Peut-on mieux célébrer le dixième anniversaire du Musée Magritte qu’en réalisant cette exposition, génial et inédit rapprochement entre deux peintres que tout sépare à première vue ?
Magritte (1898-1967), Dali (1904-1989), parmi les plus grands peintres du siècle, sans doute les plus célèbres du surréalisme – un surréalisme figuratif contrairement à Miró – confrontés ici pour la première fois dans l’univers muséal à un face à face saisissant. Les deux maîtres se sont vus lors de leur séjour respectif à Paris, mais ils se sont rencontrés une seule fois avec d’autres dont Paul Eluard et Gala, le cinéaste Luis Buñuel, etc. à Cadaqués chez Dali. Magritte a peint une toile lors de son séjour sur place qui n’a malheureusement pas pu faire le déplacement depuis l’Ecosse. Michel Draguet, le commissaire n’hésite pas à voir dans les ciels bleus de Magritte parsemés de nuages blancs, une touche méditerranéenne, réminiscence de ce voyage catalan.
Deux personnalités à l’extrême, le feu et l’eau, l’excentricité et la réserve, la recherche psychanalytique de l’Espagnol et, à l’opposé, le refus des symboles ou d’une quelconque signification des objets ou des mots du Belge.
A travers une approche thématique et non chronologique édifiante, on apprend à voir autrement les peintures de l’un et de l’autre. Et c’est le plus jeune des deux qui manifestement sera plus influencé par l’autre, même si Magritte très impressionné par le dessin et la technique de Dali, issue en droite ligne des maîtres anciens peindra de manière plus appliquée après sa visite.
On ne trouvera pas ici de toiles du maître espagnol après 1938, parti-pris du commissaire ayant décidé de ne pas s’égarer dans les ‘folies’ picturales qui suivront, loin du surréalisme. Exemple de rapprochement expliqué par Draguet : « L’Enigme du désir » de Dali, grande forme dans un paysage désertique où l’on découvre cachés dans les cavités les mots « Ma mère / ma mère / ma mère… ». Une toile de 1929, inspirée par la toile de Magritte « L’Usage de la parole » peinte deux ans auparavant. Avec évidemment, une tout autre signification chez le premier où la psychanalyse est omniprésente alors que c’est la poésie qui nourrit le second. Les formes molles, les chaussures, les cadres détourés des tableaux dans « Les Jours gigantesques » de Magritte (1928) et le « Couple aux têtes pleines de nuages » de Dali (1936), l’attention portée aux titres, souvent sans aucun rapport avec le sujet sont quelques-uns des points communs entre les deux artistes.
Voilà bien deux maîtres incontestés que l’on découvre autrement dans ce parallélisme éclairant, qui prirent dans la postérité des chemins bien différents en restant pour l’Espagnol unique et sans suiveur alors que le Belge influença par sa modernité, entre autres les grands peintres américains tels Jasper Johns, Robert Rauschenberg ou Andy Warhol qui achetèrent même ses toiles.
Je vous invite à compléter votre visite par celle du Musée Magritte et de la petite maison à Jette qu’il habita avec Georgette pendant 24 ans, à son retour infructueux de Paris : « Je t’annonce mon retour à Bruxelles, j’y suis déjà presque installé. J’ai trouvé un rez-de-chaussée avec un petit jardin assez convenable. Je crois que de toute manière, je trouverai plus d’avantage au pays natal qu’à l’étranger. » écrit-il durant l’été 1930.
Texte & Photos-montage Virginie de Borchgrave
Jusqu’au 9 février 2020
Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique
3, Rue de la Régence
B-1000 Bruxelles
Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 17h, les weekends de 11h à 18h.
Fermé le lundi
Entrée : billet combiné avec le Musée Magritte 15 EUR plein / 10 EUR seniors + voyageurs Thalys / 5 EUR étudiant / gratuit jusqu’à 18 ans
Musée Magritte
Maison Magritte
35, Rue Esseghem
B-1090 Bruxelles
Tél. : +32 428 26 26
Ouvert du mercredi au dimanche de 10h à 18h. Fermé les lu & ma
www.magrittemuseum.be