Texte & photos: Virginie de Borchgrave.
Avant de vous dire quoi que ce soit au sujet de cet artiste aussi incontournable que controversé, qu’on apprécie ou qu’on rejette, je voudrais vous donner un conseil avisé… N’allez pas voir cette exposition sans préparation ou sans prendre un audio guide ou encore mieux sans profiter des explications de l’une des guides du musée, comme par exemple Julie Stouffs 0479 84 79 49.
Je connaissais l’artiste pour l’avoir vu entre autres à une magnifique exposition dans une église désaffectée en Arles durant les Rencontres Photographiques il y a quelques années. Je n’ai jamais oublié ces photos présentées dans ce lieu désacralisé. Elles m’ont laissée une trace indélébile…
De mère afro-cubaine (dont il a pris les beaux traits caractéristiques) et de père hondurien, Andres (1950) a grandi et étudié aux Etats-Unis ; il vit aujourd’hui à New York. La rétrospective de niveau international que les Musées Royaux des Beaux-Arts lui consacrent est, dit-il, la plus belle exposition qu’il n’a jamais eue.
Mais même si le titre de l’exposition en dit déjà long, de quoi parle-t-on pour prendre tellement de précautions avant de venir au cœur du sujet?
L’artiste utilise le medium photographique pour exprimer ce qu’il a non seulement à l’esprit mais surtout dans les entrailles. Images grand format d’une qualité à couper le souffle qui montrent dans des couleurs très présentes tant des christs qui se détachent sur des fonds colorés que des vierges au Christ noir, un type de Brooklyn que des membres du Ku Klux Klan, des cadavres d’hommes, de femmes à la morgue, des enfants décédés comme des marginaux de la société américaine et même un portrait de Donald Trump, photo prise après le 9.11.2001, plutôt d’actualité aujourd’hui à tous les niveaux… Alors, on peut n’y voir que de la provocation. Mais on peut aussi y voir autre chose. Sa photo la plus célèbre et dérangeante aux yeux de certains est son fameux « Piss Christ » qui, sans le titre n’aurait jamais suscité toute cette polémique! Réalisée fin des années 80, elle provoqua la colère d’une association religieuse ultra conservatrice* en raison d’une bourse d’état qui avait été octroyée à Serrano quelques années auparavant… L’artiste en recherche constante sur la thématique des fluides humains, essentiels à la vie, a réalisé cette photo d’un crucifix irradié de lumière jaune qui n’était autre que de l’urine. Il y en a d’autres comme celle de ce jet qui découpe en deux le cadre de la photo en une belle courbe et qui est son sperme. Les choses ont été loin car certaines de ses photos ont été vandalisées, entre autres en 2007 en Suède ensuite en 2009, à La Fondation Yvon Lambert (où il aura de nouveau une exposition cet été). Elles sont exposées ici dans une petite salle derrière un rideau avec du tape rouge collé aux endroits endommagés. On ne peut s’empêcher un certain rapprochement avec le dernier travail d’Araki, exposé l’année dernière dans la Galerie de Serge Maruani au Zoute… Quant aux photos de ces visages drapés et cadrés prises à la morgue, je me suis sentie face à des détails de tableaux de maîtres de la Renaissance comme Géricault ou Giotto. Impossibles aussi devant celles du Ku Klux Klan de ne pas voir l’empreinte du Greco.
Voilà une exposition qui m’a profondément touchée à tel point que plusieurs jours après, je l’ai toujours en tête. Et je compte y retourner pour approfondir le travail d’un artiste qui a su donner une dimension unique, iconique même à la discipline.
Notons encore que Andres Serrano a été invité à réaliser une série de photos sur les sans-abri de Bruxelles. Magistrales, elles ouvrent l’exposition sous formes d’affiches.
* Saviez-vous que c’est à Andres Serrano que l’on doit l’expression « politically correct » ? Elle apparût en 1987 suite au scandale provoqué par le titre de sa photo « Piss Christ ».
Jusqu’au 21 août 2016
Musées Royaux des Beaux-Arts
3, Rue de la Régence
B-1000 Bruxelles
Tél. : +32 2 508 32 11
Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 17h & le weekend de 10h à 18h.
Série de photographies de l’artiste prises à Bruxelles sous le titre « Denizens of Brussels » dans différents lieux de la ville et à Recyclart jusqu’au 1er avril.
www.fine-arts-museum.be www.recyclart.be