FESTIVAL MILLENIUM jusqu’au 27 mars aux Bozar, Galeries, Aventure & Civa.
Ouverture hier soir à Bozar de la 8ème édition de ce festival international du documentaire qui est plus essentiel que jamais à la compréhension de notre monde et notre époque, où beaucoup de choses sont remises en question.
Près de 800 films en provenance du monde entier, triés par la charmante et dynamique directrice artistique du festival, la Bulgare Zlatina Rousseva et son équipe sont projetés pendant une semaine dans diverses salles bruxelloises. L’occasion souvent unique malheureusement de voir ces films-témoignages qui trouvent rarement un distributeur. On sait que la qualité d’un film est inversement proportionnelle à son succès commercial.
Lieu de rencontres et de dialogues avec des réalisateurs souvent présents, Millenium est donc l’opportunité en or de s’informer au-delà de ce que les médias officiels veulent nous montrer.
Dans un programme particulièrement dense, j’ai sélectionné pour vous « A Haunting History »* de Ilse & Femke Van Velzen, « Look Love » de Yun Ye, « Ghostland » de Simon Stadler & Catenia Lermer, « The Queen of Silence » de Agnieszka Zwiefka, « Lampedusa in Winter »* de Jakob Brossmann, « Llevate mis amores »** de Arturo Gonzalez Villasenor, « Marzia, my friend » de Kirsi Mattila, « My Buddha is punk » de Andreas Hartmann, « Vers une inconditionnelle liberté » de Serge Chalon, « Tiroirs-caisses, tontines et solidarité »* de Gilbert Kelner, « Among the Believers »* de Hemal Trivedi & Mohammed Ali Naqvi, « Cartel Land »** de Matthew Heineman, « Abidjan, On dit quoi ? » de Jeanne Coudurier, « Cambridge » de Eldora Traykova, « Les Derniers Nomades »* de Hamdi Ben Ahmed, « Tisseuses de rêves » de Ithri Irhoudane, « Dokument : Hoyerswerda/Frontex » de Thomas Kaske, « L’Encerclement – La Démocratie dans les rets du néolibéralisme »* de Richard Brouillette, « Broken Land » de Luc Peter & Stéphanie Barbey, « Pain Métallique » de Chingiz Narynov, « A Syrian Love Story »** de Sean McAllister qui donnera une masterclass à Bozar le 25 mars de 18h30’ à 19h45’.
Programme complet sur www.festivalmillenium.org
ET ENCORE 3 EXCELLENTS FILMS dont je ne peux m’empêcher de vous parler même si l’actualité cinématographique est déjà très riche cette semaine :
« The Land of the Enlightened » docu-fiction de Peter-Jan De Pue avec Gholam Nasir, Kyrgyz Baj, Koko Ewas, etc. Durée : 1h27’
Le réalisateur a dû s’y prendre à plusieurs reprises -8 ans en tout ont été nécessaires- pour réaliser ce film mi-documentaire mi-fiction qui raconte l’histoire d’un gang d’enfants nomades au milieu des paysages somptueux de l’Afghanistan. Un chef-d’œuvre !
« A Perfect Day » de Fernando Leon de Aranoa avec Benicio Del Toro, Tim Robbins, Mélanie Thierry, Diga Kurylenko, Sergi Lopez, etc. Durée : 1h46’
Un film qui tourne autour d’une corde dans les Balkans. Ou plutôt une corde qui permet au réalisateur d’aborder les problèmes liés à l’eau, la mafia et le rôle des ONG là-bas. Des sujets importants analysés sur un mode original et servis par des acteurs brillants qui nous font comprendre que… l’on ne comprendra jamais rien à cette guerre (et aux autres d’ailleurs.)
« Les Délices de Tokyo » de Naomi Kawase avec Kirin Kiki, Masatoshi Nagase, Kyara Uchida, etc. Durée : 1h53’
Petit poème japonais à la pâtisserie et à la vie joliment tourné sous les cerisiers qui… repose enfin de tous les films dont je viens de vous parler !
‘THE ASSASSIN’* de Hou Hsiao-hsien avec Shu Qi, Chang Chen, Yun Zhou, etc. Durée : 1h45’
On pourrait résumer le film en deux lignes : des plans tournés en décors réels servent l’histoire de Nie Yinniang, une justicière élevée par une nonne qui lui a appris en secret les arts martiaux dans la Chine féodale pour se venger d’une histoire d’amour. D’une beauté formelle à couper le souffle, le bat blesse malheureusement au niveau de la narration. Le célèbre réalisateur taiwanais nous emmène dans une trame confuse où l’on s’emmêle vite les pinceaux. Si ce n’est le plaisir d’admirer des images sur grand écran à l’esthétisme époustouflant d’un bout à l’autre du film, on ressort un peu déçu que la trame ne soit pas à la hauteur de la photographie. On ne va pas au cinéma pour regarder un album de photos…
‘THE REVENANT’** de Alejandro Gonzalez Inarritu avec Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Will Poulter, Domhnall Gleeson, etc. Durée : 2h36’
Un réalisateur que je suis depuis ses débuts dont j’ai beaucoup aimé dans la trilogie « Amores Perros » (2000), un film aussi remarquable que violent sur la vie dans les quartiers durs de Mexico, moins apprécié « 21 grams » (2003. Nébuleux, long et ennuyeux) et « Babel » (2006. Très show et trop commercial à mes yeux malgré un grand succès en salle). Enfin « Birdman », couronné de 4 Oscars l’année dernière m’a réconciliée avec le beau réalisateur mexicain. Que vous dire de son dernier film ? Une performance certes remarquable de Leonardo DiCaprio qui incarne ici l’anti-héros par excellence, même s’il ne faut pas oublier tous les effets spéciaux et les doublures (si vous restez jusqu’à la fin du générique long comme un jour sans pain, vous apprendrez beaucoup de choses…), des paysages magnifiques tournés au Colorado, dans le Montana et en Argentine, des plans artistiques à rapprocher parfois de l’univers de notre célèbre artiste belge Berlinde De Bruyckère, etc. Mais pourquoi tant de violence de la première à la dernière minute du film ? Est-ce vraiment nécessaire ? Peut-être pour attirer le grand public… Certes le sujet est la lutte pour la survie dans un monde féroce nourri de vengeance mais si cela vous intéresse, je vous encourage à lire le remarquable livre ‘Sapiens : une brève histoire de l’humanité’ de Yuval Noah Harari dont le succès est aussi retentissant pour un livre que l’est le film et qui me paraît une œuvre magistrale sur le tempérament des hommes d’une autre dimension que cette débauche de cruauté, réalisée à coup de dizaines de millions de dollars… Certains critiques y ont vu un nouveau Lawrence d ‘Arabie. Là, je ne suis pas d’accord même si les décors et l’ambiance de l’Amérique des pionniers est impressionnante (la bande son est trop forte et artificielle comme dans la plupart des films commerciaux.) Avec heureusement des plans d’une beauté stupéfiante, le film est malheureusement très (trop) brutal pour votre dévouée critique cinématographique, habituée à des propos plus fins et subtils. N.B. : Il n’y avait que des gens autour de moi qui se voilaient les yeux pendant la projection…
‘FATIMA’*** de Philippe Faucon avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche, etc. Durée : 1h19’
Un portrait tout en douceur, sensible, humain pour décrire le quotidien de beaucoup d’émigrées maghrébines en France ou ailleurs. Un réalisateur qui connaît son sujet pour être issu lui-même de cette communauté et l’approfondit inlassablement au fil des années. On se rappelle de ‘Samia’ d’une beauté et d’une violence sourde inimaginable (au point d’avoir marqué de manière indélébile mes enfants, alors jeunes adolescents et qui m’en parlaient encore récemment). Des interprètes exceptionnels donnent toute la dimension au film qui vient à juste titre d’être récompensé aux Césars. Une reconnaissance à saluer avec humanité. Un témoignage essentiel. http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19555469&cfilm=227827.html
‘ROOM’*** de Lenny Abrahamson avec Brie Larson, Jacob Tremblay, Joan Allen, etc. Durée : 1h58’
Une surprise cinématographique ! Une petite production irlando-canadienne qui vient de couronner Brie Larson de l’Oscar de la meilleure actrice à Los Angeles ! Adaptation du best-seller de Emma Donoghue inspiré d’une histoire vraie, il raconte la captivité d’une mère et de son fils pendant 7 ans dans la cabane d’un violeur au fond de son jardin. Divisé en deux parties, l’imagination règne en maître dans la première heure du film alors que la deuxième décrit les conséquences psychiques sur la mère et son fils à leur retour dans le ‘monde’ ou la vie normale. Un film qu’il faudrait analyser dans les écoles de cinéma, tant du point de vue de la forme que du fond.
Asphalte*** de Samuel Benchetrit avec Isabelle Huppert, Valeria Bruni Tedeschi, Gustave Kervern, Michael Pitt, Tassadit Mandi, etc. Durée : 1h40’
Dès le premier plan, le ton du film dont la force réside entre autres dans un format carré et un cadrage exceptionnel est donné. Le décor est campé et la lumière aussi.
Dans une banlieue glauque, on suit une histoire ou plutôt plusieurs histoires qui n’ont rien à voir entre elles si ce n’est qu’elles ont un immeuble en commun, plus précisément un ascenseur !
Basé sur un scénario on-ne-peut-plus-simple, voilà un film unique aussi farfelu que l’astronaute de la NASA qui atterrit par erreur sur le toit de l’immeuble en question et débarque à l’improviste chez l’adorable Madame Hamida à l’accent coloré qui l’accueille aussi généreusement que naturellement sans se poser de questions ! A un autre étage, un adolescent (Jules Benchetrit, le fils du réalisateur et de Marie Trintignant) qui vit ‘soi-disant’ avec sa mère que l’on ne voit jamais à l’écran, s’intéresse à la nouvelle locataire en stand by qui vient de s’installer sur le même palier. Elle est actrice (excellente Isabelle Huppert), il s’intéresse à son travail et lui redonne confiance en elle. Valeria Bruni Tedeschi est aussi égale à elle-même, vraie et touchante. Voilà en quoi tient ce film improbable que vous devez courir aller voir ! Pour les cinéphiles avertis qui ne le regretteront pas.
http://cinema.jeuxactu.com/news-une-etrange-bande-annonce-pour-asphalte-realise-par-samuel-benchetrit-26343.htm
Joy** de David O. Russell avec Jennifer Lawrence, Bradley Cooper, Robert de Niro, Edgar Ramirez, Isabella Rossellini, Diane Ladd, Virginia Madsen, etc. Durée : 2h04’
Prénom Joy, nom de famille Mangano ou l’histoire de celle qui, dans les années 90, inventa ‘The Miracle Mop’ ou la serpillère miracle faite d’une seule corde de coton enroulée qui se lave à la machine et s’essore en un tour de main, mais justement sans utiliser les mains ! Une histoire certes anecdotique mais véridique portée par une actrice épatante, Jennifer Lawrence qui sert de prétexte au réalisateur pour parler de l‘envers du décor du ‘rêve américain’.
Une description du capitalisme outre atlantique sans foi, ni loi, même si le film conduit à un happy end qui a le mérite de nous surprendre, tant l’aventure a été semée d’embuches et la peinture était noire. Seule valeur épargnée : la famille et quelle famille ! Une mère littéralement accro aux soaps, un ex-mari vénézuélien musicien plus charmant que fiable, un père sans repères interprété par l’épatant Robert de Niro, une demi-sœur jalouse et insupportable, une grand-mère décalée et au milieu de tout ce monde qui vit sous le même toit, deux petits enfants… équilibrés ! Ah, j’oubliais la ‘fiancée’ du père admirablement interprétée par la savoureuse Isabella Rossellini. Bref, une comédie sans pitié aussi profonde et intelligente que la réputation talentueuse de David O. Russel.
« Notre petite sœur »***** de Hirokazu Kore-eda avec Haruka Ayase, Masami Nagasawa, Kaho, Suzu Hirose, etc. Durée : 2h08’
Voilà l’un des plus beaux films que j’ai vus depuis longtemps : joyeux, subtil, touchant, élégant, etc. Un véritable chef-d’œuvre ! On redoute que la fin arrive trop vite tellement on est immergé dans cette ambiance provinciale dans une vielle grande maison près de la côte. On se laisse baigner dans une atmosphère à la fois douce et réelle qui dévoile un univers profond, tout en demi-teintes, aussi raffiné que le sont les 3 sœurs. Elles qui accueillent si généreusement cette petite sœur qui, pour reprendre les mots de la patronne du petit restaurant (aussi attachante que les autres personnages) est « un vrai trésor » dont elles ont découvert l’existence à l’enterrement de leur papa. Un papa qu’elles n’ont plus vu depuis des années car il les a abandonnées pour partir avec une autre femme avec laquelle il a eu cette petite sœur pour en épouser encore une autre après, avec un petit garçon à la clef que l’on aperçoit quelques secondes à l’écran…
Intéressé par les histoires de famille -on se rappelle « Nobody Knows » (2004) qui peignait la vie d’enfants en bas âge abandonnés par leur mère dans un appartement et qui tentaient de se débrouiller seuls- le réalisateur s’attache aux liens familiaux obligés de se construire autrement suite à la disparition de l’un (ou les deux) géniteurs. Après ce film, on n’hésite pas à ranger Hirokazu Kore-eda dans la lignée des grands réalisateurs japonais qui ont marqué l’histoire du cinéma mondial tel Yasujirô Ozu, le cinéaste du temps qui fuit et de l’évanescence. Un pur moment de bonheur à voir en toute priorité.
« Nous trois ou rien »**** de Kheiron avec Kheiron, Leila Bekhti, Gérard Darmon, Zabou Breitman, etc. Durée : 1h42’
Un film fantastique plein d’humour qui traite pourtant d’un sujet difficile : une histoire familiale d’intégration depuis les prisons iraniennes sous le Shah jusqu’à Pierrefitte, en banlieue parisienne. Réalisé par le comédien humoriste Kheiron qui a 33 ans signe son premier film sur l’histoire de son propre père dont il joue le rôle. J’ai toujours beaucoup d’admiration pour ce genre de personnage -dans la veine de Nanni Moretti, Woody Allen, Julie Delpy et bien d’autres – qui à la fois écrit, tourne et joue en plus, le rôle principal ! Avec fantaisie, un certain décalage, beaucoup de modestie, de respect et d’amour, il raconte ce parcours véridique et exemplaire d’un homme qui arriva à transformer une cité jusqu’à recevoir la Légion d ‘honneur. Un film en forme de conte, iranien certes mais à portée universelle à voir. Impossible de ne pas faire le rapprochement avec « Persépolis « de Marjane Satrapi il y a dix ans et plus récemment, « L’Arabe du Futur » la BD du Syrien Riad Sattouf. Voilà bien une génération d’artistes incontournables qui nous donnent une fameuse pêche !
« Au-delà des montagnes »** de Jia Zhang-ke avec Zhao Tao, Sylvia Chang, Dong Zijian, etc. Durée : 2h06’
Trois cadrages différents -carré, rectangulaire, panoramique- pour trois époques -passé (1999), présent (2014), futur (2024)- qui dépeignent l’évolution de la société chinoise à travers un mélodrame où l’argent mène le jeu. Un film formaté donc qui nous amène subtilement à une analyse sans concession de la plus grande puissance mondiale. ‘Dollar’, le prénom dont le réalisateur a affublé son héros en dit déjà long sur le sujet… Un film qui éclaire plus que beaucoup d’articles et de livres que l’on pourrait lire sur le sujet. Une peinture aussi cruelle affectivement qu’édifiante.
« Je m’appelle Malala », documentaire de David Guggenheim qui retrace l’histoire de la petite Pakistanaise Malala Yousafzai, Prix Nobel de la Paix 2015 qui défend le droit à l’éducation des filles : « un enfant, un professeur, un livre, un crayon peuvent changer le monde. » Un combat courageux et exemplaire, indispensable qu’il faut impérativement soutenir, entre autres en allant voir ce genre de films. Notez que son père lui donna ce prénom qui signifie ‘le courage’, en hommage à une combattante et poétesse afghane.
« Demain » documentaire de Cyril Dion & Mélanie Laurent. Durée : 1h58’ qui est né suite à l’expérience de Cyril dans des ONG. Il a convaincu Mélanie Laurent de participer à l’aventure en ayant envie de montrer qu’un autre monde, une autre façon de vivre est possible, en arrêtant surtout de faire le même constat pessimiste étouffant.
Après un travail colossal et 4 ans de tournage à travers le monde, voici le résultat : un film incroyable qui ne donne pas de leçons mais propose des solutions.
Si on le veut, oui, on peut laisser un monde magnifique à nos enfants et petits-enfants.
UN + UNEde Claude Lelouch avec Jean Dujardin, Elsa Zylberstein, Christophe Lambert. Durée : 1h53’
Comment ne pas être séduit par un film qui se passe en Inde même si l’on a déjà vu mille fois les mêmes photos, les mêmes lumières, les mêmes lieux et les mêmes scènes ultra photogéniques ? Surtout quand c’est un cinéaste de la trempe de Lelouch qui s’y intéresse, bien qu’avec lui, il y a déjà eu de tout et que l’on ne sait jamais à l’avance si l’on va avoir droit à un chef-d’œuvre ou à un petit film… Pari très excitant déjà ! Et bien, nous voilà embrigadés cette fois-ci dans un film à la trame très simple qui nous emmène à notre insu sur les chemins sensibles de l’émotion, de l’humain, de l’introspection, des relations homme/femme et surtout de la relation au sein d’un couple et en dehors de celui-ci. Lelouch filme avec finesse et, analyse avec beaucoup de recul et d’humour, la venue d’un célèbre compositeur français invité en Inde par un réalisateur pour créer la musique de son film. Empreint d’une spiritualité plutôt basique pour ne pas dire caricaturale au début, il nous amène petit à petit à une profondeur inattendue. Si je n’ose pas dire que c’est un chef-d’œuvre, je dirais que c’est un très beau film émouvant.
Un vrai plaisir pour cette période de vacances où l’on a besoin de lumière et de chaleur au propre comme au figuré…
– BLACK** de Adil El Arbi & Bilall Fallah. Durée : 1h32’.
Un film sur les bandes urbaines made in Belgium qui a fait couler beaucoup d’encre. Roméo et Juliette alias Marwan et Mavela sont au cœur d’une fiction violente et réaliste mise en scène avec brio. Succès inespéré à l’étranger pour les 2 réalisateurs qui se sont rencontrés sur les bancs de leur école de cinéma.
– IXCANUL*** de Jayro Bustamante. Durée : 1h32’.
Témoignage extraordinaire au plus près de la réalité, sans jamais tomber dans le pathos ou le cliché, de la vie des paysans mayas sur les flancs d’un volcan au coeur du Guatemala, ce pays d’Amérique centrale à majorité indienne qui a été dévasté par 30 années de guerre civile. Portrait de la vie quotidienne aussi dure qu’amère, interprétée par des acteurs amateurs exceptionnels. On a à peine à imaginer que ce soit le premier film du réalisateur tant il est accompli.
– MIA MADRE*** de Nanni Moretti. Durée : 1h47’.
Sans doute le chef-d’œuvre de celui qu’on suivait déjà du temps de ses pérégrinations en vespa la nuit dans Rome, si vous avez vu « Caro Diario » qui avait remporté le prix de la mise en scène au Festival de Cannes il y a plus de 20 ans. Avec beaucoup d’émotion et d’humour aussi, Nanni Moretti aborde, en prenant du recul (il ne joue pas son propre rôle qu’il a confié à l’unique John Turturro), les derniers jours de la vie de sa mère. Fernand Denis dans La Libre Culture décrit le film comme « synthèse de son œuvre ».
– HUMAN**** de Yann Arthus-Bertrand. Durée : 3h08’.
Un projet titanesque qui donne la parole à des milliers d’hommes et de femmes exprimant leurs désespoirs, leurs terribles conditions de vie mais heureusement aussi leurs envies et leurs espoirs face à une caméra qui les filme à bout portant. Après « La Terre vue du ciel » le livre qui a fait le tour du monde (3 millions d’exemplaires !), Yann Arthus-Bertrand nous livre des centaines de témoignages récoltés pendant plusieurs années, dans une cinquantaine de pays par toute une équipe de collaborateurs ! Il vient de sortir sur les écrans mais vous pouvez le voir sur You Tube et surtout -précision importante à mes yeux- décider de mettre les sous-titres indiquant les endroits d’où sont originaires les gens (ce qui n’est pas le cas en salle). Merci pour cet exceptionnel état du monde dont le but est de nous faire prendre conscience qu’on ne peut plus fermer les yeux. Sortie programmée en fonction de l’actualité environnementale de la COP21 à Paris…
-LE BOUTON de NACRE** de Patricio Gusman. Durée : 1h22’.
Incontournable Patricio Gusman pour qui s’intéresse à l’histoire du Chili. Un pays à l’histoire chaotique, difficile, trouble à laquelle le cinéaste de 77 ans s’intéresse depuis toujours. Un documentaire où il aborde tous les sujets, de l’histoire à la politique en passant par les sciences et la philosophie. Cette fois-ci, il s’intéresse de plus près au génocide des indigènes de Patagonie, les Mapuche. Aussi remarquable par la qualité des images que pour le travail de mémoire qu’il représente.
– LES MILLE & UNE NUITS (ARABIAN NIGHTS)** Trilogie de Miguel Gomes.
I. L’inquiet. Durée: 2h05’ II. Le Désolé : 2h15’. III. L’Enchanté : 2h05’.
Chronique en 3 parties d’un petit pays d’Europe en crise imaginé par un réalisateur en panne d’inspiration qui confie la mission à la mythique Schéhérazade devant prendre garde à ne pas ennuyer le roi avec ses histoires tristes… Il était donc mille & une fois le Portugal ! Récit mi fiction, mi documentaire aussi monumental qu’atypique.
– LOLO de Julie Delpy avec Julie Delpy, Dany Boon, Vincent Lacoste, Karin Viard, etc. Durée : 1h37’
On connaît la réalisatrice/actrice franco-américaine depuis longtemps et on l’aime beaucoup. Qui ne s’est pas amusé en regardant « 2 days in Paris » (2007) ou plus récemment « 2 days in New York » (2012) ? Spécialiste des comédies décalées, Julie Delpy remet le sujet du ‘on n’est pas du même milieu’ sous les feux des projecteurs et s’attèle en plus cette fois-ci, à un sujet très dans l’air du temps, à savoir la place des enfants à l’heure des familles dites ‘recomposées’ (ou plutôt décomposées…) Démonstration simple et directe qu’ils sont souvent le nœud gordien du ‘problème’, sans que jamais personne n’ose leur dire… Evidemment ! Heureusement que ces charmants bambins livrent, dans la plupart des cas, une guerre silencieuse à celui ou celle qui a pris la place de l’être manquant et qu’ils ne sont pas aussi machiavéliques que Lolo, alias Vincent Lacoste, excellent dans son rôle de petit-ange-à-sa-maman-pour-qui-son-bien-être-passe-avant-tout ! En désespoir de trouver un jour l’homme de sa vie, l’héroïne du film (45 ans) tente sa dernière nuit (chance ?) en cure de thalasso à Biarritz, avec un informaticien de province plus-plouc-tu-meurs, incarné par Dany Boon au meilleur de son jeu. Bref, un film qui au-delà des dialogues -très drôles surtout les 30 premières minutes-, du rythme plutôt soutenu et du scénario plein de rebondissements est plus profond que l’annonce ‘comédie romantique’ ne laissait présager. Ce serait mal connaître l’inclassable Julie Delpy, fille unique de deux acteurs de théâtre… Elle a donc été à bonne école !
Encore de l’actualité cinématographique avec les
–FESTIVAL FILMER à TOUT PRIX : 155 films/documentaires dont une soixantaine de belges « qui parlent du réel d’une façon cinématographique exigeante »
Jusqu’au 15 novembre 2015 à Flagey, Cinematek, Aventure, Nova et RITCS. www.fatp.be
– « Much Loved » est un film osé de Nabil Ayouch sur la prostitution à Marrakech qui a fait scandale au Maroc et à l’étranger. Sujet essentiel. Durée : 1h48’
– « Fatima » de Philippe Faucon, une chronique douce-amère sur une mère de famille algérienne qui fait tout pour que ses filles réussissent dans la vie. Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes cette année, ce film traite avec justesse de cette femme qui est un peu notre mère à tous, un hommage à toutes les mamans quelque soit leur origine. L’actrice qui n’est pas professionnelle est une vraie femme de ménage.
Un témoignage qui ne tombe jamais dans le cliché ou la caricature. Durée : 1h19’
– « Le Challat de Tunis » de Kaouther Ben Hania sur le jack l’éventreur tunisien. Légende ou réalité, le réalisateur mène l’enquête, alternant peur et humour. Durée : 1h30’
– « Cemetery of Splendour » du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, sélectionné à Cannes cette année dans la section « Un Certain Regard », lui qui avait reçu la Palme d’Or à Cannes en 2010. Un film écrit comme un poème, tout en finesse et contemplation. Durée : 2h02’
– « Vers l’autre rive » de Kiyosjhi Kurosawa a gagné avec ce road movie amoureux, tout en nuances, le prix de la mise en scène à Cannes cette année. Durée : 2h07’– « Sworn Virgin », premier film de l’Italienne Laura Bispuri sur ces femmes des montagnes austères et reculées d’Albanie qui, pour échapper à leur destin, renoncent à leur féminité en jurant sous serment de rester vierges à vie. Durée : 1h24’
– « Ni le ciel, ni la terre » de Clément Cogitore avec Jérémie Renier en officier d’une troupe de paras français en Afghanistan. Une manière de filmer totalement inédite dans un film de ce genre, à l’image de ce réalisateur original. Durée : 1h40’– « Youth » de Paolo Sorrentino dont on n’a pas encore oublié l’inouïe « Grande Bellezza » raconte en (très belles) images et musique la retraite d’un chef d’orchestre joué par Michael Caine, dans un grand hôtel des Alpes suisses. Durée : 1h58’– « La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil » de Joann Sfar dont on avait adoré « Gainsbourg » et « Le Chat du Rabbin » et qui réadapte ici avec brio « L’Eté meurtrier », le roman de Sébastien Japrisot (1re version de Jean Becker en 1983 avec Isabelle Adjani) servi par une magnifique actrice du nom de Freya Mavor. Durée : 1h33’– « Belles familles » de Jean-Paul Rappeneau que l’on ne présente plus dans l’univers de la comédie à la française avec Mathieu Amalric, égal à lui-même, la jolie Marine Vacth (égérie du parfum « Parisienne » de Yves St-Laurent et héroïne principale de « Jeune et Jolie » de François Ozon en 2013), Gilles Lellouche, Nicole Garcia et André Dussolier. L’histoire d’une famille comme les autres avec les éternels problèmes de succession. Rythme soutenu. Durée : 1h53’
– « Boomerang » de François Favrat avec Laurent Lafitte de la Comédie française, Mélanie Laurent et Bulle Ogier tourné en grande partie dans la baie de Noirmoutier où le fils part à la recherche de sa mère qui s’y est noyée quand il avait 10 ans… Un triste secret de famille adapté du roman du même nom de Tatiana de Rosnay.
– « Une enfance » où Philippe Claudel dépeint la vie miséreuse de Jimmy en Lorraine, pendant l’été de ses 13 ans. On se rappelle que l’écrivain/réalisateur avait reçu en 2009 le César du meilleur premier film pour « Il y a longtemps que je t’aime » et on le retrouve aujourd’hui dans un film plus modeste qui revient sur certains pans de son enfance à lui. Chronique sociale d’une société que l’on voit rarement sur les écrans français dans la veine d’un Ken Loach. Durée : 1h40’
– « The Walk », grand show hollywoodien de Robert Zemeckis, dont on se rappelle « Forest Gump » ou « Flight » qui raconte l’histoire de ce funambule qui relia les tours du WTC peu après leur construction en 1974, en se promenant à l’aube sur un fil à 450 m de haut ! L’occasion de nous offrir des vues spectaculaires sur NY en 3D. Le début aurait pu être plus court… Durée : 2h03’
– « The Intern », une comédie de Nancy Meyers (« What women want » qui fut un grand succès en 2000) admirablement jouée par un Robert De Niro, plus craquant que jamais et Anne Hathaway, excellente aussi dans son rôle de femme chef d’entreprise confrontée au retraité stagiaire. Une réflexion à la fois sur le choc des générations et les loisirs dont le protagoniste pensionné a épuisé toutes les ressources et qui choisit de retourner dans le monde du travail. Divertissant. Durée : 2h01’
– « Chœurs en exil », un documentaire de Nathalie Rossetti et Turi Finocchiaro qui filment en Anatolie un couple d’Arméniens chantant un chant modal (qui utilise seulement les modes majeurs et mineurs. En opposition à la musique tonale), suivant une tradition locale millénaire en voie d’extinction. Un témoignage non seulement musical mais aussi ethnographique, unique et prenant. Durée : 1h17’
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« Ricki and the Flash » de Jonathan Demme avec Meryl Streep, Kevin Kline, Mamie Gummer, Ben Platt, Rick Springfield, Audra McDonald, Sebastian Stan, etc. Durée : 1h41’
Quand on sait que le réalisateur rendu célèbre grâce au « Silence des Agneaux » (1991) est féru de musique et qu’il est l’auteur de documentaires musicaux de haut vol comme « Stop Making Sense » (1984) sur les Talking Heads, « Cousin Bobby » (1992), deux films sur Neil Yong en 2009 et 2011, on comprend mieux comment « Ricki and the Flash » est un si bon film ! L’histoire peu banale est celle d’une femme de 60 ans, mariée à un homme d’affaires plutôt classique et workaholic, mère de 3 enfants qui quitte le foyer familial pour accomplir son rêve, celui de devenir chanteuse de rock. Exit Indiannapolis, bonjour San Fernando Valley dans la banlieue de Los Angeles où elle anime avec son groupe le café local en réinterprétant les standards du rock et le country, des Rolling Stones à Bruce Springsteen. Un soir, un coup de téléphone de son ex-mari permet au réalisateur d’embrancher sur une autre histoire, plus profonde et qui lui tient aussi à cœur que celle de la musique, celle de la problématique des familles ‘explosées’ et des conséquences psychologiques qui en découlent dans la plupart des cas.
Même avec un happy end à l’américaine, voilà une peinture affective intéressante. Notons que Meryl Streep interprète elle-même tous les morceaux. Pour la petite histoire, elle n’a permis au réalisateur de venir voir le groupe qu’après des mois de travail et des cours de guitare, quand elle était sûre d’être du niveau professionnel requis.
Voici une preuve de plus -comme s’il en fallait encore- du talent de Meryl Streep, entourée ici d’acteurs aussi excellents les uns que les autres, à commencer par son guitariste rock de charme et compagnon de route.
« Life » de Anton Corbijn avec Robert Pattinson, Dane DeHaan, Ben Kingsley, Joel Edgerton, Alessandra Mastronardi, Kristen Hager, Michael Therriault, etc. Durée : 1h52’
C’est l’histoire de la rencontre entre Dennis Stock, le jeune photographe du magazine Life et James Dean qui vient de tourner dans « East of Eden » de Elia Kazan (1955) dont on attend la première. Si on réalise comme le travail ne fut pas facile pour Dennis Stock qui devait littéralement courir derrière celui qu’il pressentait comme un futur grand acteur et qui a été jusqu’à ruiner sa vie personnelle pour ces quelques clichés pris sur le vif chez le coiffeur, dans la rue à Times Square ou lors d’un weekend dans la ferme familiale en Indiana et qui, une fois publiés ont fait plusieurs fois le tour du monde, cela ne suffit pas à faire un film avec des acteurs très inégaux dont Dane Dehaan qui n’a rien de la consistance et du charme du vrai James Dean. Même Ben Kingsley qui joue le rôle de Warner est caricatural et surtout mal grimé. Anton Corbijn, photographe lui-même, célèbre pour ses portraits de Bono, Lou Reed, Miles Davis ou Nick Cave a intelligemment choisi s’attaquer à ce mythe à travers l’œil du photographe -dont le générique nous apprend qu’il est devenu très célèbre et est mort à 83 ans il y a quelques années-, mais à part cela, il n’y a rien de vraiment intéressant dans ce récit beaucoup trop long et dont le rythme est aussi mou et nonchalant que le débit de paroles de l’acteur mythique ! Décevant. Notons que le film a été programmé pour sortir, jour pour jour, 60 ans après le tragique accident de l’acteur, décédé sur le coup à 24 ans…
Belle actualité cinématographique à Bruxelles cette semaine avec le gala hier soir à Bozar du KOREAN FILM FESTIVAL BRUSSELS, 3e édition du festival de cinéma coréen (18-25/09/15).
“Masaan” de Neeraj Ghaywan avec Richa Chadda, Vicky Kaushal, Sanjay Mishra, etc. Durée: 1h43′
« Le Tout Nouveau Testament » de Jaco Van Dormael avec Benoit Poelvoorde, Yolande Moreau, Pili Groyne, Marco Lorenzini, Catherine Deneuve, François Damiens, Serge Larivière, Laura Verlinden, Thomas Gunzig, etc. Durée : 1h54’
Tout a commencé pour moi dans le même esprit du film, alors que les conditions étaient réunies pour que je n’aille jamais le voir… Je me tâtais quand au choix de ma soirée (concert jazz à Flagey, vieux film à la Cinematek, etc.) quand m’est arrivé à point nommé un mail disant « J’espère que tu vas aller voir le tout nouveau testament car ce sera le succès assuré pour ta rubrique ». Il n’en fallut pas plus pour me décider et me voilà assise, en moins de temps qu’il ne faut, à une séance au Vendôme parmi les 60 000 personnes qui ont vu le film depuis qu’il est sorti sur nos écrans, il y a une semaine. Je vais être honnête avec vous et vous avouer que je n’ai jamais aimé les films de Jaco Van Dormael (malheureusement) à commencer par son « Toto le héros » (1991)… et bien j’ai ADORE celui-ci !!
Basé sur un scénario écrit à quatre mains par le réalisateur Jaco Van Dormael et l’écrivain/chroniqueur radio (pas toujours drôle) Thomas Gunzig, ils nous livrent une idée très originale (il fallait y penser) -Dieu existe et il vit à Bruxelles- admirablement mise en images (prises de vue, décors et lumière excellents avec une mention spéciale à Christophe Beaucarne), en musique (l’un des points forts et sensibles du film), en petites touches articulées autour de la gestuelle et les borborygmes de la déesse Yolande Moreau et du sale caractère et des coups de gueule de notre dieu national, Benoit Poelvoorde. Le tout rythmé par une jolie petite fille expressive et intelligente interprétée par Pili Groyne avec, si l’on peut se permettre une remarque quant à son élocution un zeste trop déclamatoire et peu spontanée. Le résultat ? Un film merveilleux en forme de poème musical et même graphique -la fin dessinée en couleur est un bain de jouvence-, plein de drôlerie, de fantaisie, d’insolence, d’absurdité et d’humour. Quelle imagination ! Merci à mon e-mail’s friend sans qui j’aurais raté un grand film à qui l’on souhaite un succès international qui est en cours car, il a été ovationné à Cannes et primé dans de multiples festivals dont en Norvège, à Bologne, à Angoulême, choisi pour ceux de Hambourg et Montréal et déjà vendu dans plus de 50 pays. Un bijou de film dont la petite musique intérieure, au propre comme au figuré, résonnera longtemps dans notre esprit, tout en n’oubliant pas que « la vie est comme une patinoire, on tombe souvent »…
« Une Famille à louer » de Jean-Pierre Améris avec Virginie Efira, Benoît Poelvoorde, François Morel, etc. Durée : 1h36’.
Voilà un film aussi divertissant et léger qu’émouvant et profond. Un thème original décliné sur le ton de la fable où tous les ingrédients sont là si l’on se réfère à « La psychanalyse des contes de fées » de Bruno Bettelheim, un des livres qui a marqué mes études littéraires. Servi par un duo d’acteurs dont le jeu est à couper le souffle : Poelvoorde tient ici à mes yeux son meilleur rôle et Efira, à la personnalité bien trempée et aux bonnes valeurs est criante de sincérité et de naturel. On peut affirmer qu’ils crèvent littéralement l’écran ! Notons que le scénario a été co-écrit avec Murielle Magellan et que la photographie en est à la hauteur : paysages choisis, avec une mention particulière pour les forêts très présentes (typiques de l’imagerie des contes), lumières et intérieurs sont rendus sous un angle particulier qui apporte une dimension de plus. La scène dans le pavillon chez la mère de Paul-André peut devenir une scène d’anthologie du cinéma tant au niveau du décor que des propos de Poelvoorde qui, n’ayant jamais peur du ridicule, est exceptionnel. Mon enthousiasme est à la hauteur de la qualité de ce type de ‘comédie’ trop rare sur les écrans. Du même réalisateur, on avait aimé « C’est la vie » avec Jacques Dutronc, « Les Emotifs anonymes » avec Isabelle Carré et encore Benoît Poelvoorde, l’histoire touchante de « Marie Heurtin » avec encore Isabelle Carré et Ariane Rivoire et… on a adoré « Une Famille à louer » !! Jean-Pierre Améris est non seulement un réalisateur sensible mais encore, un directeur d’acteurs hors pair.
« Deephan »**** de Jacques Audiard avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby, etc. Durée : 1h54’
« Je fais partie de cette génération qui a grandi au cinéma, qui l’a éduquée et y a tout appris : ce qu’est un homme, une histoire, une culture, un pays, etc… » disait récemment Jacques Audiard dans une interview sur les ondes de la Première. Cela tombe bien car c’est mon cas que j’ai reproduit avec mes enfants…
« J’avais envie de faire un film en France, mon pays, avec des gens avec lesquels je ne partageais rien, à commencer par la langue. Impossible de communiquer avec mes acteurs. On ne se comprenait pas ! »
On a déjà là le ton de ce film original qui s’intéresse à une cause tellement essentielle et incontournable surtout aujourd’hui, où l’on apprend encore la mort d’une septantaine de migrants dans un camion abandonné sur une aire d’autoroute en Autriche au moment où les dirigeants européens cherchent désespérément une solution.
Le thème central du film est l’immigration et tous les problèmes passés, présents et futurs qui en découlent. La façon de l’aborder est intelligente et bien construite. Les acteurs ont un jeu incroyable, criant de vérité (pour cause) et le ton est juste du début à la fin. Même dans le happy ending qui n’a, je pense, pas convaincu tout le monde à en croire les bribes de discussions entendues à la sortie de la projection.
Si les réfugiés retrouvent dans leur terre d’accueil, la violence et les règles inhérentes aux périphéries des grandes agglomérations urbaines, les balles que s’échangent les gangs entre eux ont un autre impact sur leur sensibilité exacerbée par la guerre qu’ils ont fui dans leur pays d’origine. Au Sri Lanka, ils croyaient défendre une cause, un idéal (qui certes leur a montré ses limites) alors qu’ici en France, il n’y a plus qu’une seule quête, semée d’embuches au quotidien, celle d’essayer de construire coûte que coûte un foyer. Mais le film aborde aussi d’autres thèmes importants comme celui de la langue, de la famille, de la violence qui s’efface difficilement dans l’esprit de ceux qui l’ont vécue et peut resurgir à tout moment. Un film aussi brillant que la Palme d’Or qui l’a couronné à Cannes cette année !
« Mustang »*** de Deniz Gamze Ergüven avec Günes Sensoy, Doga Zeynep Doguslu, Tugba Sunguroglu, Elit Iscan, Ilayda Akdogan, Ayberk Pekcan, etc. Durée : 1h37’
Impossible de ne pas faire référence à « Virgin Suicides » de Sofia Coppola en voyant « Mustang ». Bien que le contexte soit très différent, les deux films parlent de la faillite de leur société, l’une américaine, trop permissive et l’autre turque, à l’extrême inverse. Des enfermements qui conduisent à l’étouffement et à la mort, comme ultime échappatoire. Accablant. « Mustang » est un film d’une grande violence morale, affective et intérieure qui m’a profondément révoltée. On ressort de là sans voix, mal à l’aise du peu de considérations que les adultes portent sur la jeunesse, de leur non regard, étroit et dégradant où aucune analyse n’est même amorcée, juste pour se conformer aux diktats d’une société qui se raccroche à tort à de mauvaises valeurs, dépassées. Tout pour l’apparence et le qu’en dira-t-on quand eux-mêmes, les adultes, sont souvent le pire exemple et vivent dans une hypocrisie totale. La scène où elles se sont enfermées dans la maison/prison, où les adultes sont pris à leur propre piège est l’exemple même du serpent qui se mord la queue, autrement dit de la faillite du système. J’ai voyagé quand j’avais 20 ans (il y a plus de 30 ans donc) dans la campagne turque et même si les paysages étaient magnifiques, j’ai gardé un mauvais souvenir du regard que les hommes portaient sur moi, un regard que je n’avais ressenti nulle part ailleurs dans le monde… Je constate avec stupeur que les choses n’ont donc apparemment pas changé… Où est donc passée la liberté de grandir sans peur et s’épanouir sainement, de pouvoir se faire soi-même une opinion de ce dont on a besoin ? Une telle éducation ne peut que rendre fou !
Le propos très bien filmé est servi par des actrices brillantes, décoiffantes de naturel et si attachantes. Il fallait les voir monter les marches à Cannes en mai dernier dans leur ravissante petite robe, le sourire désarmant aux lèvres.
« La Isla minima »** de Alberto Rodriguez avec Raul Arévalo, Javier Gutierrez, Antonio de la Torre, etc. Durée : 1h45’
Un genre dans lequel les Espagnols excellent interprété avec brio par les stars d’une série télévisée des années 70. Un sujet macabre rondement mené par 2 flics dans l’Espagne postfranquiste des années 80. Avis aux amateurs de polars noirs à la sauce andalouse tourné dans les paysages désertiques et marécageux des environs de Séville, près de l’embouchure du Guadalquivir. Aussi trouble, sombre et inattendu que la pluie torrentielle de la scène finale !
« Theeb » de Naji Abu Nowar avec Jacir Eid Al-Hwietat, Hussein Salameh Al-Sweithiyeen, Jack Fox, etc. Durée : 1h40’
Voilà un vrai bijou de film en provenance d’Arabie Saoudite, tourné e. a. dans le désert du Wadi Rum en Jordanie. Avec des paysages extraordinaires, une photographie à couper le souffle, un scénario écrit avec finesse et intelligence -jamais trop appuyé-, d’excellents acteurs -mention spéciale pour Jacir, le jeune garçon qui tient le rôle principal-, nous découvrons une histoire inspirée de la culture bédouine que connaît bien le cinéaste d’une trentaine d’années, originaire de la région. Récompensé à la dernière Mostra de Venise en obtenant à raison le prix du meilleur réalisateur, nous tenons là une œuvre exceptionnelle, au propos universel, où même le suspense est au rendez-vous.
« Irrational Man » de Woody Allen avec Emma Stone, Joachin Phoenix, Parker Posey, etc. Durée : 1h36’
Excellent !! Sans conteste, le dernier film de l’un de nos réalisateurs préférés fait partie de ses meilleures cuvées ! Tout commence par une voix off qui cite Kant … Très vite, on nous parle de Husserl, Kierkegaard, Heidegger et Sartre. Pour celui qui a toujours été considéré comme un mauvais élève, il faut le faire ! Qui oserait, à part le grand Woody, commencer une comédie par une citation philosophique? Nous voilà embarqués, sans crier gare, dans l’existentialisme pour une comédie romantique en forme de leçon de philosophie qui tourne en film policier, inspiré de Dostoïevski !! Je ne vais pas vous en dire beaucoup plus car suspense et retournement de situation font partie du plaisir que l’on prend à regarder, écouter, s’imprégner de l’histoire entre Abe, ce professeur de philosophie très prisé à la réputation ‘séduisante’, invité pour un semestre dans une belle petite université de la Côte Est et Jill, la très jolie et vive étudiante, déterminée à lui redonner le goût de la vie, même si son boyfriend veille… Edifiante preuve que l’on peut être à la fois léger et profond, brillant et divertissant. Un genre suffisamment rare dans le paysage cinématographique américain pour le souligner une fois de plus. Le tout servi par une direction d’acteurs à la hauteur de leur talent… exceptionnel ! Du très grand art.
« Every Thing Will Be Fine » de Wim Wenders avec James Franco, Charlotte Gainsbourg, Rachel McAdams, Marie-Josée Croze, Patrick Bauchau, etc. Durée : 1h58’
Evénement estival pour les fans du réalisateur allemand et les cinéphiles de tout poil, Wim Wenders revient sur nos écrans après ses derniers chefs-d’œuvre « Pina » réalisé en 2011 sur la chorégraphe Pina Bausch et « Le Sel de la Terre » en 2014 sur le photographe brésilien Sebastiao Salgado, deux documentaires sur des artistes hors norme, dans la veine du fabuleux « Lisbon Story » (1994) sur la chanteuse de fado Teresa Salgueiro qui forma, avec le guitariste Pedro Ayres Magalhaes, le célèbre groupe Madredeus.
Ici, nous assistons à un retour à la fiction à travers la rencontre fortuite un soir d’hiver dans le grand nord américain (où vit désormais le réalisateur) entre un écrivain et une illustratrice qu’une tragédie, dont nous sommes témoins dans les premières minutes du film, va lier à vie. Drame psychologique abordé de façon classique mais filmé de manière totalement inédite par l’utilisation subtile de la 3D pour ‘peindre’ les paysages enneigés ou pluvieux dans toute leur profondeur en accord avec la gravité du sujet… Là est toute l’originalité du film. Une fiction qui s’étire malheureusement en longueur même si elle traduit, avec une réelle empathie et une finesse évidente, les sentiments bouleversants vécus par les deux protagonistes. Nous sortirons convaincus que le représentant majeur du Nouveau Cinéma allemand des années 60-70 est définitivement plus génial dans le documentaire que dans la fiction, exception faite à mes yeux avec « Paris-Texas », qui avait obtenu en 1984 la Palme d’Or au Festival de Cannes et fut son plus grand succès commercial.
« Fidelio, l’odyssée d’Alice » de Lucie Borleteau avec Ariane Labed, Melvil Poupaud, Anders Danielsen Lie, et. Durée : 1h37’
Une femme, deux hommes… Normalement, c’est l’inverse… Rien de très classique, surtout que l’un est en mer pendant que l’autre attend sur la terre ferme. Même si pour Alice, « tout ce qui arrive en mer reste en mer », il n’est pas facile de vivre deux vies parallèles, « étanches » pour reprendre l’excellent qualificatif de mon confrère Fernand Denis dans la Libre Culture du 5 août. Intéressante analyse sentimentale d’une femme entre deux vies qui montre, en mer et en musique -ce n’est pas pour rien que le porte- conteneurs porte le nom de l’unique opéra de Beethoven- comment on peut construire ou déconstruire sa vie selon les circonstances…
« In grazia di Dio » de Edoardo Winspeare avec Celeste Casciaro, Laura Licchetta, Barbara De Matteis, Gustavo Caputo, etc. Durée : 2h07’
Une histoire familiale de mères en filles dans un petit village des Pouilles qui peint avec justesse comment survivre dans ce pays et cette région pauvre. Le réalisateur et documentariste italien Edoardo Winspeare signe ici un 5e long métrage sur ce qu’endurent ces familles populaires ruinées par la crise qui luttent aussi courageusement que dignement pour garder la tête hors de l’eau.
« While We’re Young » de Noah Baumbach avec Ben Stiller (Josh), Naomi Watts (Cornelia), Adam River (Jamie) et Amanda Seyfried (Darby). Durée : 1h37’
Voilà un film dont on parle beaucoup et qui n’en vaut pas vraiment la peine malheureusement… Les critiques sont dithyrambiques et la déception est à la hauteur ! Une comédie new-yorkaise du digne héritier de Woody Allen ou de la Nouvelle Vague, version François Truffaut ou Eric Rohmer ? Non merci, s’il ne cache pas ses influences, je ne me suis jamais ennuyée à l’un de leurs films comme ici, où l’on se demande quel est le sens de cette comédie sur la difficulté d’accepter le temps passe et dont le scénario et les dialogues ne permettent pas d’apprécier la profondeur du sujet. Même si les acteurs jouent bien, ils sont caricaturaux et le film semble beaucoup plus long qu’il ne l’est. Dommage pour l’élégant réalisateur new-yorkais qui affiche une quarantaine intelligente à la présentation de son nouveau film entre autres, au début du mois à Bruxelles où il était l’invité de Bozar et de la Cinematek qui lui consacrent une ‘carte blanche’ et dont nous avions aimé « Frances Ha ».
« Amy Winehouse » de Asif Kapadia avec Amy Winehouse, Mark Ronson, Tony Benett, etc. Durée : 2h07’
Excellent documentaire sur une chanteuse dont, certes, je connaissais quelques chansons incontournables mais dont je n’avais qu’une piètre image, celle, je l’avoue, livrée par les médias à la fin de sa (courte) vie… Mis à part sa voix, son style, sa maturité unique en la matière digne des plus grandes telles, Billie Holiday ou Ella Fitzgerald à qui on n’hésite pas à la comparer à raison, nous découvrons une fille à la personnalité incroyable, attachante, émouvante qu’on espère tout au long du film sortir de l’impasse terrible où elle s’est mise alors que l’on connaît évidemment la funeste fin…
Voilà de quoi redonner sa place à ce talent exceptionnel entre tous, comme le XXIe s. n’en a pas encore connu d’autres… A voir/écouter/réécouter.
« Examen d’Etat » de Dieudo Hamadi. Durée : 1h32’
Comment le réalisateur est-il arrivé à tourner sur ce sujet avec l’appui et la complicité de tous les ‘acteurs’ est la première question qui nous vient à l’esprit pendant le déroulement du film. Magnifiquement tourné, ce documentaire qui parle de la difficulté de la majorité des étudiants d’un collège de Terminale à Kisangani en RDC à obtenir leur bac et encore, de la corruption, de la débrouille, du faux combat, des superstitions, de l’Eglise, des sorciers, de la triche mais surtout de l’énergie déployée à mauvais escient, de la naïveté de cette génération tellement forte, belle et pleine d’espoir est aussi intéressant que désolant et triste… Accablant constat d’un Congo qui a pourtant tous les atouts en main pour s’en sortir à condition d’ouvrir les yeux et de se prendre un minimum en main en écoutant ceux qu’il faut écouter et non les populistes, dictateurs, évangélistes et autres zoulous dont ce pays pullule… Métaphore au niveau scolaire de ce que représente la société congolaise dans beaucoup d’autres domaines, pour ne pas dire tous… Un documentaire qui fait réfléchir plus que tout ce qu’on peut lire sur le sujet.
On en ressort aussi indigné que les étudiants… avant l’obtention de leur diplôme !
QUELLE(S) TOILE(S) SE FAIRE CET ETE A BRUXELLES ?
DIFRET de Zeresenay Mehari sur la condition de la femme en Ethiopie interprétée par deux comédiennes inouïes, Tizita Hagere dans le rôle de la jeune Hirut et Meron Getnet, dans celui de son avocate. Enlevée au retour de l’école par des hommes à cheval qui surgissent de la plaine, Hirut, ravissante écolière de 14 ans est enfermée puis violée par son futur mari qu’elle n’hésite pas à tuer quand, par négligence de la part de son bourreau, l’occasion se présente. Un film que l’on a pu découvrir à l’excellent Festival américain du Film Indépendant, Sundance et qui, s’il traite d’une tradition en Ethiopie -l’enlèvement de la fiancée par le prétendant- est sujet à polémique. Angelina Jolie, la productrice de « Difret » est sévèrement critiquée par l’Ethiopienne Aberash Bekele qui affirme qu’on s’est servi de son histoire pour faire un film qui lui fait courir des risques inconsidérés. Durée : 1h39’
QUE HORAS ELA VOLTA ? (traduit en français par UNE SECONDE MERE), une comédie sociale brésilienne de Anna Muylaert avec la très populaire Regina Casé dans le rôle de la bonne, Karine Teles dans celui de la patronne, Lourenço Mutarelli, le fils des patrons et Camila Mardila, la fille de la bonne qui, après une enfance dans le Nordeste loin de sa mère qui s’est sacrifiée pour qu’elle puisse avoir une éducation, décide de se présenter au concours de la FAU, faculté d’architecture de Sao Paulo, la ville où l’histoire se déroule. La réalisatrice d’origine belge qui a bien connu cela puisqu’elle est issue de ce milieu très privilégié aborde de manière intelligente, subtile et juste les rapports sociaux au sein de ce pays où le fossé entre riches et pauvres est encore immense et accepté. Un sujet qui n’aurait pas été traité sans tout ce que la gouvernance de Lula a apportée et qui transparaît au fur et à mesure du déroulement du film. Des lois tacites et invisibles, une éducation réservée à l’élite qui devront un jour forcément changer. Durée : 1h54’
Et encore
– MES SEANCES DE LUTTE de Jacques Doillon avec Sara Forestier et James Thierrée
– EN EQUILIBRE de Denis Dercourt avec Cécile de France et Albert Dupontel
– CITIZENFOUR un documentaire de Laura Poitras sur l’affaire Snowden
– DANNY COLLINS de Dan Fogelman avec Al Pacino en vedette de la chanson sur le retour. Le cinéma américain indépendant que l’on aime
– BELLE de Amma Asante sur l’esclavage dans l’Angleterre du XVIIIe s. avec Gugu Mbatha-Raw, révélation du film
– LA LOI DU MARCHE de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, sacré Meilleur Acteur au dernier festival de Cannes
– FLUIDE COMME UN AVION de Denis Podalydès avec Sandrine Kiberlain
Et si vous ne l’avez pas encore vu
– TOUS LES CHATS SONT GRIS premier excellent long métrage de notre compatriote Savina Dellicour avec Bouli Lanners, Anne Coesens et Manon Capelle
QUINZAINE des REALISATEURS à FLAGEY du 3 au 5/07
Présentation d’une sélection faite dans la fameuse section parallèle du Festival de Cannes. J’ai relevé pour vous MUSTANG de la réalisatrice turque Deniz Gamze Ergüven et MUCH LOVED de Nabil Ayouch qui traite d’un thème interdit au Maroc à savoir la prostitution.
www.flagey.be/www.cinematek.be
CINEMA GALERIES L’heure d’été à Bruxelles-les-Bains et dans ses salles
IN & OUTDOOR FILM FESTIVAL du 3/07 au 9/08
où le cinéma canadien sera entre autres mis à l’honneur avec Xavier Dolan
EXPOSITION « From Film to Poster » by Amira Daoudi jusqu’au 28 juillet 2015
Cinéma Galeries
26, Galeries de la Reine
B-1000 Bruxelles
www.galeries.be
ENFIN UN SPECTACLE DE DANSE A NE PAS RATER
BABEL (WORDS) du chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui réalisé avec le danseur Damien Jalet dans un décor du célèbre artiste britannique Anthony Gormley
Halles de Schaerbeek jusqu’au 4/07
Tél. : +32 2 218 21 07
www.hallesdeschaerebeek.be
BRUSSELS FILM FESTIVAL
Fidèle à son image de découvreur de films européens, ce festival nous offre une sélection d’une centaine de films, courts et long métrages de fiction sélectionnés dans plus de 50 pays avec au programme, une dizaine d’avant-première, que nous aurons la chance de voir plus tard dans nos salles.
C’est “La Loi du marché” de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, qui vient de recevoir le Prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes, qui a inauguré le festival le vendredi 5 juin.
Depuis, j’ai vu
-“The President” de Mohsen Makhmalbaf : un chef-d’oeuvre sous forme de fable philosophique et religieuse. Des photos comme des tableaux. Et même de l’humour sur un sujet pourtant grave.
-“Asesinos inocentes” de Gonzalo Bendala : un très bon triller, drôle en plus, genre dans lequel excelle le cinéma espagnol.
-“Baby(A)lone” de Donato Rotunno : un film totalement inédit sur un thème difficile qui montre le Luxembourg sous un autre angle différent et édifiant. Direction d’acteurs époustouflante.
-“Un homme idéal” de Yann Gozlan : un polar aux accents hitchcockiens sur un thème littéraire interprété e.a. par Ana Girardot et Pierre Niney (César du meilleur acteur pour son rôle dans “Yves-St-Laurent“).
-“Fidelio” de Lucie Borleteau : excellente interprétation d’Ariane Labed sur une musique de Ravel qui se marie joliment à ce premier long métrage à la fois sentimental et sensuel.
-“Maraviglioso Boccaccio“, le dernier film des frères Taviani : célébration de l’amour intemporel au Moyen-âge en Toscane décliné en différents chapitres, à la fois littéraires et extrêmement cinématographiques.
Je vous conseille encore “1001 Grams” de Bent Hamer ce mercredi 10 à 20h Studio 1, ““Latin Lover” de Cristina Comencini ce jeudi 11 à 19h30′ Studio 1 et enfin “X+Y” de Morgan Matthews qui clôturera le festival ce vendredi 12/06 à 20h Studio 4.
L’invité d’honneur du festival est Jacques Doillon qui a donné une masterclass le lundi 8 juin à Flagey et à qui la Cinematek consacre une rétrospective cet été. Nous vous conseillons “La Drôlesse” (1979), “La Vie de famille” (1985) avec Juliette Binoche et Sami Frey, “Ponette” (1996) et, si cela ne vous suffit pas, “La Fille de 15 ans” (1989) avec Judith Godrèche et Melvil Poupaud, “La Vengeance d’une femme” (1990) avec Isabelle Huppert et Béatrice Dalle et enfin “Carrément à l’Ouest” (2001) avec Lou Doillon.
Et enfin pour vous restaurer rapidement entre les films, le restomobile EL CAMION : situé sur la place en face de l’entrée principale, à droite de l’écran gonflable où l’on vous servira des merveilles assorties de quelques vins de qualité bio, choisis et triés sur le volet comme les mets. Accueil personnalisé hyper sympathique, en plus. Une découverte. Sachez qu’ils ont aussi un resto fixe Le Garage-à-Manger 185, Rue Washington 1050 Ixelles Tél.: 02 880 67 74.
www.elcamion.be www.garage-a-manger.be
RIO, EU TE AMO
Composé par dix réalisateurs différents, entre autres les Brésiliens Vicente Amorim, Fernando Meirelles (« Cidade de deus »), Carlos Saldanha (« Ice Age »), José Padilha, le Mexicain Guillermo Arriaga (« Los tres entierros de Melquiades Estrada »), l’Italien Paolo Sorrentino (« La Grande Bellezza »), l’Australien Stephan Elliott (« Queen of the Desert »), l’Américain John Turturro, le Coréen Im Sang-soo (« The Housemaid »), la Libanaise Nadine Larbaki (« Caramel ») avec Fernanda Montenegro, Rodrigo Santoro, Tonico Pereira, Emily Mortimer, Laura Nelva, Vincent Cassel, John Turturro, Vanessa Paradis etc. Durée : 1h50’
A la suite de Paris (2006), New York (2009) et La Havane (outsider), voici Rio, le troisième volet de la série « Cities of Love » produit par Emmanuel Benbihy.
Quelques grandes pointures du cinéma ont réalisé des courts-métrages, de qualité inégale, comme toujours dans ce genre de formule sauf que les surprises sont amusantes et l’envie de deviner quel réalisateur se cache derrière telle ou telle séquence est irrésistible. Certains sont vraiment excellents, en plus d’être touchant et extrêmement drôle comme « O Milagre » de Nadine Labaki, intense et magnifique comme « Pas de deux » de Carlos Saldanha, intéressant comme « Texas » de Guillermo Arriaga, agréable et musical comme « Quando nao ha Mais Amor » de John Turturro, original et étonnant comme « Acho que Estou Apaixionado », de Stephen Elliott, intriguant comme « O Vampiro do Rio » de Im Sang-soo, ou encore tourné sous une très belle lumière comme « Dona Fulana » de Andrucha Waddington mais aussi, très décevant comme « A Musa » de Fernando Meirelles qui commençait pourtant bien… mais je vous en ai déjà dit trop !
C’est vrai que le tout baigné de vues exceptionnelles (un peu trop belles et répétitives) et de cette musique extrêmement douce et envoûtante -le film commence et se termine avec le merveilleux Gilberto Gil- en font un album presque publicitaire de la ville, surtout si l’on pense aux JO qui s’y dérouleront bientôt…
Mais, ne boudons pas notre plaisir car, pour qui connaît un peu la culture brésilienne, bien différente du reste de l’Amérique hispanophone, le film est plus profond qu’il n’y paraît et traduit souvent de manière intelligente et subtile cette mentalité très particulière qui font des Brésiliens et encore plus des Cariocas, des gens à part dans ce monde latin…
Un film qui est à mes yeux comme une déclaration d’amour à la ville où les histoires, les paysages et les amours (et certes quelques clichés aussi) se croisent… pour notre grand bonheur !
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RETROSPECTIVE HOU HSIAO-HSIEN jusqu’au 28 juillet 2015
Plus de 50 films, invités et conférences
www.cinematek.be
Tout a commencé pour moi par un dilemme où je devais choisir le même soir entre deux films à savoir, la Cinematek avec la dernière projection de « A summer at grandpa’s » introduit par Chu Tien-Wen, la coscénariste du film et Flagey où se donnait « A time to live, a time to die » en présence du réalisateur lui-même.
Avant de vous dire ce que j’ai choisi et pourquoi, je dois présenter pour ceux qui ne le connaissent pas Hou Hsiao-Hsien, le cinéaste de la Nouvelle Vague taiwanaise mais aussi, l’un des plus importants au niveau mondial, qui vient de recevoir à Cannes le Prix de la Mise en Scène pour « The Assassin » (passé en avant-première à l’UGC de Brouckère le 27 mai).
Si j’ai choisi « Un été chez grand-père », c’est pour le sujet : l’histoire de deux enfants qui doivent partir passer l’été chez leurs grands-parents car leur maman est malade. Ils prennent le train avec leur oncle, un joli-cœur accompagné de sa dernière conquête et les petites et grandes aventures commencent : échange entre enfants de tortues et de jouets, petits incidents et graves accidents qui tournent heureusement tous bien, ambiance familiale austère avec un grand-père, médecin de village plutôt sec, et une grand-mère plus douce, le tout effleuré, avec économie de mots depuis les nouvelles que l’on apprend par bribes de l’état de santé de la maman à l’hôpital à Taipei qui se dégrade. Tung-Tung, petit garçon d’une dizaine d’années, attentif et concerné est le témoin de tout ce qui se passe.
Hou Hsiao-Hsien peint en douceur une tranche de vie parmi d’autres au cours d’un été champêtre dans une belle maison en bois (qui n’est plus qu’une ruine aujourd’hui), vestige du passé de Taipei, cette ville prise en étau entre cultures japonaise et chinoise, en quelques traits judicieux de pinceau jusqu’au coup de fil qui annonce que la mère est sauvée, alors qu’on présageait le pire. Le film se termine alors comme l’été où les seuls véritables mots prononcés ont été ceux des adieux de Tung-Tung à ses amis.
Difficile de ne pas être séduit par cette fresque presque impalpable d’un monde, d’une culture, d’une société où tout nous échappe, à commencer par le manque de démonstration affective entre ses protagonistes.
Et en tous cas, l’envie de poursuivre et voir les autres films de ce réalisateur, reconnu à raison comme le plus illustre représentant de la Nouvelle Vague taiwanaise qui a puisé son inspiration chez ses célèbres sœurs européennes : française, italienne, allemande….
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REFUGIADO de Diego Lerman avec Julieta Diaz, Sebastian Molinaro, Marta Lubos, etc. Durée : 1h33’
C’est l’histoire de Laura, une femme battue qui décide soudain après des années de ‘ patience’ de fuir la violence conjugale avec son petit garçon de 7 ans et … son gros ventre. Un film qui vous tient en haleine du début à la fin, où rien n’est visible mais tout est suggéré de manière très subtile et pesante à la fois, en accord avec ce sujet terrible qu’on ne peut ignorer quand on connaît le pourcentage énorme de femmes dans le monde qui subissent cela au quotidien. Un film qui porte bien son nom de ‘drame’…
LA TIERRA ROJA de Diego Martinez Vignatti avec Geert Van Rampelberg, Eugenia Martinez, Jorge Aranda, etc. Durée : 1h45’
Un film qui dénonce combien l’Argentine est totalement dépendante des OGM depuis 20 ans et dont la terre aujourd’hui est littéralement empoisonnée, à travers l’histoire d’un Belge expatrié exploitant des terres pour le compte d’une multinationale, dans la région de Missiones au nord du pays. Troisième long métrage de ce réalisateur argentin, belge d’adoption depuis 20 ans, qu’on a connu comme directeur de la photographie des mémorables « Japon » ou « Batalla en el cielo » du Mexicain Carlos Reygadas avant de réaliser lui-même « La Marea » en 2007 et « La Cantante de tango » en 2010.
Diego Martinez Vignatti signe un film ambitieux, complexe qui a certes ses faiblesses mais dont le sujet est incontournable. Notons qu’il a reçu le soutien de l’Institut de Cinéma argentin, ce qui n’est pas anodin !
INTERVIEW CINEMA SAVINA DELLICOUR,
REALISATRICE DE « TOUS LES CHATS SONT GRIS »
Attention nouveauté:
Possibilité d’organiser pour les lecteurs de Quovadisart une rencontre/discussion avec la réalisatrice après avoir convenu d’un jour pour aller voir le film qui se joue pour le moment à l’UGC Toison d’Or (haut de la ville) et à l’Actor’s Studio (bas de la ville).
Premier long-métrage de Savina Dellicour, co-scénarisé avec Matthieu de Braconnier avec dans les rôles principaux : Bouli Lanners, Anne Coesens, Manon Capelle, etc.
Durée : 1h25’.
Formée à l’IAD à Bruxelles et partie compléter sa formation d’un Master en réalisation à la National Film & Television School à Londres (1 an d’examen d’entrée avec au final 6 candidats sélectionnés), Savina Dellicour, la belle trentaine a l’esprit vif et l’intelligence des grands. Comme je ne veux pas vous raconter l’histoire de ce film sensible et attachant, voici en une ligne son propos : une jeune fille part à la recherche de son père biologique. Sacré pari quand on apprend que le détective interprété magnifiquement par Bouli Lanners est le point de départ du scénario.
Comment raconter une histoire au cinéma ?
« C’est très difficile. Il faut veiller à garder sans cesse l’attention du spectateur en éveil. Comme quand on raconte une histoire à des enfants. Mon père me racontait beaucoup d’histoires quand j’étais petite, des histoires dont j’étais le héros et je crois que cela m’a appris plein de choses. Durant la réalisation, je me pose régulièrement la question de savoir si je ne savais rien de l’histoire que je suis en train de raconter, qu’est-ce que je comprendrais ? Ai-je assez d’éléments pour suivre le fil ? L’enjeu est simple : comment intéresser les autres à une histoire que moi, je connais d’un bout à l’autre.
Pour « Tous les chars sont gris », je voulais faire un film sur un personnage solitaire, j’aimais le point de vue du détective, celui qui cherche la vérité. Mettre dans une histoire ce questionnement identitaire, comme dans une psychanalyse où l’on cherche à comprendre son histoire, celle de ses parents, de sa famille. Je me suis documentée sur le sujet en lisant e.a. le livre d’une détective américaine qui explique en quoi consiste le métier de l’autre côté de l’Atlantique où l’essentiel concerne la recherche de « missing persons » alors qu’en Europe, c’est plus glauque, genre problème d’adultères, de pensions alimentaires, etc. Tout est donc parti de là et mon travail dans ce film s’apparente à celui de mon personnage Paul Daens, détective privé, sans oublier le petit clin d’œil humoristique avec le cousin déguisé en Sherlock Holmes pour détendre l’atmosphère ! »
Vous avez étudié sous la tutelle de Stephen Frears. Qu’avez-vous appris avec lui ?
« Il est très désarçonnant pour les journalistes mais pour les élèves, moins. Ce n’est pas quelqu’un qui va vous faire un cours dans une classe sur le cinéma, il travaille à l’instinct. Il tourne ses films et entretemps, il vient sur nos plateaux, regarde, donne des conseils pratiques. Je me souviens d’un jour, quand j’étais sur le plateau du tournage de son dernier film, où il m’a fait venir à l’endroit où il était pour me dire : « Voilà, tu vois d’ici, tu vois tout, ton regard englobe ça et ça, te permet de diriger ta caméra ainsi, etc. »
En Angleterre, on met plus l’accent dans l’enseignement sur l’apprentissage du métier dans tous ses aspects, la formation est plus large et complète qu’en Belgique où le scénario et la réalisation sont associés. En Angleterre, pendant mes études, j’ai dû réaliser des films d’autres réalisateurs. On se pose aussi beaucoup de questions sur la mise en scène, etc. Stephen Frears m’a appris à sentir les choses. Il m’a fait comprendre que c’est un art, une discipline de gens intelligents en précisant : « Tu dois t’entourer sur le plateau de gens intelligents. Un film est façonné par tous les gens qui font le film avec toi. » Le réalisateur doit s’adapter aux acteurs. Certains doivent être assurés, d’autres laissés à eux-mêmes, d’autres sans cesse dirigés, etc. Les costumes aussi ont de l’importance et permettent de rentrer dans la peau du personnage. Cet aspect humain, c’est tout ce que j’aime dans le cinéma et qui rend ce métier passionnant, donne une ambiance extraordinaire. Il y a beaucoup de chaleur dans la fabrication d’un film. »
Quelles sont vos références cinématographiques ?
« David Lynch est un réalisateur que j’admire beaucoup. On peut regarder ses films les yeux fermés ! Le son m’a toujours intéressée. On peut contraster une image par le son. Le son ne passe pas par l’intellect alors que l’image, oui. On peut rajouter beaucoup avec un bruit, influencer le spectateur, etc. C’est l’une des différences majeures entre le cinéma commercial et le cinéma d’auteur, où il est le plus discret possible. Nous avons une oreille intelligente qui fait le tri entre le son principal et les autres périphériques, perturbateurs ou autres. Le micro, lui n’est pas ‘intelligent’. Il capte tout avec la même fréquence. Le montage son d’un film prend autant de temps que le montage image. On parle de lissage. J’admire aussi beaucoup le cinéma de Atos Agoyan, « Exotica », fascinant pour n’en citer qu’un. J’aime regarder aussi des séries télés américaines où je trouve narration et créativité. J’ai aimé la série de Jane Campion « Top of the Lake » en 6 épisodes. Dernièrement, j’ai adoré « Une Séparation », « Boyhood », « Mummy », « Timbuktu » où j’ai pleuré d’un bout à l’autre en pensant au Mali que j’ai connu dans mon enfance… »
Et vous, jeune réalisatrice, quelle serait votre leçon de cinéma en quelques clefs ? Celle que vous donneriez à des spectateurs ou à des enfants ?
« 1- Prêtez attention au son ! Essayez de trouver des films où la bande son est particulièrement développée, où l’on y a attaché de l’importance car ce n’est pas toujours le cas…
2- Cherchez à raconter des histoires. Ne réalisez pas un film comme un bonbon qu’on suce où le plaisir est immédiat mais ne débouche sur aucune réflexion après… Un bon film vous reste à l’esprit et se digère parfois pendant plusieurs jours, des semaines, des mois, une vie pour les meilleurs !
3- Essayez d’être dans le ressenti. Eduquer le public, non ! Mais toucher au vivant, à l’attachant. Si «Tous les Chats sont gris » peut par exemple apporter sa petite goutte d’eau dans la complexité et la difficulté des rapports psychologiques humains, j’aurais atteint mon objectif. Si, après l’avoir vu, il pouvait susciter quelques discussions sur tel ou tel problème familial personnel, ce serait merveilleux pour moi. J’aurais l’impression d’avoir fait mon boulot. Ici, dans le cas de la mère, elle croit que le scénario qu’elle a inventé est le meilleur pour sa fille Dorothy et elle se trompe mais elle n’était pas capable d’en changer. Le film montre combien il faut se méfier du « stick to the script », qu’il faut essayer de se mettre à la place de l’autre et être le plus clair et explicite possible au risque de faire des ravages… »
« ADIOS CARMEN » de Mohamed Amin Benamraoui
Avec Paulina Galvez dans le rôle de Carmen, Amanallah Benjilali, Said Marssi, Juan Esterlich, etc . Durée : 1h43’
Mention spéciale pour ce premier film en langue berbère -phénomène suffisamment rare pour être souligné d’emblée- dont la bande son a été prise à Nador et les images à Asilah, cette ravissante station balnéaire sur la côte atlantique à une cinquantaine de km au sud de Tanger. Un sujet autobiographique qui touche à de nombreuses problématiques de ce pays complexe, sur lequel il y a beaucoup à dire, qui aborde de façon subtile et intéressante autour du thème principal de l’abandon, d’autres thèmes aussi essentiels que la violence, la condition des femmes, la politique, l’histoire, la pédophilie, etc. Le film a été sélectionné en 2013 au Festival International du Film de Dubaï et a obtenu en 2014, le prix du Jury au Festival du Cinéma méditerranéen à Bruxelles. Un film difficile à faire encore aujourd’hui au Maroc qui suscite le dialogue et l’ouverture, à l’image de son réalisateur et de l’équipe qui l’entoure aussi modeste que touchante. J’ai été séduite et il faut encourager ce genre de projet indispensable à notre culture cinématographique actuelle!
LE GRAND CAHIER de Janos Szasz avec Andras Gyémant, Laszlo Gyémant, Gyöngyvér Bognar, 2013. Durée : 110’
Si l’on peut féliciter le directeur de la photographie pour son excellent travail tant du point de vue de la lumière que du sujet et des cadrages, le compositeur pour la musique contemporaine originale qui rythme le film d’un bout à l’autre, si l’on peut encore admirer la remarquable interprétation des deux frères jumeaux et de la grand-mère, on ne peut malheureusement dire de même pour le réalisateur qui aborde le sujet de manière lourde, pesante, triste, sans espoir surtout.
Le scénario tient en quelques lignes : pour échapper à la guerre en ville, les jumeaux sont envoyés chez leur grand-mère à la campagne. Une grand-mère horrible, aussi grosse que revêche, cruelle et ingrate. J’ai bien aimé le cahier confié par le père aux enfants dans lequel ils inscrivent et dessinent leur vie au quotidien si rude, pendant qu’ils n’ont aucune nouvelle de leurs parents… Certes, il sera toujours essentiel de parler de la Seconde Guerre Mondiale en Hongrie ou ailleurs et de toutes les guerres quelles qu’elles soient pour ne jamais oublier qu’il faut tout faire pour les éviter mais si ici, la peinture est certainement très réaliste, elle est trop âpre pour nous faire rentrer dans l’histoire. On se croirait presque dans le misérabilisme des Rougon Macquart sans le génie de la plume d’Emile Zola… Une dernière chose importante à dire pour ‘sauver’ ma critique : j’ai été sur recommandation d’un cinéphile qui avait lui beaucoup aimé le film ! Réalisé par une grande pointure du cinéma hongrois, « Le Grand Cahier » a été couronné d’un prix en Hongrie. Comme quoi, tout cela est très subjectif…
7 séances en avril à consulter sur www.flagey.be
FESTIVAL MILLENIUM
Le festival international du documentaire vient d’avoir lieu la semaine dernière dans divers lieux bruxellois. Si l’on veut essayer de comprendre le monde, l’appréhender, le connaître, tout simplement le voir, le documentaire est plus que jamais un genre indispensable. 70 cinéastes issus des quatre coins du globe nous ont offert pendant une semaine le meilleur de la création cinématographique contemporaine.
J’assistais samedi soir au Cinéma Galeries à la remise des prix suivie de la projection du gagnant : « TOTO AND HIS SISTERS » du réalisateur roumain Alexander Nanau. Un film exceptionnel à tous points de vue qui mérite haut la main l’Objectif d’Or octroyé à l’unanimité par le jury ! Avec retenue et intelligence, le réalisateur nous ‘invite’ dans le quotidien d’une famille rom, en marge de la société. La mère est en prison, ses deux filles de 16 & 14 ans tentent tant bien que mal de s’en sortir entre leurs jeunes oncles et leurs ‘amis’ dealers et héroinomanes qui squattent leur appartement et Totonel, leur petit frère de 10 ans. Un drame tissé de tristesse et parfois d’espoir, peint avec finesse, jamais trop appuyé, sans complaisance non plus, bref au ton et à la caméra d’une parfaite justesse. Regard unique, intense et profond qui force le respect pour ce réalisateur dont il faut absolument retenir le nom.
Autre expérience, autre impression… « LA CORDE DU DIABLE » de Sophie Bruneau qui traite du fil barbelé qui ne servait au départ que pour le bétail et a été rapidement utilisé par l’homme à des fins peu reluisantes.
La réalisatrice belge, anthropologue de formation a « intellectualisé » le propos pour se perdre au propre, comme au figuré, dans diverses références tant philosophiques que cinématographiques et photographiques. Aucune humanité dans ce documentaire où l’on s’ennuie cruellement du début à la fin. Le film dure 1h28 ‘ et on l’impression qu’il dure 3h … Triste constat car le sujet traité a le mérite d’être original et les paysages sont magnifiques. Elle a choisi de construire un film sur un travelling qui va d’est en ouest, de gauche à droite et qui suit des dizaines de fils barbelés aux USA (l’inventeur du fil barbelé), plus précisément dans les Etats du Nebraska, Oklahoma, Nouveau Mexique, Texas, etc. avec quelques témoignages censés donner vie au documentaire. On s’étonne à peine après la projection d’entendre la réalisatrice avouer : « Je déteste voyager. Je n’’y vais que contrainte et forcée »…
Si certains critiques ont vu dans l’Amérique de Sophie Bruneau, la métaphore du monde d’aujourd’hui, je m’insurge pour dire non, l’Amérique ne peut être réduite à ce documentaire mortifère où trop de références ont plombé le projet alors que les interrogations à l’origine du film auraient peu donner un tout autre résultat. Dommage.
Les autres prix comme le prix spécial du Jury a été attribué à « MY LOVE DON’T CROSS THAT RIVER » du réalisateur coréen du sud, Jin Mo-young et L’Objectif de Bronze et Prix du Public pour « L’HOMME QUI REPARAIT LES FEMMES » de Thierry Michel et Colette Braeckman projeté à Flagey en présence du gynécologue Denis Mukwege devant une salle comble et qui sortira en salle le 15 avril.
Programme complet disponible sur www.festivalmillenium.org
Virginie vous conseille cette semaine: Patience, patience, t’iras au paradis*** – The Riot Club***; – Les Règles du jeu – Le dernier coup de marteau** – Selma** – The Voices* – L’Art de la fugue – Electro Chaabi**** ;
Patience, patience, t’iras au paradis*** de Hadja Lahbib. Un documentaire intelligent sur les femmes marocaines immigrées de la génération des parents de la réalisatrice/journaliste, arrivés en Belgique dans les années 1960. (1h25′)
The Riot Club*** de Lone Scherfig qui, depuis un cercle de la prestigieuse université d’Oxford, dépeint avec acuité la haute société anglaise. Aussi réaliste qu’arrogant et remarquablement interprété. (1h46′)
Les Règles du jeu de Claudine Bories et Patrice Chagnard qui analysent le monde de l’entreprise à travers les yeux de quatre jeunes qui cherchent un job dans le nord de la France. Un bon mais affligeant documentaire social. (1h46′)
Le dernier coup de marteau** de Alix Delaporte. Un mélodrame sensible et tout en retenue qui traite entre autres de la relation père-fils dans des paysages remarquables qui valent peut-être déjà à eux seuls le déplacement. (1h22′)
Selma** de la réalisatrice Ava DuVernay. Un film politique édifiant, filmé malheureusement de manière extrêmement classique, qui retrace de manière plutôt objective un épisode de la vie de Martin Luther King. (2h08′)
The Voices* de la réalisatrice franco-iranienne Marjane Satrapi qui avait rapidement connu la gloire avec sa BD ‘Persepolis’, adaptée à l’écran quelques années plus tard avec un succès retentissant. Un film d’un tout autre style (impossible à définir) dont on s’interroge sur la raison d’être… Avec la sensuelle gemma Arterton dont on ne peut malheureusement pas apprécier les formes voluptueuses car elle est réduite à une tête qui parle! (1h43′)
L’Art de la fugue de Brice Cauvin, une comédie qui arrive à l’écran 3 ans après le tournage et qu’on aurait sans doute dû garder dans les placards… Avec un bon casting, ce film aborde l’histoire d’une famille qui n’arrive pas à nous convaincre. Le scénario est faible et l’on s’ennuie même malgré la présence de la sympathique Agnès Jaoui qui malheureusement prend 10kg à chaque film. (1h38′)
Electro Chaabi**** de Hind Meddeb, la jeune réalisatrice/reporter/journaliste et chroniqueuse dans la matinale de France Musique qui signe ici son deuxième long métrage. Un documentaire exceptionnel qui suit des musiciens issus des quartiers les plus populaires du Caire, inventeurs d’un nouveau genre musical.
Ils mélangent chansons populaires, beats électro et freestyles en les scandant à la manière du rap.Le résultat? Une ambiance à la fois de fête et de contestation sociale qui enflamme dans la rue la jeunesse égyptienne avant et après le Printemps arabe.
Quarante ans après sa naissance aux Etats-Unis, les nouvelles stars de l’Electro Chaabi font revivre les origines du hip hop en réalisant cette musique engagée et contestataire qui dénonce les injustices et discriminations en tous genres. Un film extraordinaire plein d’énergie, d’enthousiasme et de vérités qui, à l’heure de la peur et de la phobie de l’islam devrait passer dans toutes les salles et être obligatoire! (1h17′)
J’ai vu beaucoup de films ces deux dernières semaines à commencer par
–Turist *** du réalisateur suédois Ruben Östlund qui dépeint en plusieurs chapitres la décomposition d’un couple pendant leurs quelques jours de vacances dans les Alpes françaises. Images parfaites, cadrage impressionnant, scénario intéressant, personnages qui ressortent de manière intelligente d’un décor magnifique que le réalisateur connaît bien pour avoir commencer sa carrière dans les années 90 en réalisant des films de ski! Tout est donc réuni pour faire de ce film un petit chef-d’oeuvre sauf que pour moi, les choses restent trop effleurées pour qu’il prenne une autre dimension plus subtile, profonde et psychologique. N’y avait-il pas moyen d’en profiter pour aborder un réel phénomène de société actuel, à savoir les problèmes psychologiques dans les pays riches qui prennent le pas sur le reste? Et nous montrer combien nous sommes, nous les adultes, plus des ‘enfants gâtés’ qu’autre chose?
J’avais à mon avis trop d’attentes par rapport à cette “snow therapy” et j’ai été malheureusement un peu déçue…
Avec Johannes Kuhnke, Lisa Loven Kongsli, Krisofer Hivju, etc. Durée: 1h58′
–Le Meraviglie* de Alice Rohrwacher qui remporta le prestigieux Grand prix du Festival de Cannes en 2014, octroyé souvent à un film différent, hors genre. En abordant des thèmes essentiels comme l’enfance, la famille, la fraternité, la générosité, le lien à la nature, l’autorité paternelle, la féminité, etc. la réalisatrice nous livre une fable poético-romantique ambitieuse mais malheureusement trop longue, peu structurée et même ennuyeuse. Notons tout de même que j’ai croisé à la sortie du film des amis qui ont des ruches et font du miel. Ils avaient beaucoup aimé le film et surtout la façon très réaliste et vraie dont le thème était abordé. Il est vrai que la critique a été très diversifiée à son égard… On a dit entre autres qu’il avait séduit en premier lieu la présidente du Jury, Jeanne Campion ainsi que Sofia Coppola, l’une des co-jurés, dont c’est exactement le genre de films…
Avec Monica Belluci, Alba Rohrwacher, SamLouwyck, Sabine Timoteao. Durée: 1h51′
–Whiplash** de Damien Chazelle nous montre combien le monde de la musique est sérieux et exigeant,
encore plus s’il s’agit de musique classique ou de jazz. Whiplash est donc un film sur la musique mais surtout sur les rapports entre le maître et l’élève, le premier qui veut sortir le meilleur du second en prenant le risque d’aller jusqu’à son lynchage moral et psychologique et le second qui est prêt à tout pour arriver dans la cour des grands, au risque d’y perdre sa vie et son âme. On est très proches ici des rapports entre le sportif et son entraineur. Une relation amour/haine ambigüe et complexe entre le bourreau et sa ‘victime’ qui peut tourner mal… Quand on sait que le réalisateur est passionné de musique, batteur lui-même et connait les rapports pervers qui peuvent naître de cette relation dominant/dominé, on comprend mieux comment il a réussi l’adaptation à l’écran de ce monde où l’on ne fait de cadeau à personne. Un film où l’on est ‘sous tension’ du début à la fin et auquel les dialogues travaillés au cordeau ajoutent leur note. Une interprétation remarquable de Andrew, le jeune musicien (Miles Teller) face à Terence Fletcher, chef du Studio Band de la Shaffer Academy (J.K. Simmons) achève peut-être de convaincre qu’ “il vaut mieux mourir à 35 ans et devenir une légende qu’à 90 ans, oublié de tous“… Un bémol malgré tout au niveau du scénario trop léger, genre opérette plutôt qu’opéra.
Avec J.K. Simmons, Miles Teller, etc. Durée: 1h46′
–Kingsman*** de Matthew Vaugh est un film très british (rien que les accents déjà sont savoureux), plutôt old fashion dans la première 1/2h mais qui très vite prend une dimension spectaculaire aussi farfelue que distrayante. Les scènes d’action sont représentées dans un délire de mise en scène tout en couleurs et effets spéciaux avec quelques chorégraphies dans la veine d’un film de Kung-fu version “Hero” de Zhang Yimou. Voilà une satire du film d’espionnage à la James Bond, revu et corrigé e.a. sous l’étiquette des Chevaliers de la quête du Graal (les espions portent leurs noms: Lancelot, Galahad, etc.) et associée à celle des costumes sur mesure de la célèbre et extrêmement chic rue londonienne, mondialement connue pour ses tailleurs de costumes sur mesure qui cachent à merveille sous leurs nobles matières toutes les qualités de la haute société britannique: éducation, bonnes manières, réserve, flegme et excentricité.
On s’amuse beaucoup mais avec 30′ de moins au montage, le film aurait certainement gagné une étoile…
Avec Colin Firth, Samuel L. Jackson, Michael Caine, Taron Egerton, Sofia Boutella, etc. Durée: 2h09′
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RELATOS SALVAJES de Damian Szifron avec Ricardo Darin, Oscar Martinez, Leonardo Sbaraglia. Durée: 122
Qu’on l’ait traduit par “Les Nouveaux Sauvages” -j’aurais préféré “Les Contes Sauvages”- ou “Wild Tales” en anglais, le film du réalisateur argentin est le must à voir cette semaine et… toutes celles qui viennent!
Six courts-métrages qui décoiffent produits par les frères Almodovar, Pedro et Augustin (qui est le producteur de tous les films de son frère depuis des années) et qui sont des peintures ‘juste un peu’ exagérées, caricaturées de Monsieur ou Madame tout le monde latino-américain ou non qui, un jour, trouve le moyen de se venger de tout ce que la vie nous fait avaler comme injustices au quotidien.
La réussite est à la hauteur de l’exercice extrêmement difficile car c’est comme si le réalisateur avait filmé six longs métrages, tant mettre en place à chaque fois une nouvelle histoire est un challenge. Comme écrire une nouvelle en littérature où l’on doit arriver à tout dire en quelques pages est réservé aux plus grands écrivains. Ici, le réalisateur n’a que quelques minutes pour nous montrer toutes les facettes de son talent.
“The Disappearance of Eleanor Rigby: Her/Him” de Ned Benson avec Jessica Chastain dans le rôle d’Eleanor, James McAvoy dans le rôle de Connor, Isabelle Huppert, William Hurt, Ciaran Hinds, etc. Durée: 1h59′
-“Timbuktu” du réalisateur et producteur mauritanien Abderrahmane Sissako, fidèle à lui-même dans sa façon de traiter un sujet d’une actualité brulante de manière intelligente et touchante avec un sens de la photographie hors pair, des paysages et des acteurs qui font du x ème long métrage de ce cinéaste engagé et très apprécié, un vrai chef-d’oeuvre. “Vie sauvage” Cédric Kahn / Mathieu Kassovitz (Paco), Céline Sallette (Nora), David Gastou (Okyesa), Sofiane Neveu (Tsali), Romain Depret (Thomas) ‘Vie sauvage’ door Cédric Kahn met Mathieu Kassovitz (Paco), Céline Sallette (Nora), David Gastou (Okyesa), Sofiane Neveu (Tsali), Romain Depret (Thomas), enz. Duur: 1 h 46′ De film begint meteen, dat is het minste wat men kan zeggen! Ze stoppen niet met lopen, in alle richtingen: in de velden, in het dorp, op het perron van het station, in het huis van de grootouders. Wij zijn moe in hun plaats. (Wat hebben de kinderen hiermee plezier moeten hebben bij het draaien deze scènes!) Een waargebeurd verhaal van een vader die ten gevolge de constante weigering tot onderhandelen van de moeder en het feit dat de rechtbank geen rekening houdt met de situatie van kinderen (zoals vaak het geval is), noodgedwongen is de situatie in eigen handen te moet nemen, op zijn eigen manier. Dan begint een avontuurlijk leven, hetzelfde als zij tot nu toe gekend hebben, behalve dat ze nu op de vlucht zijn voor de politie die hen achtervolgd ingevolge het besluit van de rechtbank. Ze moeten zich voortdurend aanpassen aan nieuwe omgevingen, nieuwe gezichten, enz. Een zeer moeilijk dagelijks leven (ze verhuizen de hele tijd), maar onder de vleugels van een uitzonderlijke, verantwoordelijke vader die alleen maar wenst dat zijn twee kinderen gelukkig zijn, door te ontkomen aan de ketenen van de consumptiemaatschappij. In afwachting daarvan zijn ze gelukkig met twee… Een vader die zijn kinderen zoveel essentiële dingen aanleert waardoor ze andere “wapens” bezitten om goed, en misschien zelfs beter te leven als met wat ze via het traditionele onderwijs zou aangeleerd hebben. En dit terwijl ze ‘thuis’ op school zijn, het is belangrijk dit te benadrukken. Een boeiende zowel psychologische als emotionele analyse, zonder enig oordeel, van een conformistisch samenleving, gebaseerd op een manier van leven in harmonie met de natuur zoals bij de Amerindianen, waarvan de kinderen ook hun voornamen hebben. Kinderen die in een andere wereld moeten opgroeien, met de aanvaarding van de regels van hun vader. Kinderen die zelf hun eigen referentiepunten moeten vinden. Een realistische voorstelling waar u kennismaakt met dezelfde problemen, met dezelfde valkuilen dan eender waar elders en waar de pubertijd ook tot opstanden kan leiden… En als wij u verder zeggen dat dit verhaal, vrij aangepast door Cédric Kahn, zich werkelijk heeft voortgedaan in Frankrijk gedurende 12 jaar, en werd co-geproduceerd door de broers Dardenne, zal u de geest van de film begrijpen. Zeker een andere film, maar oh zo boeiende. Te gaan kijken met uw kinderen, ongeacht hun leeftijd.
“Léviathan” de Andrëi Zviaguintsev avec Elena Lyadowa, Vladimir Vdovichenkov, Alesksey Serebryakov, etc.
“Bandes de filles” de Céline Sciamma avec Karidja Touré (Marieme/Vic), Assa Sylla (Lady), Lindsay Karamoh (Adiatou), Mariétou Touré (Fily), etc. Durée : 112′
Troisième et dernier épisode d’un cycle consacré à des portraits d’adolescents de la réalisatrice Céline Sciamma (1980, diplômée de la Fémis, la prestigieuse école de cinéma parisienne). Après “La Naissance des Pieuvres” (2007) qui intégra tout de suite la section cannoise “Un Certain Regard” et “Tomboy” (2011) qui eut beaucoup de succès en salle, la revoilà avec “Bande de filles” présenté encore à Cannes cette année, mais cette fois-ci dans la section “La Quinzaine des Réalisateurs”.
Marieme, tout juste 16 ans, fille colorée de la banlieue parisienne (tiens pourquoi en voit-on si peu à l’écran?) doit faire face à tout: l’école où on veut la mettre en filière technique, ses deux petites soeurs auprès de qui elle remplace une mère -fatiguée, peu disponible qui travaille comme femme de ménage dans les bureaux de la Défense- et un frère aîné autoritaire et agressif. Dans ce milieu, on s’assume très vite… On n’a pas vraiment le choix! Seule échappatoire, la rencontre avec une bande de 3 filles délurées (dont la 4e n’est plus là car tombée enceinte) qui cherche par tous les moyens recommandables ou pas, à rendre leur quotidien plus léger et supportable. Et aussi quelques beaux et rares moments avec le garçon de son âge, sain et mûr, dont elle tombe amoureuse.
Portrait réaliste, tout en justesse. Analyse qui ne tombe pas dans les clichés ou la thèse à démontrer, aussi bien joué que filmé (qu’est-ce qu’elles sont jolies, coquettes et soignées).
Le film se termine sur un plan qui pose implicitement la question de savoir si, au-delà de Marieme, qui a montré qu’elle avait suffisamment de tempérament pour, la communauté dont elle fait partie arrivera à échapper à sa condition sociale?
A voir avec nos adolescents pour leur ouvrir les yeux avec délicatesse.
“Bandes de filles” door Céline Sciamma met Karidja Touré (Marieme /Vic), Assa Sylla (Lady), Lindsay Karamoh (Adiatou), Mariétou Touré (Fily), enz. Duur: 112′
Derde en laatste aflevering van een cyclus gewijd aan portretten van adolescenten door regisseur Céline Sciamma (1980, afgestudeerd aan de Femis, de prestigieuze Parijse filmschool). Na “La Naissance des Pieuvres” (2007) die in Cannes onmiddellijk toetrad tot de sectie “Un Certain Regard” en “Tomboy” (2011) die een groot succes kende in de zalen, komt ze terug met “Bandes de filles” welk eveneens dit jaar in Cannes gepresenteerd werd, maar ditmaal in de sectie “La Quinzaine des Réalisateurs”.Marieme, net 16 jaar oud, allochtoon meisje in de Parijse voorsteden (waarom zien we er eigenlijk zo weinig op het scherm?) moet aan alles het hoofd bieden: de school waar ze haar willen plaatsen in de technische afdeling, haar twee kleine zusjes waarvoor ze een vermoeid en weinig beschikbare moeder moet vervangen die als poetsvrouw te werk gaat in de kantoren van La Défense, en een oudere broer die autoritair en agressief is. In zo’n omgeving moet je heel vroeg je eigen leven in handen nemen… Er is geen andere keuze! Haar enige manier om hieraan wat te ontsnappen, is de ontmoeting met een bende van 3 snuggere meisjes (waarvan de vierde er niet meer is wegens zwangerschap) die met alle middelen, goede en slechte, hun dagelijks leven wat lichter en verdraagzamer willen maken. En ook enkele prachtige en zeldzame momenten met de jongen van haar leeftijd, gezond en volwassen, van wie ze verliefd wordt.
Realistisch en nauwkeurig portret. Een analyse die geen cliché is en die ook geen stelling probeert aan te brengen, zo goed gespeeld als gefilmd (wat ze zijn mooi, stijlvolle en netjes).
De film eindigt op een plan dat impliciet de vraag stelt of, buiten Marieme die aangetoond heeft dat ze er genoeg temperament voor heeft, de gemeenschap waartoe ze behoort er zal toekomen om te kunnen ontsnappen aan zijn sociale status?
Te zien met onze tieners om hun ogen met delicatesse te openen.
de Stefan Liberski avec Pauline Etienne, Taichi Inoue, Alice de Lencquesaing, Julie Le Breton, etc. Durée: 94′
Qui n’a pas entendu parler d’Amélie Nothomb surtout depuis que son livre “Stupeurs et tremblements” fut porté magistralement à l’écran, il y a un peu plus de dix ans, par le réalisateur français Alain Corneau avec Sylvie Testud et Kaori Tsuji dans les rôles principaux ? Il racontait l’expérience professionnelle japonaise désastreuse, tellement éloignée des idées et clichés idylliques que l’écrivain se faisait de ce pays dont elle parlait parfaitement la langue, où elle était née et avait vécu les cinq premières années de sa vie.
On remet le sujet, cher au coeur de la romancière désormais mondialement connue, avec le réalisateur belge Stefan Liberski qui adapte à l’écran “Ni d’Eve ni d’Adam“, son seizième roman.
Amélie a 20 ans et la voilà de retour au pays de ses rêves. Elle met une annonce pour être professeur de français et tout s’enchaîne : Rinri, le seul et unique élève très séduisant, les cours théoriques qui se muent en balades dans la ville au bras du jeune homme qui devient son amoureux, les doutes qu’elle a au sujet de la famille de Rinri, de la “société secrète” dont il fait partie, ses fiançailles et la voilà, suite au terrible tsunami, remise contre son gré dans l’avion à destination de l’Europe. L’originalité de ce livre (et du film) est que l’action se situe avant, pendant et après “Stupeurs et tremblements” révélant une autre facette plus intime de cette même période de la vie d’Amélie Nothomb.
Stefan Liberski réussit une comédie fraîche aux couleurs de la merveilleuse Pauline Etienne -aux antipodes de Suzanne, le rôle principal qu’elle tenait dans “La Religieuse” de Guillaume Nicloux en 2013.
Tout est présenté avec subtilité, peint avec finesse au travers du visage (et du corps) très expressif de l’actrice. Rinri, joué par Taichi Inoue joue très bien aussi, surtout quand on sait que, bien que japonais, il connaîtrait presque aussi peu son pays que Pauline Etienne pour être né et avoir grandi à Londres.
Notons que la musique originale de Casimir Liberski, le fils et pianiste prodige de Stefan ajoute la touche indispensable pour faire de ce film une excellente comédie Made in Japan.
“Tokyo Fiancée “
door Stefan Liberski met Pauline Etienne, Taichi Inoue, Alice de Lencquesaing, Julie Le Breton, enz. Duur: 94′
Wie heeft niet horen spreken van Amélie Nothomb vooral sinds haar boek “Stupeurs et tremblements” een tiental jaren geleden meesterlijk werd overgebracht naar het scherm door de Franse regisseur Alain Corneau met Sylvie Testud en Kaori Tsuji in de hoofdrollen? Hij vertelde er de rampzalige Japanse professionele ervaring, zo ver van de idyllische clichés en ideeën die de schrijfster zich over dit land maakte. Zij werd er geboren en woonde er de eerste vijf jaren van haar leven, ze spreekt daarom ook perfect Japans.Men presenteert hier hetzelf onderwerp dat nauw aan het hart ligt van de inmiddels wereldberoemde schrijfster, met de Belgische regisseur Stefan Liberski die haar zestiende roman “Ni d’Eve ni d’Adam” voor het scherm heeft aangepast.
Amélie is 20 jaar en terug in het land van haar dromen. Ze plaatst een advertentie als lerares Frans en alles komt zo op gang: Rinri, de enige en zeer aantrekkelijke leerling, de theoretische lessen die geleidelijk aan evolueren tot wandelingen in de stad hand in hand met de jonge man die haar geliefde wordt, de twijfels die zij over de Rinri familie heeft, over de ‘geheime genootschap’ waarvan hij deel uitmaakt, haar verloving en het feit dat ze, naar aanleiding van de verschrikkelijke tsunami, tegen haar zin in een vliegtuig richting Europa wordt gezet. De originaliteit van dit boek (en de film) is dat de actie plaatsvindt vóór, tijdens en na “Stupeurs et tremblements” en zo een ander meer intiem facet van dezelfde periode in het leven van Amélie Nothomb onhult.
Stefan Liberski is er in geslaagd een frisse komedie te maken in de kleuren van de wonderbare Pauline Etienne – hier haaks tegenover haar rol van Suzanne in “La Religieuse” van Guillaume Nicloux in 2013. Alles wordt met subtiliteit gepresenteerd, geschilderd met finesse via het zeer expressief gezicht (en lichaam) van de actrice. Rinri, gespeeld door Taichi Inoue, is ook erg goed, vooral wanneer we weten dat, hoewel Japanner, hij bijna zo weinig van zijn land moet kennen als Pauline Etienne omdat hij in Londen geboren en opgegroeid is.
Er moet ook opgemerkt worden dat de originele muziek van Casimir Liberski, de talentvolle pianist en zoon van Stefan, de essentiële “touch” brengt aan deze film om er een uitstekende komedie Made in Japan van te maken.
“Locke” de Steven Knight avec Tom Hardy (Yvan Locke) et les voix de Ruth Wilson (Katrina), Olivia Colman (Bethan), Andrew Scott (Donal), Ben Daniels (Gareth), etc.
Voilà ce que j’appelle un bijou cinématographique, une oeuvre magistrale, même plus… un chef-d’oeuvre!
On passe 1h30′ dans une voiture à côté, devant, derrière le conducteur, un bel homme d’une petite quarantaine d’années, qui lui passe tout le film -un trajet sur la M6 en direction de Londres- à parler avec les personnes les plus importantes de sa vie tant professionnelle que personnelle. Un jeu époustouflant de vérité, de franchise, de sang-froid, de maturité qui nous laisse muet d’admiration. On ne s’ennuie pas une minute!
Je connaissais le réalisateur pour avoir vu et apprécié en 2002 “Dirty Pretty Things” dont il avait écrit le scénario, mis en scène par Stephen Frears et joué par Audrey Tautou. Un film couronné de plusieurs prix dont une nomination à l’Oscar du meilleur scénario original. Mondialement connu dans le milieu de la télévision pour avoir co-créé et scénarisé l’émission “Who Wants to Be a Millionaire ?” à la fin des années 1990, Steven Knight est aussi un homme de théâtre.
Je ne vous en dis pas plus sinon de… courir voir ce film unique entre tous.
“Locke” van Steven Knight met Tom Hardy (Yvan Locke) en de stemmen van Ruth Wilson (Katrina), Olivia Colman (Bethan), Andrew Scott (Donal), Ben Daniels (Gareth), enz.
Dit is wat ik een juweel, en zelfs een meesterwerk durf noemen!
We blijven anderhalf uur in een auto, naast, achter, voor de chauffeur, een knappe man van in de veertig, die de hele film durende traject, op de M6 in de richting van Londen, converseert met de belangrijkste mensen van zijn persoonlijk en professioneel leven. Een adembenemend spel van waarheid, openhartigheid, kalmte en volwassenheid die ons sprakeloos van bewondering achterlaat. Geen minuut tijd voor verveling!
Ik ken de realisator van “Dirty Pretty Things” een film uit 2002 die ik enorm heb geapprecieerd. Hij schreef het scenario, Stephen Frears realiseerd het en met Audrey Tautou in de hoofdrol. Een film bekroond door verschillende prijzen waaronder een benoeming voor de Oscar van de beste originele scenario. Steven Knight is ook internationaal beroemd in de wereld van de televisie als medeontwerper en -regisseur van het spel “Who Wants to Be a Millionaire?” einde jaren negentig . Hij is eveneens toneelschrijver.
Ik vertel niets anders meer dan… haast u om deze unieke film onder alle te gaan zien.
Charlotte Gainsbourg sur tous les fronts: de “3 coeurs” et “Samba” à la couverture de Psychologies Magazine.
Première question à se poser si on a envie d’aller voir “Samba”: y avait-il un après “Intouchables”? Au moins, ils n’ont pas fait Intouchables 2! Dans une France qui surfe sur la vague du Front National, le duo de réalisateurs Olivier Nakache & Eric Toledano arrivent à être drôles sur un sujet difficile voire anti-grand public… Cela pourrait être lourd et ça ne l’est pas. Film au ton juste -les scènes de réalité sociales sont campées avec de vrais personnages féminins et beaucoup de finesse. Omar Sy joue bien ce rôle de composition alors qu’il n’a pas grand chose à faire. Entre comédie et drame social, les réalisateurs ont remis en jeu le succès d’Intouchables avec un tel sujet. Je trouve cela très courageux, tant de leur part que de celui des acteurs dont le jeu est remarquable, même si Charlotte Gainsbourg incarne un personnage neurasthénique, un peu éculé. Le film démarre moyennement mais il prend de la profondeur au fil de l’histoire. C’est assez rare pour être souligné. Enfin une mention spéciale pour Wilson (Tahar Rahim) qui, par son talent, contribue en grande partie à la réussite du film.
Si on est un fan de Charlotte Gainsbourg, sa silhouette dégingandée, sa démarche, ses grands yeux écarquillés, sa galoche, ses jolis longs cheveux bruns, on enchaine avec “3 coeurs” le dernier film de Benoît Jacquot. Un film qui commence comme une x ème comédie romantique pour déboucher sur un thriller sentimental au rythme soutenu et angoissant. Belle ambiance musicale de Bruno Coulais, le compositeur attitré du réalisateur qui contribue en grande partie à rendre l’atmosphère inquiétante et tendue. Quand on sait que Benoît Jacquot aime la confusion des genres, la psychanalyse, traiter de la différence fondamentale entre amour et passion, on peut dire qu’il a réussi son pari: un portrait anti-classique et même étrange de la peinture d’un triangle amoureux.
Et enfin si l’on veut approfondir tout cela, on achète le dernier numéro de Psychologies Magazine où l’actrice en cover avoue “aimer les épreuves”!
lm.
Charlotte Gainsbourg op alle fronten: van “3 Coeurs” en “Samba” tot op de cover van Psychologies Magazine.
De eerste vraag die men zich moet stellen alvorens naar “Samba” te gaan kijken is of het wel mogelijk was om een nieuwe film te realiseren na de kaskraker “Intouchables”? Gelukkig is “Samba” geen “Intouchables 2”! In een Frankrijk met een sterk opkomende Front National, slaagt het regisseursduo Eric Toledano en Olivier Nakache om grappig te zijn met een heel moeilijk onderwerp dat zelfs als anti-groot-publiek zou kunnen beschouwd worden… Het had zwaar kunnen zijn, maar het is het niet. Een film op de juiste toon – sociale realiteit scènes worden geportretteerd met echte vrouwelijke personages en veel finesse. Omar Sy speelt deze compositie rol zeer goed, zelfs als hij hiervoor niet veel hoeft te doen. Tussen komedie en sociaal drama, de filmmakers hebben met zo’n moeilijk onderwerp het succes van Intouchables op het spel gezet. Ik vind dit zeer moedig, zowel van hen als van de actoren waarvan het spel opmerkelijk is, zelfs als Charlotte Gainsbourg een wat vermoeit neurotisch karakter speelt. De film begint matig, maar wint aan kracht doorheen het verhaal. Dit is vrij zeldzaam en moet daarom benadrukt worden. Tot slot een speciale vermelding voor Wilson (Tahar Rahim) die door zijn talent een belangrijke bijdrage levert aan het succes van de film.
Als je een fan bent van Charlotte Gainsbourg, van haar slungelige figuur, haar manier van lopen, haar grote starende ogen, haar mooi lang bruin haar, dan ga je meteen ook naar “3 Coeurs” kijken, de nieuwste film van Benoît Jacquot. Een film die begint als een zoveelste romantische komedie maar die snel evolueert naar een sentimentele thriller met een sterk en eng tempo. Mooie achtergrond muziek van Bruno Coulais, de huiscomponist van de regisseur, die een grote bijdrage levert aan het maken van een onrustwekkende en gespannen sfeer. Als je weet dat Benoît Jacquot van verwarring van de genres houdt, alsook van psychoanalyse en van het behandelen van het fundamentele verschil tussen liefde en passie, dan kunnen we zeggen dat hij erin geslaagd is om een anti-klassieke en zelfs vreemde portret te tekenen van een liefde driehoek.
En tot slot als je over Charlotte Gainsbourg nog meer wil weten, koop je het laatste nummer van Psychologies Magazine waarin de actrice op de cover toegeeft dat ze houdt van “getest” te worden!