FESTIVAL MILLENIUM ****
La cérémonie de remise des prix s’annonce être une soirée très festive et immersive autour de la culture latino. La projection de “Children of Las Brisas” aura lieu le 6 avril à 19h à Flagey (Studio 4) et sera suivi d’un cocktail et d’une dégustation autour de spécialités latino. La musique sera également au rendez-vous. A la sortie de la projection, le groupe de cumbia Awa Keme Kemo introduira le cocktail.
Lien Facebook : https://fb.me/e/9F5TciQYN
Les billets sont disponibles via notre campagne de crowdfunding : http://kck.st/3KtwuAw
Et via la billetterie de Flagey : https://apps.ticketmatic.com/widgets/flagey/addtickets…
Par ailleurs, j’ai noté deux autres très beaux films latinos cette année :
1- “Waters of Pastaza“, un documentaire qui observe le quotidien d’enfants qui vivent en autonomie isolés dans la forêt amazonienne en profonde intimité avec la nature qui les entoure.
Lien FaceBook : https://fb.me/e/2F1b2GrTU
Deux projections de ce film auront lieu au Vendôme :
Le 31mars 2023 à 21h30
Le 2 avril 2023 à 21h
Tickets : http://kck.st/3KtwuAw
2- “Lazaro and the Shark“, un long métrage documentaire qui nous fait découvrir le monde des concours de congas dans le carnaval de Santiago de Cuba – l’un des carnavals les plus pauvres du monde.
Lien Facebook : https://fb.me/e/10mTRDXih
Le 5 avril à 20h30auxGaleries
Tickets : https://galeries.be/en/lazaro-and-the-shark/
« Les Choses simples » *** de Eric Besnard avec Lambert Wilson, Grégory Gadebois, Marie Gillain, etc. Durée : 1h35’
Un film totalement dans l’air du temps, celui des burn-out, des remises en question, des crises de la cinquantaine, d’une recherche du bien-être et du sens de la vie. Avec deux acteurs exceptionnels, sans parler du chien qui joue peut-être le rôle principal, de la jeune femme si naturelle et vraie, de la petite fille et des paysages sublimes qui sont le cadre de cette comédie à la fois profonde, drôle et exaspérante, on vit 1h1/2 aussi intense que pleine d’émotions où l’intrigue est intéressante et le dénouement libérateur. Alors, n’hésitez pas à aller voir ce film dont les critiques sont mitigées et faites-vous une opinion au-delà des clichés car il en vaut franchement la peine. Il fait partie de ces films rares, à la fois intelligents et divertissants. Décidément Lambert Wilson, crédible quoi qu’il joue du dandy au Commandant Cousteau ne finira jamais de nous surprendre. Quelle belle soirée.
Festival Millenium **** du 26 mars au 6 avril 2023 inclus
15 ans cette année que la dynamique Zlatina Rousseva et toute son équipe ont mis sur pied ce festival, unique entre tous.
« Elephant Mother », un documentaire de Jez Lewis à l’image du fil rouge de cette édition « Vers les réalités invisibles » sera projeté le dimanche 26 mars à l’inauguration : l’histoire de Lek Chailert, une femme tribale thaïlandaise qui s’attaque à l’industrie touristique de son pays pour sauver les éléphants emblématiques et autrefois sacrés, et ainsi dénoncer les pratiques cruelles du tourisme d’éléphants. Une héroïne inspirante et inspirée par son âme et ses rêves d’enfants
Je vous invite à découvrir le programme complet et réserver vos places sur www.festivalmillenium.org
.
« Interdit aux chiens et aux Italiens » *** film d’animation d’Alain Ughetto. Durée : 1h10’
Le petit-fils d’immigrés italiens raconte l’histoire de sa famille à travers Luigi, son grand-père, celui par qui tout est arrivé et qui a fait de lui un Français… à l’accent du sud ! Au début du XXe s., à Ughettera, un petit village du nord de l’Italie, la vie est devenue trop difficile et le grand-père, prenant son courage à deux mains décide de fuir. Après avoir traversé les Alpes, il s’installe en France.
Récit interprété par de jolis petits bonshommes en plasticine dans de beaux décors, auxquels on adhère immédiatement et dont on suit le cheminement avec intérêt et émotion car le film est d’une grande sensibilité.
Tout est réuni pour faire de « Interdit aux chiens et aux Italiens » – une pancarte que l’on trouvait en Belgique (et oui) – un véritable petit bijou à valeur historique car on y apprend beaucoup.
Un film pour tout public de 7 à 77 ans, aussi touchant qu’instructif.
” The Fabelmans ” ***** de Steven Spielberg avec
Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano, Seth Rogen etc. durée 2h30′
Par Pierre Kluyskens : en l’absence de Virginie cette semaine je prends la plume pour signaler ce film exceptionnel de Steven Spielberg qui passe dans nos salles. On est vraiment au sommet de l’art du cinéma, un niveau de François Truffaut ou David Lynch.
C’est le récit initiatique d’un jeune homme solitaire qui aspire à réaliser ses rêves .Passionné de cinéma, Sammy Fabelman passe son temps à filmer sa famille. S’il est encouragé dans cette voie par sa mère Mitzi, dotée d’un tempérament artistique, son père Burt, scientifique accompli, considère que sa passion est surtout un passe-temps. Le reste à l’écran..
Tout se retrouve dans cette production : un ton juste, de l’humour, une limpidité du scénario, un rythme soutenu … bref on ne s’ennuie pas une seule minute dans cette autobiographie fictionnelle d’un peu plus de deux heures.
C’est un délice pour les amateurs du vrai cinéma: la locomotive qui fonce sur vous ( Méliès) , David Lynch qui joue John Ford , la finale “Chaplinesque”….À voir absolument.
« Radio Metronom » **** de Alexandru Belc avec Mara Bugarin, Serban Lazarovici, Vlad Ivanov, Andreea Bibiri, etc. Durée : 1h42’
Couronné du prix de la mise en scène dans la section « Un Certain Regard » à la dernière édition du Festival de Cannes en mai 2022, ce petit bijou de film qui a pour trame la vie d’une bande d’adolescents dans la Roumanie de Ceaucescu est le premier long-métrage de fiction d’un réalisateur qui n’en est pas à ses débuts. En effet, Alexandru Belc a été l’assistant de Christian Mungiu, le plus célèbre réalisateur roumain sur « 4 mois, 3 semaines, 2 jours » qui, souvenez-vous, avait remporté la Palme d’Or à Cannes en 2007.
Nous sommes à Bucarest au début des années 70 et, à travers l’histoire amoureuse d’Ana et Sorin, sur le point de partir vivre en RDA avec sa famille, nous découvrons le quotidien de la jeunesse de ces années-là.
Avec une photographie exceptionnelle, un cadrage carré magistral, nous vivons pendant près de 2h, non seulement grâce à l’histoire mais encore grâce à la qualité technique exceptionnelle, le climat terne, aux couleurs fades et l’ambiance répressive qui devaient être ceux de la Roumanie à l’époque, pesant comme une chape de plomb sur son peuple.
Un magnifique film à lire à plusieurs niveaux. A mes yeux… un chef-d’œuvre !
« Retour à Séoul » **** de Davy Chou avec Ji-min Park, Oh Kwang-rok, Guka Han, Yoan Zimmer, Louis-Do de Lencquesaing, etc. Durée : 1h59’
C’est l’histoire d’une adoption. Freddie est française, elle a une vingtaine d’années et n’a que les traits – les yeux bridé, la bouche en cœur et le visage rond – de son pays d’origine. Elle ne parle pas coréen. Elle ne pensait pas partir à la recherche de ses parents biologiques. Elle se retrouve tout de même un jour à Séoul, assise face à l’employée du Hammond Adoption Center, le bureau principal des dossiers d’adoption.
Le réalisateur lui est cambodgien, né en France en 1983 d’étudiants qui étaient venus pour parfaire leurs études à Paris et qui, surpris par la guerre ne sont jamais rentrés … Son grand-père était un producteur important au Cambodge dans les années 60-70 jusqu’à l’arrivée des khmers rouges en 1975. Il vit aujourd’hui entre la France et le Cambodge où il a e.a. relancé l’industrie du cinéma en créant un atelier avec des universités.
Pour interpréter librement l’expérience vécue par l’une de ses amies coréennes adoptée en France, il choisit Ji-min Park, une plasticienne coréenne, arrivée dans l’Hexagone à 9 ans avec ses parents, artistes eux aussi. Un 1er rôle à l’écran qu’elle assume avec une indépendance d’esprit incroyable, dit-il, naturellement, sans être perturbée un seul instant par la caméra.
Le film fort, à la fois très dur et sensible suit, au fil des années, celle qui doit faire son chemin, coûte que coûte au risque d’en blesser plus d’un, tout en veillant à cacher au maximum ses émotions. Un film en forme de témoignage aussi brillant que bouleversant.
Et encore une peinture de la société coréenne qui a impressionné la section Un Certain Regard où il avait été sélectionné au dernier Festival de Cannes… loin des clichés.
« No Bears » *** de Jafar Panahi avec Jafar Panahi, Naser Hashemi, Vahid Mobaseri, Bakhtiar, Mina Kavani, etc. Durée : 1h47’
Un cinéaste qui tourne à distance car empêché de sortir de son pays où il a été plusieurs fois emprisonné, dont tout récemment pour avoir soutenu son ami, le réalisateur Mohammad Rasoulof qui a fait à mes yeux le meilleur film du cinéma iranien et l’un des meilleurs et plus intelligents que j’ai vus de ma vie : « There is No Evil » couronné de l’Ours d’or à Berlin en 2020.
Nous assistons à un film dans le film, une mise en abime et une vraie plongée dans la vie du réalisateur qui raconte une histoire qui est la sienne et celle de quantité d’Iraniens désespérés par le manque d’avenir dans leur pays natal. Depuis la Turquie frontalière, ils essaient d’obtenir des visas pour l’Europe.
Rattrapé par les traditions locales que Panahi accepte avec beaucoup de patience et de respect, le film nous apprend plus sur la situation du pays que n’importe quel autre médium artistique. Et avec beaucoup d’humanité, on comprend son hésitation entre choisir de rester ou de partir… Quel est donc le moyen le plus efficace pour dénoncer ce régime inacceptable qui, sous couvert de règles d’une absurdité qui dépasse les bornes couvre une corruption hallucinante. A travers le portrait ici de ces villageois et de cet Iran de l’intérieur replié sur lui-même, on découvre un nième aspect de ce pays qui nous donne l’un des plus intéressants et créatifs cinémas du monde.
A voir sans faute pour qui s’intéresse à cette culture mais avec un petit travail de préparation en amont pour appréhender toute la complexité du scénario.
« Nostalgia » *** de Martin Martone avec Pierre Francesco Favino, Francesco Di Leva, Sofia Essaïdi, Tommaso Ragno, etc. Durée : 1h57’
Felice a quitté Naples, il y a 40 ans, a fait sa vie au Caire et revient pour voir sa vieille maman. Même s’il ne voulait plus jamais mettre les pieds dans sa ville natale qu’il a fui à raison, il n’arrive plus à la quitter. Obsédé par revoir son ami de toujours qui est devenu le caïd d’un des gangs les plus violents de la Camorra, il fonce vers son destin sans écouter les conseils de tous les gens bienveillants autour de lui.
Présenté en compétition à Cannes l’année dernière, le réalisateur nous plonge à nouveau dans la Sanità, ce quartier pauvre et mal famé de Naples, sa ville natale qui était déjà au cœur de son film précédent (que je n’ai pas vu) et qu’il filme surtout depuis ses débuts de cinéaste !
Adapté d’un roman d’Ermanno Rea, Martone nous emmène dans le dédale des ruelles de sa ville qui ne change pas… Et nous le suivons derrière son héros plus qu’attachant dans les couleurs, les odeurs, les lumières, les saveurs napolitaines et tout le reste.
Un retour subtil sur le passé, l’enfance, l’adolescence d’un homme qui a fait sa vie ailleurs, contre son gré et qui a oublié les risques inhérents à son exil. Un film qui porte bien son nom.
« Babylon » ** de Damien Chazelle avec Diego Calva, Brad Pitt, Margot Robbie, Tobbey Maguire, Jovan Adepo, etc. Durée : 3h08’
Une grande fresque virevoltante qui raconte, sur des airs de jazz, pendant 3h les débuts d’Hollywood, au rythme du sexe, de l’alcool et de la drogue (la cocaïne ne fut interdite aux Etats-Unis qu’en 1922.) Un hommage à la Mecque du cinéma décadent et dépravé, hors norme, interprété par un Brad Pitt égal à lui-même, un Diego Calva souvent hébété et une Margot Robbie qui crève l’écran. Elle est de loin la meilleure de tous et porte un grande partie du film sur les épaules.
Un récit endiablé qui s’emballe dès les premières minutes et mêle, du début à la fin, l’histoire à la fiction. Un scénario construit avec les figures pionnières de la légende hollywoodienne sur lequel Chazelle a fameusement planché.
Un jeune réalisateur (il a eu 38 ans la semaine dernière) qui avait déjà été remarqué pour son premier film « Whiplash » en 2014, couronné par l’Oscar de la réalisation avec « La La Land » en 2016 et qui fait déjà salle comble dès la sortie de son dernier film.
Je ne suis pas experte pour vous en faire une analyse plus approfondie mais je ne boude pas mon plaisir !
« Pacifiction » *** d’Albert Serra avec Benoît Magimel, Pahoa Mahagafanu, Matahi Pambrun, Sergi Lopez, Marc Susini, etc. Durée : 2h45’
Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, le cinéaste catalan nous parle d’un sujet très français qui filmé à sa manière prend un tout autre dimension, voire universelle. Dans un rôle taillé sur mesure pour lui, Benoit Magimel est incroyable en haut-commissaire de la République sur l’île de Tahiti dans laquelle il évolue comme un poisson dans l’eau, à l’aise avec toutes les couches de la société.
Je pense que c’est un film plus expérimental qu’autre chose auquel il faut arriver préparé (Podcast France Inter « On aura tout vu » du samedi 29/10/22 46’) pour l’apprécier à sa juste valeur et ne pas tomber dans le piège de la longueur et inévitablement, de l’ennui. Car il est tout sauf ennuyeux. Serra réussit à capter toute la langueur et l’ambiance pesante de ces îles – en passant par la peau et la sensualité des Maoris – qui vivent sous le joug et le poids de la métropole et dont le caractère des autochtones est le reflet.
Dans une ambiance surréaliste sous un éclairage particulier, on suit pendant près de 3h la vie polynésienne, entourée du mystère de l’arrivée récente d’un sous-marin dans les eaux territoriales.
Le film baigne du début à la fin dans une ambiance unique entre fiction et réalisme, plus proche de la fable politique que du divertissement tropical. Tout y est décalé : les dialogues, les acteurs, le rythme créés par un réalisateur sans doute empreint de la figure d’anti-héros à la Joseph Conrad. J’ai beaucoup aimé cette digression tahitienne, aussi peu exotique qu’elle est idyllique.
« Vivre » * de Oliver Hermanus avec Bill Nighy, Aimee Lou Wood, Tom Burke, Lia Williams, Alex Sharp, Zoe Boyle, Adrian Rawlins, etc. Durée: 1h42’
Remake du film japonais du même nom du célèbre réalisateur Akira Kurosawa sorti en 1952, lui-même inspiré du roman de Dostoïevski « La mort d’Yvan Ilitch. » Plus de 70 ans après la sortie du premier film, le britannique Oliver Hermanus transpose dans l’Angleterre des années post Seconde guerre mondiale l’histoire d’un fonctionnaire qui, lorsqu’il apprend qu’il lui reste seulement quelques mois à vivre sort de sa réserve et décide de marquer ses derniers moments par un acte d’altruisme. Si le message n’a rien perdu de son acuité, la prestation de Bill Nighy exceptionnelle, la musique magnifique et la lumière très intéressante, la façon de filmer avec des ralentis, des plans trop attendus, etc. met malheureusement un bémol à mes yeux car cela donne un tonalité un peu trop commerciale à l’ensemble. Cela reste néanmoins un très beau film où emmener des enfants.
« The Banshees of Inisherin” *** de Martin McDonagh avec Colin Farell, Brendan Gleeson, Kerry Condon, Barry Keoghan, etc. Durée : 1h49’
Après l’excellent “Bons Baisers de Bruges » en 2008 et « Three Bilboards » qui avait reçu e.a. le prix du scénario à Venise en 2017, le réalisateur irlandais adapte l’une de ses pièces de théâtre à l’écran. Mais quelle pièce de théâtre ! Sur fond des paysages mirifiques de son Irlande natale filmée de manière magistrale, il nous livre une histoire non dénuée d’humour aussi touchante qu’absurde et violente surtout qu’on ne s’y attendait pas du tout ! Une violence terrible de celles qui naissent d’un comportement obtus et borné comme peut l’être celui des insulaires qui vivent en circuit fermé. Explorant à la fois les thème de l’amitié, de la bêtise, de la petitesse d’esprit et de la tradition, MacDonagh nous entraine dans une dispute qui va prendre des proportions ahurissantes avec en arrière-fond, au loin, sur la grande île, les clameurs des prémices de la guerre civile. On en ressort sans voix, littéralement sonné… La performance des deux acteurs irlandais – le doux Colin Farrell face au dur Brendan Gleeson – est d’une justesse impressionnante tant au niveau des dialogues que de leur jeu. Mais, une fois de plus, je ne vous en dis pas plus sauf de ne surtout pas y emmener des enfants. Un film qui devrait d’ailleurs être Enfants Non Admis.
« Broker »**** de Hirokazu Kore-eda avec Song Kang-ho, IU, Kang Dong-won, Bae Doo-na, Lee Jo-young, Song Sae-byeok, etc.Durée : 2h09’
Un film tourné par un réalisateur japonais en Corée sur un tragique phénomène de société : la boite à bébé qui soi-dit en passant est présente dans beaucoup d’autres pays dans le monde dont la Belgique. Une pratique qui existe depuis le Moyen-Âge sous le nom moins séduisant de Tours d’abandon… Je vous conseille de vous documenter sur le sujet car il est particulièrement intéressant. Hirokazu Kore-eda dont le fil conducteur de la filmographie est la famille – rappelez-vous sa Palme d’or à Cannes il y a 4 ans avec « Une affaire de famille » – est l’un de mes réalisateurs préférés. Il existe aussi une boite à bébés au Japon mais le nombre d’abandons étant beaucoup plus important en Corée pour diverses raisons, il a choisi de tourner là-bas. C’est la 2e fois qu’il tourne hors les murs. Je ne vous cache pas mon enthousiasme pour ce récit exceptionnel dont on suit le déroulement avec émotion.
Kore-eda en profite pour déborder du sujet et aborder divers thèmes liés à l’enfance comme l’abandon, l’adoption et la filiation, autour d’un scénario construit avec subtilité et intelligence. A voir en priorité.
« A Parked Life »** un documentaire de Peter Triest. Durée : 1h27’
Nous croisons tous les jours pour peu que l’on emprunte un bout d’autoroute, ces gros camions qui parcourent les grands axes de l’Europe pour approvisionner nos supermarchés et autres grandes surfaces en produits fruits, légumes et autres comme ici des palettes en bois. Au volant, des chauffeurs qui sacrifient leur vie à ce métier, mal payé mais tout de même mieux que ce qu’ils peuvent espérer dans leurs pays respectifs. Ici, le réalisateur flamand Peter Triest nous brosse le portrait de Petar Doychev, un trentenaire bulgare qui a laissé femme et enfant au pays, qu’il voit seulement quelques semaines par an. Une relation familiale qui se passe essentiellement sur Skype.
Magnifiquement filmé, on ne peut s’empêcher de rapprocher sa vie de celle d’un cowboy du XXIe s. qui chevauche son destrier au milieu de paysages qui peuvent être très beaux. Nous voilà face, non seulement au portrait d’un homme derrière son volant mais encore, d’une famille à distance qui s’éloigne au fur et à mesure des kms parcourus… Quel témoignage et vive le cinéma qui nous permet de vivre de telles expériences. On a beau le savoir, le voir et le vivre pendant 1h1/2 est nettement plus instructif.
« Les huit montagnes »*** de Felix Van Groeningen et Charlotte Vandermeersch avec Alessandro Borghi, Luca Marinelli, Filippo Timi, Elena Lietti, etc. Durée : 2h27’
Tout d’abord, ne soyez pas effrayé par la longueur du film. Adapté du roman homonyme de l’Italien Paolo Cognetti, les réalisateurs Felix Van Groeningen et Charlotte Vandermeersch signent une très belle ode à la montagne qui remporta, ex aequo avec « EO » (cfr critique plus bas), le Prix du Jury à Cannes cette année. C’est l’histoire d’une exceptionnelle amitié, de l’enfance à l’âge adulte, au milieu des montagnes du Val d’Aoste. Mais au-delà de l’amitié. le film aborde aussi la filiation, la difficulté à trouver l’amour pour l’un et d’en assurer les responsabilités pour l’autre, le poids des traditions, les sacrifices inhérents à la vie isolé dans la nature, etc.
7e long métrage du réalisateur flamand et de sa compagne, « Les huit montagnes » marque donc à mes yeux une étape dans sa carrière, un aboutissement tant au niveau de la forme que du fond. Tout en cherchant un sens à leur vie, nous assistons à la construction d’une amitié indestructible entre deux jeunes hommes, un sentiment qui se passe de mots et qui touche à son essence même. Je n’ai pas lu le livre (lauréat du Prix Médicis en 2017) mais le rendu cinématographique étant si bien fait, je me demande ce que doivent véhiculer les mots de Cognetti sans les images.
« EO » *** de Jerzy Skolimowski avec Sandra Drzymalska, Tomasz Organek, Mateusz Kosciukiewicz, Lorenzo Zurzolo, Lolita Chammah, Agata Sasinowska, Anna Rokita et Isabelle Hupert. Durée : 1h27’
Comment savoir si vous allez apprécier comme moi ce film très original réalisé par le plus grand cinéaste polonais, aussi grand par son âge que par son talent ? Je pense que la meilleure manière est d’arriver un peu préparé à cette expérience cinématographique, essentiellement visuelle et sonore dont le héros est un âne. Un joli animal aux yeux mélancoliques par lesquels on appréhende le monde, parfois doux et agréable, parfois cruel et violent au gré des gens qu’il croise sur son chemin. Des images magnifiques rendues sous un beau format carré et un angle particulier avec des prises de vue extraordinaires (quelquefois à travers des filtres de couleur rouge) tissées sur un scénario à rebondissements font que l’on ne s’ennuie pas une seconde. Italo-polonais, le film qui s’inspire du film français « Au Hasard Balthazar » de Robert Bresson a été présenté cette année à Cannes en compétition officielle, sous le titre « Hi-Han ». Il en est reparti avec le Prix du jury.
« La Conspiration du Caire » **** de Tarik Saleh avec Fares Fares, Mehdi Dehbi, Tawfeek Barhom, Okan Bozkus, Mohammad Bakri, Jalal Altawil, Makram Khoury, Sherwan Haji, Hassan El Sayed, Ramzi Choukair, etc. Durée : 2h
En lice au Festival de Cannes cette année, l’excellent et impressionnant film de Tarik Saleh en est reparti avec le prix du scénario. C’est l’histoire d’Adam, un fils de pêcheur qui est accepté à la prestigieuse Université Al-Azhar du Caire, centre du pouvoir de l’Islam sunnite. Mais rien ne se passe comme prévu car, dès la rentrée académique, le Grand Imam, directeur de l’institution prestigieuse meurt inopinément. A son insu, Adam se retrouve au centre d’un conflit sanglant entre les élites religieuses et politiques du pays pour ce poste clef en Égypte (mais encore dans tout le monde arabe.)
Un film sérieux qui aborde un sujet complexe remarquablement interprété par de jeunes acteurs. Pour ceux qui ne connaissaient pas Al-Azhar (ma fille ayant étudié au Caire, ce n’était pas mon cas), ils ‘découvriront’ un lieu incontournable de l’histoire avec un grand H et seront glacés d’effroi par le drame fiction proche sans doute d’une certaine réalité. J’ai mis le mot entre apostrophes car le film franco-suédois n’a évidemment pas été tourné au Caire mais à la mosquée Süleymanye à Istanbul. Il a peu de chance d’être distribué dans les cinémas égyptiens…
Un triller arabe aussi haletant qu’intéressant auquel on est peu trop peu habitué.
« Les Amandiers » ** de Valeria Bruni Tedeschi avec Nadia Tereszkiewicz, Sofiane Bennacer, Louis Garrel, ect. Durée : 2h
Un film autobiographique – la réalisatrice n’a fait que cela toute sa carrière – sur la passion du théâtre où elle revit, à travers une jeune actrice, ses souvenirs personnels de comédienne, à 23 ans dans la troupe du théâtre mythique de Patrice Chéreau : « Les Amandiers » à Nanterre. Une école gratuite créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans où postulaient chaque année des centaines de comédiens pour n’en retenir qu’une grosse dizaine. Les élus d’une vingtaine d’années vivaient alors une expérience commune intense e.a. en stage, à l’Actors Studio à New York. Valeria raconte cette époque très importante de sa vie, qui a déterminé la direction de son travail futur, sans rien idéaliser et sans en gommer les points noirs tels que le sida et l’héroïne. Une comédie romanesque, lyrique et fougueuse, un récit sans nostalgie et un film plein d’émotions à qui l’on peut reprocher de ne pas avoir saisi l’opportunité d’aborder l’essence de ce théâtre, ses fondements, les raisons de son succès et de son rayonnement international au lieu de nous montrer un Patrice Chéreau alias Louis Garrel (son ex-compagnon) en cocaïnomane homosexuel, implacable et irascible. Dommage.
« Reste un peu » * de Gad Elmaleh avec Gad Elmaleh, David Elmaleh, Régine Elmaleh, Judith Elmaleh, etc. Durée : 1h33’
Une autofiction du célèbre humouriste franco-marocain. Après 3 années aux Etats-Unis, il revient en France et dort chez ses parents où sa maman découvre qu’il cache dans sa valise une statuette de la vierge marie, l’objet de son grand amour. Papa et maman, un couple de juifs séfarades du Maroc ne pourraient pas supporter la vérité, à savoir que leur fils se convertisse au catholicisme, se fasse baptiser et porte le prénom de Jean-Marie, en hommage au cardinal Lustiger. Un coming out spirituel où Gad Elmaleh joue son propre rôle comme ses parents, Régine et David, sa propre sœur Judith et les religieux catholiques qui l’accompagnent dans sa conversion et même la femme rabbin française, Delphine Horvilleur. Un cinéma tellement personnel qui n’est certes pas du bon cinéma (avec un mise en scène médiocre, enchainant les gros plans sur les uns et les autres avec des mouvements de caméra reliant les deux) mais qui se révèle intime, courageux, modeste, sincère et plutôt touchant où ses parents lui piquent presque la vedette ! Gad dit avoir écrit le scénario en 1 mois ½ et cela se sent malheureusement car il ne va pas assez loin dans l’introspection malgré le petit suspense jusqu’au bout. L’idée est bonne, le film est original, sympathique mais pas indispensable malgré la magnifique bande son originale d’Ibrahim Maalouf. Ce que j’aime par contre est que le sujet suscite débat et peut être prolongé après la projection.
« Boiling Point » ** de Philip Barantini avec Stephen Graham, Vinette Robinson, Alice May Feetham, Ray Pentaki, etc. Durée : 1h32’
J’aime le cinéma entre autres parce qu’il nous fait vivre des situations que l’on n’aurait jamais l’occasion de connaître autrement. On a beau être au courant de certaines choses, les vivre est tout autre chose ! Le réalisateur qui connaît bien le sujet – il a été chef lui-même pendant 12 ans avant de devenir acteur et de passer derrière la caméra – nous plonge dans l’ambiance d’un restaurant étoilé londonien, la veille de Noël, le soir le plus chargé de l’année.
Médusés, on assiste aux multiples problèmes et tensions qui en découlent, tant en cuisine qu’en salle.
En commençant déjà par saluer la prouesse technique – le film est tourné en un plan-séquence – on vit sur le fil du rasoir pendant une heure trente et on en ressort (presque) stressés. Bref, cette plongée dans l’enfer du monde particulier de la restauration (tous ceux qui y ont travaillé vous disent la même chose) est excellente, même si l’on ne peut pas dire qu’on s’y amuse. Une fiction très crédible interprétée par d’excellents acteurs.
« Mascarade »* de Nicolas Bedos avec Isabelle Adjani, Pierre Niney, Marine Vacth, François Cluzet, Emmanuelle Devos, Laura Morante, Charles Berling, etc. Durée : 2h22’
Lorsqu’un jeune gigolo tombe sous le charme d’une sublime arnaqueuse, c’est le début d’un plan machiavélique sous le soleil, la lumière, les palmiers et les magnifiques paysages découpés de la Côte d’Azur. Les deux jeunes amoureux, sans la moindre valeur morale sont prêts à tout pour mener une vie de rêve, quitte à sacrifier celle d’une ancienne gloire du cinéma et d’un agent immobilier. Scénario adapté d’un livre qui n’a pas été publié, celui que le réalisateur lui-même a tenté d’écrire pendant un an. On assiste à de multiples rebondissements, une intrigue plutôt vaine, le déroulement de vies totalement inintéressantes, des dialogues outranciers, etc.
Il serait nettement mieux de revoir « Hors de prix », un film sur le même sujet réalisé en 2006 par Pierre Salvadori, tout aussi cruel mais infiniment plus subtil. Valait-il la peine de dépenser 14 millions d’euros (ce qui pour le cinéma français est un budget conséquent) pour tirer un film d’un livre inabouti est la question que l’on se pose inévitablement ?
Le résultat est un film grossier mal ficelé, fait de clichés permanents au casting convenu – même si tout le monde joue remarquablement bien -, avec Pierre Niney en inquiétant séducteur qu’on a déjà vu chez Nicole Garcia, Isabelle Adjani en star déchue qu’on vient de voir chez François Ozon. Heureusement que Marine Vacth crève la toile par sa beauté sauvage ! Bref, après 2 heures et demie de projection, on ressort de là avec une sorte de malaise au corps…
Enfin pour terminer tout de même sur une note positive, reconnaissons-lui tout de même certaines qualités : celle de nous rappeler que l’argent est encore le nerf de la guerre ; celle d’Adjani qui a eu le courage d’accepter ce rôle difficile qui lui colle au corps et enfin, celle de Nicolas Bedos de mettre en scène des situations qu’il a vécues lui-même. Alors oui, la vie est complexe mais cette complexité-là est-elle intéressante à montrer ? A mes yeux, non.
Un film inutile.
« R.M.N. »*** de Cristian Mungiu avec Judith State, Victor Benderra, Monica Barladeanu, Maria-Victoria Dragus, Gheorghe Ifrim, Alin Panc, Lucian Ifrim, Cerasela Iosifescu, etc. Durée : 2h05’
Un grand cinéaste observe une petite communauté roumaine pour en explorer l’intolérance et les discriminations ou mieux dit, un film sur les conséquences de la mondialisation dans un village isolé de Transylvanie.
Quelques jours avant Noël, Matthias est de retour dans son village natal après avoir quitté son travail en Allemagne. Il va retrouver son fils Rudi qui y vit avec sa mère, son père Otto, malade, avec ses moutons pour seuls compagnons et Csilla, son ex-petite amie. Lorsque Csilla, bras droit de la boulangerie industrielle locale se met à recruter des employés srilankais (plus personne au sein du village n’est prêt à travailler à ces conditions-là), la tranquillité des habitants est troublée et les frustrations, conflits, angoisses et passions refont surface, brisant la paix superficielle qui y régnait.
Bien que « R.M.N. », le sigle roumain pour IRM (imagerie par résonnance magnétique), sélectionné en compétition officielle au dernier Festival de Cannes décortique remarquablement cette fronde xénophobe et analyse à la loupe les maux dont souffre la société roumaine, le réalisateur auréolé de la Palme d’Or en 2007 pour « 4 mois, 3 semaines et 2 jours » est reparti, 15 ans après, bredouille de la Croisette.
« L’innocent » **** de Louis Garrel avec Louis Garrel, Roschdy Zem, Anouck Grinberg, Noémie Merlant, etc. Durée : 1h39’
Quand Abel apprend que Sylvie sa mère, la soixantaine est sur le point de se marier avec un homme en prison, il panique. Epaulé par Clémence, sa meilleure amie, il va tout faire pour essayer de la protéger mais la rencontre avec Michel, son nouveau beau-père pourrait bien lui offrir de nouvelles perspectives, surtout qu’il déprime depuis la mort de sa femme dans un accident de voiture…
Quand on dit que les scénarii français ne sont pas assez travaillés, ce n’est pas le cas de celui-ci : un scénario très tricoté avec le romancier Tanguy Viel. Un récit loufoque et finalement cohérent, à la fois un film de braquage et une comédie romantique, drôle du début à la fin et brillant de surcroit sur le plan émotionnel.
Incarné par de grands acteurs dont Roschdy Zem, tellement crédible en gangster comme il l’a été en amant et père aimant dans « Les Enfants des Autres » de Rebecca Zlotowski ou en frère dans « Les Miens », un de ses films car il a les deux casquettes, celles d’acteur et de réalisateur. Dans la tradition des films de Pierre Jolivet et Pierre Salvadori, – les deux Pierre inspirés de La Comédie Française-, « L’Innocent » est réellement l’un des meilleurs films que j’ai vus ses dernières années. Courez le voir !
« Tori et Lokita »*** de Luc & Jean-Pierre Dardenne avec Joely Mbundu, Pablo Schils, Marc Zinga, Claire Bodson, etc. Durée : 1h24’
Les frères Dardenne nous ont habitués depuis leur début à un cinéma social qui s’intéresse aux plus démunis, aux précarisés, à ‘nos’ exclus sans misérabilisme ou sentimentalisme. Celui-ci est leur dixième film et leur neuvième en compétition à Cannes. Forts de deux Palmes d’or pour « Rosetta » en 1999 et « Le Fils » en 2005, ils ont décroché cette année le prix spécial du 75e anniversaire, créé sur mesure à leur intention par le jury. En focalisant le propos sur le lien qui unit deux jeunes migrants africains débarqués en Belgique, ils analysent la phénomène de la clandestinité dans notre pays nous révélant une réalité qui, même si on pense la connaître prend une autre dimension quand on la vit comme ici au quotidien. Entre l’espoir d’arriver à une situation stable dans le futur, à une vie digne et la réalité sordide à laquelle ils sont confrontés, entre ne pas décevoir sa maman (pour Lokita) au Bénin et leur travail de dealers d’herbe et de cocaïne dans les rues de Liège, la vie est extrêmement dure, cruelle et violente pour ces deux jeunes. C’est la première fois que les frères donnent un rôle principal double à deux acteurs non professionnels. Ils ont toujours travaillé avec des acteurs non professionnels mais chapeautés par un professionnel. C’est grâce à de multiples répétitions qu’ils y sont arrivés, en adaptant même leur scénario (très bien construit) aux réactions spontanées des protagonistes. Le résultat est percutant. Nous assistons avec compassion à un drame sous tension, en mouvement, dans la lignée de leur filmographie. Une expérience unique.
« Elvis Coulisses d’une légende »** de Baz Luhrmann avec Austin Butler, Tom Hanks, Olivia Delonge, etc. Durée : 1h40’
Envisagé sous l’angle de la relation tumultueuse qui l’unit pendant 30 ans au Colonel Parker, son imprésario, le film narre l’histoire du King de Memphis incroyablement interprétée par Austin Butler qui s’est jeté corps et âme dans le rôle. Images d’archives, reconstitutions de concerts et d’émissions, etc., le réalisateur n’a pas lésiné sur les moyens pour nous faire revivre la légende de celui qui déclarait qu’il lui était impossible de chanter s’il ne pouvait pas bouger, ce qui à l’époque de l’Amérique raciste était impensable et lui a causé de multiples problèmes. Tom Hanks dans la peau de l’impresario aussi visionnaire que beau parleur roublard et malhonnête est parfait.
L’histoire de ce jeune garçon ultra doué qui s’est laissé manipuler et a tout sacrifié à son amour du public est bien triste…
« Triangle of Sadness » **** de Ruben Öslund avec Thobias Thorwid, Harris Dickinson, Charibi Dean, Jiannis Moustos, etc. Durée: 2h20’
Après “Turist” en 2015 et “The Square” en 2017, nous retrouvons le réalisateur suédois en très grande forme de retour de Cannes où il présentait son dernier film et dont il est reparti avec… la Palme d’Or ! Cinq ans après une première Palme d’or obtenue pour « The Square », cette deuxième récompense suprême permet au prodige suédois de rentrer dans le cercle très fermé des réalisateurs ayant décroché deux Palmes, à la suite de Shohei Imamura, Francis Ford Coppola, Billie August, Emir Kusturica, les frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, Michael Haneke et Ken Loach. Après sa critique acide du milieu de l’art contemporain dans « The Square », le cinéaste s’amuse ici à créer le dilemme à la table des ultras riches, sur fond d’idéalisme marxiste, de déclin social et d’ironie aigüe. Tourné avec le style très particulier auquel nous a habitués Öslund, « Triangle of Sadness » (« Sans Filtre » en français) est une fable contemporaine particulièrement fine et drôle qui nous a diablement séduits.
L’histoire tient en quelques mots : suite à la Fashion Week, Carl et Yaya, un couple de mannequins et influenceurs se voient offrir une croisière sur un yacht de luxe qui ne tournera pas comme prévu…
Rythmé par ci par là de quelques morceaux choisis de musique classique et de plans intéressants, on ne s’ennuie pas une minute – alors qu’il dure près de 2h1/2 – tout en ne pouvant s’empêcher de penser aux multiples références tant littéraires que cinématographiques qui sous-tendent la trame. Interprété par d’excellents acteurs, il est de loin, à mes yeux, le meilleur de ses trois films.
«Decision to leave » de Park Chan-wook avec Park Hae-il, Tang Wei, etc. Durée: 2h18’
Après les quinze premières minutes, j’avais compris que le film ne me plairait pas mais par respect pour celui qui m’accompagne avec intérêt depuis près de dix ans et qui ne comprenait pas pourquoi je voulais m’en aller, je suis restée. Et les deux heures restantes ne m’ont pas plus convaincues… Je crois que maintenant il est temps de l’admettre, dans la grande majorité des cas, le cinéma coréen n’est pas pour moi. Ici, un polar au scénario inintéressant dont on a très vite compris la trame – un policier qui tombe amoureux de la suspecte d’un crime – mis en scène dans un formalisme classique attendu sur fond de manipulation servi, certes, par de bons acteurs font des deux actes, un longue comédie pseudo romantique où seule la chanson qui revient en boucle est agréable à écouter.
Park Chan-wook nous prouve que l’esthétique ne suffit pas pour faire un film, même récompensé par le prix de la mise en scène à Cannes. A éviter.
« Asako I & II » *** de Ryusuke Hamaguchi avec Higashide Masahiro, Erika Karata, Koji Seto, Rio Yamashita, etc. Durée : 1h59’
Histoires d’amour en deux chapitres avec la même jeune fille réservée et deux jeunes hommes dont la ressemblance est troublante jusqu’à déstabiliser complètement la protagoniste, qui en perd pour un temps le contrôle d’elle-même. La performance de l’acteur principal qui joue les deux rôles aux personnalités fondamentalement opposées est remarquable. Un film intéressant quant à l’étude des sentiments dans un pays où ils sont rarement exprimés. L’occasion de le comparer aussi á “Aristocrats” simultanément à l’affiche où le poids du milieu social et de ses traditions est plus lourd à porter. Ici, on voit de la spontanéité, des dialogues et l’expression d’une certaine introspection personnelle, si c’est le bon terme ? Très beaux plans e.a. dans la 2e partie du film quand elle est dans le train la nuit et encore, face à la mer au moment où elle revient à la raison.
Bien que ces films soient des moyens d’accès privilégiés à une certaine compréhension des arcanes de la société nippone, il n’empêche qu’il reste tout de même très difficile en tant qu’occidental d’y comprendre qqch… Même si je pense personnellement qu’aujourd’hui avec l’uniformisation de la société dictée par les réseaux sociaux, les différences entre la jeunesse aux quatre coins du mode se sont inévitablement un peu estompées. Un très bon film.
“Competencia oficial” **** des Argentins Mariano Cohn et Gastón Duprat avec Penelope Cruz, Antonio Banderas, Oscar Martinez, etc. Durée : 1h54’
L’intrigue tient en une ligne : un magnat de l’industrie pharmaceutique espagnole décide de marquer d’une pierre son 80e anniversaire en finançant un pont ou mieux, un film, un grand film avec les meilleurs réalisateur et acteurs du moment. En plantant le tout dans un décor impressionnant où évoluent les célèbres acteurs que l’on connaît et qui jouent chacun de leur ego démesuré et de leur pouvoir de séduction avec maestria – leur talent porte littéralement le film d’un bout à l’autre -, le duo de réalisateurs nous brosse avec beaucoup d’ironie une critique acerbe du monde du cinéma qui est réellement désopilante ! Le film qui a enflammé la Mostra de Venise à la fin de l’année dernière est une comédie aussi distrayante que cruelle. A voir.
« Aristocrats »/ Anoko wa Kizoku » *** de Yukiko Sode d’après le roman de Mariko Yamauchi avec Mugi Kadowaki, Kiko Mizuhara, Kengo Kora, etc. Durée : 2h04’
N’est-ce pas avec ce type de film qu’on apprend le plus sur la société nippone ? Partant du principe que le cinéma d’auteur est un vecteur essentiel de connaissance de l’autre, ses différences, ses codes, ses valeurs, sa culture, je suis passionnée du genre dans lequel j’ai baigné non seulement mes enfants mais encore les amis disposés de me suivre dans ce genre d’aventure, peu risquée reconnaissons-le par rapport à d’autres… Juste celle de perdre maximum 2 précieuses heures dans des journées qui en comptent toujours trop peu.
Avec “Aristocrats”, son 3e long métrage, la réalisatrice Yukiko Sode nous livre un portrait tout en retenue, élégance et profondeur de la condition de la femme dans le Japon du XXIe s., à travers différents milieux sociaux, toujours strictement régie par le poids des conventions. Une peinture subtile qui analyse sans jugement, se contentant juste de souligner les inégalités avec de beaux exemples de femmes solidaires. Voilà un intelligent portrait de la ‘nouvelle’ société nippone portée par celles qui peu à peu arriveront par leur courage à repousser les limites du patriarcat. Notons que Sode peint aussi objectivement ces hommes qui n’ont d’autre choix que celui d’assumer la tradition familiale. Un film touchant, intelligent et édifiant.
« Marx può aspettare » ***, un documentaire familial de Marco Bellochio. Durée : 1h36’
L’un des plus grands réalisateurs italiens dont vous avez sans doute vu le « Buongiorno, notte » sorti en 2003 qui traitait de l’enlèvement à Rome en 1978 d’Aldo Moro, le leader du parti démocrate-chrétien et probable futur président de la République décide à 82 ans de faire un film sur le suicide de son frère jumeau, Camillo.
On est en 1968, il avait 29 ans et depuis 53 ans, Camillo hante la plupart des films du réalisateur : « Je trouvais qu’il était temps à mon âge, avant de mourir, de faire une film sur cette tragédie. » Et pour ce faire, il nous présente les siens, les frères et les sœurs qui restent, une belle-sœur, la sœur de sa petite amie, un psychiatre, un prêtre et chacun parle à sa manière volubile ou non, de leur vision de la famille, de la mère bigote, du père très aimant dont on a caché la maladie, du frère ainé troublé psychologiquement dont il fallait supporter au quotidien le comportement bruyant et agressif et… de la personnalité du petit frère joyeux mais qui ne trouvait pas sa place dans la vie et dont aucun d’entre eux n’a réellement évalué le profond désespoir intérieur. Et tous au sein de la fratrie, tant individuellement que collectivement se sentent responsables.
Un film très personnel qui s’articule autour de ces différents témoignages et de petits films, photos, histoires familiales et archives historiques qui situent le contexte de leur enfance.
Un documentaire sincère, émouvant, thérapeutique qui aborde un thème essentiel dont on parle trop peu et a, de surcroît, le mérite de nous faire inévitablement réfléchir, chacun à sa propre famille et au rôle qu’on y joue, en tant qu’enfant et puis parent.
En juillet 2021, Bellochio a reçu à Cannes une Palme d’or d’honneur pour toute sa filmographie. « Max peut attendre » porte haut la distinction.
« One Second »*** de Zhang Yimou avec Liu Haocun, Yi Zhang, Fan Wei, Liu YunLong, Yu Ailei, etc. Durée : 1h44’
En adaptant au cinéma le roman de Geling Yan, le grand réalisateur chinois le plus célèbre à l’étranger rend un vibrant hommage à la puissance du cinéma durant la Révolution culturelle chinoise. On le suit depuis « Le Sorgho Rouge », son premier film déjà couronné par l’Ours d’Or à Berlin en 1987 puis « Epouses et Concubines » jusque dans les années 2000 avec les époustouflants « Hero » et « The House of Flying Daggers », d’incroyables exercices de style que l’on n’est pas près d’oublier.
Dans son dernier film réalisé en 2020, la photographie à la hauteur de sa réputation sert un sujet passionnant. On voit que l’emblématique cinéaste qui a souvent dû en découdre avec les autorités de son pays n’a rien perdu de sa superbe à 70 ans.
« One Second » est une belle réflexion sur le cinéma, le contexte historique et les relations humaines qui restent toujours bien surprenantes pour qui n’est pas issu de cette culture.
« Satori stress »*** de Jean-Noël Gordon avec Jean-Noël Gordon et Akiko Inamura. Durée : 1h18’
C’est l’histoire d’un homme dans la fleur de l’âge qui rencontre une Japonaise en Europe et la suit à Tokyo avec dans ses bagages, une caméra car il est réalisateur. On est en 1983, une date qui paraît à la fois si près et si loin déjà, une époque où l’archipel n’est pas encore touristique, où pour s’intéresser à cette culture en Europe, il faut un prétexte professionnel ou personnel comme c’est le cas ici. Le documentaire dans sa version qui vient d’être remasterisée par la Cinematek – prétexte pour le remettre à l’affiche – n’a pas pris une ride en presque 40 ans et se révèle toujours aussi intéressant.
C’est le premier long métrage de Gordon qui lui a fait gagner à Bruxelles en 1984 le Grand Prix national du film de reportage et d’aventure.
Non seulement le portrait de la ville mais encore la voix off qui décrit ce qu’on voit de manière précise et clinique, sur un ton particulier genre ‘nouvelle vague’ rend ce journal de voyage visuel et intime, passionnant. Et je n’ai même pas encore parlé du montage qu’on peut qualifier d’impressionnant, surtout quand on pense aux moyens techniques de l’époque. Quel travail. Tout cela pour un bijou de 78’. De quoi prouver une fois de plus que ce n’est pas la longueur, bien au contraire qui fait la qualité d’un film.
Pour qui s’intéresse au pays du soleil levant, il est programmé jusque fin août au Studio 5 à Flagey
« The Duke »** de Roger Michell avec Jim Broadbent, Hellen Mirren, Matthew Goode, Fionn Whitehead, etc. Durée: 1h35’
Une histoire vraie vécue par la famille d’un retraité excentrique de Newcastle, ancien chauffeur de taxi qui a décidé de se confronter au gouvernement britannique en combattant le payement de la redevance télévisuelle pour les plus démunis. Tant qu’il s’agit de manifester dans les rues de la ville, d’organiser des pétitions et de faire parler de lui dans la presse locale, les choses suivent leur cours, sans grand écho malheureusement. Mais soudain, Kempton Bunton décide de passer à la vitesse supérieure et c’est là que le scénario s’emballe pour notre plus grand plaisir.
Servi par de savoureux acteurs – Jim Broadbent est incroyable et Hellen Mirren que l’on vient de voir dans le dernier film de Bouli Lanners, à la hauteur de son partenaire -, le réalisateur de « Coup de Foudre à Nothing Hill » (1999) nous livre une savoureuse comédie sociale dont les Britanniques ont la recette.
Michell est venu présenter « The Duke » hors compétition à La Mostra de Venise en 2020. Depuis, il a réalisé « Elisabeth : A Portrait in Part », un documentaire sur la Reine d’Angleterre dont les festivités du jubilé ont commencé aujourd’hui. (Il est à l’affiche sur nos écrans.) Film posthume car le cinéaste britannique est mort l’année dernière, à 65 ans.
A Yack in the Classroom / L’Ecole du bout du monde » *** de Pawo Choyning Dorji avec Sherarb Dorji, Ugyen Norbu Lhendup, Kelden Lhamo Gurung, Kunzang Wangdi, etc. Durée : 1h49’
Le réalisateur est le fils d’un diplomate bhoutanais qui a étudié à l’étranger et est revenu au pays pour faire ce film, animé par le désir de montrer sa culture et ses traditions au monde. Premier film national primé aux Oscars, émanant du pays qui a fait du bonheur intérieur sa marque de fabrique (et un très beau coup de pub, soit dit en passant) où la jeune génération le cherche pourtant ailleurs, rêvant de s’exiler en Australie par exemple.
Il nous raconte une histoire et nous emmène dans l’un des coins les plus reculés de ce pays du bout du monde pour nous faire vivre une expérience hors du commun (qu’il a vécue aussi avec toute son équipe pour tourner le film dans des conditions particulièrement précaires.) Et le résultat est à la hauteur de son pari car nous suivons l’instituteur muté dans ce qui doit être l’école la plus isolée du monde, à travers la beauté non seulement des paysages mais encore des visages des enfants et de l’accueil que lui fait la communauté tout entière.
Ne pouvant s’empêcher de penser à Lao Tseu, on ressort de ce conte asiatique en comprenant peut-être encore un peu mieux que décidément le bonheur n’est pas la destination mais le voyage pour y parvenir. Un très joli conte actuel.
« I am Chance » **** de Marc-Henri Wajnberg avec Chancelvie Kaponge, Shekinah Sonco, Dodo Mbondo, etc. Durée : 1h25’
Je suis le cinéma documentaire-fiction qui traite des problèmes récurrents du continent africain et plus particulièrement du Congo depuis des années et je dois reconnaitre que le dernier film du réalisateur belge Marc-Henri Wajnberg est l’un des plus prenants mais aussi des plus durs que j’ai vus dernièrement. On suit les déambulations d’une jeune fille qui ne connait même pas son âge car elle vit dans la rue depuis qu’elle est petite, comme 35 000 dans la capitale congolaise et… 120 millions d’enfants dans le monde ! On avait vu « Kinshasa Kids » et « Kinshasa Now » tournés par le même réalisateur à dix ans d’intervalle. Dans le dernier, réalisé en 2022 apparaissait déjà la jeune protagoniste auquel Wajnberg s’était attaché, désirant la sortir de l’insécurité totale où elle se trouve. En apprenant sa grossesse, le voilà reparti dans la capitale kinoise pour l’aider à gérer une situation encore plus inconfortable. Sachez qu’il paie les frais de santé et de scolarité des enfants qu’il a filmés dont il prend des nouvelles même quand il n’est plus sur place. Sa façon de filmer qui les suit au plus près sans être jamais intrusive, la distance qu’il garde derrière l’objectif de sa caméra ainsi que le respect d’une vie ô combien difficile, mais où la liberté prime sur tout font de « I am Chance », un film essentiel de la veine de ceux, qui petit à petit changeront le monde. J’ai une profonde admiration pour les gens qui ont l’énergie et le courage de faire un tel travail pour nous ouvrir les yeux et nous faire prendre conscience de nos responsabilités, car nous en avons évidemment…
« Downtown Abbey II : a new Era » *** de Simon Curtis avec Maggie Smith, Hugh Bonneville, Elisabeth McGovern, Michelle Dockery, Hugh Dancy, etc.Durée: 2h06’
Je fais partie de ceux qui n’ont pas vu la série, n’ont pas vu le premier film, ne connaissent donc pas toute la saga de la famille Crawley que je découvre pour la première fois avec beaucoup de plaisir. J’ai vu un film plaisant avec une photographie magnifique, une intrigue qui tient la route, des dialogues intelligents – dans ce que la langue anglaise a de plus beau à offrir – qui traite de l’arrivée du cinéma parlant sous un angle intéressant. Voilà bien une excellente reconstitution d’une époque importante à la veille du terrible krach boursier de 1929. Et je n’ai pas encore évoqué Maggie Smith alias Lady Violet qui excelle dans ce rôle créé sur mesure. Quelle actrice.
Deux heures que l’on ne voit pas passer et un très beau moment de cinéma.
« El Gran Movimiento » ** de Kiro Russo avec Julio Cesar Ticona, Max Bautista Uchasara, Francisca Arce de Aro, etc. Durée : 1h25’
Il est si rare d’avoir un film sur la Bolivie dans nos salles que le public concerné s’y presse. Réalisé par un Colombien dont c’est le deuxième long métrage, « El Gran Movimiento » est une plongée dans la vie des habitants de La Paz, la capitale la plus haute du monde qui culmine à 4200 m ! C’est d’ailleurs l’une des rares villes où les quartiers chics sont situés en bas et les plus pauvres en haut, collés sur les flancs des jeunes montagnes de la Cordillera Real qui l’encercle. Nous voilà face à un film particulier qui aurait bien sa place dans le pavillon bolivien d’une expo internationale comme à la Biennale de Venise aujourd’hui sauf que, faute de moyens, il n’y a pas de pavillon bolivien… La Bolivie est un pays très riche en minerai. La région de Potosi dans les Andes regorge de mines d’or (exploitées par des enfants…) Les puissances étrangères attirées l’ont rendu exsangue. Et c’est loin d’être fini car le Salar de Yuni, le plus grand désert de sel au monde est exploité aujourd’hui pour son lithium, dénommé l’or blanc de la Bolivie. Un immense univers minéral immaculé qui s’étire à perte de vue, foulé depuis quelques années par plus de 100 000 touristes qui viennent admirer cette merveille de la nature, née de l’asséchement d’un lac préhistorique situé à plus de 3600 m d’altitude.
En suivant un jeune mineur au chômage venu en ville avec deux de ses compagnons après de longues et pénibles journées de marche pour essayer de trouver un travail, nous vivons, à travers l’objectif d’une caméra 16 mm, une expérience visuelle et sonore qui nous enseigne mieux que tout sur les affres de cette société.
Un témoignage édifiant sur un pays lointain et difficile dont on entend trop peu parler sauf à travers les clichés surréalistes des touristes, tellement déconnectés de la réalité des autochtones.
« Wheels of Fortune and Fantasy/ Guzen To Sozo. Contes du hasard et autres fantaisies » * de Ryusuke Hamaguchi avec Kotone Furukawa, Hyunri, Shouma Kai, Aoba Kawai, Katsuki Mori, Ayumu Nakajima, Kiyohiko Shibukawa, etc. Durée: 2h01’
Sorti en 2021 au Festival de Berlin virtuel, avant le magistral « Drive my car », voici un autre exemple du renouveau du cinéma nippon réalisé par la nouvelle génération de cinéastes.
Le 9e long métrage de Hamaguchi, composé de 3 courts métrages qui traitent chacun des hasards de la vie a remporté le Grand Prix de la Berlinale.
Considéré comme le Rohmer asiatique transposé dans un décor urbain où la poésie se glisse dans l’objectif par petites touches discrètes, Hamaguchi nous livre des contes immoraux, avec une émotion retenue, caractéristique de cette culture. Le premier est le plus intéressant des trois.
« Hit the road » *** de Panah Panahi avec Hassan Majooni, Pantea Panahiha, Amin Simiar, Rayan Sarlak, etc. Durée : 1h33’
Premier film du fils du célèbre réalisateur iranien Jafar Panahi, en forme de road movie musical où les paroles des chansons d’amour, pleines de sens ponctuent une histoire de douloureuse séparation familiale sur une toile de fond grandiose. En effet en Iran, la beauté extérieure du pays est inversement proportionnelle à la tristesse intérieure qui ronge ses habitants. L’expression de leurs visages en dit long. Des visages qui sont le miroir d’une souffrance, le reflet du désespoir qui les envahit de plus en plus profondément, abandonnant au fil des années l’espoir que les choses changent un jour…
Porté par des acteurs qui jouent avec beaucoup de justesse, le film emmène le spectateur dans l’histoire d’une famille dont on ne sait pas grand-chose sinon qu’ils conduisent le fils aîné vers la seule voie possible pour un futur meilleur, l’exil, dans ce pays où il est déjà impossible de se procurer un passeport. On est physiquement avec eux dans la voiture sur la route où, avec poésie et humour, le réalisateur nous guide vers le dénouement à savoir l’éclatement de la famille, dont on a préféré taire la vraie raison au petit frère qui, soit dit en passant est de loin le meilleur acteur des quatre ! En voilà un qui méritait haut la main le Prix d’interprétation.
Un voyage insolite dans un univers clos, la voiture, le seul encore libre dans ce pays muselé, où la censure est omniprésente au quotidien. Un film qui résonnera encore longtemps dans nos cœurs.
« A Chiara »*** de Jonas Carpignano avec Swamy Rotolo, Claudio Rotolo, Grecia Rotolo, Carmela Fumo, etc. Durée : 2h01’
Troisième film sur le sujet, à savoir la mafia calabraise, du jeune réalisateur italien qui revient dans la petite station balnéaire de Gioia Tauro, au nord de Reggio di Calabria au bout de la péninsule italienne. Cette fois-ci, il s’agit de l’histoire d’une famille traditionnelle qui fête les 18 ans de sa fille ainée Giulia. Mais la voiture du père qui flambe et sa fuite en douce le soir même, inquiètent Chiara, la petite sœur, surtout que sa mère fait comme s’il ne s’était riien passé… Il ne lui faut pas plus pour décider de chercher elle-même l’explication.
L’originalité du scénario tient dans l’angle de vue adopté par Carpignano qui n’est pas celui des mafieux ou de la police mais bien d’une jeune fille de 15 ans qui vit et subit une vie qu’elle n’a pas choisie et dont elle est inévitablement captive.
De plus, pour tourner ce film, le réalisateur a choisi comme protagonistes une vraie famille (qui n’est pas celle dont on raconte l’histoire évidemment), ce qui donne beaucoup de crédibilité au récit. Surtout que l’on sait que la mafia, c’est avant tout une histoire familiale avec des codes qui se transmettent de génération en génération.
Un film fort dont le seul reproche est qu’il est un peu trop long.
« Ali & Ava »*** de Clío Barnard avec Adeel Akthar, Claire Rushbrook, Ellora Torchia, etc. Durée : 1h35’
Troisième film de Clio Barnard qui raconte la relation inattendue entre Ali, un homme d’origine bengali et Ava, une britannique d’origine irlandaise à Bradford, une ville du Yorkshire à une quinzaine de km à l’ouest de Leeds. L’un finit une relation avec Runa dont il est encore amoureux et l’autre est veuve (d’un mari violent), déjà grand-mère et assistante scolaire d’une petite Slovaque dont les parents sont les locataires d’Ali. Une romance à laquelle il est difficile de ne pas adhérer où la musique joue un grand rôle. Un film touchant qui, sans avoir l’air et en toute simplicité aborde une multitude de sujets essentiels comme e.a. l’immigration et les préjugés qui en découlent. Les acteurs sont formidables et l’histoire de gens peu présents sur les écrans, intéressante. Une tranche de vie réelle criante de vérité et de sincérité. Entre mélodrame et comédie dramatique, “Ali & Ava” occupe une place de choix dans un cinéma social, un genre dans lequel excelle le Royaume-Uni. Aussi réaliste qu’émouvant. A voir.
« La Panthère des Neiges » **** de Vincent Munier et Marie Amiguet avec Vincent Munier et Sylvain Tesson. Durée : 1h32’
Il s’agit d’abord du titre d’un livre de Sylvain Tesson où il raconte son aventure tibétaine en compagnie du photographe animalier Vincent Munier, à la recherche de la panthère des neiges. Un récit qui décrocha le prestigieux Prix Renaudot en 2019. Le film n’est pas une adaptation du livre de Tesson, même si sa belle voix grave et ses mots choisis aussi littéraires que poétiques et pertinents donnent une troisième dimension au film qui, lui fut couronné du César 2022 du meilleur documentaire. Un récit qui est comme un volet en plus du livre, qui nous montre à travers des images et non plus des mots, ce que chercher la panthère des neiges représente comme heures de froid à des altitudes extrêmes, comme heures de patience, comme don d’observation et de discrétion pour ne pas perturber cet univers incroyable de grandeur et de beauté. La photographie que l’on doit au duo des réalisateurs épaulé par Léo-Paul Jacquot est à couper le souffle. Le tout ponctué d’une musique originale de Nick Cave et Warren Ellis, en symbiose totale avec le propos. Bien plus qu’un documentaire animalier, on a là sous les yeux le récit visuel d’un périple hors norme doublé d’une réflexion sur la nature et la place de que l’homme y occupe. Et surtout, sur tout ce que nous ne voyons pas ou plutôt plus… En tant que spectateur, les réalisateurs ont réussi à nous faire vivre cet affut presque comme si nous y étions et rien déjà que sur ce point, c’est remarquable.
« Nobody Has To Know »**** de Bouli Lanners avec Michelle Fairley, Julian Glover, Cal Macaninch, Cornis Cornillac, etc. Durée: 1h39’
Bouli Lanners est de loin mon réalisateur belge préféré. J’ai vu la plupart de ses films et pas un ne m’a déçu. Au contraire. J’ai à chaque fois été impressionnée entre autres par la beauté des paysages, la façon de cadrer, le rythme du scénario, la concision pour exprimer des sentiments profonds.
C’est la première fois qu’il tourne un film à l’étranger, si on peut appeler ‘étranger’ un pays qu’il connaît bien, très bien même. C’est lui qui y joue aussi le rôle principal, ce qui n’était pas initialement prévu. Mais à force de chercher l’acteur idéal et de ne pas le trouver, le choix s’est imposé.
Ce film est plein de poésie, de spiritualité, même si la mort y plane d’un bout à l’autre dialoguant avec la nature, les espaces, l’âpreté de cette région tout au nord du pays aussi sauvage et retirée que la communauté presbytérienne qui y vit. Une histoire où les personnages solitaires et attachants évoluent sous une lumière du nord, avec peu de mots mais quels mots. Il y a un moment particulièrement bouleversant que je en vous dévoilerai pas car vous devez aller voir Bouli en Ecosse et partager son émotion vraie pour ce pays, grandiose entre tous qu’il dépeint magistralement avec ses pinceaux cinématographiques. Ah oui, j’oubliais de vous dire un détail… Il s’agit tout de même d’une histoire d’amour !
« Rien à foutre »** de Emmanuel Marre & Julie Lecoustre avec Adèle Exarchopoulos, Arthur Egloff, Mara Taquin, Jean-Benoît Ugeux, Jonathan Sawdon, etc. Durée : 1h52’
C’est l’histoire de Cassandre, une jeune hôtesse de l’air de 26 ans chez Wing, une compagnie d’aviation low cost dont on suit la routine. Quelques mots suffiraient à décrire ce film sauf que… il a été « pensé et fabriqué » par deux jeunes réalisateurs français basés à Bruxelles. Emmanuel sort de l’IAD et Julie est autodidacte.
S’ils n’en sont pas à leur coup d’essai en matière de court-métrage, le duo signe ici son premier long-métrage, présenté l’année dernière à la 60e Semaine de la Critique à Cannes.
La salle était comble hier soir pour son premier jour de sortie. Et à écouter les commentaires à la fin de la projection, l’accueil a été positif. Il faut dire que le film est juste, porté par le talent de la jeune Adèle Exarchopoulos, seule actrice au milieu d’hôtesses de l’air professionnelles. On découvre à travers elle les arcanes de ce métier ô combien difficile et précaire.
En plus d’être un témoignage d’une certaine jeunesse solitaire et tellement triste.
Un témoignage bien filmé sous une lumière et un cadrage particuliers avec une musique séduisante et des plans qui reviennent, comme par exemple, à chaque fois qu’on s’envole dans les airs et que l’on traverse les masses cotonneuses. L’un des rares plans poétiques du film.
Au-delà du monde des compagnies à bas prix, « Rien à foutre » est à juste titre l’occasion d’aborder certains thèmes actuels (pas seulement propres à la jeunesse…) comme l’alcoolisme, la société de consommation, la dépendance aux médias sociaux qui peuvent nous emmener loin de nous et des autres, contrairement aux apparences.
« En route pour le milliard »*** documentaire de Dieudo Hamadi. Durée : 1h30’
Un film unique et saisissant sur la réalité congolaise dans le parcours semé d’embûches au quotidien des autochtones qui attendent une aide de la part d’un état qui les ignore. En particulier pour les innombrables victimes des guerres qui ensanglantent le continent depuis plus de 25 ans, au vu et au su de la communauté internationale… Le film suit Modogo, Mama Kawele, Sola, Bozi, Vieux Jean et quelques autres tout aussi courageux qui ont échappé à la Guerre des Six jours entre le Rwanda et l’Ouganda qui se battaient sur le territoire congolais, plus précisément à Kisangani et fit plus de 1000 victimes et 3000 blessés graves.
Un réalisateur aussi déterminé et en empathie avec ses ‘acteurs’ qui les suit dans leur périple de cette ville du nord-est, sur l’immense barge qui les amène à la capitale, au rythme chahuté du fleuve Congo. Hamadi leur confère une humanité et une dignité à la hauteur de leur combat qu’ils gagneront sans jamais voir la couleur de leur indemnisation 20 ans après ! Un documentaire en forme de témoignage pour ce grand pays et ses courageux citoyens lambda qui, (pour celui qui les a un peu fréquentés) forcent notre admiration quant à leur résistance, leur humour et leur résilience. Sincèrement un chef-d’œuvre, sélectionné au Festival de Cannes label 2020.
« En route pour le milliard » est nettement plus abordable que le remarquable « Empire du Silence » de Thierry Michel que je déconseillerais à ceux pour la violence est insoutenable à voir…
« Drive My Car »**** de Ryusuke Hamaguchi adaptation d’un extrait du recueil « Des hommes sans femmes » de Haruki Murakami avec Hidetoshi Nishijima, Tôko Miura, Reika Kirishima, Sonia Yuan, Masaki Okada, etc. Durée : 2h59’
Ce film est l’histoire singulière d’un couple. Lui est acteur et metteur en scène de théâtre. Elle est scénariste pour des séries télévisées. Ils vivent dans un très bel appartement à Tokyo. On suit leur évolution au fil des années (qui ne les ont pas épargnées), jusqu’au jour où il se retrouve veuf sans avoir eu le temps de parler de choses importantes dont on ne saura jamais plus… Couronné par le Prix du scénario à Cannes cette année, une récompense à la hauteur d’un scénario littéraire qui confronte brillamment, tout au long du film, le texte de la pièce de Tchekhov « Oncle Vania » que Yusuke Kafuku, l’acteur principal est en train de monter pour un festival à Hiroshima et son histoire personnelle. Trois heures filmées au cordeau qui ne paraissent jamais longues, bien qu’on soit plutôt dans un cinéma, sinon contemplatif du moins d’introspection dont on épouse naturellement le rythme et la psychologie.
Je n’ai pas envie de vous en dire plus car il y a une histoire qui est aussi profonde qu’intéressante et surtout touchante, en ce qui me concerne, quand on connaît le caractère plutôt renfermé et intraverti des Nippons. Une dernière remarque sur la voiture, une vieille Saab rouge, qui joue son rôle à part entière dans l’histoire (en plus de faire partie du titre du film et… d’être très photogénique !) A voir, surtout que c’est la première fois qu’un film de ce célèbre jeune réalisateur japonais (1978) qui avait reçu l’année dernière l’Ours d’argent à Berlin est distribué en Belgique. Notez que Hamaguchi a eu comme professeur à l’Université de Tokyo, Kyoshi Kurosawa (1955), considéré comme l’un des artistes marquants du renouveau du cinéma de l’archipel.
« Gli Anni Più Belli » **** (Nos plus belles années) de Gabriele Muccino avec Pierfrancesco Favino, Kim Rossi Stuart, Micaela Ramazzotti, Claudio Santamaria, Emma Marrone, Elisa Visari, Nicoletta Romanoff, etc. Durée : 2h09’
L’histoire d’une amitié entre 4 amis – 3 garçons et une fille – de leur adolescence dans les années 80 à aujourd’hui. Des vies qui se font et se défont au gré des bons et des mauvais choix dictés par leurs émotions, leurs ambitions, leurs dévouements, leurs valeurs, etc.
Admirablement joué par des acteurs épatants (tous très connus de la scène italienne) et filmé principalement dans les ruelles de Rome, le film dépeint avec psychologie la force d’une amitié indéfectible malgré les aléas inévitables de la vie. La photographie est excellente, les couleurs joliment rendues sans parler du casting : le choix des différents personnages de leur jeunesse à leur maturité est particulièrement réussi.
Un récit aussi joyeux que triste et nostalgique dont vous ressortirez émus.
Le réalisateur Gabriele Muccino a étudié à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université La Sapienza de Rome avant de suivre des cours de scénario au Centro Sperimentale de Cinematografia.
Il rentre après à la RAI où il réalise entre autres des courts-métrages. Son deuxième long métrage « Como te nessuno mai » en 1999 sera sélectionné à la Mostra de Venise.
C’est « l’ultimo bacio » en 2001 avec lequel il recevra le Prix du public au fameux Sundance Film Festival qui lui fera connaître le succès. Il travaille ensuite aux Etats-Unis.
« L’Empire du silence » de Thierry Michel avec le Docteur Denis Mukwege, etc. Durée : 1h50’
****
On connaît et on suit ce réalisateur qui a fait du Congo la matière première de ses documentaires depuis des années. Il en a réalisé plus d’une dizaine ! Et on est jamais déçu, même au contraire de plus en plus impressionné par la persévérance, la qualité et le courage qu’il faut pour faire des films aussi percutants qu’accablants, durs et tellement tristes aussi…
Un film en forme de constat, de cri de vérité, de justice au plus haut niveau tant est insupportable, la situation entretenue par les dirigeants dans ce pays exsangue, miné par une corruption endémique, telle une macabre ritournelle dont on ne voit pas le bout. Thierry Michel qui a mis 25 ans a réalisé ce dernier film joue vraiment un rôle clé et essentiel dans l’avenir ce grand pays si riche (là est le gordien nœud du problème), si beau et attachant où les ¾ de la population vit non seulement dans une extrême pauvreté mais encore, souffre de violences au quotidien dues principalement aux conflits des innombrables et incontrôlables factions rebelles présentes depuis longtemps sur son territoire, avec la complicité e.a. du Rwanda et de l’Ouganda. Emaillé de témoignages d’experts de 1erplan, « L’Empire des sens » fait froid dans le dos. On se trouve ici face à un document sonore indispensable, remarquable qui glace le sang mais a le mérite d’ouvrir grands les yeux comme aucun livre aussi bien écrit et documenté qu’il soit ne pourrait le faire. Notons qu’il est à raison ‘enfants non admis’.
« Compartiment N°6 » de Juho Kuosmanen avec Scidi Haarla, Yuriy Borisov, Dinara Drukarova, etc. Durée : 1h47’
****
Un film germano-estono-russo-finlandais tiré du roman du même nom de l’écrivaine finlandaise Rosa Liksom, paru il y a dix ans. Le ton est déjà donné pour vous dire qu’il s’agit d’un ovni dans le paysage audiovisuel européen. Une histoire qui tiendrait en 3 mots si on devait vous la raconter (ce que je m’abstiendrai de faire) interprétée par de très bons jeunes acteurs filmés par une caméra au poing qui renforce son authenticité.
Voilà quelques-uns des ingrédients qui font de ce film l’un des plus originaux que j’ai vus ces derniers mois. Je n’ai pas envie de vous en dire plus pour ne pas le dévoiler et vous laisser en apprécier le thème, le ton, le rythme, l’originalité. Si vous suivez ma rubrique et êtes, comme je l’espère, souvent en accord avec moi, dépêchez-vous d’aller le voir car il est sorti aujourd’hui ce mercredi 19 janvier mais seulement à une seule séance, à savoir à 19h au Cinéma des Galeries dans le bas de la ville. Et j’espère que vous m’en direz des nouvelles !
« Licorice Pizza » de Paul Thomas Anderson avec Alana Haim, Cooper Hoffman, Sean Penn, Tom Waits, Bradley Cooper, etc. Durée: 2h13’
**
Une simple histoire d’amour dans la Californie des années 70, mise en scène par un réalisateur hors norme et servie par des acteurs merveilleux : Gary alias Cooper Hoffman, le fils de Philip Seymour Hoffman et Alana, Alana Haim de dix ans son aînée dont on apprend en lisant le générique que sa famille dans le film est légitime ! Un film juste et enjoué, plein d’émotions dans un monde où tout paraît encore possible, même si la crise pétrolière et les pénuries d’essence servent de prétextes à l’une des grandes scènes (totalement irréaliste) du scénario. Le parti pris du choix des couleurs et de ne pas avoir maquillé les acteurs teintent le film d’une douce nostalgie, tout en lui donnant un air de film d’époque. C’est léger, divertissant, joyeux.
Il vous faut juste un éclaircissement au niveau du titre, incompréhensible sans une explication du réalisateur : il ne s’agit pas du nom d’une pizza au réglisse mais bien de celui d’une chaîne de magasins de disques de la Vallée de San Fernando à Los Angeles où Paul Thomas Anderson a grandi. L’occasion de mentionner la bande son qui est excellente.
« Lingui, les liens sacrés » ** de Mahamat-Saleh Haroun avec Achouackh Abakar, Souleymane, Rihane Khalil Alio, Youssef Djaoro, etc. Durée : 1h27’
Un film sensible qui même s’il est esthétisant aborde de manière subtile le problème de l’avortement au Tchad. Présenté au dernier festival de Cannes, Mahamat-Saleh Haroun, l’un des ténors du cinéma africain contemporain qui vit en France depuis plus de 40 ans signe avec son 7e long-métrage une peinture de l’évolution de la société tchadienne, face au poids de la tradition et de la religion. Rappelons que l’avortement au Tchad est passible d’une peine de 5 ans de prison et de radiation à vie du médecin concerné. Deux comédiennes non professionnelles assument joliment le rôle de la fille et de sa mère pour faire de ce film au scénario volontairement simple un véritable drame féminin, sans lourdeur ni clichés. La photographie est belle et rend au-delà d’une image qui colle assez bien dans nos esprits à celle que l’on a de ce pays attachant aux confins du Sahara, une atmosphère très réaliste. Enfin, le combat de cette mère pauvre et digne pour que sa fille échappe à la destinée qu’elle-même a vécue est remarquable.
« Mes frères et moi »**** de Yohan Manca avec Maël Rouin Berrandou, Judith Chemia, Dali Benssalah, Sofian Khammes, Moncel Farfar, etc. Durée : 1h48’
Avoir son premier long métrage sélectionné à Cannes (cette année) dans la section « Un Certain Regard », c’est déjà impressionnant. Librement adapté de la pièce de théâtre « Pourquoi mes frères et moi, on est parti » de Hedi Tillete de Clermont-Tonnerre, « Mes frères et moi » est un film d’une extrême sensibilité tourné au bord de la mer pendant les vacances d’une famille de quatre frères, qui cherchent à survivre tout en assurant les soins à leur mère dans le coma.
Sur fond de Méditerranée, soleil, lumière et chaleur estivales, Yohan Manca nous dépeint le quotidien de Nour, 14 ans, le plus jeune frère qui illumine littéralement le récit d’un bout à l’autre. A travers l’apprentissage de la vie, de la fratrie face à l’adversité, de son penchant (et son talent) pour la musique d’opéra, Nour volontaire et débrouillard trouve en lui, grâce à une intelligente professeur de chant lyrique (magnifique Judith Chemia), les ressources pour se réinventer et se construire, à l’image de centaines de jeunes émigrés qui grandissent comme lui dans cette région.
Une histoire inspirée de la vie du réalisateur et de certains de ses proches qui, sans jamais tomber dans le cliché nous emporte, sur une musique originale de Bachar Mar-Khalife et une photographie de Marco Graziaplena, dans un conte réaliste aux accents méditerranéens qui touche de près au chef-d’œuvre. Magnifique ! On en ressort, bouleversé, ému en ne pensant qu’à faire fonctionner le bouche à oreille autour de soi, pour que personne ne perde l’opportunité de découvrir ce petit bijou.
« A Hero »*** d’Asghar Farhadi avec Amir Jadidi, Rana Azadivar, Mohsen Tanabandeh, Fereshteh Sadre Orafaly, Sarina Farhadi, Sahar Goldoost, etc. Durée : 2h07’
L’histoire apparemment simple d’un personnage honnête et sincère qui met son honneur en première ligne. Le film qui débute dans le cadre magistral de Naqsh-e Rostam se déroule dans le sud du pays, à Shiraz comme une peinture de la société iranienne sous toutes ses formes, qui n’échappe pas à la mécanique planétaire des réseaux sociaux. Si tout semble très simple au début, le réalisateur en profite, comme à son habitude, pour creuser les caractères des personnages et au-delà, saisir les rouages d’une société beaucoup plus complexe qu’elle n’en a l’air. Basée en grande partie sur le talent exceptionnel de Rahim, l’acteur principal incarné par Amir Jadidi dont la prestation tout en finesse (sans même parler de sa beauté à couper le souffle) crève la toile, « A Hero » à la suite de « Une Séparation » (2011), « Le Passé » (2013), « Le Client » (2016), tous auréolés de prix prestigieux à Berlin ou à Cannes et j’oubliais encore « Everybody Knows » (2018), le seul tourné en-dehors de son pays, est reparti de Cannes cette année avec le prestigieux Grand Prix du Jury ex-aequo avec « Compartiment N°6 » du Finlandais Juho Kuosmanen, un film aussi inattendu qu’hors norme dont je ne vous ai pas parlé car je l’ai vu à Paris et crains qu’il n’arrivera pas jusqu’ici.
Alors le dernier Farhadin, un conte social à la morale exemplaire ou un véritable drame psychologique d’une société qui aime fabriquer des héros, inévitablement confrontés plus tard à des dilemmes ? Un très bon film en tous cas, à la hauteur d’un cinéma iranien aussi incontournable que créatif où chacun s’efforce de trouver son chemin face à une censure imprévisible qui fait la pluie et le beau temps.
« Spencer »* de Pablo Larraín avec Kristen Stewart, Timothy Spall, Sean Harris, Sally Hawkins, etc. Durée: 1h51’
Un épisode de la vie de la Princesse de Galles, à savoir le réveillon de Noël 1991 (6 ans avant sa disparition à Paris, le 31 août 1997) à la Sandringham House dans son village natal dans le Norfolk, réalisé par le cinéaste chilien qui nous avait déjà brossé, il y a 5 ans, le portrait brillant mais aussi sombre de Jackie Kennedy, incarné par Nathalie Portman. Avec une Kristen Stewart qui se glisse avec élégance et un mimétisme impressionnant des gestes dans la peau de Diana, seule et déstabilisée dans une vie entièrement régentée par le protocole, le film résonne comme une triste fable inspirée d’une histoire réelle dont on ne doute pas un seul instant qu’elle soit très proche de la réalité. Malgré une mise en scène intéressante, le rapprochement historique avec Anne Bolleyn, une autre (future) reine malmenée (épouse de Henri VIII, répudiée et assassinée par… amour pour une autre !), le film ne parvient pas à s’émanciper de l’image de cette princesse, héroïne malgré elle et sacrifiée dès le début…
« There is No Evil/ Le Diable n’existe pas” de Mohammad Rasoulof avec Kaveh Ahangar, Mahtab Servati, Alireza Zareparast, Shaghayeh Shoorian, Baran Rasoulof, etc. Durée : 2h30’. ****
Si vous deviez choisir un seul film à voir dans les salles obscures, c’est sans hésiter celui-ci ! il est l’un des plus brillants que j’ai vus ces dernières années et, à mes yeux, le meilleur, tous genres confondus, du cinéma iranien. Mais vous ne m’avez certainement pas attendue pour en entendre parler car il a été récompensé par l’Ours d’or à Berlin en 2020. Sauf que le réalisateur n’était pas là pour recevoir son prix car il était en prison depuis juillet 2019 pour avoir osé critiquer le régime iranien. C’est qu’on ne plaisante pas avec les mollahs. Sa fille qui est actrice et joue dans le film l’a récupéré à sa place.
Ayant l’interdiction formelle de tourner, Rasoulof a trouvé le moyen de contourner habilement la censure en introduisant quatre demandes pour quatre courts métrages, signés chacun du nom d’un réalisateur différent. Etant moins attentive sur ce format, ils sont passés inaperçus et le réalisateur n’a plus eu qu’à les assembler ! On a donc droit à quatre histoires qui, bien que différentes ont toutes un lien entre elles. Elles ont aussi chacune leur ‘secret’ que nous découvrons au fur et à mesure du déroulement de l’intrigue.
Quelle critique du régime intelligente et brillante et mon dieu, comme la société iranienne est bâillonnée et souffre dans ses entrailles… Voilà l’un des plus beaux exemples de ce que le cinéma peut apporter dans la connaissance d’une culture, lui qui est sans doute, un moyen efficace pour arriver éventuellement un jour à faire évoluer les mentalités.
« The is No Evil » est non seulement un chef-d’oeuvre mais aussi le film par excellence à étudier dans une école de cinéma, tant il y a à analyser à tous les niveaux. Exceptionnel.
« Animal » de Cyril Dion avec Bella Lack et Vipulan Puvaneswaran. Durée : 1h45’ ***
Après le succès planétaire de « Demain » en 2016 et une certaine déception face à des changements d’attitude qui ne se font pas ou très (trop) lentement, Cyril Dion remet le pain sur la planche en adoptant un autre point de vue : il choisit deux adolescents, l’un parisien d’origine sri-lankaise, l’autre londonienne, qui font partie de cette génération où la prise de conscience du désastre écologique est bien réelle et, ils les embarquent pour un tour aux quatre coins du monde – de la France au Costa Rica en passant par le Kenya. Il leur met sous les yeux des initiatives courageuses et efficaces, autrement dit oui, des changements sont possibles et il existe des solutions concrètes. Et cela marche tant chez eux que chez nous, spectateur lambda, car face au constat amer où l’on se sent inévitablement perdu et pessimiste, on se remet à y croire. Espérer au lieu de se lamenter. Une démarche un peu similaire à celle de Florence Vasseur dans « Bigger Than Us », sorti récemment en salle que nous avions beaucoup aimé.
« Animal » est certainement un film qu’il faudrait montrer dans les écoles (même s’il faut se heurter à des formalités souvent décourageantes…)
Commencez déjà par y emmener vos grands et petits enfants car c’est à eux, en priorité, que ce film s’adresse. Nous étions 6 et ils ont tous adoré, sans parler des discussions qu’il a généré.
“ Madres paralelas “ de Pedro Almodóvar avec Penélope Cruz, Milena Smit, Israel Elejalde, Aitana Sánchez-Gijón, Rossy de Palma, etc. Durée : 2h ***
On l’attendait depuis sa présentation à La 78e Mostra de Venise en septembre où il a fait l’ouverture. Rien que cela ! Il arrive tout juste sur nos écrans, auréolé d’une belle brochette de critiques unanimement positives.
“Madres paralelas” raconte plusieurs histoires sensibles imbriquées les unes dans les autres et c’est peut-être cela qui fait sa force. Des histoires familiales, personnelles, relationnelles et surtout historiques, celles d’un passé qu’il ne faut pas taire et qu’il n’est jamais trop tard de dévoiler. Almodóvar signe à mes yeux l’un de ses films les plus profonds, utiles surtout, abordant courageusement un thème encore difficile aujourd’hui, même si des décennies ont passé : la guerre civile que porte encore en soi la génération de ses parents (et des nôtres.) Si le travail de mémoire est le sujet principal, le réalisateur l’aborde par le biais de personnages dignes et honnêtes vis-à-vis d’eux-mêmes. Des caractères forts et indépendants qui incarnent aussi de belles valeurs humaines.
Même si le(s) sujet(s) est plus sérieux qu’à l’accoutumée, on reconnaît la patte du maître du début à la fin, sans même parler du générique. Du grand Almodovar.
« E stata la mano di Dio » (La main de Dieu) de Paolo Sorrentino avec Filippo Scotti, Toni Servillo, Luisa Ranieri, Teresa Saponangelo, Massimiliano Gallo, etc. Durée : 2h10’. ***
Quel film émouvant surtout quand on sait qu’il s’agit non seulement d’un retour aux sources – Paolo Sorrentino est napolitain – mais encore de sa propre histoire (tragique) des années 80.
Produit par Netflix, ce qui explique sa présence cette année à la Mostra de Venise et non au Festival de Cannes (qui n’accepte pas les films qui viennent via ce canal), nous voilà plongés à nouveau dans l’univers singulier de Sorrentino où Toni Servillo, l’acteur fidèle nous prend par la main (pas celle de Maradona) pour nous raconter l’histoire des Schisa, une famille parmi d’autres…
Une saga aussi colorée que typique avec Naples comme décor, dans toute sa fantaisie, sa beauté chaude, sensuelle, lumineuse et ses revers aussi. Les acteurs sont savoureux et la scène (presque) finale entre Fabietto et un célèbre réalisateur napolitain est remarquable à tous points de vue : dialogues, tableaux, profondeur et intensité des propos qui détermineront la vie du jeune protagoniste.
Bref, un film magnifique au rythme doux et léger qui prend soudain un tournant inattendu. Une profonde tristesse s’installe alors inévitablement mais quelques mois (ou semaines ?) plus tard, dans un train qui file vers Rome, on sent heureusement déjà poindre l’espoir.
Premier film autobiographique du réalisateur qui, à 50 ans et 8 films réussit de main de maître ce 9e long-métrage, qu’il devait sans doute porter dans son cœur depuis longtemps…
« House of Gucci » de Ridley Scott avec Adam Driver, Lady Gaga, Al Pacino, Jeremy Irons, Jared Leto, Salma Hayek, Camille Cottin, etc. Durée: 2h38’ ****
L’histoire tragique de la famille Gucci servie par des acteurs exceptionnels, chacun incroyable dans son rôle, réalisée et mise en scène de main de maître dans un rythme qui ne faiblit pas d’un bout à l’autre, alors que le film dure presque 3h. Il n’y a pas une longueur. Fait suffisamment rare pour le souligner. Raffinement, luxe et élégance sont évidemment au rendez-vous et aussi plaisants à regarder que l’attitude manipulatrice de Patrizia, la femme de Maurizio Gucci est difficile à supporter dans la 1re partie… C’est dire comme Lady Gaga excelle dans la prestation. Maurizio nous montre un Adam Driver sans doute au sommet de sa carrière. Et que dire de Camille Cottin… elle est irrésistible !
Librement inspiré d’un bouquin sorti il y a 20 ans, Ridley Scott nous livre un scénario brillant qui ne s’embarrasse pas des détails et avance en musique (Ah l’ouverture du Barbier de Séville), cadrages et montage hors pair. Il est amusant aussi de retrouver dans le rôle de la voyante, l’actrice mexicaine Salma Hayek alias la femme de François Pinault.
Décidemment le réalisateur britannique qui sort à quelques semaines d’intervalle « The Last Duel », tient fameusement la forme à 84 ans.
Une dernière chose à vous dire : avoir choisi Al Pacino pour interpréter l’un des deux frères Gucci est un trait de génie car ses origines italiennes nous font presque oublier que le film est tourné en anglais !
« Julie (en 12 chapitres) » de Joachim Trier avec Renate Reinsve, Anders Danielsen Lie, Herbert Nordrum, Maria Grazia Di Meo, etc. Durée : 2h01’. ****
Portrait en 12 séquences – avec prologue et épilogue – de Julie, une jeune norvégienne dont on suit quelques étapes de sa vie, composée essentiellement d’errements et de questionnements. Un rôle taillé sur mesure pour Renate Reinsve, actrice de théâtre avant tout, qui interprète avec tellement de naturel cette jeune femme désemparée et indécise tant sur le plan professionnel que personnel. Très bonne élève à l’école, elle commence par des études de médecine, avant de bifurquer vers la psychologie, rapidement abandonnée au profit d’un travail dans une librairie pour enfin se tourner vers la photographie. Et c’est parfois très triste et poignant, même si c’est désespérant de voir cette jolie jeune femme passer à côté de tout, gâcher sa vie et celle des autres autour d’elle. Quand on sait que le titre original (en norvégien et en anglais) est « La pire personne du monde », le film prend une autre dimension. Car au-delà du portrait d’une femme et de quelques hommes, d’une ville dont l’ambiance est bien rendue, ce qui est le plus étonnant à mes yeux est la morale qui se dégage en filigranes. Non, il ne suffit pas d’être jolie, d’avoir un charmant sourire, des yeux expressifs et de ravissants petits seins, l’attitude et le comportement de Julie dans la vie sont pénibles et loin d’un exemple à suivre. Nourrie par les écrans et les réseaux sociaux, les régulières notifications sur son smartphone, elle manque des éléments essentiels pour se construire surtout face à Aksel, un dessinateur de BD underground doublé d’un homme construit, posé et mûr, 15 ans plus âgé qu’elle.
Si je ne vous en ai pas trop dit pour vous enlever l’envie de voir ce petit bijou cinématographique, courrez le découvrir car il est un film profond qui aborde des thèmes essentiels comme l’amour, le couple, la vie, la maternité, la famille, la filiation, le temps qui passe et ne reviendra pas… Le tout avec beaucoup de finesse et de subtilité.
« Tre piani » de Nanni Moretti avec Elena Lietti, Alba Rohrwacher, Riccardo Scarmacio, Margherita Buy, Denise Tantucci, Alessandro Sperduti, etc. Durée : 1h59’
Après plusieurs films décevants, enfin je retrouve le bonheur qu’apporte un cinéma d’auteur abouti, au scénario intéressant desservi par des acteurs pleins d’humanité, joliment filmés en plus. Les personnages ont tous du relief sans parler de Sara et Dora, les épouses de Vittorio et Lucio, les deux hommes qui portent le film et qui sont, à mes yeux, exceptionnelles. Quels beaux exemples de femmes intelligentes et à l’écoute.
Le film est aussi profond qu’émouvant et prend toute sa dimension au fil du déroulement de l’histoire. Les scènes où la femme du juge qui vient de disparaître parle à leur répondeur automatique (la ‘secretaria telefonica’ (Ah, l’italien) sont poignantes.
Nanni Moretti qui adapte, pour la première fois, un roman israélien qu’il transpose à Rome a gagné encore un Award en analyse de psychologie familiale, le genre qu’il explore depuis ses premiers films. Je garde encore, deux décennies plus tard, un souvenir ému de « La Chambre du fils ». Faisant une parenthèse sur « Quelle serait la définition d’un chef-d’œuvre ? Sans doute l’œuvre, quelle que soit la discipline, dont on se rappelle non pas quelques jours ou semaines après, mais des mois et des années plus tard…
« Tre piani » va sans doute gagner la palme du film le plus sensible à voir dans les salles obscures cet automne. Ne le ratez pas.
« Les Olympiades. Paris 13e » de Jacques Audiard avec Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant, Jehnny Beth, etc. Durée : 1h45’ Interdit aux moins de 16 ans. ***
En théorie : les interviews de Jacques Audiard, les critiques, l’adaptation de trois nouvelles sur la jeunesse, tirées du recueil « Kiling and Dying » d’un romancier californien répondant au nom d’Adrian Tomine, la prestation de Nora alias Noémie Merlant, l’actrice phare du « Portrait de la jeune fille en feu », le dernier film de Céline Sciamma qui a d’ailleurs co-écrit le premier jet du scénario, etc., tout est intéressant et incite à aller voir le film.
Tourné en noir et blanc – parti pris pour faire oublier la ville-musée – dans le quartier du XIIIe arrondissement à forte minorité chinoise où le réalisateur a vécu, on suit les allées et venues tant professionnelles que personnelles, intimes et amoureuses de trois jeunes parisiens intellos ayant fait de très bonnes études dont deux sont d’origine étrangère, chinoise pour l’une et africaine pour l’autre.
Et à part cela, qu’y voit-on ? Des parcours à tous les niveaux aussi chaotiques que décevants, des dialogues inintéressants voire agressifs, une histoire de harcèlement sur les réseaux sociaux qui débouche sur une romance avec une camgirl à succès, une autre de misère affective familiale au sein de la communauté chinoise, etc.
Si c’est cela le film qu’a voulu faire Audiard après e.a. « De battre mon cœur s’est arrêté » (2005), « Un prophète » (2009), « Dheepan » (Palme d’or à Cannes en 2015), fils de Michel (célèbre pour la qualité de ses dialogues) sur l’amour, la sexualité, la pudeur, le romantisme, bref le discours amoureux à l’ère numérique, dieu que c’est pauvre, triste et interpellant. Car ce qui frappe avant tout, c’est la grande solitude dans laquelle évoluent les personnages, alors qu’ils ne sont pratiquement jamais seuls.
Loin de moi de mettre en doute ce portrait d’une certaine jeunesse urbaine au XXIe s. Mais cela valait-il la peine de faire un film ?
« Pleasure » *** de Ninja Thyberg avec Sofia Kappel, Evelyn Claire, Revika Anne Reustle, Kendra Spade Tee Rell,Michael Omelko, Aiden Starr, etc. Durée : 2h01’ Interdit aux moins de 18 ans.
Premier long-métrage de la jeune réalisatrice qui suit le parcours de Linnéa, une jolie suédoise de 19 ans qui débarque à Los Angeles, décidée à devenir la nouvelle grande star du cinéma pornographique.
Elle apprend très vite les arcanes du métier et nous avec elle ! Avec un chiffre annuel global qui tourne autour des 50 milliards de dollars, l’industrie du sexe est un monde en soi. Ninja Thyberg est partie se documenter pendant 6 ans aux Etats-Unis pour écrire le scénario, ce pays qui représente 90% de la production professionnelle mondiale. Ont accepté de tourner dans son film de vraies stars du porno jusqu’au fameux agent des stars du X répondant au nom de Mark Spiegler. Le résultat est saisissant. Le film présenté avec succès dans divers festivals réputés (Cannes, Sundance, Gand, etc.) sort sur nos écrans dans sa version intégrale non censurée, interdit aux mineurs. On découvre un milieu où les hommes font la loi sur des filles consentantes à qui l’on affirme qu’elles restent maîtresses d’elles-mêmes et peuvent arrêter le tournage à tout moment. Là est la face visible mais il y a aussi la face cachée où le pas à franchir pour être abusées par des producteurs malhonnêtes est monnaie courante.
Le film est tourné de manière à ne jamais vraiment mettre le spectateur mal à l’aise, même si certaines scènes sont très dures… La réalisatrice arrive très subtilement à brouiller les frontières entre fiction et réalité et nous ouvre les yeux sur les dessous d’un ‘divertissement’ reposant sur l’exploitation commerciale du corps de la femme. Un sujet brûlant d’actualité aujourd’hui.
Maintenant on aurait envie que Thyberg fasse une seconde partie qui s’intéresserait cette fois-ci à l’autre côté de l’écran : les consommateurs de ce genre de. films car, comme pour la drogue et les addictions en tous genres, sans consommateurs, pas de marchés. Et je ne parle même pas de la pollution numérique générée par la consommation de ces vidéos en ligne.
Pour empêcher que le serpent se morde sans fin la queue, vive l’éducation sur tous ces sujets ‘sensibles’ dès le plus jeune âge. On revient toujours au même point…
« Mourir peut attendre » * de Cary Joji Fukunaga avec Daniel Craig, Lashana Lynch, Rami Malek, Léa Seydoux, etc. Durée : 2h43’
Avec un tel battage publicitaire, vous savez déjà tout sur le dernier James Bond et si vous êtes fan, vous avez déjà été le voir surtout qu’il s’agit bien du dernier de la saga Craig… Quand j’étais jeune, c’était la fête le soir où l’on allait voir le nouveau OO7, les yeux écarquillés devant ces scènes incroyables aussi rocambolesques que glamour avec un héros qui certes changeait de peau mais avait toujours un charme incontestable qui séduisait des femmes aux allures de stars comme il n’en existait que… dans les James Bond ! Le tout dans des décors hallucinants. Aujourd’hui, pour ce 25e épisode, il ne reste plus grand-chose de tout cela, toujours quelques trouvailles de paysages grandioses évidemment mais dans une débauche de violence et bruitage qui relègue tout le reste au second plan. C’est à mes yeux aussi long, très long que peu intéressant… Et oui, j’ose dire que je me suis ennuyée et même endormie malgré le bruit assourdissant et les scènes d’action d’un show et d’une violence inutile. Et je n’ose même pas évoquer le coût de ce genre de films… On ne peut que donner raison à Daniel Craig, qui a endossé aussi la casquette de producteur depuis les deniers épisodes, de se retirer d’un genre qui n’a plus vraiment sa place dans le monde d’aujourd’hui. Désolée, les inconditionnels…
« La Civil » ** de Teodora Ana Mihai avec Arcelia Ramirez, Jorge A. Jimenez, Alvaro Guerrero, Ayelén Muzo, etc. Durée : 2h15’
Un premier film sur un des pans de la société mexicaine réalisé par une cinéaste belgo-roumaine qui vit à Gand… C’est particulier. Teodora Ana Mihai connaît bien le Mexique dont la violence aujourd’hui lui rappelle celle de la Roumanie de Ceaucescu dans les années 80 où elle a grandi et où, dit-elle, on ne pouvait faire confiance à personne, amis, voisins, police, etc. En réalisant ce film très dur qui raconte le parcours d’une mère pour tenter de retrouver sa fille enlevée un soir où elle était de sortie, la réalisatrice aborde avec une mise en scène très noire, les vrais problèmes de la société mexicaine actuelle, suite à la décision du Président Calderón il y a 15 ans, d’en finir avec les narcos… Jusque-là il y avait une sorte d’accord tacite entre les cartels qui a été mis à mal et la violence est descendue dans les rues prenant en otages, dans certains états comme Guerrero et le Michoacán, les citoyens entre forces armées et cartels. Présenté en ouverture de la dernière édition du Festival de Gand en octobre et avant cela, cet été à Cannes dans la section « Un Certain Regard », « La Civil » a été nourri d’un travail de recherches sérieuses par la cinéaste et l’écrivain mexicain Habacuc Antonio De Rosario. Produit entre autres par les frères Dardenne de ce côté-ci de l’Atlantique, il a le mérite d’ouvrir les yeux sur un phénomène de société incontournable et ingérable celui de la société occidentale américaine et européenne, première consommatrice de drogue au monde, sans laquelle tout cela n’existerait pas…
« Un monde » * de Laura Wandel avec Maya Vanderbeque, Günter Duret, Laura Verlinden, Karim Leklou, Laurent Capelluto, etc. Durée : 1h12’
Laura Wandel a choisi de nous montrer un monde à part, celui d’une cour de récréation d’enfants de primaires, vu à travers les yeux, les oreilles, le coeur, la sensibilité, bref l’angle de Nora. Une petite fille dont le frère aîné, à peine plus âgé qu’elle, est victime de harcèlement. En n’imposant aucun texte à ses jeunes acteurs, en élaborant le scénario en collaboration avec eux et en les laissant exprimer leurs sentiments naturellement comme ils les sentaient venir, elle livre un film censé collé le plus près possible de la réalité, une certaine réalité… car Il y a autant de mondes de l’enfance, qu’il y a d’enfants et d’écoles. Cela donne un film particulier. La surveillante, les professeurs, les élèves, l’ambiance générale correspondent certainement à une situation donnée, celle mise en scène par la réalisatrice. Mais la portée du film est moins universelle qu’on ne pourrait le croire. Cela peut être très différent aussi. Il manque pas mal de dynamisme, d’énergie, de ‘rapportage’ dans tous les sens comme le font la plupart des enfants dans toutes les cours de récréation, de solidarité entre les professeurs, d’énergie positive, etc. Si je crois avoir capté l’esprit dans lequel ce film a été fait, j’ai, contrairement à l’avis unanimement positif de la critique, un avis très mitigé sur le résultat. Enfin, je n’ai pas retrouvé dans “Un monde” quelques-unes des grandes caractéristiques de ce monde de l’enfance comme par exemple, la joie ou l’insouciance.
« L’homme de la cave » ** de Philippe Le Guay avec François Cluzet, Jérémie Renier, Bérénice Bejo, Jonathan Zacaï, etc. Durée : 1h53’
Le scénario est inspiré d’une histoire vraie arrivée à des amis du réalisateur, qui nourrit en lui l’idée d’en faire un film depuis longtemps. Je ne vais pas vous le raconter car je vous gâcherais le ‘plaisir’…
En lui donnant des airs de polar aux accents sombres et glauques, avec une tension qui monte au fur et à mesure que l’action se déroule, Philippe Le Guay a trouvé le prétexte pour aborder des sujets d’actualité comme le complotisme, le racisme, l’extrémisme et même le négationnisme. Et pour servir le propos, il a fait appel à des acteurs épatants : Jérémie Renier alias le propriétaire, sa femme (hystérique) Bérénice Bejo et François Cluzet en locataire, professeur d’histoire rayé de l’Education nationale dans le rôle de la victime ou du prédateur ? Décidément, quand on voit le nom de François Cluzet à l’affiche, on est presque assuré que le film sera intéressant. Et c’est le cas.
“Respect” ** de Liesl Tommy avec Jennifer Hudson, Forest Whitaker, Skye Dakota Turner, Audra McDonald, etc. Durée: 2h25’
L’histoire d’Aretha Franklin depuis sa prime jeunesse où elle possède déjà une voix exceptionnelle repérée par ses parents, un père pasteur et une mère chanteuse. La réalisatrice sud-africaine nous livre dans une belle mise en scène tout le parcours de la diva, du gospel à la soul avec ses obstacles familiaux et ses embûches professionnelles dans la recherche du répertoire qui lui siéra le mieux. Remarquable Jennifer Hudson dans le rôle principal validé par la diva avant sa mort, il y a 3 ans. Le film à la fois musical et historique avec son engagement auprès de Martín Luther King aurait gagné une étoile en durant 30’ de moins…
https://www.cineserie.com/movies/2439781/video/4528136/
“Bigger Than Us” *** de Flore Vasseur avec Melati Wijsen, Memory Banda, Mohamad Al Jounde, Winnie Tushabe, Xiuhtezcatl Martinez, Mary Finn, René Silva. Durée : 1h35’
Un documentaire tourné aux 4 coins du monde pour nous montrer les initiatives d’une série de jeunes incroyables qui se sont engagés dès leur plus jeune âge (10-11 ans) en faveur de domaines comme la justice environnementale, la jeunesse, l’éducation, les droits des femmes, l’accueil des réfugiés, la sécurité alimentaire et encore, la liberté d’expression. De l’Indonésie à la Grèce en passant par le Liban, l’Ouganda et les États-Unis, on les rencontre sur le terrain où ils se donnent corps et âmes. Document exceptionnel et émouvant qui fait chaud au cœur. J’ai eu souvent les larmes aux yeux… A voir et à faire savoir autour de soi sans modération.
“ Cigare au miel” *** de Kamir Aïnouz avec Zoé Adjani, Amira Casar, Lyès Salem, etc. Durée : 1h40’
Être la nièce d’Isabelle Adjani aide heureusement en termes de battage publicitaire. Et c’est une bonne chose car l’actrice qui, à 19 ans n’en est pas à son premier grand rôle à l’écran, endosse celui-ci avec beaucoup de délicatesse, de naturel et un réel talent. Habituée à voir des films sur la culture maghrébine dont les problèmes sonnent souvent un peu faux sur la toile (les acteurs sur-jouent dans des situations un peu trop clichés), je suis ressortie séduite par le film de Aïnouz, qui est en partie autobiographique. Ce portrait de la vie de Selma, fille unique d’une famille d’immigrés algériens vivant à Neuilly-sur-Seine (le père est avocat, la mère gynécologue) est très intéressant à suivre à plusieurs niveaux tant personnel que familial, social et même politique. Récit délicat peint par une caméra aussi sensible que sensuelle, à l’image de la jeune héroïne qui parvient à se libérer intelligemment et en douceur de son carcan culturel. Relevons que la réalisatrice aborde le thème intime de la sexualité en ne faisant que suggérer, sans montrer un seul corps nu. Subtil.
« La Nuit des Rois »*** de Philippe Lacôte avec Koné Bakari, Steve Tientcheu, Issaka Sawadogo, Denis Lavant. Durée : 1h33’
L’action se passe en Côte d’Ivoire à La Maca, l’une des prisons les plus surpeuplées de l’Afrique de l’Ouest. Un univers clos qui a ses lois et ses codes. Mais à La Maca, la particularité est la suivante : c’est un prisonnier qui tient le rôle de chef suprême, en ayant droit de vie et de mort sur les autres. S’il tombe malade, il doit abdiquer en se donnant la mort. La nuit de la lune rouge, synonyme de tous les dangers, un nouveau détenu est désigné par le chef comme conteur, le temps d’une nuit au terme de laquelle il est averti par un tierce qu’il mourra. Avec des références au griot – celui qui reçoit et transmet, personnage central de la culture africaine – mais aussi à Shéhérazade ou encore dans la culture occidentale, à la tragédie shakespearienne, le réalisateur ivoirien livre ici un film théâtral impressionnant (lumières, chorégraphies, etc.) où les mots ont encore pouvoir de vie et de mort. Saisissante peinture de l’imaginaire africain. Décidément, les films carcéraux sont à l’honneur aujourd’hui (cfr « La Loi du Triomphe » toujours à l’affiche dont vous avez lu récemment la critique dans cette rubrique.)
« Le Genou d’Ahed »*** de Nadav Lapid avec Avshalom Pollak, Nur Fibak, etc. Durée : 1h49’
Un film percutant comme un long et profond cri de colère d’un réalisateur qui se met dans la peau de son acteur principal. Un sujet aussi complexe qu’intéressant, abordé dans un cadre désertique minimaliste, interprété par d’excellents acteurs qui gèrent toute la tension qui sous-tend le film du début à la fin. Personnellement, cela m’a fait du bien de voir des gens qui osent parler, dirent ce qui les révolte au fond de leurs entrailles, des natifs qui crient leurs frustrations, leurs revendications, leur honte des politiciens qui les gouvernent, leur crainte de constater la démocratie bafouée au profit d’un contrôle absolu de tout.
La jolie employée elle-même est perdue quand on la met au pied du mur, qu’on la force à enlever son masque et à constater que son pays est malade.
Réalisé en partie avec un iPhone, Lapid nous propose un film dont la trame violente est rythmée par des cris, de pleurs, des gestes pleins de sens. A mes yeux, un film exceptionnel et unique. Il a d’ailleurs reçu le prix du jury ex-aequo au dernier Festival de Cannes et sa couverture médiatique est à la hauteur. Ne voulant pas parler de politique et toucher un sujet extrêmement sensible, j’attends la dernière ligne pour vous dire qu’il s’agit d’un film israélien tourné par un réalisateur israélien en Israël, au sud dans le désert d’Arabah. La géopolitique est l’une de mes passions et enfin, après avoir lu e.a. « Ô Jérusalem délivrée » de Lapierre & Collins, je ne suis ni pro palestinienne, ni pro israélienne. Il est important de le souligner.
« Les amours d’Anaïs »*** de Charline Bourgeois-Tacquet avec Anaïs Demoustier, Valeria Bruni-Tedeschi, Denis Podalydès, Bruno Todeschini, etc. Durée : 1h38’
Accrochez-vous dès le départ car le film démarre sur les chapeaux de roues et la danse durera une grande partie de la projection. Anaïs est craquante d’un bout à l’autre mais en écoutant que les pulsations de son cœur, un peu folle et (fort) égoïste aussi. Mais c’est une journaliste mature qui vous dit cela alors que le but du film est de montrer et essayer de comprendre ce que les jeunes trentenaires ont dans la tête aujourd’hui… Je ne vais pas vous raconter l’histoire sauf qu’il y a un rapport entre ce qu’Alice est censée faire ‘professionnellement’, à savoir finir sa thèse de doctorat sur la passion en littérature au XVIIIe s. et sa vie personnelle où inconsciemment elle cherche à revivre cela. Entre le mari, l’amant, la femme magistralement interprétée par une Valeria Bruni-Tedeschi au meilleur de sa forme, on s’amuse et on rit aussi beaucoup.
Premier long métrage de Charline Bourgeois-Tacquet qui avait tout simplement envie de tourner à nouveau avec Anaïs Demoustier, protagoniste de l’un de ses courts métrages. Elles sont de la même génération et comme dans ma critique précédente, la réalisatrice a mis beaucoup d’elle dans son actrice. Ses études de lettres donnent un scénario finement écrit à tous les niveaux. Les critiques évoquent l’influence de Rohmer… Sûrement mais à un rythme autrement plus enlevé et divertissant (Pardon Eric…) J’ai trouvé ce film irrésistible, à la fois profond et léger, plein de joie de vivre et de quelques vrais grincements de dents (les scènes de l’hôpital et du coup de téléphone dans la voiture à son directeur de thèse.) Une comédie française comme on les aime.
« Le sorelle Macaluso » *** de Emma Dante avec Alissa Maria Orlando, Donatella Finocchiaro, Susanna Piraino, etc. Durée : 1h34’
Adaptation d’un spectacle qu’elle avait créé et présenté à Avignon il y a 7 ans, ce drame familial réalisé par Emma Dante, l’une des personnalités les plus connues du théâtre italien contemporain, née à Palerme en 1967 est magnifique. Si dans la pièce, c’étaient toujours les mêmes actrices qui se remémoraient le passé, dans le film découpé en 3 phases, c’est une quinzaine d’actrices différentes qui jouent les rôles des 4 sœurs aux différents âges de leur vie, mise à part la dernière petite sœur disparue… Il s’agit de l’histoire de cinq sœurs, qui habitent seules et gagnent leur vie en élevant des colombes. Un dimanche ensoleillé, elles partent toutes les 5 la plage sous le soleil implacable de l’été sicilien mais reviennent à 4…
On les retrouve adultes, 30 ans plus tard pour un dîner dans le même appartement où deux d’entre elles vivent toujours. La tragédie est encore dans tous les cœurs et sur toutes les lèvres et le sentiment de culpabilité omniprésent.
Une comédie familiale, touchante extrêmement bien filmée où les sentiments palpent avec génie la réalité de la vie passée, présente et future.
« La Loi de Téhéran » *** de Saeed Roustai avec Payman Maadi, Navid Mohammadzadeh, etc. Durée : 2h14’
Le film commence par une course poursuite haletante. Le ton est donné dès les premières minutes. On est à l’évidence dans un triller se déroulant dans un pays compliqué au centre d’un trafic de drogue très lucratif où elle est facilement accessible, causant évidemment des ravages. On suit la police dans ses méandres pour arriver par des méthodes corsées à mettre la main sur les intouchables. Le réalisateur nous montre les conséquences de la libéralisation du marché de la drogue en Iran où les gens peinent à assumer leur quotidien. Et la drogue évidemment ne résout rien à la misère, bien au contraire. Saeed Roustai dépeint une situation sociale complexe, terrifiante et fort méconnue en-dehors des frontières.
Le film tourné en partie avec de vrais toxicomanes fait froid dans le dos. Un tel pays avec des gens tellement adorables, hospitaliers et intéressants. Quel gâchis. Des dizaines de prix dans des festivals internationaux ont couronné « La Loi de Téhéran », remarquablement interprété entre autres par Payman Maadi, que l’on avait déjà remarqué il y a 10 ans dans « Une séparation » de Asghar Farhadi.
« Un Triomphe » **** de Emmanuel Courcol avec Kad Merad, Marina Hands, Laurent Stoker, Pierre Lottin, Sofian Khammes, David Ayala, Lamine Cissoko, etc. Durée : 1h46’
Un acteur à la traine accepte tous les boulots qu’on lui propose dont celui d’animateur d’ateliers de théâtre dans une prison. Le boulot est difficile mais à défaut d’être sans doute un bon acteur, il est un bon prof et arrive, avec toute l’énergie et la motivation nécessaires à intéresser peu à peu ses ‘élèves’. Et soudain, quand les détenus lui disent que leur vie se passe à attendre, attendre, toujours attendre, une idée lui saute à l’esprit : la pièce qu’ils doivent jouer après avoir appris « Les Fables de La Fontaine » est Godot ! « En attendant Godot » de Samuel Beckett où l’on ne fait rien d’autre qu’attendre, attendre quelqu’un qui n’arrive jamais. Un univers absurde comme celui de l’univers carcéral. Et le voilà parti dans cette aventure, en ayant dû convaincre tout le monde de la directrice de la prison jusqu’au directeur du théâtre où jouer la pièce en passant par la juge pour les permissions de sortie en vue des répétitions, etc. Je ne vous en dis pas plus sauf qu’il s’agit d’une histoire vraie qui s’est passée en Suède à la fin des années 80. Le film porté à bout de bras par Kad Merad est incroyable, la prestation des acteurs remarquable et le sujet sans vous dévoiler la fin, à la hauteur de ce qu’en a dit Samuel Beckett à l’époque : « C’est la plus belle chose qui pouvait arriver à ma pièce ! »
En plus d’être un hommage à tous les gens méritants qui travaillent dans les prisons, « Un Triomphe » est un hommage au théâtre, à l’homme. A ne pas rater.
« The Assistant » de Kitty Green avec Julia Garner, Matthew Macfadyen, Kristine Froseth, Alexander Chaplin, etc. Durée : 1h27’
Avec ce dernier, je vais être nettement plus brève… S’il a le mérite de parler de la pression que subissent parfois (souvent ?) les jeunes assistantes au début de leur carrière qui pensent décrocher le poste de leur rêve comme c’est le cas ici de Jane, engagée dans une grosse boite de production à cheval sur NY et LA, le film aborde en filigranes l’affaire Weinstein.
On baigne de la première à la dernière minute dans une ambiance glauque avec la menace sourde de la présence du grand patron qu’on ne verra jamais, et même si la peinture de ce monde et le propos sont certainement bien rendus, on s’ennuie fermement durant toute la projection. Je pars rarement mais là, j’aurais vraiment dû le faire car dieu que ce film est ennuyeux en accord avec l’éclairage des différents plans…
Voilà un bel exemple de cinéma barbant à l’image de ce que pensent beaucoup de gens du cinéma d’auteur. A éviter.
« Gagarine »**** de Fanny Liatard & Jérémy Trouilh avec Alseni Batheli, Lyna Khoudri, Finnegan Oldfield, Jamil Mc Craven, Denis Lavant, etc. Durée : 1h35’
Un premier film réalisé par un duo de réalisateurs qui se sont rencontrés tout jeunes sur les bancs de la Fac (Sciences Po à Paris). Après avoir chacun découvert l’Amérique latine pendant leurs années d’études – le Pérou pour elle et a Colombie pour lui – une expérience qui les marquera du sceau du réalisme magique à la Garcia Marquez, ils se tournent vers une voie qui n’est pas vraiment celle tracée par leurs diplômes, à savoir le cinéma : des cours de scénario pour elle et une formation en cinéma documentaire pour lui. Et de se retrouver rapidement derrière une caméra pour réaliser 3 courts-métrages dont le 1erjet de « Gagarine », l’histoire d’une cité construite pour les ouvriers d’Yvry-sur-Seine en 1961 par les architectes Henri et Robert Chevallier, qui accueille ensuite les immigrés d’Espagne, d’Italie, du Portugal jusqu’au Maghreb et devient le centre d’un trafic de drogue. Rénovée en 1995, elle sera démolie en 2019 entre autres à cause de son délabrement et de l’amiante dont elle est truffée. C’est son histoire qu’ils filment à travers ses habitants, plus précisément Youri, 16 ans qui y vit seul et tente de la rafistoler avec les moyens du bord, tout en rêvant de devenir cosmonaute. Une histoire aussi réaliste que poétique que je ne vais sûrement pas vous raconter mais que je vous conseille vivement d’aller voir. Un film unique, plein de fantaisie raconté sous la forme d’une fable. Et surtout, un autre regard sur la banlieue et les cités, des lieux souvent réduits à la violence. A savourer seul, en famille, avec des amis. Aussi inattendu que magistral. Un régal.
« Opération Panda » de Natalia Nilova et Vassily Rovensky. Durée : 1h15’ ***
Une fois n’est pas coutume mais je me devais de vous parler, alors que commencent les vacances d’été, de cet excellent film pour enfants qui m’a réellement surprise et charmée. Il s’agit d’un dessin animé russo-américain en 3D réalisé par ordinateur. L’histoire est celle d’un ours et d’un lièvre chez qui une cigogne a déposé par erreur un bébé panda (à croquer). Lorsqu’ils décident d’essayer de retrouver ses parents légitimes, l’aventure commence. Elle est franchement intéressante tant du point de vue des paysages que des dialogues de haut niveau, avec un vocabulaire élaboré, de bons jeux de mots et pour couronner le tout, un message séduisant de solidarité et d’entraide. Je ne me suis pas ennuyée une seule minute et suis restée jusqu’à la fin du générique pour voir qui doublait si bien le texte en français, malheureusement en vain. Aucun nom autre que russe n’est apparu à l’écran de ce film dont le titre original est « The Big Trip. » Ne ratez pas l’occasion d’y emmener l’un ou l’autre de vos petits-enfants à qui vous serez fiers de montrer un film de telle qualité. C’est suffisamment rare pour le souligner.
critiques de Virginie plus anciennes: cliquer ici
« Spencer »* de Pablo Larraín avec Kristen Stewart, Timothy Spall, Sean Harris, Sally Hawkins, etc. Durée: 1h51’
Un épisode de la vie de la Princesse de Galles, à savoir le réveillon de Noël 1991 (6 ans avant sa disparition à Paris, le 31 août 1997) à la Sandringham House dans son village natal dans le Norfolk,réalisé par le cinéaste chilien qui nous avait déjà brossé, il y a 5 ans, le portrait brillant mais aussi sombre de Jackie Kennedy, incarné par Nathalie Portman. Avec une Kristen Stewart qui se glisse avec élégance et un mimétisme impressionnant des gestes dans la peau de Diana, seule et déstabilisée dans une vie entièrement régentée par le protocole, le film résonne comme une triste fable inspirée d’une histoire réelle dont on ne doute pas un seul instant qu’elle soit très proche de la réalité. Malgré une mise en scène intéressante, le rapprochement historique avec Anne Bolleyn, une autre (future) reine malmenée (épouse de Henri VIII, répudiée et assassinée par… amour pour une autre !), le film ne parvient pas à s’émanciper de l’image de cette princesse, héroïne malgré elle et sacrifiée dès le début…https://www.youtube.com/embed/WllZh9aekDg?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« There is No Evil/ Le Diable n’existe pas” de Mohammad Rasoulof avec Kaveh Ahangar, Mahtab Servati, Alireza Zareparast, Shaghayeh Shoorian, Baran Rasoulof, etc. Durée : 2h30’. ****
Si vous deviez choisir un seul film à voir dans les salles obscures, c’est sans hésiter celui-ci ! il est l’un des plus brillants que j’ai vus ces dernières années et, à mes yeux, le meilleur, tous genres confondus, du cinéma iranien. Mais vous ne m’avez certainement pas attendue pour en entendre parler car il a été récompensé par l’Ours d’or à Berlin en 2020. Sauf que le réalisateur n’était pas là pour recevoir son prix car il était en prison depuis juillet 2019 pour avoir osé critiquer le régime iranien. C’est qu’on ne plaisante pas avec les mollahs. Sa fille qui est actrice et joue dans le film l’a récupéré à sa place.
Ayant l’interdiction formelle de tourner, Rasoulof a trouvé le moyen de contourner habilement la censure en introduisant quatre demandes pour quatre courts métrages, signés chacun du nom d’un réalisateur différent. Etant moins attentive sur ce format, ils sont passés inaperçus et le réalisateur n’a plus eu qu’à les assembler ! On a donc droit à quatre histoires qui, bien que différentes ont toutes un lien entre elles. Elles ont aussi chacune leur ‘secret’ que nous découvrons au fur et à mesure du déroulement de l’intrigue.
Quelle critique du régime intelligente et brillante et mon dieu, comme la société iranienne est bâillonnée et souffre dans ses entrailles… Voilà l’un des plus beaux exemples de ce que le cinéma peut apporter dans la connaissance d’une culture, lui qui est sans doute, un moyen efficace pour arriver éventuellement un jour à faire évoluer les mentalités.
« The is No Evil » est non seulement un chef-d’oeuvre mais aussi le film par excellence à étudier dans une école de cinéma, tant il y a à analyser à tous les niveaux. Exceptionnel. https://www.youtube.com/embed/HgyisKVoFzY?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Animal » de Cyril Dion avec Bella Lack et Vipulan Puvaneswaran. Durée : 1h45’ ***
Après le succès planétaire de « Demain » en 2016 et une certaine déception face à des changements d’attitude qui ne se font pas ou très (trop) lentement, Cyril Dion remet le pain sur la planche en adoptant un autre point de vue : il choisit deux adolescents, l’un parisien d’origine sri-lankaise, l’autre londonienne, qui font partie de cette génération où la prise de conscience du désastre écologique est bien réelle et, ils les embarquent pour un tour aux quatre coins du monde – de la France au Costa Rica en passant par le Kenya. Il leur met sous les yeux des initiatives courageuses et efficaces, autrement dit oui, des changements sont possibles et il existe des solutions concrètes. Et cela marche tant chez eux que chez nous, spectateur lambda, car face au constat amer où l’on se sent inévitablement perdu et pessimiste, on se remet à y croire. Espérer au lieu de se lamenter. Une démarche un peu similaire à celle de Florence Vasseur dans « Bigger Than Us », sorti récemment en salle que nous avions beaucoup aimé.
« Animal » est certainement un film qu’il faudrait montrer dans les écoles (même s’il faut se heurter à des formalités souvent décourageantes…)
Commencez déjà par y emmener vos grands et petits enfants car c’est à eux, en priorité, que ce film s’adresse. Nous étions 6 et ils ont tous adoré, sans parler des discussions qu’il a généré. https://www.youtube.com/embed/GZf8fFsro8Y?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
“ Madres paralelas “ de Pedro Almodóvar avec Penélope Cruz, Milena Smit, Israel Elejalde, Aitana Sánchez-Gijón, Rossy de Palma, etc. Durée : 2h ***
On l’attendait depuis sa présentation à La 78e Mostra de Venise en septembre où il a fait l’ouverture. Rien que cela ! Il arrive tout juste sur nos écrans, auréolé d’une belle brochette de critiques unanimement positives.
“Madres paralelas” raconte plusieurs histoires sensibles imbriquées les unes dans les autres et c’est peut-être cela qui fait sa force. Des histoires familiales, personnelles, relationnelles et surtout historiques, celles d’un passé qu’il ne faut pas taire et qu’il n’est jamais trop tard de dévoiler. Almodóvar signe à mes yeux l’un de ses films les plus profonds, utiles surtout, abordant courageusement un thème encore difficile aujourd’hui, même si des décennies ont passé : la guerre civile que porte encore en soi la génération de ses parents (et des nôtres.) Si le travail de mémoire est le sujet principal, le réalisateur l’aborde par le biais de personnages dignes et honnêtes vis-à-vis d’eux-mêmes. Des caractères forts et indépendants qui incarnent aussi de belles valeurs humaines.
Même si le(s) sujet(s) est plus sérieux qu’à l’accoutumée, on reconnaît la patte du maître du début à la fin, sans même parler du générique. Du grand Almodovar.https://www.youtube.com/embed/fahQARfx6EM?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« E stata la mano di Dio » (La main de Dieu) de Paolo Sorrentino avec Filippo Scotti, Toni Servillo, Luisa Ranieri, Teresa Saponangelo, Massimiliano Gallo, etc. Durée : 2h10’. ***
Quel film émouvant surtout quand on sait qu’il s’agit non seulement d’un retour aux sources – Paolo Sorrentino est napolitain – mais encore de sa propre histoire (tragique) des années 80.
Produit par Netflix, ce qui explique sa présence cette année à la Mostra de Venise et non au Festival de Cannes (qui n’accepte pas les films qui viennent via ce canal), nous voilà plongés à nouveau dans l’univers singulier de Sorrentino où Toni Servillo, l’acteur fidèle nous prend par la main (pas celle de Maradona) pour nous raconter l’histoire des Schisa, une famille parmi d’autres…
Une saga aussi colorée que typique avec Naples comme décor, dans toute sa fantaisie, sa beauté chaude, sensuelle, lumineuse et ses revers aussi. Les acteurs sont savoureux et la scène (presque) finale entre Fabietto et un célèbre réalisateur napolitain est remarquable à tous points de vue : dialogues, tableaux, profondeur et intensité des propos qui détermineront la vie du jeune protagoniste.
Bref, un film magnifique au rythme doux et léger qui prend soudain un tournant inattendu. Une profonde tristesse s’installe alors inévitablement mais quelques mois (ou semaines ?) plus tard, dans un train qui file vers Rome, on sent heureusement déjà poindre l’espoir.
Premier film autobiographique du réalisateur qui, à 50 ans et 8 films réussit de main de maître ce 9e long-métrage, qu’il devait sans doute porter dans son cœur depuis longtemps…https://www.youtube.com/embed/6o0sbv7s79U?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« House of Gucci » de Ridley Scott avec Adam Driver, Lady Gaga, Al Pacino, Jeremy Irons, Jared Leto, Salma Hayek, Camille Cottin, etc. Durée: 2h38’ ****
L’histoire tragique de la famille Gucci servie par des acteurs exceptionnels, chacun incroyable dans son rôle, réalisée et mise en scène de main de maître dans un rythme qui ne faiblit pas d’un bout à l’autre, alors que le film dure presque 3h. Il n’y a pas une longueur. Fait suffisamment rare pour le souligner. Raffinement, luxe et élégance sont évidemment au rendez-vous et aussi plaisants à regarder que l’attitude manipulatrice de Patrizia, la femme de Maurizio Gucci est difficile à supporter dans la 1re partie… C’est dire comme Lady Gaga excelle dans la prestation. Maurizio nous montre un Adam Driver sans doute au sommet de sa carrière. Et que dire de Camille Cottin… elle est irrésistible !
Librement inspiré d’un bouquin sorti il y a 20 ans, Ridley Scott nous livre un scénario brillant qui ne s’embarrasse pas des détails et avance en musique (Ah l’ouverture du Barbier de Séville), cadrages et montage hors pair. Il est amusant aussi de retrouver dans le rôle de la voyante, l’actrice mexicaine Salma Hayek alias la femme de François Pinault.
Décidemment le réalisateur britannique qui sort à quelques semaines d’intervalle « The Last Duel », tient fameusement la forme à 84 ans.
Une dernière chose à vous dire : avoir choisi Al Pacino pour interpréter l’un des deux frères Gucci est un trait de génie car ses origines italiennes nous font presque oublier que le film est tourné en anglais ! https://www.youtube.com/embed/eGNnpVKxV6s?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Julie (en 12 chapitres) » de Joachim Trier avec Renate Reinsve, Anders Danielsen Lie, Herbert Nordrum, Maria Grazia Di Meo, etc. Durée : 2h01’. ****
Portrait en 12 séquences – avec prologue et épilogue – de Julie, une jeune norvégienne dont on suit quelques étapes de sa vie, composée essentiellement d’errements et de questionnements. Un rôle taillé sur mesure pour Renate Reinsve, actrice de théâtre avant tout, qui interprète avec tellement de naturel cette jeune femme désemparée et indécise tant sur le plan professionnel que personnel. Très bonne élève à l’école, elle commence par des études de médecine, avant de bifurquer vers la psychologie, rapidement abandonnée au profit d’un travail dans une librairie pour enfin se tourner vers la photographie. Et c’est parfois très triste et poignant, même si c’est désespérant de voir cette jolie jeune femme passer à côté de tout, gâcher sa vie et celle des autres autour d’elle. Quand on sait que le titre original (en norvégien et en anglais) est « La pire personne du monde », le film prend une autre dimension. Car au-delà du portrait d’une femme et de quelques hommes, d’une ville dont l’ambiance est bien rendue, ce qui est le plus étonnant à mes yeux est la morale qui se dégage en filigranes. Non, il ne suffit pas d’être jolie, d’avoir un charmant sourire, des yeux expressifs et de ravissants petits seins, l’attitude et le comportement de Julie dans la vie sont pénibles et loin d’un exemple à suivre. Nourrie par les écrans et les réseaux sociaux, les régulières notifications sur son smartphone, elle manque des éléments essentiels pour se construire surtout face à Aksel, un dessinateur de BD underground doublé d’un homme construit, posé et mûr, 15 ans plus âgé qu’elle.
Si je ne vous en ai pas trop dit pour vous enlever l’envie de voir ce petit bijou cinématographique, courrez le découvrir car il est un film profond qui aborde des thèmes essentiels comme l’amour, le couple, la vie, la maternité, la famille, la filiation, le temps qui passe et ne reviendra pas… Le tout avec beaucoup de finesse et de subtilité. https://www.youtube.com/embed/EQABCSSPjfg?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Tre piani » de Nanni Moretti avec Elena Lietti, Alba Rohrwacher, Riccardo Scarmacio, Margherita Buy, Denise Tantucci, Alessandro Sperduti, etc. Durée : 1h59’
Après plusieurs films décevants, enfin je retrouve le bonheur qu’apporte un cinéma d’auteur abouti, au scénario intéressant desservi par des acteurs pleins d’humanité, joliment filmés en plus. Les personnages ont tous du relief sans parler de Sara et Dora, les épouses de Vittorio et Lucio, les deux hommes qui portent le film et qui sont, à mes yeux, exceptionnelles. Quels beaux exemples de femmes intelligentes et à l’écoute.
Le film est aussi profond qu’émouvant et prend toute sa dimension au fil du déroulement de l’histoire. Les scènes où la femme du juge qui vient de disparaître parle à leur répondeur automatique (la ‘secretaria telefonica’ (Ah, l’italien) sont poignantes.
Nanni Moretti qui adapte, pour la première fois, un roman israélien qu’il transpose à Rome a gagné encore un Award en analyse de psychologie familiale, le genre qu’il explore depuis ses premiers films. Je garde encore, deux décennies plus tard, un souvenir ému de « La Chambre du fils ». Faisant une parenthèse sur « Quelle serait la définition d’un chef-d’œuvre ? Sans doute l’œuvre, quelle que soit la discipline, dont on se rappelle non pas quelques jours ou semaines après, mais des mois et des années plus tard…
« Tre piani » va sans doute gagner la palme du film le plus sensible à voir dans les salles obscures cet automne. Ne le ratez pas.https://www.youtube.com/embed/5aaq2sAgcl8?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Les Olympiades. Paris 13e » de Jacques Audiard avec Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant, Jehnny Beth, etc. Durée : 1h45’ Interdit aux moins de 16 ans. ***
En théorie : les interviews de Jacques Audiard, les critiques, l’adaptation de trois nouvelles sur la jeunesse, tirées du recueil « Kiling and Dying » d’un romancier californien répondant au nom d’Adrian Tomine, la prestation de Nora alias Noémie Merlant, l’actrice phare du « Portrait de la jeune fille en feu », le dernier film de Céline Sciamma qui a d’ailleurs co-écrit le premier jet du scénario, etc., tout est intéressant et incite à aller voir le film.
Tourné en noir et blanc – parti pris pour faire oublier la ville-musée – dans le quartier du XIIIe arrondissement à forte minorité chinoise où le réalisateur a vécu, on suit les allées et venues tant professionnelles que personnelles, intimes et amoureuses de trois jeunes parisiens intellos ayant fait de très bonnes études dont deux sont d’origine étrangère, chinoise pour l’une et africaine pour l’autre.
Et à part cela, qu’y voit-on ? Des parcours à tous les niveaux aussi chaotiques que décevants, des dialogues inintéressants voire agressifs, une histoire de harcèlement sur les réseaux sociaux qui débouche sur une romance avec une camgirl à succès, une autre de misère affective familiale au sein de la communauté chinoise, etc.
Si c’est cela le film qu’a voulu faire Audiard après e.a. « De battre mon cœur s’est arrêté » (2005), « Un prophète » (2009), « Dheepan » (Palme d’or à Cannes en 2015), fils de Michel (célèbre pour la qualité de ses dialogues) sur l’amour, la sexualité, la pudeur, le romantisme, bref le discours amoureux à l’ère numérique, dieu que c’est pauvre, triste et interpellant. Car ce qui frappe avant tout, c’est la grande solitude dans laquelle évoluent les personnages, alors qu’ils ne sont pratiquement jamais seuls.
Loin de moi de mettre en doute ce portrait d’une certaine jeunesse urbaine au XXIe s. Mais cela valait-il la peine de faire un film ?https://www.youtube.com/embed/Uuzn60F8pAU?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Pleasure » *** de Ninja Thyberg avec Sofia Kappel, Evelyn Claire, Revika Anne Reustle, Kendra Spade Tee Rell,Michael Omelko, Aiden Starr, etc. Durée : 2h01’ Interdit aux moins de 18 ans.
Premier long-métrage de la jeune réalisatrice qui suit le parcours de Linnéa, une jolie suédoise de 19 ans qui débarque à Los Angeles, décidée à devenir la nouvelle grande star du cinéma pornographique.
Elle apprend très vite les arcanes du métier et nous avec elle ! Avec un chiffre annuel global qui tourne autour des 50 milliards de dollars, l’industrie du sexe est un monde en soi. Ninja Thyberg est partie se documenter pendant 6 ans aux Etats-Unis pour écrire le scénario, ce pays qui représente 90% de la production professionnelle mondiale. Ont accepté de tourner dans son film de vraies stars du porno jusqu’au fameux agent des stars du X répondant au nom de Mark Spiegler. Le résultat est saisissant. Le film présenté avec succès dans divers festivals réputés (Cannes, Sundance, Gand, etc.) sort sur nos écrans dans sa version intégrale non censurée, interdit aux mineurs. On découvre un milieu où les hommes font la loi sur des filles consentantes à qui l’on affirme qu’elles restent maîtresses d’elles-mêmes et peuvent arrêter le tournage à tout moment. Là est la face visible mais il y a aussi la face cachée où le pas à franchir pour être abusées par des producteurs malhonnêtes est monnaie courante.
Le film est tourné de manière à ne jamais vraiment mettre le spectateur mal à l’aise, même si certaines scènes sont très dures… La réalisatrice arrive très subtilement à brouiller les frontières entre fiction et réalité et nous ouvre les yeux sur les dessous d’un ‘divertissement’ reposant sur l’exploitation commerciale du corps de la femme. Un sujet brûlant d’actualité aujourd’hui.
Maintenant on aurait envie que Thyberg fasse une seconde partie qui s’intéresserait cette fois-ci à l’autre côté de l’écran : les consommateurs de ce genre de. films car, comme pour la drogue et les addictions en tous genres, sans consommateurs, pas de marchés. Et je ne parle même pas de la pollution numérique générée par la consommation de ces vidéos en ligne.
Pour empêcher que le serpent se morde sans fin la queue, vive l’éducation sur tous ces sujets ‘sensibles’ dès le plus jeune âge. On revient toujours au même point… https://www.youtube.com/embed/KvBBw5ui2YM?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Mourir peut attendre » * de Cary Joji Fukunaga avec Daniel Craig, Lashana Lynch, Rami Malek, Léa Seydoux, etc. Durée : 2h43’
Avec un tel battage publicitaire, vous savez déjà tout sur le dernier James Bond et si vous êtes fan, vous avez déjà été le voir surtout qu’il s’agit bien du dernier de la saga Craig… Quand j’étais jeune, c’était la fête le soir où l’on allait voir le nouveau OO7, les yeux écarquillés devant ces scènes incroyables aussi rocambolesques que glamour avec un héros qui certes changeait de peau mais avait toujours un charme incontestable qui séduisait des femmes aux allures de stars comme il n’en existait que… dans les James Bond ! Le tout dans des décors hallucinants. Aujourd’hui, pour ce 25e épisode, il ne reste plus grand-chose de tout cela, toujours quelques trouvailles de paysages grandioses évidemment mais dans une débauche de violence et bruitage qui relègue tout le reste au second plan. C’est à mes yeux aussi long, très long que peu intéressant… Et oui, j’ose dire que je me suis ennuyée et même endormie malgré le bruit assourdissant et les scènes d’action d’un show et d’une violence inutile. Et je n’ose même pas évoquer le coût de ce genre de films… On ne peut que donner raison à Daniel Craig, qui a endossé aussi la casquette de producteur depuis les deniers épisodes, de se retirer d’un genre qui n’a plus vraiment sa place dans le monde d’aujourd’hui. Désolée, les inconditionnels… https://www.youtube.com/embed/QDMtltHjkDA?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« La Civil » ** de Teodora Ana Mihai avec Arcelia Ramirez, Jorge A. Jimenez, Alvaro Guerrero, Ayelén Muzo, etc. Durée : 2h15’
Un premier film sur un des pans de la société mexicaine réalisé par une cinéaste belgo-roumaine qui vit à Gand… C’est particulier. Teodora Ana Mihai connaît bien le Mexique dont la violence aujourd’hui lui rappelle celle de la Roumanie de Ceaucescu dans les années 80 où elle a grandi et où, dit-elle, on ne pouvait faire confiance à personne, amis, voisins, police, etc. En réalisant ce film très dur qui raconte le parcours d’une mère pour tenter de retrouver sa fille enlevée un soir où elle était de sortie, la réalisatrice aborde avec une mise en scène très noire, les vrais problèmes de la société mexicaine actuelle, suite à la décision du Président Calderón il y a 15 ans, d’en finir avec les narcos… Jusque-là il y avait une sorte d’accord tacite entre les cartels qui a été mis à mal et la violence est descendue dans les rues prenant en otages, dans certains états comme Guerrero et le Michoacán, les citoyens entre forces armées et cartels. Présenté en ouverture de la dernière édition du Festival de Gand en octobre et avant cela, cet été à Cannes dans la section « Un Certain Regard », « La Civil » a été nourri d’un travail de recherches sérieuses par la cinéaste et l’écrivain mexicain Habacuc Antonio De Rosario. Produit entre autres par les frères Dardenne de ce côté-ci de l’Atlantique, il a le mérite d’ouvrir les yeux sur un phénomène de société incontournable et ingérable celui de la société occidentale américaine et européenne, première consommatrice de drogue au monde, sans laquelle tout cela n’existerait pas… https://www.youtube.com/embed/2i6xH9zAIC4?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Un monde » * de Laura Wandel avec Maya Vanderbeque, Günter Duret, Laura Verlinden, Karim Leklou, Laurent Capelluto, etc. Durée : 1h12’
Laura Wandel a choisi de nous montrer un monde à part, celui d’une cour de récréation d’enfants de primaires, vu à travers les yeux, les oreilles, le coeur, la sensibilité, bref l’angle de Nora. Une petite fille dont le frère aîné, à peine plus âgé qu’elle, est victime de harcèlement. En n’imposant aucun texte à ses jeunes acteurs, en élaborant le scénario en collaboration avec eux et en les laissant exprimer leurs sentiments naturellement comme ils les sentaient venir, elle livre un film censé collé le plus près possible de la réalité, une certaine réalité… car Il y a autant de mondes de l’enfance, qu’il y a d’enfants et d’écoles. Cela donne un film particulier. La surveillante, les professeurs, les élèves, l’ambiance générale correspondent certainement à une situation donnée, celle mise en scène par la réalisatrice. Mais la portée du film est moins universelle qu’on ne pourrait le croire. Cela peut être très différent aussi. Il manque pas mal de dynamisme, d’énergie, de ‘rapportage’ dans tous les sens comme le font la plupart des enfants dans toutes les cours de récréation, de solidarité entre les professeurs, d’énergie positive, etc. Si je crois avoir capté l’esprit dans lequel ce film a été fait, j’ai, contrairement à l’avis unanimement positif de la critique, un avis très mitigé sur le résultat. Enfin, je n’ai pas retrouvé dans “Un monde” quelques-unes des grandes caractéristiques de ce monde de l’enfance comme par exemple, la joie ou l’insouciance. https://www.youtube.com/embed/2Y5emDgKQeQ?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« L’homme de la cave » ** de Philippe Le Guay avec François Cluzet, Jérémie Renier, Bérénice Bejo, Jonathan Zacaï, etc. Durée : 1h53’
Le scénario est inspiré d’une histoire vraie arrivée à des amis du réalisateur, qui nourrit en lui l’idée d’en faire un film depuis longtemps. Je ne vais pas vous le raconter car je vous gâcherais le ‘plaisir’…
En lui donnant des airs de polar aux accents sombres et glauques, avec une tension qui monte au fur et à mesure que l’action se déroule, Philippe Le Guay a trouvé le prétexte pour aborder des sujets d’actualité comme le complotisme, le racisme, l’extrémisme et même le négationnisme. Et pour servir le propos, il a fait appel à des acteurs épatants : Jérémie Renier alias le propriétaire, sa femme (hystérique) Bérénice Bejo et François Cluzet en locataire, professeur d’histoire rayé de l’Education nationale dans le rôle de la victime ou du prédateur ? Décidément, quand on voit le nom de François Cluzet à l’affiche, on est presque assuré que le film sera intéressant. Et c’est le cas. https://www.youtube.com/embed/uO0F1OkWI3w?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
“Respect” ** de Liesl Tommy avec Jennifer Hudson, Forest Whitaker, Skye Dakota Turner, Audra McDonald, etc. Durée: 2h25’
L’histoire d’Aretha Franklin depuis sa prime jeunesse où elle possède déjà une voix exceptionnelle repérée par ses parents, un père pasteur et une mère chanteuse. La réalisatrice sud-africaine nous livre dans une belle mise en scène tout le parcours de la diva, du gospel à la soul avec ses obstacles familiaux et ses embûches professionnelles dans la recherche du répertoire qui lui siéra le mieux. Remarquable Jennifer Hudson dans le rôle principal validé par la diva avant sa mort, il y a 3 ans. Le film à la fois musical et historique avec son engagement auprès de Martín Luther King aurait gagné une étoile en durant 30’ de moins…
“Bigger Than Us” *** de Flore Vasseur avec Melati Wijsen, Memory Banda, Mohamad Al Jounde, Winnie Tushabe, Xiuhtezcatl Martinez, Mary Finn, René Silva. Durée : 1h35’
Un documentaire tourné aux 4 coins du monde pour nous montrer les initiatives d’une série de jeunes incroyables qui se sont engagés dès leur plus jeune âge (10-11 ans) en faveur de domaines comme la justice environnementale, la jeunesse, l’éducation, les droits des femmes, l’accueil des réfugiés, la sécurité alimentaire et encore, la liberté d’expression. De l’Indonésie à la Grèce en passant par le Liban, l’Ouganda et les États-Unis, on les rencontre sur le terrain où ils se donnent corps et âmes. Document exceptionnel et émouvant qui fait chaud au cœur. J’ai eu souvent les larmes aux yeux… A voir et à faire savoir autour de soi sans modération.
“ Cigare au miel” *** de Kamir Aïnouz avec Zoé Adjani, Amira Casar, Lyès Salem, etc. Durée : 1h40’
Être la nièce d’Isabelle Adjani aide heureusement en termes de battage publicitaire. Et c’est une bonne chose car l’actrice qui, à 19 ans n’en est pas à son premier grand rôle à l’écran, endosse celui-ci avec beaucoup de délicatesse, de naturel et un réel talent. Habituée à voir des films sur la culture maghrébine dont les problèmes sonnent souvent un peu faux sur la toile (les acteurs sur-jouent dans des situations un peu trop clichés), je suis ressortie séduite par le film de Aïnouz, qui est en partie autobiographique. Ce portrait de la vie de Selma, fille unique d’une famille d’immigrés algériens vivant à Neuilly-sur-Seine (le père est avocat, la mère gynécologue) est très intéressant à suivre à plusieurs niveaux tant personnel que familial, social et même politique. Récit délicat peint par une caméra aussi sensible que sensuelle, à l’image de la jeune héroïne qui parvient à se libérer intelligemment et en douceur de son carcan culturel. Relevons que la réalisatrice aborde le thème intime de la sexualité en ne faisant que suggérer, sans montrer un seul corps nu. Subtil.
« La Nuit des Rois »*** de Philippe Lacôte avec Koné Bakari, Steve Tientcheu, Issaka Sawadogo, Denis Lavant. Durée : 1h33’
L’action se passe en Côte d’Ivoire à La Maca, l’une des prisons les plus surpeuplées de l’Afrique de l’Ouest. Un univers clos qui a ses lois et ses codes. Mais à La Maca, la particularité est la suivante : c’est un prisonnier qui tient le rôle de chef suprême, en ayant droit de vie et de mort sur les autres. S’il tombe malade, il doit abdiquer en se donnant la mort. La nuit de la lune rouge, synonyme de tous les dangers, un nouveau détenu est désigné par le chef comme conteur, le temps d’une nuit au terme de laquelle il est averti par un tierce qu’il mourra. Avec des références au griot – celui qui reçoit et transmet, personnage central de la culture africaine – mais aussi à Shéhérazade ou encore dans la culture occidentale, à la tragédie shakespearienne, le réalisateur ivoirien livre ici un film théâtral impressionnant (lumières, chorégraphies, etc.) où les mots ont encore pouvoir de vie et de mort. Saisissante peinture de l’imaginaire africain. Décidément, les films carcéraux sont à l’honneur aujourd’hui (cfr « La Loi du Triomphe » toujours à l’affiche dont vous avez lu récemment la critique dans cette rubrique.)
« Le Genou d’Ahed »*** de Nadav Lapid avec Avshalom Pollak, Nur Fibak, etc. Durée : 1h49’
Un film percutant comme un long et profond cri de colère d’un réalisateur qui se met dans la peau de son acteur principal. Un sujet aussi complexe qu’intéressant, abordé dans un cadre désertique minimaliste, interprété par d’excellents acteurs qui gèrent toute la tension qui sous-tend le film du début à la fin. Personnellement, cela m’a fait du bien de voir des gens qui osent parler, dirent ce qui les révolte au fond de leurs entrailles, des natifs qui crient leurs frustrations, leurs revendications, leur honte des politiciens qui les gouvernent, leur crainte de constater la démocratie bafouée au profit d’un contrôle absolu de tout.
La jolie employée elle-même est perdue quand on la met au pied du mur, qu’on la force à enlever son masque et à constater que son pays est malade.
Réalisé en partie avec un iPhone, Lapid nous propose un film dont la trame violente est rythmée par des cris, de pleurs, des gestes pleins de sens. A mes yeux, un film exceptionnel et unique. Il a d’ailleurs reçu le prix du jury ex-aequo au dernier Festival de Cannes et sa couverture médiatique est à la hauteur. Ne voulant pas parler de politique et toucher un sujet extrêmement sensible, j’attends la dernière ligne pour vous dire qu’il s’agit d’un film israélien tourné par un réalisateur israélien en Israël, au sud dans le désert d’Arabah. La géopolitique est l’une de mes passions et enfin, après avoir lu e.a. « Ô Jérusalem délivrée » de Lapierre & Collins, je ne suis ni pro palestinienne, ni pro israélienne. Il est important de le souligner. https://www.youtube.com/embed/LvtlNaMuUXI?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Les amours d’Anaïs »*** de Charline Bourgeois-Tacquet avec Anaïs Demoustier, Valeria Bruni-Tedeschi, Denis Podalydès, Bruno Todeschini, etc. Durée : 1h38’
Accrochez-vous dès le départ car le film démarre sur les chapeaux de roues et la danse durera une grande partie de la projection. Anaïs est craquante d’un bout à l’autre mais en écoutant que les pulsations de son cœur, un peu folle et (fort) égoïste aussi. Mais c’est une journaliste mature qui vous dit cela alors que le but du film est de montrer et essayer de comprendre ce que les jeunes trentenaires ont dans la tête aujourd’hui… Je ne vais pas vous raconter l’histoire sauf qu’il y a un rapport entre ce qu’Alice est censée faire ‘professionnellement’, à savoir finir sa thèse de doctorat sur la passion en littérature au XVIIIe s. et sa vie personnelle où inconsciemment elle cherche à revivre cela. Entre le mari, l’amant, la femme magistralement interprétée par une Valeria Bruni-Tedeschi au meilleur de sa forme, on s’amuse et on rit aussi beaucoup.
Premier long métrage de Charline Bourgeois-Tacquet qui avait tout simplement envie de tourner à nouveau avec Anaïs Demoustier, protagoniste de l’un de ses courts métrages. Elles sont de la même génération et comme dans ma critique précédente, la réalisatrice a mis beaucoup d’elle dans son actrice. Ses études de lettres donnent un scénario finement écrit à tous les niveaux. Les critiques évoquent l’influence de Rohmer… Sûrement mais à un rythme autrement plus enlevé et divertissant (Pardon Eric…) J’ai trouvé ce film irrésistible, à la fois profond et léger, plein de joie de vivre et de quelques vrais grincements de dents (les scènes de l’hôpital et du coup de téléphone dans la voiture à son directeur de thèse.) Une comédie française comme on les aime. https://www.youtube.com/embed/x-D-OngAnG8?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Le sorelle Macaluso » *** de Emma Dante avec Alissa Maria Orlando, Donatella Finocchiaro, Susanna Piraino, etc. Durée : 1h34’
Adaptation d’un spectacle qu’elle avait créé et présenté à Avignon il y a 7 ans, ce drame familial réalisé par Emma Dante, l’une des personnalités les plus connues du théâtre italien contemporain, née à Palerme en 1967 est magnifique. Si dans la pièce, c’étaient toujours les mêmes actrices qui se remémoraient le passé, dans le film découpé en 3 phases, c’est une quinzaine d’actrices différentes qui jouent les rôles des 4 sœurs aux différents âges de leur vie, mise à part la dernière petite sœur disparue… Il s’agit de l’histoire de cinq sœurs, qui habitent seules et gagnent leur vie en élevant des colombes. Un dimanche ensoleillé, elles partent toutes les 5 la plage sous le soleil implacable de l’été sicilien mais reviennent à 4…
On les retrouve adultes, 30 ans plus tard pour un dîner dans le même appartement où deux d’entre elles vivent toujours. La tragédie est encore dans tous les cœurs et sur toutes les lèvres et le sentiment de culpabilité omniprésent.
Une comédie familiale, touchante extrêmement bien filmée où les sentiments palpent avec génie la réalité de la vie passée, présente et future. https://www.youtube.com/embed/hoHQ7goP3Gk?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« La Loi de Téhéran » *** de Saeed Roustai avec Payman Maadi, Navid Mohammadzadeh, etc. Durée : 2h14’
Le film commence par une course poursuite haletante. Le ton est donné dès les premières minutes. On est à l’évidence dans un triller se déroulant dans un pays compliqué au centre d’un trafic de drogue très lucratif où elle est facilement accessible, causant évidemment des ravages. On suit la police dans ses méandres pour arriver par des méthodes corsées à mettre la main sur les intouchables. Le réalisateur nous montre les conséquences de la libéralisation du marché de la drogue en Iran où les gens peinent à assumer leur quotidien. Et la drogue évidemment ne résout rien à la misère, bien au contraire. Saeed Roustai dépeint une situation sociale complexe, terrifiante et fort méconnue en-dehors des frontières.
Le film tourné en partie avec de vrais toxicomanes fait froid dans le dos. Un tel pays avec des gens tellement adorables, hospitaliers et intéressants. Quel gâchis. Des dizaines de prix dans des festivals internationaux ont couronné « La Loi de Téhéran », remarquablement interprété entre autres par Payman Maadi, que l’on avait déjà remarqué il y a 10 ans dans « Une séparation » de Asghar Farhadi. https://www.youtube.com/embed/bYzBf7zo6RI?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Un Triomphe » **** de Emmanuel Courcol avec Kad Merad, Marina Hands, Laurent Stoker, Pierre Lottin, Sofian Khammes, David Ayala, Lamine Cissoko, etc. Durée : 1h46’
Un acteur à la traine accepte tous les boulots qu’on lui propose dont celui d’animateur d’ateliers de théâtre dans une prison. Le boulot est difficile mais à défaut d’être sans doute un bon acteur, il est un bon prof et arrive, avec toute l’énergie et la motivation nécessaires à intéresser peu à peu ses ‘élèves’. Et soudain, quand les détenus lui disent que leur vie se passe à attendre, attendre, toujours attendre, une idée lui saute à l’esprit : la pièce qu’ils doivent jouer après avoir appris « Les Fables de La Fontaine » est Godot ! « En attendant Godot » de Samuel Beckett où l’on ne fait rien d’autre qu’attendre, attendre quelqu’un qui n’arrive jamais. Un univers absurde comme celui de l’univers carcéral. Et le voilà parti dans cette aventure, en ayant dû convaincre tout le monde de la directrice de la prison jusqu’au directeur du théâtre où jouer la pièce en passant par la juge pour les permissions de sortie en vue des répétitions, etc. Je ne vous en dis pas plus sauf qu’il s’agit d’une histoire vraie qui s’est passée en Suède à la fin des années 80. Le film porté à bout de bras par Kad Merad est incroyable, la prestation des acteurs remarquable et le sujet sans vous dévoiler la fin, à la hauteur de ce qu’en a dit Samuel Beckett à l’époque : « C’est la plus belle chose qui pouvait arriver à ma pièce ! »
En plus d’être un hommage à tous les gens méritants qui travaillent dans les prisons, « Un Triomphe » est un hommage au théâtre, à l’homme. A ne pas rater.
« The Assistant » de Kitty Green avec Julia Garner, Matthew Macfadyen, Kristine Froseth, Alexander Chaplin, etc. Durée : 1h27’
Avec ce dernier, je vais être nettement plus brève… S’il a le mérite de parler de la pression que subissent parfois (souvent ?) les jeunes assistantes au début de leur carrière qui pensent décrocher le poste de leur rêve comme c’est le cas ici de Jane, engagée dans une grosse boite de production à cheval sur NY et LA, le film aborde en filigranes l’affaire Weinstein.
On baigne de la première à la dernière minute dans une ambiance glauque avec la menace sourde de la présence du grand patron qu’on ne verra jamais, et même si la peinture de ce monde et le propos sont certainement bien rendus, on s’ennuie fermement durant toute la projection. Je pars rarement mais là, j’aurais vraiment dû le faire car dieu que ce film est ennuyeux en accord avec l’éclairage des différents plans…
Voilà un bel exemple de cinéma barbant à l’image de ce que pensent beaucoup de gens du cinéma d’auteur. A éviter.
« Gagarine »**** de Fanny Liatard & Jérémy Trouilh avec Alseni Batheli, Lyna Khoudri, Finnegan Oldfield, Jamil Mc Craven, Denis Lavant, etc. Durée : 1h35’
Un premier film réalisé par un duo de réalisateurs qui se sont rencontrés tout jeunes sur les bancs de la Fac (Sciences Po à Paris). Après avoir chacun découvert l’Amérique latine pendant leurs années d’études – le Pérou pour elle et a Colombie pour lui – une expérience qui les marquera du sceau du réalisme magique à la Garcia Marquez, ils se tournent vers une voie qui n’est pas vraiment celle tracée par leurs diplômes, à savoir le cinéma : des cours de scénario pour elle et une formation en cinéma documentaire pour lui. Et de se retrouver rapidement derrière une caméra pour réaliser 3 courts-métrages dont le 1erjet de « Gagarine », l’histoire d’une cité construite pour les ouvriers d’Yvry-sur-Seine en 1961 par les architectes Henri et Robert Chevallier, qui accueille ensuite les immigrés d’Espagne, d’Italie, du Portugal jusqu’au Maghreb et devient le centre d’un trafic de drogue. Rénovée en 1995, elle sera démolie en 2019 entre autres à cause de son délabrement et de l’amiante dont elle est truffée. C’est son histoire qu’ils filment à travers ses habitants, plus précisément Youri, 16 ans qui y vit seul et tente de la rafistoler avec les moyens du bord, tout en rêvant de devenir cosmonaute. Une histoire aussi réaliste que poétique que je ne vais sûrement pas vous raconter mais que je vous conseille vivement d’aller voir. Un film unique, plein de fantaisie raconté sous la forme d’une fable. Et surtout, un autre regard sur la banlieue et les cités, des lieux souvent réduits à la violence. A savourer seul, en famille, avec des amis. Aussi inattendu que magistral. Un régal.https://www.youtube.com/embed/vZSx8bpiVe4?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Opération Panda » de Natalia Nilova et Vassily Rovensky. Durée : 1h15’ ***
Une fois n’est pas coutume mais je me devais de vous parler, alors que commencent les vacances d’été, de cet excellent film pour enfants qui m’a réellement surprise et charmée. Il s’agit d’un dessin animé russo-américain en 3D réalisé par ordinateur. L’histoire est celle d’un ours et d’un lièvre chez qui une cigogne a déposé par erreur un bébé panda (à croquer). Lorsqu’ils décident d’essayer de retrouver ses parents légitimes, l’aventure commence. Elle est franchement intéressante tant du point de vue des paysages que des dialogues de haut niveau, avec un vocabulaire élaboré, de bons jeux de mots et pour couronner le tout, un message séduisant de solidarité et d’entraide. Je ne me suis pas ennuyée une seule minute et suis restée jusqu’à la fin du générique pour voir qui doublait si bien le texte en français, malheureusement en vain. Aucun nom autre que russe n’est apparu à l’écran de ce film dont le titre original est « The Big Trip. » Ne ratez pas l’occasion d’y emmener l’un ou l’autre de vos petits-enfants à qui vous serez fiers de montrer un film de telle qualité. C’est suffisamment rare pour le souligner.https://www.youtube.com/embed/7xhfv2I8Z2M?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Nomadland »*** de Chloé Zhao avec Frances McDormand, David Strathairn, Charlène Swankie, etc. Durée : 1h47’
Récompensé par le Lion d’or à Venise, l’Oscar du meilleur film, les Golden Globes, etc. sans parler du grand battage publicitaire depuis des mois autour ont fait que, dès la réouverture des salles, je ne pouvais m’y soustraire. Et j’ai évidemment été un peu déçue… Certes, c’est un film intéressant sur l’Amérique d’aujourd’hui, un regard différent porté sur son pays d’adoption par une cinéaste américaine d’origine chinoise, un road-movie à travers les grands espaces de l’Ouest américain qui caractérisent cette terre, cette terre de contradictions où la liberté érigée en fer de lance est difficile à vivre pour ceux qui ont fait ce choix. L’actrice principale est plus crédible que nature, ceux qui l’entourent à sa hauteur, les paysages grandioses mais tellement tristes.
Ce film est, en fait, non seulement triste mais long, trop long et même s’il touche à des thèmes essentiels et nous montre des gens dignes et extrêmement sympathiques, l’impression générale est dénuée d’enthousiasme. Mais tout cela n’est que mon point de vue personnel et subjectif…https://www.youtube.com/embed/6sxCFZ8_d84?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« ADN » **** de Maïwenn avec Maïwenn, Fanny Ardant, Louis Garrel, Marina Vatch, Alain Françon, Omar Marwan, etc. Durée : 1h30’
Un film centré sur la réalisatrice – actrice que l’on connaît bien et dont on apprécie beaucoup la filmographie. D’origine algérienne, Maïwenn part de la mort de son grand-père algérien, pilier de la famille, une famille désunie et tendue, pour nous raconter son histoire familiale. Dans le genre autofiction, où elle n’hésite pas à se mettre à nu, on suit avec intérêt et affection les névroses de chacun, les conflits latents, les sensibilités exacerbées qui s’expriment plus que jamais au moment de la disparition de ce père et grand-père adoré.
Un film passionnant en forme de thérapie familiale où les traits d’humour de Louis Garrel instillent des notes de bonne humeur et de légèreté, bienvenues.
Avec en toile de fond l’histoire de l’Algérie, « ADN » est un grand film attachant d’un bout à l’autre. J’ai toujours beaucoup d’admiration pour les réalisateurs.rices qui jouent dans leur film, et le rôle principal en plus ! Au générique, j’ai vu que le scénario qui est vraiment très bien fait a été coécrit avec Mathieu Demy, le fils de Jacques Demy et Agnès Varda. Comme quoi, les poiriers ne font pas des pommes…
« Rocks »*** de Sarah Gavron avec Bukky Bakray, Kosar Ali, D’Angelou Osei Kissiedu, Shaneigha-Monik Greyson, Ruby Stokes, Anastasia Dymitrow, Sarah Niles, etc. Durée : 1h33’
Rocks n’a que 15 ans quand sa maman disparaît d’un jour à l’autre, la laissant seule avec Emmanuel, son petit frère dans leur appartement de l’East London. Et l’on apprend que ce n’est pas la première fois que cela arrive… Le film est l’histoire de cette adolescente et de sa bande de copines qui heureusement sont là pour la soutenir, alors qu’elle a honte de dévoiler ce qui lui arrive et fait tout pour assumer la charge familiale et échapper aux services sociaux.
Si le thème a déjà été traité brillamment au cinéma, entre autres avec « Nobody Knows » (2004) du Japonais Hirokazu Kore-eda, la réalisatrice qui a co-écrit le scénario avec les jeunes actrices adopte un ton juste sans pathos. Elle dépeint ces adolescentes avec émotion et sensibilité laissant une place essentielle à la spontanéité et au naturel. Et nous voilà plongés, pendant une heure et demie, dans ce monde bigarré de l’adolescence où ces filles, (presque) toutes plus sympathiques et censées les unes que les autres mènent leur vie, tout en pensant déjà à leur avenir.
Moins radical que Ken Loach mais aussi moins rythmé que Mike Leigh, le cinéma de Sarah Gavron (à qui l’on doit « Les Suffragettes » en 2015) se forge avec ce 5e long-métrage une place tout en nuance et finesse dans le cinéma social britannique. Avec un final aussi lumineux et touchant que le sujet est grave et profond, la réalisatrice nous livre ici un remarquable teenmovie.
« Marianne & Léonard : Words of Love » *** un documentaire de Nick Broomfeld avec Marianne Thien, Léonard Cohen, Axel, etc. Durée : 1h59’
L’histoire des amours difficiles et tumultueuses entre le poète-auteur-chanteur-compositeur canadien Léonard Cohen et son adorable muse norvégienne, Marianne Thien qui s’est déroulée en grande partie sur l’île paradisiaque d’Hydra, non loin d’Athènes dans le golfe Saronique. Le seul endroit de Grèce avec le Mont Athos où il n’y a pas de voiture (ni même d’électricité dans les années 60), chantre d’une communauté d’artistes bohèmes dont la réputation a traversé les années, même si aujourd’hui elle a changé bien sûr… J’y ai passé mes étés des années 80 aux années 2000 et y ai encore vu Léonard Cohen, attablé seul à une petite table du bar des artistes sur le port. Le célèbre artiste peintre et graveur américain Brice Marden, l’architecte Santiago Calatrava au moment des jeux Olympiques en 2004 et bien d’autres ont continué à fréquenter l’île plus tard, laissant toujours flotter dans l’air de cet endroit magique, ce parfum artistique unique et enivrant. Le film nous fait vivre de près leur vie sur l’île et les hauts et les bas d’un homme au génie créateur qui n’a jamais caché « son grand appétit pour l’expression sexuelle de l’amitié. » Si la manière de le dire est amusante, le vivre est une autre chose. Marianne a connu une relation aussi dévorante que destructrice dont elle en sortira heureusement grandie et apaisée lorsque sur son lit de mort, à 81 ans, elle recevra une lettre avec ces quelques mots : « Marianne, je voulais seulement te souhaiter un très beau voyage. Au revoir ma vieille amie. Mon amour éternel. »
Il la suivra de quelques mois dans ce dernier voyage.
La fin du film nous la montre fredonnant les paroles de « So Long Marianne » au premier rang de la dernière tournée mondiale du poète, lors de son passage à Oslo en 2009. Une émotion présente tout au long de ce documentaire à la hauteur de leur terrible histoire d’amour.https://www.youtube.com/embed/LB6nIzPf9r8?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« A Hidden Life »**** (Une vie cachée) de Terrence Malick avec August Diehl, Valérie Pachner, Matthias Schoenaerts, Bruno Ganz, Michael Nyqvist, Maria Simon, Ulrich Matthes, etc. Durée : 3h.
Un réalisateur mais encore scénariste et producteur américain, né en 1943 dans l’Illinois (USA) qui enseigne à l’American Film Institute et à Harvard. Et pour cause, en 45 ans de carrière, on compte sur les doigts d’une main les films qu’il a réalisés et qui, couronnés de prix prestigieux comme la Palme d’or pour «The Tree of Life » en 2011, l’Ours d’or pour « La Ligne rouge » en 1999, le prix de la mise en scène à Cannes pour « Les Moissons du ciel » en 1979, tous exceptionnels. Et ce dernier qui peint la vie de l’un de ces héros méconnus qui a été condamné à mort pour avoir refusé de se battre sous le régime hitlérien est de la même veine. Un drame historique où l’on reconnait dès les premières minutes la patte de ce réalisateur de génie. Une façon de filmer et de cadrer tant les personnages que les paysages, unique ; de faire tourner la caméra à la cime des arbres, de saisir le mouvement, la beauté magique de la nature, de créer une ambiance particulière, bref un style magistral que je n’ai encore trouvé chez personne d’autre que lui.
Un sujet grave qui narre l’histoire d’un homme libre en 3 heures que sincèrement, on ne voit pas passer. Et j’allais oublier de parler de la musique de Bach, Beethoven, Haendel, Arvo Pärt, etc. qui sublime ces images magnifiques. A voir absolument !https://www.youtube.com/embed/qJXmdY4lVR0?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« L’Adieu »*** de Lulu Wang avec Awkwafina, Tzi Ma, Diana Lin, Zhao Shuzhen, etc. Durée : 1h38’
Il y a beaucoup à dire sur ce film alors que le scénario tient sans doute en une ligne. C’est une comédie qui aborde des thématiques différentes et essentielles comme les relations familiales, plus particulièrement filiales, la problématique universelle de l’exil avec toutes ses conséquences dont on ne se rend pas toujours compte, le mensonge parfois nécessaire, les divergences culturelles entre orient et occident, etc.
« L’exil est une arme. Il nous confronte aux autres et nous chasse de nos origines… Je crois que l’on reste une être exilé à jamais » disait ce matin sur France Inter Frère Atiq Rahimi, romancier et cinéaste d’origine afghane dans ‘Boomerang’, l’émission lumineuse de Augustin Trapenard.
Avec beaucoup d’intelligence et de finesse, tout en arrivant à être souvent drôle alors que le sujet ne l’est absolument pas, Lulu Wang dresse le portrait d’une famille contemporaine chinoise ‘mondialisée’. La peinture d’une justesse impressionnante est filmée avec un rythme et un ton annoncé dès la première image où on peut lire : « Cette histoire est tirée d’un vrai mensonge » ! On rigole souvent durant la projection, dans des situations plutôt graves et profondes et l’on arrive à cerner un peu ce monde et ses habitudes auxquelles on ne connait rien, même si l’on a déjà été en Chine. Il faut savoir que la réalisatrice elle-même, issue aussi de deux cultures ne se sent pas complètement chinoise. Comme son héroïne, elle dit : « La Chine dont je me souviens à 6 ans n’existe plus. » Et dans le rôle de la petite fille exilée, la rappeuse Awkwafina qui, pour son premier grand rôle au cinéma a décroché début janvier le Golden Globe bien mérité de la meilleure actrice dans une comédie.
Pour moi, « L’Adieu » est le genre de film dont on sort différent. Un film avec lequel on apprend la vie, tant là-bas qu’ici. Avec une dose d’humour en plus.https://www.youtube.com/embed/0jSvuaJbQ8s?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
La Voie de la justice ( Just Mercy )*** de Destin Daniel Cretton avec Michael B. Jordan, Jamie Foxx, Rob Morgan, Tim Blake Nelson, …
( critique par Pierre Kluyskens) Ce qui m’a le plus étonné dans ce film est le fait que Hollywood à encore ce courage et cette vigueur dans la dénonciation des injustices faites aux noirs. Il s’agit ici du combat historique du jeune avocat Bryan Stevenson, fondateur de l’Equal Justice Initiative. Après ses études à Harvard, il décide de se consacrer à la défense des droits civiques de ceux qui ont été condamnés à tort. Il se rend donc en Alabama et, avec le soutien d’une militante locale, Eva Ansley, il va s’intéresser au cas de Walter McMillian, dans le couloir de la mort pour le meurtre d’une jeune fille…La suite se laisse deviner : absence de preuves, racisme, enquête bâclée et finalement nouveau procès. Le film dure 137 minutes et c’est son principal défaut : trop de mélo non nécessaire ( quatre jeunes filles devant nous n’ont pas cessé de sangloter ), mais malgré des longueurs il reste à voir, ne fut-ce que pour les statistiques hallucinantes d’erreurs judiciaires évoquées en fin de film.https://www.youtube.com/embed/GVQbeG5yW78?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
” La Llorona “ **** est un film réalisé par Jayro Bustamante avec María Mercedes Coroy, Sabrina de La Hoz
( critique par Pierre Kluyskens) Dans les légendes des pays d’Amérique latine, la Llorona est une pleureuse, un fantôme qui cherche ses enfants. Aujourd’hui, elle pleure ceux qui sont morts durant le génocide des indiens mayas pendant les années 80 au Guatemala. Dans ce film de Jayro Bustamante elle vient hanter le général, responsable du massacre mais qui est acquitté.
Le film bascule continuellement entre fantastique et politique, sarcastique et lugubre, froide colère et de lyrisme incandescent. Il rappelle le réalisme magique, qui est très présent dans les pays d’Amérique latine: c’est extraordinairement envoûtant. A voir, surtout si vous connaissez bien les mécanismes du pouvoir dans ce continent…https://www.youtube.com/embed/Qdh9n4RQukM?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« 1917 » ** de Sam Mendes avec Dean-Charles Chapman, George MacKay, Richard Madden, Benedict Cumberbatch, Andrew Scott, Colin Firth, Mark Strong, etc. Durée : 1h59’
Un beau battage publicitaire complété de critiques dithyrambiques font qu’il est difficile d’échapper à cette plongée dans les tranchées des horreurs de la Première Guerre mondiale ! Est-il encore nécessaire d’ajouter encore mon grain de sel à cette grande fresque tournée comme un long-plan séquence ?
Le scénario tient en une ligne : deux jeunes soldats britanniques doivent porter un message d’importance extrême (l’annulation d’une attaque d’un régiment dont fait partie le frère de l’un des deux) derrière les lignes ennemies. Si la première partie est intéressante, la deuxième qui prend des allures hollywoodiennes gâche un peu, à mes yeux, le propos et lui fait perdre de sa crédibilité. Pourquoi en faire un tel show ? A part si Mendes veut en faire un film de divertissement ? Difficile pour un tel sujet. C’est peut-être là que son passé de James Bond maker resurgit (sans parler de « American Beauty ») … On retrouve quelques points communs avec JB, même si l’on joue ici dans un autre registre. Cela m’a fait penser à des scènes de jeux vidéo. J’en ai d’ailleurs profité pour y amener des ‘adulescents’, qui ont adoré évidemment ! Tant mieux s’il arrive ainsi à attirer un autre public. Personnellement, j’ai été touchée à la fin du film où apparaît sur l’écran une ligne évoquant un autre Mendes, probablement un ancêtre du réalisateur à qui il rend hommage en romançant son histoire ?
Moi, j’ai plutôt envie de vous parler de ces deux jeunes acteurs ‘inconnus’ propulsés à l’affiche de ce film qui connaît déjà un succès retentissant. Un taux de fréquentation le dernier « Star Wars » au box-office mondial ! Certains ont reconnu George Mackay dans le rôle de fils ainé de Viggo Mortensen dans le formidable « Captain Fantastic » de Matt Ross, sorti en 2016, Sam Mendes le décrit comme « un peu désuet, avec certaines valeurs, un sens de l’honneur, une dignité, un héroïsme d’une autre époque. Il a un physique intemporel. » Il paraît qu’il s’est tellement investi dans le film qu’il a tenu à réaliser lui-même la plupart des cascades ! Quant à son acolyte, Dean-Charles Chapman, 5 ans plus jeune, il a commencé sa carrière avec le rôle de Billy Elliot dans la comédie musicale, dont on a tiré le film éponyme. Mais c’est Tommen Baratheon dans la série culte de HBO, « Game of Thrones » qui l’a rendu célèbre.
C’est bien leur prestation qui m’a le plus impressionnée. Rappelons que le film vient de rafler aux Golden Globes les deux trophées les plus convoités, à savoir ceux du meilleur film dramatique et du meilleur réalisateur.https://www.youtube.com/embed/gZjQROMAh_s?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Les Siffleurs » ** de Corneliu Porumboiu avec Vlad Ivanov, Catrinel Menghia, Rodica Lazar, etc. Durée : 1h38’
Je peux vous dire beaucoup de choses sur ce film moins élogieuses que toutes les critiques que j’ai lues malgré mon intérêt pour la culture roumaine, les Canaries, plus particulièrement les paysages rocailleux de La Gomera, la musique d’opéra, la langue des siffleurs (une découverte), mais je ne serais pas honnête si je ne parlais pas en premier lieu de Gilda, la femme d’une beauté exceptionnelle qui tient bien, très bien même, le rôle principal. Mannequin vedette roumain de 35 ans à la carrière internationale, elle incarne, parée de tenues d’une élégance rare qui souligne élégamment ses formes parfaites, la femme fatale, petite amie du jeune patron d’une usine de matelas suspecté par la police locale de blanchiment d’argent de la drogue. Censé l’aider, Cristi, un policier soupçonné de corruption qui essaie d’évoluer dans un milieu ambiant truffé de micros et de caméra (quel peinture du pays… affolante).
Le deuxième intérêt du film sont les ‘vacances’ de Cristi sur l’île de la Gomera où il s’est rendu pour apprendre le silbo gomero, une forme particulière (et impressionnante) de communication basée sur des sifflements qui permet de communiquer comme les oiseaux. Le tout dans le seul but de sauver le ‘fiancé’ de Gilda. En faisant quelques recherches sur Google, on apprend que ce langage reproduit par le sifflement, la langue locale, le castillan, transmis de génération en génération, des parents aux enfants pour arriver à se parler par-delà des vallées. Près de 25 000 personnes utilisent encore aujourd’hui cette langue rare, déclarée en 2009 par l’UNESCO, Patrimoine immatériel de l’Humanité.
Un film qui malgré les nombreuses cordes à son arc n’atteint malheureusement pas tout à fait sa cible…https://www.youtube.com/embed/Clp_oWEfhlw?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Le lac des oies sauvages » *** de Diao Yi’nan avec Hu Ge, Kwai Lun-mei, Wan Qian, Liao Fan, etc. Durée : 1h57’
Qu’est-ce qui fait la différence entre un polar et un film noir ? Un film noir est un film d’auteur où l’esthétique formelle joue un rôle important ; un film qui trace en filigranes le portrait d’une société, montre sa face cachée, ses zones d’ombres ; un film qui dépeint un personnage, son parcours, sa culpabilité, ses errances.
Diao Yi’nan qui explique que la censure au cinéma n’est pas qu’une réalité chinoise (qui stimule la créativité) profite du prétexte d’un film de ‘divertissement’ policier pour dévoiler un aspect de la société, celle des criminels se cachant dans les banlieues des villes périphériques à la mesure du pays, fourmilières aussi immenses que glauques… Et c’est en cela que le film est très intéressant. Au-delà du parti pris formel où l’éclairage exceptionnel – saluons la prestation du directeur de la photographie Jingsong Dong avec qui il réalise tous ses films – révèle angles, couleurs, ombres, Diao Yi’nan peint à travers un fait divers tiré tant de son imagination comme de la presse, une réalité que beaucoup de personnes ont à vivre en Chine.
Et puis, n’oublions pas de relever le portrait positif qu’il fait des femmes en qui il met ses espoirs d’un monde meilleur : « Je crois que le monde serait plus agréable s’il était confié à des femmes. Toutes ces guerres à travers la planète sont menées par des hommes (…) qui ont occupé le pouvoir depuis assez longtemps. Ce serait bien de le confier aux femmes pour voir » confiait-il récemment à notre collègue de La Libre Belgique.https://www.youtube.com/embed/09ka46soGRA?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Atlantique »*** de Mati Diop avec Mama Sané, Ibrahima Traore, Abdou Balde, etc. Durée : 1h45’
Grand Prix du Jury du Festival de Cannes qui est, si je ne me trompe, la récompense la plus prestigieuse après la Palme d’Or, Mati Diop nous livre un témoignage personnel sur la migration, sous la forme d’un conte à plusieurs voix. Elle était la première réalisatrice d’origine africaine à présenter un film en compétition sur la croisette. Elle pose sa caméra sur la jeunesse qui, depuis Dakar rêve de l’autre rive des étoiles dans les yeux… D’une manière très sensorielle, elle n’hésite pas à mettre le spectateur dans le contexte et à l’inviter à une expérience émotionnelle, voire physique impressionnante. Le scénario intelligent et pas toujours évident à comprendre (tout s’éclaire dans les dernières minutes) est servi par une manière de filmer et une photographie exceptionnelles : « Je me sens avant tout plasticienne, mon premier langage reste l’image » dit-elle. On le sent du début à la fin du film. Un film en forme d’histoire d’amour tragique qui invite à réfléchir et pose beaucoup de questions… Aussi dramatique que poétique et dur.https://www.youtube.com/embed/7EhpO_C6bS4?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Il Traditore »*** de Marco Bellocchio avec Pierfrancesco Favino, Maria Fernanda Cândido, Luigi Lo Cascio, etc. Durée : 2h31’
C’est l’histoire vraie du mafioso Tommaso Buchetta de Cosa Nostra qui a fui au Brésil et qui, rattrapé par la police et extradé, accepte de parler au juge Falcone. Grâce à lui, 366 mafieux siciliens ont été mis sous les verrous. Alors, traitre ou homme d’honneur, telle est la question… Buchetta ne reconnait plus les valeurs de l’organisation à qui il a fait allégeance dans sa jeunesse. Tous ses proches ont été assassinés dans une lutte fratricide où le clan adverse a profité de son départ à l’étranger pour récupérer le business qui a pris une autre dimension avec le trafic de drogue…
Bellochio traite d’un thème historique – l’incroyable procès de Palerme – qui court sur plusieurs décennies. Un film décliné en deux chapitres – le premier plus spectaculaire et le second plus intimiste – qui se succèdent et se complètent grâce au talent du réalisateur qui réussit une fois de plus à nous captiver.
Du haut de ses 80 ans, Bellochio n’hésite pas à dire qu’en commençant dans le métier, il était persuadé que le cinéma pouvait être une arme et changer les choses, ce qui reconnaît-il « était un peu naïf ».
Il signe ici, une fois de plus, un film majeur passionnant.https://www.youtube.com/embed/QT8Hj3yYFLI?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« J’accuse » **** de Roman Polanski avec Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner, Melvil Poupaud, Mathieu Amalric, Didier Sandre, Vincent Perez, Denis Podalydès, Hervé Pierre, etc. Durée : 2h12’
Que vais-je encore pouvoir dire de ce chef-d’œuvre après toutes les polémiques, émissions, articles de journaux et critiques qu’il a déclenchés à sa sortie ? Couronné à la Mostra de Venise où il a reçu le Grand prix, le film est remarquable quant à l’angle de vue qu’il adopte pour analyser l’Affaire Dreyfus : celui du Colonel Picquart (Jean Dujardin), le héros qui, au péril de sa vie et de sa carrière, n’aura de cesse d’identifier les vrais coupables et de réhabiliter Alfred Dreyfus (Louis Garrel).
C’était tellement célèbre à l’époque qu’il suffisait de dire ‘L’Affaire’ pour qu’on sache de quoi on parlait !
A 86 ans, le cinéaste qui traîne un lourd passé personnel derrière lui réalise un film historique unique sur un sujet encore difficile à traiter, plus d’un siècle après… J’ai appris durant mes études littéraires à ne jamais mélanger l’homme & l’œuvre et dieu sait si les exemples en littérature et philosophie sont légion pour être tentés de le faire : Louis-Ferdinand Céline, Jean-Jacques Rousseau, Louis Brasillach, pour ne citer que les écrivains les plus célèbres. Mais 30 ans ont passé depuis ma sortie de l’UCL et tout -contexte, société- a changé, sans parler récemment du phénomène #metoo.
Je pense que ce n’est pas à nous de nous mêler de cela et que nous devons laisser la justice faire son travail. Il fait un film remarquable sur un procès. Laissons-lui avoir le sien maintenant !https://www.youtube.com/embed/cZ6q-c4Bues?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« The Two Popes » **** de Fernando Mereilles avec Anthony Hopkins, Jonathan Pryce, etc. Durée : 2h06’
Mise en scène, interprétation des acteurs, qualité du scénario, un film sur un sujet qui pourrait, à première vue, paraître ardu et ennuyeux et qui ne l’est pas une minute ! Au contraire ! C’est réellement passionnant d’un bout à l’autre. Il s’agit de l’adaptation d’une pièce de théâtre qui met en scène le Pape Benoît XVI et l’Archevêque argentin Bergoglio, futur Pape François venant présenter au premier sa démission que celui-ci lui refuse. Les échanges entre les deux hommes que tout oppose dans la résidence d’été du pape à Castel Gandolfo sont un pur moment de bonheur, d’intelligence, de compassion. On aimait déjà le réalisateur brésilien Fernando Mereilles (Sao Paulo, 1955) réalisateur entre autres de la « Cidade de Deus » (2002) qui lui valut une reconnaissance internationale. Il réalise ici un film exceptionnel, peut-être son chef-d’oeuvre.
A ne rater sous aucun prétexte, même si la religion ne fait pas partie de vos dadas…https://www.youtube.com/embed/T5OhkFY1PQE?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« La fameuse invention des ours en Sicile » ** de Lorenzo Mattotti avec les voix de Jean-Claude Carrière, Leila Behkti, Thomas Bideguin, Thierry Hancisse, etc. Durée : 1h25’
Un conte – le seul conte pour enfants écrit par Dino Buzatti – adapté au cinéma par l’illustrateur italien Lorenzo Mattotti, en forme de poème visuel coloré. Un très joli résultat qui ne sacrifie rien à la complexité de l’œuvre de son compatriote qui aborde des sujets intéressants comme le pouvoir et ses revers, les relations entre humains et animaux, etc. Aussi instructif et intelligent que divertissant. Sortie idéale pour les fêtes entre enfants (à partir de 5 ans), parents & grands-parents.https://www.youtube.com/embed/OpmN259OpL0?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Marriage Story »**** de Noah Baumbach avec Scarlett Johansson, Adam Driver, Laura Dern, Ray Liotta, etc. Durée: 2h16’
Le début qui vante les qualités de l’un et puis de l’autre, sous forme de deux lettres lues à voix haute sur lesquelles des images défilent ne laisse pas présager le sujet du film : un divorce. Celui après 10 ans de mariage d’une actrice de Los Angeles qui a suivi par amour à New York un talentueux jeune metteur en scène de théâtre. En filigrane de l’analyse de leur séparation, tout en finesse et délicatesse pointe le contraste entre New York, la Côte Est intello et Los Angeles, la Côte Ouest aussi ensoleillée que superficielle et… spacieuse ! Le réalisateur nous montre un couple attachant, Nicole & Charlie, interprété magistralement par deux grandes pointures du cinéma américain à savoir Scarlett Johansson et Adam Driver, tellement crédibles. Un film dense et rapide, oscillant entre les points de vue de la mère et du père, à la mesure de ce que représente un divorce, une tragédie… Profond, juste et émouvant.https://www.youtube.com/embed/-y1HhAlAOTs?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
“It Must Be Heaven”*** de Elia Suleiman avec Elia Suleiman, Grégoire Colin, Vincent Maraval, Gael Garcia Bernal, etc. Durée: 1h42’
Aussi peu bavard et reposant que le précédent (dont je viens de vous parler ci-dessus) était volubile et fatigant, le dernier film du réalisateur palestinien est une comédie burlesque qui se résume elle-même en quelques lignes. Elia Suleiman (qui tient le rôle principal) rencontre un producteur parisien qui lui dit : « On aurait adoré faire ce film sur le conflit israélo-palestinien avec vous car on a une vraie sympathie pour la cause palestinienne, mais je crois qu’on va en rester là. En fait, c’est presque pas assez palestinien. Le film pourrait se passer presque n’importe où. » Situation vraie ou fausse, peu importe, c’est en effet un excellent résumé du film ! Une deuxième citation achèvera ou non de vous convaincre d’aller voir cet x ème ovni de ce réalisateur que personnellement j’aime beaucoup, justement pour son côté décalé, non violent et poétique. Accoudé avec un ami au bar d’un café, celui-ci lui sort : « Les Palestiniens sont le seul peuple qui boit, non pas pour oublier, mais pour se souvenir. »
Une comédie lente, contemplative et savoureuse qui confirme qu’Elia Suleiman est bien un réalisateur à part.https://www.youtube.com/embed/RYSKzDiUGdk?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
PELICULATINA
8e édition du festival de cinéma ibéro-latino-américain à Bruxelles avec, à son palmarès, 30 films primés et inédits.
Peliculatina est devenu au fil des années le rendez-vous incontournable des cinéphiles intéressés par la diversité du cinéma ibéro-latino-américain. Durant 10 jours, 30 films de fiction, courts-métrages et documentaires sont projetés afin de faire connaître ce cinéma d’outre-Atlantique et de créer un moment d’échange interculturel unique en son genre.
Cette année, 16 pays sont à l’affiche, autour du thème « Pouvoir, c’est l’art d’agir », qui s’inscrit dans la continuité des thèmes précédents à savoir « Frontières », « Mutations » et « Résilience ». Dans un contexte où les pouvoirs politiques, économiques et religieux se raidissent, Peliculatina explore l’importance du pouvoir personnel et collectif pour défendre libertés, droits et acquis sociaux.
Les grands noms du cinéma latino-américain en visite à Bruxelles
A l’occasion des galas d’ouverture et de clôture, seront présents entre autres le réalisateur chilien Patricio Guzmán, présentant son dernier documentaire « La Cordillera de los sueños », le scénariste mexicain Manuel Alcalá, primé à la Berlinale 2018 pour le film « Museo », ou encore les acteurs Gastón Pauls, Alfredo Castro et Juan Carlos Maldonado du film « El Principe », coproduction belge..
Comme chaque année, les films sont partagés en différentes sections. A celles des éditions antérieures, Sociétés en mouvement, Cinéphiles, Divina Comedia et Opéra prima, s’ajouteront les sections Court-métrage et Documentaire, censées apporter un regard à la fois plus authentique et personnel sur le réel et le cinéma, en nous offrant l’opportunité de mieux cerner les enjeux de Péninsule ibérique comme du continent latino-américain.
Du 15 au 24 novembre 2019 aux cinémas Palace, Vendôme, RITCS, ZED, Kinographe et BOZAR.
Calendrier complet + vente des tickets accessibles sur www.peliculatina.be
Prix :
Ouverture & Clôture : 15€ (Palace)
Séances : 9€ (Vendôme), 9€ (RITCS) et séances scolaires : 5€
Abonnement festival (5 films) : 36€
Groupe (+ 10 personnes) : 6€ pp.
Texte Virginie de Borchgrave
–
« Sorry We Missed You »**** de Ken Loach avec Kris Hitchen, Debbie Honeywood, Rhys Stone, etc. Durée: 1h41’
A 83 ans, le réalisateur britannique engagé n’a rien perdu de sa verve, ni de son dynamisme, ni de son talent pour dénoncer les dérives du monde capitaliste. Trois ans déjà après « I, Daniel Blake » qui, sur un sujet aussi difficile que les dérives numériques de la société dans le monde du chômage avait obtenu la Palme d’Or à Cannes, le voilà de retour avec un film dur et réaliste sur l’ubérisation du travail. Un excellent scénario écrit par le fidèle Paul Laverty met en scène une famille endettée de Newcastle, des personnages courageux joués par des acteurs exceptionnels qui nous rendent le sujet familier et surtout d’une humanité bouleversante. J’y ai emmené des jeunes habitués à un cinéma disons, plus commercial qui m’ont fait une réflexion en sortant qui m’a évidemment beaucoup plu – « Ce film fait plus peur que les films d’horreur » – et m’ont redemandé le lendemain matin le nom du film et du réalisateur. Merci Ken Loach pour cette pierre de plus à une œuvre cinématographique aussi intéressante qu’indispensable. Accablant.https://www.youtube.com/embed/ysjwg-MnZao?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
“Pavarotti” **** un documentaire de Ron Howard avec Luciano Pavarotti, Spike Lee, Princess. Durée : 1h55’
Un film passionnant qui relate la vie de l’un des plus grands chanteurs lyriques de tous les temps : Luciano Pavarotti né à Modena en 1935 dans un milieu simple -son père était boulanger et chanteur- était doué d’un talent inouï dès son plus jeune âge. D’excellents professeurs et une dose de travail acharnée durant toute sa jeunesse ont fait du chanteur aussi sympathique que généreux une star mondiale au même titre qu’une rock star. Il a joué sur toutes les plus prestigieuses scènes d’opéra du monde et était capable de remplir à lui seul un stade gigantesque ! En plongeant dans les archives familiales, recherchant des interviews et nombre d’émissions télévisées, le réalisateur britannique livre un portrait magnifique de cet homme charismatique foudroyé en 2007 par un cancer du pancréas. L’enterrement national auquel il eut droit dans sa ville natale fut suivi et pleuré par des milliers de gens. Quel bel hommage à plusieurs voix pour ce chanteur au timbre reconnaissable entre tous. Émouvant.https://www.youtube.com/embed/CnPPrjwyLW8?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
“Mon chien stupide” * de Yvan Attal avec Yvan Attal, Charlotte Gainsbourg, Pascale Arbillot, Ben Attal, etc. Durée : 1h45’.
J’attendais ce film avec impatience après les avoir entendus en parler sur France Inter. Adaptation d’un roman de John Fante qui traite du manque d’inspiration d’un écrivain (qu’il met sur le dos de sa famille), Yvan Attal n’hésite pas à s’identifier à l’écrivain américain et prend sa propre femme pour jouer son épouse ainsi que l’un de ses fils ! On rit de temps en temps tant les situations sont cocasses mais heureusement qu’il y a le chien, personnage central du film qui le sauve. Une comédie plutôt glauque qui ne dépasse malheureusement pas l’humour 1er degré. Quelle triste famille.
Pour les fans de Charlotte Gainsbourg…https://www.youtube.com/embed/JLSNyvU2CN4?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Alice et le Maire »**** de Nicolas Pariser avec Fabrice Luchini, Anaïs Demoustier, Nora Hamzawi, Léonie Simaga, Antoine Reinartz, Maud Wyler, Thomas Chabrol, etc. Durée: 1h43’.
Fabrice Luchini au meilleur de sa forme dans un rôle taillé sur mesure très convaincant face à la jeune talentueuse Anais Demoustier (que j’avais découverte dans « Au Poste ! » de Quentin Dupieux en 2018) nous raconte l’histoire d’un maire en manque d’inspiration que son équipe décide de ‘ranimer’ en recrutant une jeune philosophe pour lui remettre le pied à l’étrier. Le scénario est bon, les dialogues affûtés, les acteurs brillants. On savoure ce film qui en se servant de la politique comme prétexte nous livre non seulement une analyse pointue du domaine mais encore un véritable bijou de la culture cinématographique française… intraduisible ! Aussi brillant que divertissant. À voir.https://www.youtube.com/embed/SO3qCKFupFE?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
“A Rainy Day in New York”**** de Woody Allen avec Timothée Chalamet, Elle Fanning, Selena Gomez, Jude Law, etc. Durée: 1h32’
Il y a les bons , les moins bons et les excellents Woody Allen. A mes yeux, la dernière cuvée rentre dans la 3e et dernière catégorie. Une comédie newyorkaise aussi brillante que pleine de charme, au rythme endiablé avec même du suspense à la clef. Un scénario plein de rebondissements qui nous procure du pur plaisir pendant 1h1/2 ! Je ne vous raconte pas l’histoire dont, tant les protagonistes que la ville de New York et la musique, indissociable des films de Woody sont les héros. Il faut reconnaître que le cinéaste américain excelle dans la direction d’acteurs car nous voilà de nouveau face à de jeunes talents qui crèvent littéralement l’écran.
Comment peut-on jouer aussi bien et avec autant de naturel la provinciale naïve qu’Elle Fanning, le romantique perdu que Timothée Chalamet (derrière lequel on reconnait le réalisateur), la déterminée et effrontée étudiante latino que Selena Gomez ? Je ne me lasse pas… Au contraire !https://www.youtube.com/embed/7Fmgk18XOa0?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
“Le Dindon”* de Jalil Lespert avec Guillaume Gallienne, Alice Pol, Dany Boon, Ahmed Sylla, etc. Durée : 1h25’
Adaptation de la pièce de Feydeau au cinéma dans les années 60 avec une pléiade de bons acteurs comme Guillaume Gallienne, qui en plus d’avoir participé au scénario, prouve une fois de plus qu’il est capable de jouer tous les rôles possibles, du plus comique au plus sérieux, du plus léger au plus grave, Comédie française oblige !
Rien de transcendant, ni de nouveau sous le soleil sinon la reconstitution impressionnante des années 60, depuis les ruelles parisiennes jusqu’aux décors des lieux en passant par l’habillement des acteurs. L’appartement du protégé du mari notaire alias Danny Boon, prétendant amant de son épouse Victoire, joué admirablement par Alice Pol est magnifique. Sans parler du générique de fin, d’un graphisme et d’une créativité aussi remarquables que colorés, ludiques et amusants. Du pur divertissement dans l’esprit français le plus basique. Je n’ai pas boudé mon plaisir !https://www.youtube.com/embed/ya0ouzIENLU?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Parasite »*** de Bong Joon-ho avec Song Kang-ho, Lee Sun-kyun, etc. Durée : 2h12’
Il y a plusieurs films dans ce 7e long-métrage du grand réalisateur coréen, Palme d’or à Cannes cette année. L’idée est excellente et on ne pouvait pas trouver de meilleur titre en français pour illustrer le propos. Immersion dans le quotidien d’une famille pauvre de Séoul rapidement mis en parallèle avec celui d’une famille très riche. Le scénario est divertissant jusqu’au moment (2/3 du film) où cela tourne au film d’action sauvage à la sauce Tarantino. Mais ça, c’est le cinéma coréen et ses ‘surprises’… Quand je vois un film coréen, je ne me fie à rien et ne sais jamais à quoi m’attendre… Signant un film à cheval entre comédie noire et triller haletant, Bong Joon-ho prouve une fois de plus qu’il manie l’humour et le suspense avec talent, tout en peignant avec subtilité les problèmes inhérents à une cohabitation où la mise en scène joue un rôle essentiel. On n’est pas du tout dans du pur divertissement comme on aurait tendance à le croire à première vue mais bien dans une analyse plus profonde, tant sociale que politique de la société coréenne, servie avec brio par des acteurs époustouflants quand je pense au père de la famille pauvre, Song Kang-ho acteur fétiche du réalisateur et à la mère de la famille riche Chang Hyae-jin d’une finesse naturelle remarquable, pour ne citer qu’eux. J’ai bien aimé aussi l’ accent mis sur la lumière et les odeurs… Une vraie Palme d’or.https://www.youtube.com/embed/BboKKBYx7-0?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Fête de famille »** de Cédric Khan avec Catherine Deneuve, Emmanuelle Bercot, Cédric Kahn, Vincent Macaigne, etc. Durée : 1h40’
D’emblée, je dois vous dire que je n’ai pas aimé « Festen » auquel on a tendance à comparer ce film et j’ai apprécié « Fête de famille ». Si les sujets sont semblables – une famille réunie à l’occasion d’un anniversaire qui tourne mal – la façon d’aborder le sujet est radicalement différente. On se sent mal à l’aise dans le film de Lars von Trier car il nous met face à l’intime alors qu’ici, on ne se sent jamais impliqué personnellement dans l’histoire. On écoute, on regarde, on observe, on se désole de voir comme c’est compliqué la vie de famille surtout quand réapparaît après des années la fille ‘prodigue’, brillamment interprétée par une Emmanuelle Bercot qui a sans doute joué ici l’un des rôles les plus difficiles de sa carrière. Il faut dire que Vincent Macaigne, en frère paumé version cinéaste/artiste contemporain, après sa récente prestation dans « Blanche-Neige » de Anne Fontaine, n’est pas mal non plus. Sans parler de Cédric Kahn, juste. J’ai beaucoup d’admiration pour les réalisateurs qui endossent aussi la casquette d’acteurs… Après « La Prière » l’année dernière qui était magnifique, il réussit ici dans un tout autre genre à nous émouvoir avec un drame familial aussi imprévisible que la personnalité complexe de la fille maniaco-dépressive. Les réactions des uns et des autres face à cela, le déni de sa mère, le rejet de sa fille ne font que montrer en filigrane les différents chemins que l’amour peut suivre pour s’exprimer.https://www.youtube.com/embed/hxbIhM55Vqo?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
“La Quietud”** de Pablo Trapero avec Martina Guzmán, Bérénice Bejo, Graciela Borges, Edgar Ramirez, etc. Durée : 2h .
Dans un cadre exceptionnel avec d’excellentes actrices (et acteurs), Pablo Trapero, le plus chéri des réalisateurs argentins à Cannes (il présidait il y a quelques années le jury d’Un Certain Regard) nous raconte l’histoire d’une famille de la bonne société argentine réunie à l’occasion de la mort du père. En apparence, tout à l’air de sonner juste jusqu’au moment où les relations affectives entre les sœurs fusionnelles et le mari de l’ainée, amant de la cadette viennent perturber la donne. Le scénario de plus en plus tiré par les cheveux au fur et à mesure du déroulement du film et la musique inadéquate, voire commerciale laissent une impression finale décevante et incomplète, entre autres au niveau des thèmes abordés comme la dictature militaire et la peinture de la corruption du système argentin. Dommage car tous les ingrédients étaient réunis pour en faire un grand film. Pour le réalisateur, « l’amour, c’est respecter l’autre, essayer de lui donner ce dont il a besoin. » On est tous d’accord évidemment mais cela justifie-t-il la scène finale en forme de ‘happy ending’ trop facile ?
Notez que c’est la première fois que Bérénice Bejo (protagoniste de Jean Dujardin dans « The Artist ») joue dans sa langue et son pays natal et cela lui réussit bien.“La Quietud”** de Pablo Trapero avec Martina Guzmán, Bérénice Bejo, Graciela Borges, Edgar Ramirez, etc. Durée : 2h .https://www.youtube.com/embed/ncmiWf3y86U?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
Dans un cadre exceptionnel avec d’excellentes actrices (et acteurs), Pablo Trapero, le plus chéri des réalisateurs argentins à Cannes (il présidait il y a quelques années le jury d’Un Certain Regard) nous raconte l’histoire d’une famille de la bonne société argentine réunie à l’occasion de la mort du père. En apparence, tout à l’air de sonner juste jusqu’au moment où les relations affectives entre les sœurs fusionnelles et le mari de l’ainée, amant de la cadette viennent perturber la donne. Le scénario de plus en plus tiré par les cheveux au fur et à mesure du déroulement du film et la musique inadéquate, voire commerciale laissent une impression finale décevante et incomplète, entre autres au niveau des thèmes abordés comme la dictature militaire et la peinture de la corruption du système argentin. Dommage car tous les ingrédients étaient réunis pour en faire un grand film. Pour le réalisateur, « l’amour, c’est respecter l’autre, essayer de lui donner ce dont il a besoin. » On est tous d’accord évidemment mais cela justifie-t-il la scène finale en forme de ‘happy ending’ trop facile ?
Notez que c’est la première fois que Bérénice Bejo (protagoniste de Jean Dujardin dans « The Artist ») joue dans sa langue et son pays natal et cela lui réussit bien. Les plus belles années d’une vie »* de Claude Lelouch avec Jean-Louis Trintignant, Anouk Aimée, Marianne Denicourt, etc. Durée : 1h30’
Très émouvant dès les premières minutes où l’on assiste aux retrouvailles entre Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée plus de 50 ans après, ce 3e remake de « Un homme et une femme » n’arrive pas vraiment à décoller. Même si les deux acteurs sont d’un naturel impressionnant : lui croupis dans une luxueuse maison de retraite où elle lui rend visite sans lui dévoiler son identité. Elle l’emmènera ensuite dans certains hauts lieux de leur histoire commune passionnée. Des moments touchants entre la malice de l’un et la pudeur de l’autre. Mais à part cela, il y a peu à se mettre sous la dent si ce n’est d’avoir attendu jusqu’à la fin du film pour revoir cette scène magnifique de la traversée de Paris à 100km à l’heure la nuit, avec au compteur 18 feux rouges brûlés ! L’une des grandes fiertés du réalisateur et… plaisirs du cinéphile !
Néanmoins si « Les plus belles années d’une vie » ne marquera pas l’histoire du cinéma, je ne regrette pas de l’avoir vu.https://www.youtube.com/embed/vCRMuZ0mp34?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« M »**** de Yolande Zauberman avec Menahem Lang. Durée : 1h46’
Un documentaire percutant sur la pédophilie dans le milieu ultra-orthodoxe juif. Couronné dans plusieurs festivals dont celui de Locarno où il a remporté le Prix spécial du jury avant le Bayard d’or au Festival du film francophone de Namur, il raconte l’histoire vraie de Menahem Lang, découvert par la réalisatrice dans « Kedma », un film d’Amos Gitaï, réalisé en 2002.
A Bnei Brak, la capitale mondiale de la banlieue juive ultra-orthodoxe de Tel Aviv, Zauberman filme cet univers particulier uniquement masculin des « hommes en noir » où elle a réussi à capter les blessures et les frustrations de ceux qui, comme son acteur principal ont subi ces abus à répétition dans leur enfance. Menahem est tellement sympathique avec un magnifique sourire que l’on suit ces terribles témoignages avec autant d’intérêt que d’émotion et de questionnement… Brouillé avec ses parents depuis de longues années par manque d’écoute, de communication et d’ouverture de leur part, le film arrive à les réunir à nouveau et à s’expliquer sur ce qui s’est passé. Témoignage d’une ampleur qui dépasse l’entendement, « M » est aussi exceptionnel que remarquable quant au sujet abordé. La réalisatrice et son acteur parlant parfaitement le yiddish (langue que les juifs orthodoxes parlent entre eux, réservant l’hébreu à la langue sacrée des textes), ils ont réussi à gagner la confiance de la communauté hassidique et à les filmer. Pour moi, le cinéma est avant tout une fenêtre ouverte sur le monde et les cultures. Ce film en est l’exemple par excellence.https://www.youtube.com/embed/o0P55P0nrdg?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Le Cercle des petits philosophes »*** de Cécile Denjean avec Frédéric Lenoir. Durée : 1h31’
Tous les enfants dès qu’ils commencent à penser à voix haute se posent des questions existentielles comme « Pourquoi on est là, vivant ? », « C’est quoi la mort ? », « Qu’est-ce que l’amour ? », « Faut-il taper ou parler pour se faire comprendre ? », etc. Frédéric Lenoir en introduisant des ateliers de réflexion philosophique et de méditation dans les écoles se propose d’amener les enfants, dès 4 ans, à s’exprimer sur les différents sujets qui les préoccupent, sans les juger mais en les amenant à une réflexion personnelle qu’il espère constructive dans le futur. Pour ce faire, il a créé la Fondation SEVE(Savoir Etre et Vivre Ensemble) qui a pour but d’amener dans les quelques années à venir plus de 5 millions d’enfants à bénéficier de cette démarche positive. Le film nous invite à le suivre dans les différentes écoles qui ont cautionné le projet et à participer, tant aux ateliers qu’aux feed back avec les instituteurs. Passionnante aventure. Résultat ? J’ai rempli mon dossier de candidature pour devenir animateur SEVE 😊https://www.youtube.com/embed/xvAx8QaiePo?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
« Agnès par Varda »****, film autobiographique réalisé par la cinéaste elle-même et Didier Rouget, produit par sa fille Rosalie avec Agnès Varda, Sandrine Bonnaire, Jane Birkin, JR, Hervé Chandès, etc. Durée : 1h55’
Y a-t-il meilleure façon de raconter le cinéma d’Agnès Varda que par elle-même ? Premières images : on la voit dans un beau théâtre à Paris, devant un auditoire jeune, parler simplement de sa vie de photographe cinéaste et d’artiste. Elle est aussi naturelle, authentique, sincère que sans fausse modestie et ce film qui a pris la forme d’un testament cinématographique est en totale harmonie avec sa personnalité. Elle n’hésite pas non plus à entrer dans l’aspect plus technique du travail, en parlant de sa « cinécriture » et en donnant des explications théoriques, accompagnées d’extraits de ses films. Quelques mois seulement après sa mort – le 29 mars de cette année – à 90 ans, elle éclaire toute sa filmographie de ses commentaires enrichissants. Elle se sentait fatiguée depuis quelque temps et a orchestré de main de maître son départ, en se déplaçant pour recevoir des prix honorifiques prestigieux à Berlin et à Marrakech (des mains de Martin Scorsese), récompensant toute sa carrière, en panifiant une rétrospective complète de son œuvre à la Cinémathèque française et des conférences (ce qui est la base du film) à des étudiants en cinéma ou à La Fondation Cartier qui lui avait consacré une très belle exposition intitulée « Agnès Varda, L’Ile et Elle» en 2006.
Quelle leçon de cinéma. Quelle place unique, cette petite française spitante d’origine grecque (née à Ixelles,Avenue de l’Aurore) s’est taillée dans le 7e art. Un film à son image, très émouvant.
« Pachamama »*** dessin animé de Juan Antin. A partir de 6 ans (4 ans pour moi). Durée : 1h12’
Récompensé par le César du meilleur film d’animation, voilà enfin un dessin animé de qualité aussi intéressant que très joliment illustré. Il raconte l’histoire de Tepulpai, un petit garçon des Andes péruviennes que l’on voit échouer au rituel de passage à l’âge adulte instauré par le chamane de son village. Il apprendra courageusement la vie en affrontant les chemins sinueux et dangereux de la Cordillère pour ramener au village la statue sacrée en or qui le protège ; un village qui vénère Pachamama, la déesse de la terre mère.
Né de la collaboration entre un réalisateur argentin et une production française, il aborde beaucoup de thèmes comme celui ancestral du respect de la terre des ancêtres, l’empire des Incas, Cuzco leur capitale, l’arrivée des cruels conquistadors sans foi ni loi, le chamanisme, sans parler des valeurs essentielles qu’il véhicule comme le courage, la maturité, l’écoute et la solidarité. Magnifique et édifiant.https://www.youtube.com/embed/l3C9iFuuhYY?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
“Roma” **** de Alfonso Cuarón avec Marina de Tavira, Yalitza Aparicio, Latin Lover, Daniela Demesa, Nancy Garcia, Marco Graf, etc. Durée: 2h15’. Diffusé seulement sur Netflix et exceptionnellement au Palace pour quelques séances.
Lion d’or à Venise, le grand réalisateur mexicain à qui l’on doit « Gravity » (2013) nous parle ici de son enfance dans les années 70 à Mexico où il a grandi dans le quartier de Roma, non loin de La Condesa, les quartiers chics de la mégapole. Tourné en noir et blanc dans une mise en scène magistrale (l’arrivée de la voiture dans le garage risque de rentrer dans les annales du cinéma avec un grand C), l’originalité -mis à part la qualité formelle exceptionnelle du récit- tient dans l’angle de vue adopté : tout est écrit depuis le point de vue de l’adorable et dévouée petite bonne indienne, une actrice non professionnelle de Oaxaca, au sud du pays. Sur fond de tension politique et sociale sous un régime autoritaire, on suit la vie de cette famille bourgeoise pendant une année (la fanfare est là comme étalon pour nous le signaler) où il se passe des choses essentielles. Inutile de vous en dire plus. Il est important de rappeler que « Roma » est une commande de Netflix dont la stratégie est clairement d’enrichir son offre, avec des films de qualité réalisés par de grands réalisateurs, et de permettre sa distribution dans quelques salles. De quoi prendre vraiment sa place dans ce monde intraitable… Y a-t-il plus vibrant hommage du cinéaste à sa nounou qu’il considérait comme sa mère ? « Des héroïnes , dit-il. Un film qui n’aurait jamais vu le jour sans le financement de la plateforme vidéo. Qui prendrait le risque aujourd’hui de produire un film en noir et blanc qui parle de souvenirs d’enfance mexicains ? »https://www.youtube.com/embed/fp_i7cnOgbQ?version=3&rel=1&showsearch=0&showinfo=1&iv_load_policy=1&fs=1&hl=en-GB&autohide=2&wmode=transparent
critiques de Virginie plus anciennes: cliquer ici