« La leçon que nous avons tirée de l’Amazonie s’adresse à la planète entière. »
L’exposition-événement du grand photographe brésilien Sebastião Salgado vient de s’ouvrir à Tours & Taxis à Bruxelles. Dans une mise en scène orchestrée par sa femme Lélia sur une musique originale de Jean-Michel Jarre, on est subjugué, dès les premières minutes où l’on pénètre dans l’espace, par l’ampleur du travail et son impact historique, au-delà de l’aspect anthropologique.
Plus de 200 photographies pour nourrir un débat sur l’avenir de la forêt amazonienne, un travail initié en 2013 sur une région qui s’étend sur 9 pays dont 65% appartiennent au Brésil et représentent la moitié de sa superficie. Des images saisissantes tels des témoins « pour que la vie et la nature échappent à l’extermination et la destruction » et par delà, pour nous faire comprendre qu’il est de notre devoir de participer à sa protection.
Le 22 avril 1500 quand l’explorateur portugais Pedro Álvares Cabral découvre le Brésil, cinq millions d’habitants vivaient au sein de cette végétation irriguée par un nombre incalculable de rivières.
Il en reste moins de 400 000 aujourd’hui répartis en 188 groupes (dont 144 n’ont jamais eu aucun contact avec le monde civilisé) parlant 150 langues différentes. La déforestation pour la production intensive de la viande de bœuf et le soja est la principale responsable. On compte en dizaines de milliers chaque année, les exploitations agricoles qui grignotent la forêt en augmentant leur superficie, détruisant inévitablement les territoires indigènes et la biodiversité dont ils sont les seuls garants, régulièrement au prix de leur vie…
La richesse de l’univers sonore amazonien capté par le compositeur français, impliqué dans la défense de la nature et de l’environnement (e.a. comme ambassadeur à l’Unesco depuis plus de 30 ans) apporte, en plus d’une prise de conscience, une réelle 3e dimension surtout quand on apprend comment il a réalisé cette partition musicale : en établissant « une sorte de boite à outils contenant des éléments musicaux – orchestraux ou électroniques – destinés à recréer ou évoquer le timbre de sons naturels, auxquels s’ajoutent des sons issus de l’environnement, et enfin des sources ethniques (voix, chants , instruments) issues du fonds d’archives sonores du Musée d’Ethnographie de Genève. »
Il explique qu’il a essayé de fantasmer la forêt, elle qui « charrie un puissant imaginaire ; tant pour les Occidentaux que pour la Amérindiens. » Le tout en harmonie avec Salgado qui ajoute : « Je suis né dans un pays musical : la musique populaire brésilienne est diffusée et défendue partout dans le pays. Je chante moi-même énormément de musiques apprises durant ma jeunesse, et je n’ai pu photographier l’Amazonie qu’en chantant. La musique a été mon fil conducteur. Les indigènes chantent beaucoup jour et nuit, sauf quand ils chassent. Leur silence doit être alors absolu. »
Des photos mais encore des interviews exclusives, deux projections avec une centaine de photos supplémentaires sur une création originale du compositeur Rodolfo Stroeter et trois ocas, inspirées des maisons communautaires d’autochtones pour présenter encore des films et des photographies de l’une des plus importantes concentrations culturelles du monde.
Y a-t-il meilleure invitation à voir, entendre et penser, chacun à sa manière et à son échelle, au devenir de la biodiversité et la place des humains dans le monde vivant ?
« Amazônia » conçue comme un voyage en forêt où l’on entre peu à peu depuis les airs et en bateau est une immersion, une expérience totale, inédite, indispensable et incontournable.
A la hauteur de cet inestimable patrimoine de l’humanité.
Texte & Photos Virginie de Borchgrave
Jusqu’au 11 novembre 2025
Tours & Taxis Shed 4bis
B-1000 Bruxelles
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h. Fermé le lundi sauf vacances scolaires & jours fériés
www.expo-amazonia.com