« Before Time Began. Art aborigène australien »
Je suis toujours impressionnée par la qualité des expositions du Musée du Cinquantenaire auquel celle-ci ne fait pas exception.
Avec le concours de la Fondation Opale installée à Lens en Suisse – la plus importante représentante de l’art aborigène en Europe -, nous voilà immergés dans la culture et l’art des premiers habitants de l’Australie qui, contrairement aux idées reçues en possédaient une très riche. Sauf qu’elle ne reposait pas sur de grandes réalisations architecturales ou matérielles mais sur une profonde connaissance séculaire du terroir qui se transmet encore aujourd’hui, de génération en génération, au cours de cérémonies et rituels. Le « Rêve » en est l’axe principal et le dénominateur commun à travers tout le pays et ses innombrables groupes linguistiques. Un concept intraduisible qui est à la base de la religion, du savoir, du droit et des structures sociales. Une dimension en-dehors du concept temps « chanté par les ancêtres dans leurs voyages de création.»
Un parcours où l’on prend conscience de toute la diversité et le dynamisme de cette culture, la plus longue histoire culturelle encore vivante dans le monde !
De magnifiques boucliers décorés, qui sont non seulement des armes défensives servant à se protéger des lances et des boomerangs mais aussi des objets sacramentaux ;
des boomerangs, l’objet le plus emblématique de cette culture, dont les plus anciens datent d’il y a 10 000 ans et dont les ‘retournants’ servaient pour la chasse aux oiseaux, et les autres pour les autres gibiers ou la guerre et encore, comme marteau, couteau, massue, bêche pour retourner la terre, instrument de musique à percussion, et j’en passe ;
des didgeridoo, l’instrument de musique aborigène le plus connu, à la mode aujourd’hui en Occident, dont on apprend qu’il est fait d’une branche d’eucalyptus évidée naturellement par les termites et dont le son grave est comparé au cor des Alpes. Rappelons que la musique est au centre des cérémonies et rassemblements de la culture aborigène où le chant prédomine.
On découvre encore que l’on peignait sur des écorces d’eucalyptus, une tradition toujours d’actualité au XXIe s. ; que l’on broyait les os des défunts (après un long processus d’inhumation) qui mélangés à de l’ocre naturelle étaient placés dans un poteau funéraire creux peint aux motifs de la famille. Aujourd’hui, ils sont l’œuvre d’artistes contemporains et bien qu’ils ne contiennent plus rien, ils représentent des mémoriaux à forte valeur culturelle.
Le titre de l’exposition « Before Time Began », expression courante en Afrique australe renvoie au « Rêve », au Temps du Rêve et à la création de la terre, à l’origine aussi de la peinture contemporaine : « La création fut, est et se poursuit. »
De la première partie ancienne, on enchaîne sur une deuxième contemporaine, tout aussi intéressante, mélange de savoirs ancestraux et avancées sociales. On est surpris par « Kulata Tjuta », une magistrale installation composée de 1500 lances qui forment un tourbillon de poussières et de débris au puissant pouvoir symbolique. Perçu comme une manifestation de l’esprit des défunts dans la société traditionnelle, elle symbolise aussi la direction dans laquelle elle évolue : « le grand vent du changement qui s’est opéré à l’arrivée de l’homme blanc sur nos terres. »
Le tout se termine en beauté par une série de portraits en noir et blanc de Robert Fielding qui a photographié certains artistes ayant collaboré à des œuvres monumentales et enfin, deux séries photographiques de Michael Cook (1968), photographe aborigène australien de mode qui explore sa culture et son histoire. Ici, il a immortalisé à sa manière l’identité postcoloniale, l’expropriation et le déplacement où se mélangent esthétiquement histoire et imaginaire.
Ne ratez pas la rare opportunité de découvrir cette culture sous nos latitudes.
Texte & Photos Virginie de Borchgrave
Jusqu’au 29 mai 2022
Musée Art & Histoire
10, Parc du Cinquantenaire
B- 1000 Bruxelles
Tél. : + 32 2 741 73 31
1 comment
Chantale Noël says:
Mar 3, 2022
Exposition remarquable, en effet, y compris la partie contemporaine.
En prolongation du thème central de l’exposition, pourrions- nous rêver d’un Musée du Cinquantenaire où les collections seraient visibles en permanence, y compris les céramiques, dont une bonne partie a été emballé et la salle fermée jusqu’à nouvel ordre… depuis des années!
Merci pour cette édition particulièrement riche de Quovadisart.