Voici de quoi vous mettre sous la dent si vous avez l’envie de vous plonger quelques jours dans l’ambiance culturelle intensément riche à cette époque festive de l’année.
Des expositions qui donnent aussi l’occasion de redécouvrir les collections permanentes des Musées Guimet, d’Orsay, d’art et d’histoire du Judaïsme ou de l’Homme au Trocadéro.
Textes & Photos Virginie de Borchgrave
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Expositions
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Monet – Mitchell ***** à La Fondation Louis Vuitton jusqu’au 27 février 2023
Si je devais vous recommander une seule exposition, ce serait sans conteste celle-ci ! Intriguée par le nom Mitchell, associé en aussi grands caractères à celui de Monet aux cimaises d’un lieu prestigieux comme la Fondation Vuitton à Paris, je suis heureusement arrivée préparée, en ayant trouvé sur arte un documentaire sur la vie et l’œuvre de cette peintre dont je n’avais jamais entendu parler.
Et malgré cela, le choc fut grand, à la dimension des toiles ou plutôt à la hauteur du dialogue entre ces deux artistes exceptionnels et infatigables qui ne se sont pas connus (ils étaient de générations différentes) mais ont habité, au milieu de la nature, à quelques km l’un de l’autre aux environs de Paris : Giverny et Vétheuil.
De part et d’autre, des vies essentiellement dédiées à la peinture et une production hallucinante. Je m’imagine combien les commissaires ont dû s’éclater en préparant l’exposition, « un parcours scandé par des jalons thématiques et formels, suivant un accrochage sensible à la recherche d’accords entre les œuvres. »
Deux artistes aussi sensibles à la nature, au jeu des couleurs et de la lumière ; des couleurs dont la « gamme est similaire mais d’intensité différente, faite de bleus, jaunes, verts, alliés aux rouges, roses et mauves » qui s’expriment sur des grands formats – nouveaux pour Monet et permanents chez Mitchell – qui demandent un geste et une grande liberté technique. On admire autant l’éclat plus contemplatif chez Monet que l’énergie chez Mitchell. Quels vibrants hymnes à la vie.
N.B. : Prenez encore le temps d’aller voir au rez-de-bassin la rétrospective qui est consacrée à Joan Mitchell, 30 ans après sa mort.
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Lydia Ourahmane ** jusqu’au 23 janvier 2023 Open Space
Présenté pour la première fois en France, « Tassili » (2022) est un film de Lydia Ourahmane, une artiste pluridisciplinaire (1992, Alger) réalisé au Tassili n’Ajjer dans le désert du Sahara central, au sud-est de l’Algérie. Un site montagneux difficilement accessible qui abrite l’un des plus importants ensembles d’art rupestre néolithiques au monde et l’un des plus beaux paysages désertiques de la planète ! Un voyage visuel et sonore unique que l’on fait, littéralement couché sur de gros coussins confortables au son d’une musique originale, réalisée par 4 compositeurs différents. Inédit. Open Space
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Les Tribulations d’Erwin Blumenfeld 1930 – 1950 ** jusqu’au 5 mars 2023
C’est l’une de ses photos iconiques exposée dans une galerie américaine à Paris Photo qui nous a donné l’envie d’aller voir son exposition au Musée Juif.
Avant d’être reconnu à près de 50 ans aux Etats-Unis, Erwin Blumenfeld (1897, Berlin-1969, Rome) a connu des années difficiles. Ce n’est que dans les années 30-40 lorsque ses images feront la couverture de magazines américains tels que Vogue et Harper’s Bazaar qu’il deviendra célèbre.
« Blumenfeld construit une œuvre loin des troubles du temps. Elle s’inspire des principes de composition modernistes qu’elle prolonge et renouvelle en laboratoire : solarisations, réticulations, surimpressions, miroirs et effets d’optiques, jeux d’ombre et de lumière forment une grammaire où la beauté féminine et le nu occupent une place centrale. »
Pionnier dans la photographie couleur, ses photos deviendront des références. L’exposition montre aussi des ensembles inédits comme les gitans de Saintes-Maries-de-la-Mer dans les années 1928-1932 ou les Amérindiens de San Ildefonso au Nouveau-Mexique en 1947.
On découvre un parcours personnel dans la lignée malheureusement de beaucoup d’autres artistes juifs européens de cette époque terrible de l’histoire.
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Pèlerinage à Djerba. Photographies de Jacques Pérez. 1980 *** au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (mahJ) jusqu’au 31 décembre 2022
Djerba, au sud de la Tunisie abrite l’une des communautés juives les plus anciennes et la dernière encore vivante dans un pays arabe. Au sein de son patrimoine, une des synagogues les plus anciennes et célèbres du monde, la Ghriba (‘étrange’ ou ‘étrangère’ en arabe.)
Jacques Peréz (1932), tunisien par son père et allemand par sa mère s’est attaché exclusivement à documenter et valoriser par l’image son pays et ses habitants. Il est l’une figure de la photographie en Tunisie et un maillon essentiel dans la sauvegarde du patrimoine culturel des minorités. Très bien accepté dans le milieu, il dépeint la vie quotidienne de la communauté qui tente de survivre malgré l’instabilité politique.
Il a capté aussi l’effervescence et la vivacité des différentes étapes du pèlerinage auquel participent en communion hommes et femmes, enfants et anciens, Djerbiens et touristes, juifs et musulmans.
Magnifique et émouvant reportage sur cette communauté attestée depuis le Moyen Age qui s’est adaptée au cours des siècles aux changements profonds qu’a connus le pays et, sur le pèlerinage qui a lieu pendant 5 jours au printemps. Toujours très populaire au XXIe s., il a malheureusement été la cible d’attentats meurtriers en 1985 et 2002 d’où la présence de la police tunisienne sur les lieux aujourd’hui.
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Et encore, dans l’ordre chronologique, 4 expositions que je n’ai pas eu le temps de faire :
« Gisèle Freund. Ce sud si lointain » Photographies d’Amérique latine à La Maison de l’Amérique latine (MAL) jusqu’au 7 janvier 2023. www.mal217.org
« Renverser ses yeux » Autour de l’arte povera 1960-1975 : photographie, film, vidéo au Jeu de Paume jusqu’au 29 janvier 2023. www.jeudepaume.org
« Oskar Kokoschka. Un fauve à Vienne » au Musée d’art moderne de la ville de Paris (MAM) jusqu’au 12 février 2023 . www.mam.paris.fr
« étienne+robial – graphisme&collection – de futuropolis à canal + » au Musée des arts décoratifs (MAD) jusqu’au 11 juin 2023. www.madparis.fr
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THEATRE
Simone Veil « Les combats d’une effrontée » *** avec Cristiana Reali et en alternance Noémie Develay-Ressiguier et Pauline Susini (qui signe aussi la mise en scène) au Théâtre Antoin. Durée : 1h15’
Une reprise adaptée du livre « Une vie » de Simone Veil, publié en 2007 aux Éditions Stock pour laquelle Cristiana Reali a reçu l’année dernière le Molière de Meilleure comédienne de théâtre privé. Elle ne joue pas seulement le rôle principal – ayant co-écrit la pièce avec Antoine Mory – mais elle est Simone Veil. Dans une sobre et intelligente mise en scène où alternent jeux des acteurs et enregistrements d’archives INA, Cristiana Realia alias Simone Veil se raconte à la première personne. Un personnage au destin exceptionnel et une personnalité politique hors norme. Une pièce de théâtre en forme d’autobiographie où on la découvre comme elle était : « libre, véhémente, sereine. » Du vrai théâtre parisien. Brillant.