurs vives et les traits noirs – caractéristiques de son travail – créent un univers où l’abstraction côtoie le figuratif, laissant libre cours à notre imagination. 

Une profusion qui pourrait être déroutante aux yeux de certains visiteurs ? 

Un foisonnement de couleurs et de formes qui pourrait créer une impression de désordre ? Au contraire, je pense que c’est ce chaos organisé qui donne sa force au propos. Alechinsky est de cette race d’artistes qui nous invitent à nous perdre dans leurs œuvres, d’une haute densité visuelle et surtout, à explorer chaque détail comme autant de mondes à part entière. 

Notons que l’approche ludique de son œuvre est présente : certains tableaux rappellent des croquis presque enfantins, tandis que d’autres explorent des techniques plus élaborées, notamment la calligraphie japonaise, reflet de son intérêt pour l’Asie. 

L’un des points forts de l’exposition est certainement dans la diversité des techniques présentées : de la peinture à la gravure en passant par le dessin, Alechinsky explore sans cesse de nouvelles manières de s’exprimer. 

Une variété qui est là pour témoigner d’une carrière exceptionnelle et permet de saisir les multiples facettes de l’artiste. Cependant, on pourrait reprocher un certain manque de contextualisation pour ceux qui ne sont pas familiers avec son œuvre ou avec le mouvement Cobra. Si l’on a apprécié la liberté laissée à l’interprétation, d’autres auraient peut-être voulu davantage d’explications sur les influences et les thèmes sous-jacents aux œuvres présentées ?

Un autre point fort est son ancrage dans la mission même de la Fondation : promouvoir le dialogue entre les cultures. Les influences orientales, notamment japonaises sont omniprésentes dans le travail d’Alechinsky et l’exposition réussit à les mettre en lumière sans jamais forcer le trait. 

Le voyage est non seulement géographique, mais aussi culturel et symbolique, où se mêlent tradition occidentale et art oriental, abstraction et calligraphie. 

Enfin, la scénographie élégante et respectueuse est mise en valeur par le cadre exceptionnel de la Villa Empain qui rajoute une 3e dimension au voyage. 

Rétrospective riche et éclectique, plongée captivante dans l’univers d’un artiste qui n’a cessé d’explorer, de renouveler et de surprendre. Bref, une exposition incontournable pour les amateurs d’art contemporain et ceux qui cherchent à découvrir un géant de l’abstraction moderne. 

Texte & Photos Virginie de Borchgrave

Jusqu’au 16 mars 2025 

www.villaempain.com