La première chose qui vient à l’esprit en découvrant l’exposition est de se dire combien le parallélisme entre deux groupes artistiques belges, qui ont joué un rôle de premier plan dans la période de l’entre-deux-guerres est enrichissant ! L’Ecole des peintres du sud en regard de l’école des peintres du nord. Personnellement, si je connaissais les peintres de Laethem-Saint-Martin qui ont dominé la scène artistique belge, je pouvais en dire beaucoup moins sur ceux du groupe hennuyer Nervia… Des thèmes et des traits communs les caractérisent au-delà des cultures et des sensibilités et c’est joli à voir.
commentaire: Virginie de Borchgrave
NERVIA/LAETHEM-SAINT-MARTIN. Traits d’union
La première chose qui vient à l’esprit en découvrant l’exposition est de se dire combien le parallélisme entre deux groupes artistiques belges, qui ont joué un rôle de premier plan dans la période de l’entre-deux-guerres est enrichissant ! L’Ecole des peintres du sud en regard de l’école des peintres du nord. Personnellement, si je connaissais les peintres de Laethem-Saint-Martin qui ont dominé la scène artistique belge, je pouvais en dire beaucoup moins sur ceux du groupe hennuyer Nervia… Des thèmes et des traits communs les caractérisent au-delà des cultures et des sensibilités et c’est joli à voir.
Avec des toiles aux tons feutrés et doux, une atmosphère sereine, des couleurs pastels ou fauves, des scènes familiales ou culturelles chargées d’émotion et de poésie comme « Le pélérinage aux Stes-Maries-de-la-Mer » ou « La fête de l’aïeule », les commissaires Catherine Verleysen du Musée de Gand et Michel de Reymaeker de Mons ont pris le parti de souligner les convergences plutôt que les différences : « Solliciter bien plus le regard du spectateur que convoquer le savoir académique traditionnel (…) Faire voir, inviter à regarder et s’affranchir des notices pour mieux appréhender l’image ». A côté des peintres Anto Carte et Louis Buisseret -fondateurs du groupe Nervia en 1928- on trouve les toiles réalistes et intimistes de Frans Depooter, Léon Devos, Léon Navez, Pierre Paulus, Rodolphe Strebelle, Taf Wallet et Jean Winance dont les accents sont certes plus latins que leurs voisins du nord dont les noms sonnent à nos oreilles : Gustave de Smet, Van den Berghe, Gustave Van de Woestyne, etc.
Une exposition comme des entretiens croisés où le regard est non seulement mis à douce épreuve mais séduit par la lumière et le charme émanant de ces écoles qui ont privilégié « une imagerie narrative aux accents populaires. »
SOPHIE CAUVIN. Géométrie sacrée
Tout autre ambiance au vernissage de Sophie Cauvin, l’expo bis du musée.
« Avec cette artiste de tous les siècles, cette âme aux mains pures, nous découvrons en larmes comment notre Univers a jailli du néant. Pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien. Et le sens de la vie ».
On commence fort avec cet extrait de la préface du catalogue écrite par les frères Bogdanov qui étaient présents !
Des toiles tout en matière, esthétisme et symbolisme que crée l’artiste dans un état d’esprit semblable à celui du yogi qui entre en médiation : « Je me conditionne à abandonner les pensées parasites du monde extérieur pour ouvrir la porte de mon inconscient… ». Sophie a commencé il y a 20 ans avec du sable ramené d’Egypte. Depuis lors, elle a récolté des terres aux quatre coins du monde qui représentent à ses yeux « l’universalité de l’histoire de l’homme ». Préoccupée par la philosophie et les questions fondamentales qu’elle pose, elle a trouvé le moyen d’y apporter sa petite touche au travers de la peinture. Entre art brut et conceptualisme, elle réalise des toiles autonomes qui n’ont pas d’âge. Et au fil des années, son langage se libère et se simplifie.
Jusqu’au 17/01
Musée d’Ixelles
71, Rue Jean Van Volsem
B-1050 Bruxelles
Tél. : +32 2 515 64 21
Ouvert du mardi au dimanche de 9h30’ à 17h. Fermé lundi & jrs fériés
Entrée : plein 8 EUR / Réduit 5 EUR
www.museedixelles.be
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L’annonce du musée:
(Re)découvrez deux groupes artistiques belges de l’entre-deux-guerres
L’exposition NERVIA / LAETHEM-SAINT-MARTIN, Traits d’union vous invite à (re)découvrir deux groupes qui ont joué un rôle important sur la scène artistique belge durant l’entre-deux-guerres : au Nord du pays, le groupe de Laethem avec, entre autres, Gustave Van de Woestyne et Valérius De Saedeleer et, au sud, le groupe hennuyer Nervia, avec notamment Anto Carte et Léon Navez.
Des œuvres de ces artistes, qui privilégient une atmosphère sereine et une palette feutrée, sont pour la première fois mises en dialogue et révèlent les nombreux points de convergence entre les deux groupes, ainsi que leurs différences…
Laethem – Nervia, Regards croisés
L’exposition Traits d’union qu’abrite aujourd’hui le Musée d’Ixelles a été élaborée sous la houlette de Cathérine Verleysen (Musée de Gand) et Michel De Reymaeker (Mons). Les deux commissaires ont en effet souhaité souligner les convergences – d’inspiration, de forme, de facture… – entre les peintres de Laethem-Saint-Martin et ceux du groupe Nervia. Faire résonner les parentés plutôt que pointer les différences : c’est à l’évidence cette histoire-là qu’ils entendent nous raconter. Et, dès lors, solliciter bien plus le regard du spectateur que convoquer le savoir académique traditionnel. Il y faut de l’information, une chronologie et un rappel de l’air du temps, des influences et des postérités diverses; mais, au-delà, s’affirme le souhait de faire voir, d’inviter à regarder et s’affranchir des notices pour mieux appréhender l’image.
Genèse de l’exposition
Plusieurs années durant, grâce au Fonds Léon Eeckman et au groupe Nervia entre autres, Cathérine Verleysen et Michel De Reymaeker ont eu accès à un très vaste ensemble d’images de Laethem (pour Gand) et Nervia (pour Mons). Pour autant, si d’emblée, le concept de Traits d’union s’est imposé, le choix des oeuvres s’est révélé plus difficile. Lesquelles retenir ? Et dès lors lesquelles écarter, et en vertu de quels critères ?
À l’initiative de cette confrontation-dialogue, on trouve Françoise Eeckman, présidente du Fonds Léon Eeckman. C’est à l’instigation de son père, l’assureur Léon Eeckman, et des peintres Anto Carte et Louis Buisseret, que fut fondé en 1928 le groupe Nervia. Outre ces deux artistes, on compte en son sein Frans Depooter, Léon Devos, Léon Navez, Pierre Paulus, Rodolphe Strebelle, Taf Wallet et Jean Winance. Pour citer le Fonds : Leur art se veut d’essence latine, et est plus réaliste, plus lyrique et plus intimiste que celui de leurs voisins du Nord ; ils ont d’évidentes qualités techniques, refusent l’avant-garde à tout prix, ont beaucoup étudié d’autres artistes et expriment une forme de néo-humanisme à travers des sujets tirés de la vie quotidienne et familiale, traités avec harmonie et idéalisme. Quoi qu’il en soit, le choix opéré aujourd’hui résulte, pour citer Michel De Reymaeker, du ressenti de deux subjectivités. Subjectivités qui se sont donné pour consigne de rassembler des toiles en paires, en ensembles parlant au regard, et non de répondre à des concepts posés a priori. Parmi les affinités électives qui ont présidé à leur sélection, l’intérêt porté par les peintres à Bruegel, aux Primitifs italiens, au retour à la terre et aux valeurs ancestrales de la paysannerie plutôt qu’à la modernité urbaine, à la déclinaison de thèmes relevant d’une iconographie religieuse mais replacés dans un contexte quotidien. En toile de fond, le retour à des valeurs humanistes, universalistes même.
Un premier rapprochement dès les années 1920
Dès 1923, alors que les Ymagiers belges sont invités à exposer au Salon d’Automne de Paris, on souhaite présenter l’art belge sous un ensemble cohérent, avec des artistes qui affichent, au moins, une même aspiration. Parmi eux, les organisateurs réunissent, entre autres, Anto Carte et Gustave Van de Woestyne, qui échangent dès cette époque des entretiens croisés.
La dominance de Laethem-Saint-Martin sur la scène belge
La production des artistes de Nervia se veut dès l’origine une réponse, une réaction même à ce que ces peintres perçoivent comme une dominance des artistes flamands sur la scène belge. En effet, pour les critiques des années 1920, l’art belge est en fait ncelui de Laethem-Saint-Martin. Pourquoi donc avoir choisi de faire l’impasse sur Nervia, au bénéfice de l’expressionnisme flamand porté après la Grande Guerre par Laethem ? L’heure, à l’évidence, était à vanter les avant-gardes, la modernité, et il était de bon ton de fustiger les conservatismes. Une injustice à redresser aujourd’hui.
Retour aux sources
Le groupe Nervia choisira d’affirmer d’abord et avant tout ses racines wallonnes. Les artistes exposent principalement dans le sud du pays ; ils ne s’exporteront que plus tard à Bruxelles, puis à Gand (au Cercle Artistique et Littéraire en automne 1932 puis, un an plus tard, à l’occasion du Salon triennal de Gand). Il est à noter que, pour Nervia comme pour Laethem, le terme d’école ne vaut guère. Il ne résulte pas en tout cas d’une volonté a priori des artistes de se rassembler autour d’un quelconque manifeste, ou de critères communs. Ce sont plutôt les critiques, à travers leurs écrits, qui repèrent entre eux des affinités – voire, tout simplement, une proximité géographique – et lancent alors un peu imprudemment les termes d’école, ou de groupe. Une réalité cependant : tout comme les aînés de Laethem aiment à parrainer de jeunes peintres qu’ils estiment, certains artistes de Nervia n’hésitent pas à se réclamer d’Anto Carte ou de Louis Buisseret, figures tutélaires à leurs yeux. Ces deux derniers, que lie par ailleurs une grande amitié, décident en effet d’aider des jeunes en qui ils croient, et dont ils font leurs disciples. Eux-mêmes, du reste, se plaisent à faire remonter cet arbre généalogique à Pierre Paulus – un maître commun élu a posteriori en quelque sorte.
Des réticences aux tendances du temps et un retour à la tradition
Tant chez les artistes de Laethem que de Nervia, on observe une mise à distance de l’avant-garde internationale, et de l’abstraction comme du surréalisme. Ils ont en effet quitté la ville (Gand pour les uns, les bassins houillers pour les autres) pour s’installer à la campagne en un engagement délibérément régionaliste, avec pour conséquence une mise en valeur des vertus de la paysannerie qu’ils opposent à la vie urbaine. Ce choix fait écho à divers mouvements analogues, dont celui de Grantwood, aux USA, ou bien encore les travaux des Valori plastici italiens. Tout comme Nervia ou Laethem, ces artistes italiens s’opposent aux avantgardes dans une mouvance de tradition nationale alors même que le futurisme occupe le devant de la scène.
Chez Nervia comme à Laethem, le sujet reste primordial, alors que les mouvements novateurs le jugent secondaire, voire obsolète. On trouvera donc chez eux des paysages, travaux des champs, scènes villageoises, portraits de paysans, figures à caractère religieux parfois explicite, parfois plus allégorique.
En termes de langage plastique, les références sont multiples et, pour certaines, clairement liées à la tradition. L’un des premiers traits de ce dialogue montre une filiation avec la Renaissance du Nord et l’un de ses maîtres incontestés, Bruegel l’Ancien.
Mais les artistes de Laethem et de Nervia puisent aussi aux mouvements plus récents. Pour les premiers, dans une veine qui croise le postimpressionnisme et le symbolisme, les paysages spécifiquement locaux (bords de la Lys, fermettes, rangées de peupliers penchés) sont traités à la fois dans le divisionnisme qui restitue les vibrations de la lumière et dans une composition hiératique, qui tient de la mise à distance symboliste. Certaines stylisations d’inspiration spiritualiste dont l’écriture se déploie dans des sujets clairement religieux.
Les artistes de Nervia (Depooter, Navez, Carte) et ceux de Laethem (Gustave de Smet et Van den Berghe) chanteront la fraîcheur et la vérité à travers une forme plus moderniste dans des vues de villages qui mêlent couleurs fauves et géométrie cubiste, proches d’une imagerie narrative aux accents populaires. Au final, en résistant aux sirènes des grands mouvements internationaux, à travers les échos diffractés d’inspirations anciennes ou plus récentes, ces artistes ont su focaliser le regard sur des réalités locales, modestes et humbles, et pourtant chargées d’émotions sincères et de poésie. Leur travail porte pour nous témoignage de ce que furent aussi ces années-là. Par ailleurs, en termes de facture, les peintres Laethem – Nervia privilégient la recherche du beau métier, affirment le primat du dessin sur la couleur, refusent pour beaucoup la perspective traditionnelle au profit d’une conception proche de celle de Maurice Denis : Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.
Les commissaires de l’exposition
Cathérine Verleysen est la responsable des Collections du Musée des Beaux-Arts de Gand (MSKG). Elle a été commissaire de plusieurs expositions, dont Gustave Van de Woestyne (MSKG, 2010) et Le monde de George Minne et Maurice Maeterlinck (MSKG, 2011). Parmi ses publications et essais, citons Maurice Denis et la Belgique (Leuven, University Press, 2010).
Michel De Reymaeker, actuel responsable de l’Artothèque et conservateur en chef des collections communales montoises depuis 1998, a (co-)organisé de nombreuses expositions en Belgique et à l’étranger, dont Anto Carte, Rétrospective (1886-1954) (Mons, 1995 ; Paris, 1996), Louis Buisseret – 1888-1956 – Rétrospective (Mons, 1997), Nervia. 1928-1938 (Mons, 2002 ; Helmond, 2003 ; Bucarest, 2010-2011) etc. Membre de la Commission consultative des Arts plastiques de la Communauté française de Belgique pendant 10 ans, il reste lié à la scène artistique contemporaine.
Françoise Eeckman, Présidente du Fonds Léon Eeckman et le groupe Nervia, Présidente des Amis d’Anto Carte, organise diverses expositions, et principalement Nervia à Mons en 2002 et Nervia Bucarest en 2010. Publication d’un livre sur Léon Navez (2015) et publication par les éditions Léon Eeckman de trois catalogues : Anto CARTE (1949), Louis BUISSERET (1956), Pierre PAULUS (1953).