“Heaven & Hell”
Il serait trop facile de qualifier l’exposition, inaugurée hier soir à la Fondation Boghossian, de “drone” d’exposition… Un titre qui aurait peut-être été plus amusant que “Le Paradis et l’Enfer“.
N’empêche que ces ‘variations sur le tapis volant’ qui est, en d’autres mots, le thème traité de manière extrêmement poétique par toute une série d’artistes au pedigree impressionnant est pertinent, surtout après que la couverture le matin même de l’un de nos grands journaux francophones annonçait qu’une société de surveillance privée pensait en faire utilisation.
Un parcours qui commence au rez-de-chaussée avec un ‘vrai’ tapis volant qui est là pour nous rappeler son rôle dans les contes orientaux, où il a été pendant longtemps le moyen symbolique de voyager -popularisé dans ” Les Mille & une nuits” et dans nombre de films fantastiques- et sans doute remplacé au XXIe s. dans notre esprit par les drones, ces objets volants autonomes ou télécommandés. Tel est le postulat de l’exposition.
On continue la visite avec les machines volantes de l’artiste anversois Panamarenko auquel est consacré toute une salle, à juste titre quand on pense au nombre d’années qu’il crée ses machines volantes et autres objets fous, issus de son imagination débordante et de son humour décalé. On aurait envie de l’appeler notre Icare des temps modernes!!!
Si le tapis volant permettait de parcourir le monde et de faire rêver l’homme en lui faisant croire qu’il est un oiseau, le drone ouvre lui aussi un champ de possibilités illimité. Avec eux, on peut désormais tout imaginer, du meilleur au pire, du “paradis à l’enfer”…
Passionnante démarche que celle de faire travailler des artistes sur ce thème, millénaire et avant-garde en même temps, qui part de la symbolique des tapis persans inspirés de la géométrie des jardins jusqu’aux satellites, aux drones et leurs conséquences en passant par les cerfs-volants et toutes sortes d’objets volants identifiés ou non.
Notons au premier étage, la vidéo de la chorégraphie d’Eleven Play, une troupe féminine de danse basée à Tokyo dont la particularité est d’intégrer les nouvelles technologies dans ses spectacles, ainsi que les dessins de la Pakistanaise Mahwish Chishty qui réinvente les drones auxquels elle a été confrontée dans son pays, à travers la technique des peintures traditionnelles; Bilal Bahir, jeune irakien vivant en Belgique qui puise son inspiration dans son pays natal et les conflits qui l’ont ‘déconstruit’ pour dessiner sur les pages d’un livre ses souvenirs d’enfance, mêlés à l’exil et au déracinement; Jalal Sepehr, photographe autodidacte qui marie à travers les tapis, des pans de sa culture iranienne à la beauté naturelle de son pays; Babak Golkar qui vit entre le Canada et le Moyen-Orient à la recherche d’ un terrain commun qui dépasserait les clivages culturels; Ali Cherri, libanais préoccupé par la situation géopolitique de son pays natal, à la recherche de nouveaux langages plastiques capables d’exprimer son rêve de stabilité, etc.
Une belle démonstration que l’art peut sauver le monde.
Une édifiante réflexion qu’il faut toujours avoir à l’esprit et ne jamais abandonner surtout quand l’intolérance, l’aveuglement, la bêtise d’une poignée d’hommes ‘télécommandés’ essaient de nous prouver le contraire…
Le communiqué de la Fondation:
« Quelque part, au-delà du bien et du mal, il y a un jardin. Je t’y rejoindrai. »
Djalâl ad-Dîn Muhammad Rûmî
« Le jardin traditionnel des Persans était un espace sacré qui devait réunir à l’intérieur de son rectangle quatre parties représentant les quatre parties du monde, avec un espace plus sacré encore que les autres qui était comme l’ombilic, le nombril du monde en son milieu, (c’est là qu’étaient la vasque et le jet d’eau) ; et toute la végétation du jardin devait se répartir dans cet espace, dans cette sorte de microcosme. Quant aux tapis, ils étaient, à l’origine, des reproductions des jardins. Le jardin, c’est un tapis où le monde tout entier vient accomplir sa perfection symbolique, et le tapis, c’est une sorte de jardin mobile à travers l’espace. Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis, c’est la totalité du monde. »
Michel Foucault
Le tapis volant a été pendant longtemps un moyen symbolique de parcourir le monde.
Dans la mythologie perse, le Roi Salomon possédait un tapis volant. La Reine de Saba, qu’on disait magicienne, lui aurait offert ce présent fabuleux. On raconte même que le roi pouvait y transporter son palais tout entier…
Le tapis volant évoqué dans les contes, a été popularisé par Les Mille et Une Nuits, il est aussi représenté dans bon nombre de films fantastiques.
Certains scientifiques se sont penchés sur cet objet légendaire, y voyant une réplique aérienne de la manière dont se déplace la raie manta dans l’eau. Des physiciens se seraient même lancés dans des recherches pour faire voler un tapis !…
Mais le tapis volant évoque aussi ce rêve ancestral, celui de voler comme un oiseau. Après Icare, le premier à s’être lancé dans les airs, Léonard de Vinci s’est pris au jeu de concevoir des objets volants très ingénieux.
Plus tard, les soucoupes volantes ont hanté l’imaginaire moderne, bien au-delà de toutes les performances techniques qui ont réellement permis de voyager dans les airs ou d’y lancer une grande diversité de machines volantes.
Actuellement, ce sont les drones qui occupent les esprits : objets volants télécommandés, les drones ouvrent un champ illimité de possibilités. De l’observation au contrôle, du transport d’objets à celui des armes, rien ne semble pouvoir échapper aux promesses de leurs performances. Pour le meilleur et pour le pire…
L’exposition Le Paradis et l’Enfer aborde le thème des machines et tapis volants selon différents angles : la symbolique des tapis anciens et celle de la géométrie des jardins qui l’a inspirée, le rêve ancestral de voler et les objets volants imaginaires, le monde vu du ciel, l’occupation de l’espace par les satellites, le développement planétaire des drones et ses conséquences.
Jusqu’au 6 septembre 2015
A la Fondation Boghossian – Villa Empain
67, Avenue Franklin Roosevelt
B-1050 Bruxelles
Tél.: 02 627 52 30
Ouvert tous les jours de 10h à 18h30′, sauf le lundi
10 €
Visites guidées sur réservation
Rencontres les 17 & 18 mars à 19h, respectivement sur “Le développement des drones et ses conséquences” par Philip Boucher et Peter van Blyenburgh et “L’art et les drones” par Adam Harvey, Edouard Janssens van der Maelen et François de Coninck. Réservation souhaitée.
“Ergens, voorbij goed en kwaad, is er een tuin. Daar zal ik je weerzien.”
Djalâl ad-Dîn Muhammad Rûmî
“De traditionele Perzische tuin was een heilige ruimte, rechthoekig van vorm, bestaande uit vier delen die de vier werelddelen voorstelden. Eén plek was nog heiliger dan de andere: het middelpunt, dat de navel van de wereld voorstelde (daar bevonden zich het bekken en de waterstraal). Alle planten in de tuin moesten opgesteld zijn in die ruimte, die een soort microkosmos vormde. Het tapijt was oorspronkelijk een afspiegeling van de tuin. De tuin is een tapijt waarin de wereld symbolisch zijn volmaaktheid bereikt, terwijl het tapijt een soort mobiele tuin is waarmee je door de ruimte kan reizen. De tuin is het kleinste stukje wereld en tegelijk is het ook de hele wereld in een notendop.”
Michel Foucault
Lange tijd was het vliegende tapijt een symbolisch middel om door de ruimte te reizen. Volgens de Perzische mythologie had Koning Salomo zo’n tapijt. Hij zou het hebben gekregen van de Koningin van Sheba, die naar verluidt over magische krachten beschikte. Men beweert zelfs dat de koning er zijn hele paleis op kon vervoeren…
Het vliegende tapijt raakte vooral bekend door de verhalen uit Duizend en één Nacht. Het is ook te zien in tal van fantastische films.
Sommige wetenschappers hebben zich verdiept in dit legendarische object. Ze zagen er een luchtvariant in van de manier waarop de reuzenmanta of duivelsrog zich beweegt in het water. Sommige fysici zouden zelfs geprobeerd hebben een tapijt te doen vliegen!
Het vliegende tapijt is ook een afspiegeling van de aloude droom van de mens om te kunnen vliegen als een vogel. Icarus was de eerste mens die het luchtruim koos. Later ontwierp Leonardo da Vinci bijzonder vernuftige vliegmachines. Nog later raakte de moderne mens gefascineerd door het fenomeen vliegende schotel, veel straffer dan alle technische uitvindingen waarmee de mens door de lucht kon reizen.
Tegenwoordig kijken we met verbazing naar de drones, die telegeleide vliegtoestellen met vrijwel onbeperkte mogelijkheden: van controle- of transportmiddel tot aanvalswapen. Het zijn toestellen die de wereld kunnen veranderen, ten goede of ten kwade…
De tentoonstelling Het Paradijs en de Hel, die in 2015 plaatsvindt in de Villa Empain, belicht het thema van de vliegende tapijten en machines uit verschillende oogpunten : de symboliek van de oude tapijten en de geometrie van de tuinen waarop ze is geïnspireerd, de aloude droom van de mens om te vliegen, denkbeeldige vliegende voorwerpen, de wereld gezien vanuit de lucht, ruimtesatellieten, het toenemende gebruik van drones en de gevolgen daarvan. 6/9">