C’est l’événement parisien de cette saison. Et pour cause : 11 salles dans le plus incroyable édifice de Paris pour exposer cette figure majeure de la peinture américaine du XXe s., issue de l’Expressionisme abstrait. Les œuvres iconiques des années 1950-1970 sont là au cœur de l’exposition auxquels on arrive à travers un parcours chronologique qui commence dans les années 30 avec un autoportrait saisissant, le seul qu’on lui connaît.
Né en 1903 à Dvinsk dans l’Empire russe, actuellement en Lettonie, dans une famille juive cultivée et libérale, Marcus Rotkovitch fréquente l’école talmudique avant d’émigrer avec sa famille à Portland, Oregon, USA. Brillant élève, il arrivera jusqu’à Yale.
Maintenant, je ne vais pas vous expliquer l’exposition ce que des critiques d’art feront beaucoup mieux que moi. Je veux seulement vous conseiller de profiter de cette rétrospective majeure pour vous imprégner pas à pas de ces centaines de toiles de différents formats, colorées ou non (rouge, rose, orange, jaune, noir, marron, bleu), assourdies ou densifiées, sombres et graves, sévères, organiques, dramatiques ou au contraire explosives, médiatives ou solennelles et de tenter de percevoir l’évolution de son œuvre, en ayant à l’esprit le contexte international dramatique qui fut le sien : « A ceux qui pensent que mes toiles sont sereines, j’aimerais dire (…) que j’ai emprisonné la violence la plus absolue dans chaque centimètre carré de surface. »
Vous verrez des peintures inspirées de ses lectures de Nietzsche, d’Eschyle, des surréalistes, des mythologies antiques, cherchant à inventer un « mythe contemporain », des formes totémiques, tentant d’élaborer un langage universel en réponse à la barbarie : « Si les gens veulent des expériences sacrées, ils les trouveront, s’ils veulent des expériences profanes, ils les trouveront. »
Et dans les années 50, ce tournant qui rend son travail identifiable et unique avec ces deux ou trois formes rectangulaires et colorées qui se superposent « jouant d’une infinité de tons et de valeurs » d’où résonne la vibration si caractéristique de Rothko.
Enfin, la « Rothko Room », neuf des tableaux de la série des peintures murales commandées en 1958 par l’architecte Philip Johnson pour le restaurant du Seagram Building, le nouveau gratte-ciel de Mies van der Rohe dont Rothko lui-même résilia le contrat l’année suivante, réalisant que le lieu ne correspond pas à l’esprit du projet qu’il avait conçu. Dix ans plus tard, il fait don à la Tate de neuf de ces panneaux, heureux qu’ils soient proches de Turner qu’il admire beaucoup. Hasard du calendrier, les œuvres arrivent à Londres le jour de sa mort. Ils sont exposés ici dans le respect des directives de l’artiste. Voilà une occasion exceptionnelle de les voir.
Une rétrospective déclinée en expérience immersive lumineuse voire incandescente où nous, les visiteurs sommes « co-créateur(s) » et devons « prendre le risque et entreprendre le voyage (sauf à) « passer réellement à côté de l’expérience essentielle du tableau » dont les couleurs sont le moteur.
Jusqu’au 2 avril 2024
Fondation Louis Vuitton
8, Avenue du Mahatma Gandhi
75 116 Paris
Tél. : + 33 1 40 69 96 00
Ouvert lu & me de 11h à 19h ; je de 11h à 20h ; ve de 11h à 21h ; sa & di de 10h à 20h. Fermé le mardi
www.fondationlouisvuitton.fr
Nicolas de Staël
20 ans après la dernière rétrospective à Beaubourg, l’artiste d’origine russe Nicolas de Staël (1914 – 1955) exilé à 3 ans en France suite à la révolution russe et rapidement orphelin est de nouveau mis à l’honneur à Paris. Une grande rétrospective de cette figure incontournable de la scène française d’après-guerre qui propose un nouveau regard sur son travail. 200 tableaux, dessins, gravures, carnets en provenance de nombreuses collections publiques et privées dont, il est important de le souligner, une cinquantaine montrée pour la première fois dans un musée français.
Un parcours chronologique suit ses évolutions successives de ses premières toiles figuratives, ses toiles sombres et pleines de matière des années 40 jusqu’à ses derniers tableaux en 1955. Et une large sélection de dessins qui illustrent cette exploration.
Un artiste exceptionnel qui n’a de cesse de se renouveler, de tester de nouveaux chemins, de prendre des risques, de « tout casser », bref de se remettre en question.
Un travail à cheval entre figuration et abstraction et une quête picturale aussi intense et unique qui lui fait dire : « C’est si triste sans tableaux la vie que je fonce tant que je peux. »
Une expérimentation sans fin qui ne satisfera pas l’artiste, à tel point qu’il se suicidera en 1956 à 41 ans.
Jusqu’au 21 janvier 2024
MAM (Musée d’Art Moderne de Paris)
11, Avenue du Président Wilson
75 116 Paris
Tél. : + 33 1 53 67 40 00
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h. Nocturne expositions le jeudi jusqu’à 21h30’