Anni et Josef Albers. L’art et la vie ♥♥♥♥
Je connaissais l’homme et n’avais jamais entendu parler de la femme alors que je suis attirée depuis longtemps par les carrés de Josef, sans avoir une idée de tout ce qui se cachait derrière la couleur.
J’ai rarement autant appris qu’en visitant cette exposition dont le parcours chronologique, jalonné d’œuvres de l’un et l’autre déroule sous nos yeux l’histoire du modernisme. Une histoire qui commence par le Manifeste du Bauhaus publié en 1919 par Walter Gropius, son fondateur qui attire séparément l’attention de Josef Albers et Annelise Fleischmann par son propos : créer un dialogue pluridisciplinaire et amener les étudiants à une autonomie individuelle et créative.
Josef et Annelise s’impliquent rapidement dans le projet Weimar où Paul Klee rejoint l’école en tant que directeur artistique. Josef est dans le verre, Annelise dans le textile. L’école déménage à Dessau où le bâtiment construit par Gropius devient l’emblème de la ville.
Les deux artistes se sont mariés entretemps et travaillent en harmonie. Après la dissolution de l’école en 1933 sous la pression du régime nazi, l’architecte Philip Johnson, à l’époque conservateur du MOMA de New York les recommande pour enseigner au Black Mountain College en Caroline du Nord, une école d’art progressiste basée en majeure partie sur la pédagogie du Bauhaus. Le couple se passionne alors pour l’Amérique latine et ses traditions précolombiennes. Ils parcourent sans relâche le continent (Pérou, Mexique) dont ils tirent profit pour leur enseignement, en même temps qu’ils commencent une collection d’objets et de tissus. Anni crée même des bijoux inspirés de ceux qu’elle a vus à Oaxaca où l’on vient de découvrir le trésor de Monte Albán !
A la fin des années 40, Josef amorce un tournant majeur en réalisant une série de peintures dont les couleurs vives et les compositions géométriques abstraites rappellent les murs en adobe des petites maisons mexicaines. Il peint ensuite un ensemble d’œuvres appelées « Structural Constellations », reflet de ses expériences sur l’ambiguïté visuelle : il crée une profondeur imaginaire sur une surface plane vue depuis un certain point. Il est fasciné par les illusions d’optique.
Poursuivant tous les deux leur carrière de professeurs avec, comme objectif pour lui, de rendre les étudiants plus réceptifs au monde environnant en suscitant interrogations et réflexions et, pour elle, d’éveiller leur sensibilité tactile, Josef et Anni continuent chacun leur chemin, s’intéressant, s’encourageant et se soutenant l’un l’autre sans avoir jamais collaboré. Alors qu’en 1950, Josef est appelé pour diriger le département design de la prestigieuse Yale University, il entreprend la série « Homage to the square » qu’il n’abandonnera qu’à sa mort en 1976. Deux mille tableaux qui l’ont rendu célèbre dans le monde entier : quatre formats élémentaires de carrés emboités dont la couleur est l’élément central. En 1963, il publie un livre sur le sujet « Interaction of Color. »
Anni toujours à ses côtés découvre la gravure à Los Angeles puisant dans cette nouvelle technique de quoi nourrir son intérêt pour la texture, les motifs, la couleur, etc.
Voilà l’itinéraire d’un couple exceptionnel, probablement le couple d’artistes le plus marquant du XXe s. qui voyait l’art comme la voie royale pour « apprendre à voir et à sentir la vie. »
Anni :
« Les œuvres d’art nous apprennent ce qu’est le courage. Nous devons aller là où personne ne s’est aventuré avant nous »
Josef :
« Je crois que l’art est parallèle à la vie. La couleur, selon moi, se comporte comme un être humain (…) de deux manières distinctes : d’abord dans son existence autonome, puis dans sa relation à autrui. »
L’exposition est particulièrement émouvante. Emouvante car au-delà de leurs qualités artistiques incontestables, elle révèle en filigrane ce lien intime entretenu tout au long de leur vie entre l’amour et l’art dans un respect mutuel, une complicité et un dialogue permanent.
« Apprenez à voir et à ressentir la vie, cultivez votre imagination, parce qu’il y a encore des merveilles dans le monde, parce que la vie est un mystère et qu’elle le restera » lit-on sur le mur à la fin de l’exposition.
Alors, Anni et Josef ? Un homme, une femme, un couple, des artistes, des professeurs exceptionnels qui nous donnent une leçon de vie.
Texte & Photos Virginie de Borchgrave
Jusqu’au 9 janvier 2022
Musée d’art moderne de Paris
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Cerisiers en fleurs. Damien Hirst ♥♥♥♥
On connaissait ses animaux – veaux, vaches, moutons – coupés en deux et plongés dans des aquariums de formol[1] ; ses peintures de crânes ou de visages déformés[2] ; ses armoires à pharmacie[3] constituées d’emballages vides de médicaments abandonnés par sa grand-mère et rangés selon leur taille et leur couleur ; ses premiers tableaux à la sortie de ses études au Goldsmiths College of Art de Londres qui est l’une de ses plus emblématiques séries[4] : des toiles composées de points colorés tous de même dimension mais de différentes couleurs, ordonnés selon une stricte grille géométrique : « Quand j’ai peint mes premières toiles en école d’art, j’étais totalement dépassé par la couleur. Je m’y perdais un peu et je croyais que c’était la solution à tous les problèmes picturaux que je rencontrais. Mes « Spot Paintings » étaient une manière de dompter mon usage débridé de la couleur. Cela a vraiment bien marché pendant 20 ans. »
Elles seront suivies plus tard d’une série[5] où il utilise la force centrifuge pour répartir la peinture sur des toiles circulaires : vitesse, temps de rotation, fluidité de la peinture et choix des couleurs déterminent le résultat final. Ces deux séries ne sont que des variations autour de l’idée d’un peintre mécanique imaginaire.
Et Damien Hirst de poursuivre au fil des années ses recherches pour arranger sur la toiles, couleurs et motifs. Il réalisait tout cela dans son studio avec l’aide d’une multitude d’assistants. L’été 2010, il peint des toiles plus intimes[6], seul dans sa maison du Devon où apparaissent les premières fleurs de cerisiers et en 2016, émerge un corpus d’oeuvres[7] où son geste est moins calculé et précis que dans les séries précédentes, où la peinture prend ses libertés et coule parfois sur d’autres points : « ‘(C’est) un retour à l’humain. Leurs coulures et leurs irrégularités renvoient à l’imperfection du geste. Je tenais vraiment à ce qu’aucune couleur ne se répète dans ces peintures. » Suit en 2017, une nouvelle série[8], réinterprétation d’une précédente réalisée il y a 20 ans : chevauchement de couleurs vives en touches épaisses ou points éparpillés sur des toiles de très grand format. L’inspiration vient des postimpressionnistes – Pierre Bonnard – et de l’expressionnisme abstrait.
Nous, les spectateurs sommes littéralement envahi par la couleur et le geste pictural.
Le terrain est près pour la série « Cerisiers en fleurs. » En 2018, il commence à peindre une centaine de toiles de grand format « à la fois hommage et détournement aux grands mouvements artistiques du XIXe & XXe s. » qui sont l’aboutissement de la réflexion picturale que mène l’enfant terrible de l’art contemporain depuis ses débuts : « Quand j’étais petit, ma mère avait peint des cerisiers en fleurs. J’avais quatre ou cinq ans, et je me souviens la regarder manipuler ses peintures à la maison. Elle ne me laissait jamais m’approcher de ses huiles car cela tachait trop et c’était difficile à nettoyer… Alors cela me fascinait et je voulais venir jouer là (…) Plus tard, je me suis souvenu des cerisiers en fleurs de ma mère. »
Le résultat est magistral : toute la fondation est tapissée de cerisiers en fleurs peints sur des toiles immenses, que l’artiste voulait de ce format-là pour que l’on se sente submergé (voire agressé par cet univers intrusif) comme quand on regarde un grand arbre, le même champ de vision que dans la vraie vie. L’artiste voulait que l’on en ait plein la vue, qu’on soit envahi par les cerisiers, ces cerisiers peints d’un geste pictural qui donne réellement vie à la peinture, d’où émane toute l’énergie, la force de la nature : « Je me suis perdu dans la peinture et je voulais que les spectateurs d’y perdent à leur tour. C’est le format qui permet ça. C’est un travail très physique aussi, et c’est ça qui me permet de m’abandonner. C’est ça qui leur donne leur force aussi. Je crois que depuis que je suis jeune, j’ai toujours voulu peindre ce genre de peintures, mais je n’en avais jamais eu le courage. Et puis, le confinement est arrivé, on s’est retrouvé dans cette situation… »
Première exposition individuelle muséale en France de l’artiste britannique, né à Bristol en 1965 qui travaille aussi bien la sculpture que l’installation, la peinture et le dessin. Un travail dont les leitmotivs au cours des décennies sont en liés la vie et à la mort, l’excès et la fragilité.
C’est la seule fois que « Cerisiers en fleurs » est montrée dans son ensemble car à la fin de l’exposition, au début de l’année prochaine, les toiles seront dispersées dans le monde entier, dans diverses collections privées ou publiques.
A l’image des cerisiers qui ne fleurissent qu’une fois par an, voilà l’unique occasion qui nous est donnée de voir cette exceptionnelle série réunie. Une exposition qui devrait être obligatoire pour le moral.
[1] “ The Physical Impossibility of Death in the Mind of someone Living ”, 1991. Une oeuvre majeure de cette série “Mother and Child Divided” était présentée en 1993 à la Biennale de Venise.
[1] « After Beautiful Paintings”, 2006
[1] « Medicine Cabinets », 1988
[1] « Spot Paintings », 1987
[1] « Spin Paintings », 1992
[1] « Two weeks One Summer », 2010
[1] « Colour Space Paintings », 2016[1] « Veil Paintings », 2017
Texte & Photos Virginie de Borchgrave
Jusqu’au 2 janvier 2022
Fondation Cartier pour l’art contemporain
www.fondationcartier.com
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Georgia O’Keeffe ♥♥♥♥
Ayant vu à La Tate Britain à Londres en 2016, la magnifique rétrospective qui lui était consacrée et compte-tenu de mon programme culturel déjà fort chargé, j’hésitais à y aller.
Je ne regrette pas car Georgia O’Keeffe fait partie de ces artistes américaines mythiques. Sans sa personnalité, l’art moderne américain ne se serait pas forgé le même destin. Plusieurs expositions peuvent lui être consacrées sans que l’on ait encore appréhendé toute la richesse et l’importance de son oeuvre.
Il y a ses immenses fleurs réalistes aux couleurs particulières, extrêmement douces ou fortes et contrastées, auxquelles on a tendance à la réduire et dans lesquelles on a surtout voulu voir une dimension érotique qu’elle conteste : « Il est rare que l’on prenne le temps de regarder une fleur. J’ai peint ce que chaque fleur représente pour moi et je l’ai peinte suffisamment grande pour que les autres la voient telle que je la vois (…) » à la taille des immenses buildings en construction dans les années 20 à New York où elle vivait.
Mais il n’y a pas que cela.
Il y a aussi dans l’œuvre de cette femme libérée, les paysages
qu’ils soient urbains au temps de la galerie newyorkaise 291 – créée par Alfred Stieglitz qui deviendra son mari et lui consacrera une exposition chaque année jusqu’à sa mort -,
qu’ils soient désertiques et sensuels comme ceux du Nouveau-Mexique ou cosmiques dont elle tire sans doute l’inspiration de ses nombreux voyages en avion : « C’est stupéfiant de s’élever au-dessus du monde où l’on a vécu. Et de le regarder en bas s’étirer encore et encore (…) Le monde est si beau et si simplifié, et si clairement découpé, comme le temps et l’histoire simplifieront et rectifieront cette époque qui est la nôtre. »
Et il y a encore ses ossements et coquillages : « Quand je quitte le paysage, c’est pour aller travailler avec ces drôles de choses dont je pense qu’elles sont pétries des mêmes sensations que lui. »
Une exposition à l’image de l’artiste résolument indépendante que fut Georgia O’ Keeffe dont la galerie de portraits pris aux différentes étapes de sa vie, projetés sur le mur au début de l’exposition donnent une belle idée de la personnalité.
L’univers de Georgia O’Keeffe est un monde à part tant végétal que minéral, réaliste ou abstrait dans lequel il est bon de se laisser couler avec douceur.
Texte & Photos Virginie de Borchgrave
Jusqu’au 6 décembre 2021
Centre Georges Pompidou
www.centrepompidou.fr
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Bourse de Commerce. Pinault Collection ♥♥♥♥
François Pinault :
« Avec ce nouveau musée, au cœur de Paris, je veux partager ma passion pour l’art de mon temps »
Tadao Ando :
« L’architecture comme un trait d’union entre le passé, le présent et le futur »
Inaugurée il y a tout juste 4 mois après plus de 3 ans de travaux, le nouvel écrin d’art contemporain du collectionneur François Pinault s’est installé dans l’ancienne Bourse de Commerce (première halle au blé de Paris au XVIIIe s.) rénovée par le célèbre architecte japonais Tadao Ando qui en a fait un impressionnant cylindre de béton, inondé de la lumière zénithale de la grande coupole en verre. Une collection qui compte plus de 10 000 œuvres réparties désormais entre le Palazzo Grassi, la Punta della Dogana à Venise et la Bourse de Commerce à Paris.
L’exposition inaugurale qui porte bien son nom – « Ouverture » – donne d’emblée le ton : une ‘drôle’ de fête sur la plage, grande peinture aux tons criards de Martial Raysse initie le parcours, suivie d’un ensemble d’œuvres de l’artiste suisse Urs Fischer dispersées autour d’une reproduction de « L’enlèvement des Sabines » (réplique de Jean de Bologne du XVIe s.), le tout réalisé en cire, un matériau plutôt inhabituel pour ce genre de sculptures. A la fin de l’exposition, il n’y aura plus rien car l’ensemble sera complètement consumé. Morale de l’histoire : rien n’est à prendre au sérieux. François Pinault n’est pas de ceux qui se prennent la tête.
Une collection constituée en plus de 40 ans où il a suivi avant tout ses coups de cœur mais il lui arrive aussi d’acquérir une grande partie de l’œuvre d’un artiste. On parcourt la galerie qui tourne autour de la rotonde où des œuvres pleines d’humour de Bertrand Lavier ornent des vitrines en bois : un mot en néon vert qui dit « yellow », un violoncelle peint en mauve, bleu ciel et rouge, un extincteur revu et corrigé en œuvre d’art, etc.
Aux différents étages, des collections de photos de Louise Lawler, Cindy Sherman, Sherrie Levine, Martha Wilson ; une salle dédiée à David Hammons, fait rarissime car il s’agit d’un artiste à dessein très discret, qui ne donne pas d’interviews et n’expose jamais ; des portraits de Claire Tabouret ; les remarquables peintures à la fois sombres et colorées de Kerry James Marshall ; une série de crânes de Marlène Dumas ; des toiles emblématiques très colorées de Luc Tuymans ; une collection de chaises de Tatiana Prouvé, réparties au fil des salles ; des Thomas Schütte, Rudolf Stingel et enfin « Others », les pigeons plus vrais que nature déposés par Maurizio Cattelan sur la balustrade de la coupole.
N’oubliez pas le sous-sol avec « Offspring », l’œuvre sonore de Pierre Huyghe qui module aux moyens de capteurs une courte pièce d’Erik Satie selon la température, l’humidité et le mouvement des visiteurs ainsi que le film projeté dans l’auditorium où Tadao Ando e.a. explique la rénovation et enfin, l’impressionnante salle des machines.
Des sculptures aux vidéos en passant par des toiles et des photos, on parcourt le bâtiment ébahi tant par le contenant que le contenu, intelligent reflet des complexités et des débats du monde, pour reprendre les mots de Pinault. « J’ai tenu à ce que cette exposition inaugurale souligne les lignes de force de ma démarche de collectionneur (…)
« Ouverture » est une exposition pour s’ouvrir au monde dans sa richesse, sa diversité, sa complexité »explique-t-il.
Alors que j’étais plutôt réservée et dubitative sur les œuvres exposées au Palazzo Grassi et à La Punta della Dogana parcourues à plusieurs reprises, je suis encore sous le charme de ma visite parisienne alors que je vous écris ces quelques lignes. Magnifique à tous points de vue.
Pari(s) réussi.
Texte & Photos Virginie de Borchgrave
Jusqu’au 31 décembre 2021
2, Rue de Viarmes
F- 75001 Paris
Tél. : +33 1 55 04 60 80
Info.boursedecommerce@pinaultcollection.com
Ouvert du lundi au dimanche de 11h à 19h. Fermé le mardi.
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h
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Carte blanche à Anne Imhof. Natures mortes ♥
L’artiste allemande Anne Imhof a eu carte blanche cet été au Palais de Tokyo qu’elle a déshabillé et envahi de ses œuvres monumentales ainsi que celles de la multitude d’artistes qu’elle a invités tels Cyprien Gaillard, Cy Tombly, Wolfgang Tillmans, Mike Kelly, Sigmar Polke, Joan Mitchell, Eva Hesse, Rosemarie Trockel, Adrián Villar Rojas, et même Piranèse, Théodore Géricault, etc. Une famille d’artistes qui ont exploré les mêmes doutes et angoisses que ceux qu’elle ressent elle-même. Comme en écho.
Imhof est non seulement l’artiste qui a représenté l’Allemagne à la Biennale de Venise en 2017 où elle s’est faite connaître dans le monde entier et est repartie avec le Lion d’or pour son opus « Faust. » L’artiste, considérée aujourd’hui comme la plus importante de sa génération nous invite ici à une immersion dans une œuvre polyphonique et « performative qui capte les pulsations fugaces du cycle de la vie et les déflagrations du temps présent. »
Visite dans les entrailles de ce bâtiment hors norme sous une douce lueur dorée et le regard des quelques vigiles désœuvrés, au rythme d’une musique effrénée, métallique qui fait vibrer l’intérieur de notre corps. Tout à l’air prêt pour des performances : les plongeoirs, rampes, scènes de concert vides alors qu’il n’y a rien qui a été programmé avant la toute dernière semaine de l’expo fin octobre. Elle a traduit par-là l’ambiance de l’année particulière que l’on vient de vivre… Plus de murs, ni de cimaises, rien que l’architecture brut du Palais où elle a amené les restes d’un immeuble de bureau de Turin qui, installées dans ce cadre ont pris l’allure d’immense installations.
Il est intéressant de savoir que le titre français « Natures mortes » se traduit en allemand et en anglais par vie suspendue, vie arrêtée, immobile faisant référence à l’angoisse de la mort mais aussi aux pulsions de la vie. Tout un programme dont on n’a pas fini d’explorer les abysses…
Texte & Photos Virginie de Borchgrave
Jusqu’au 24 octobre 2021
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« Les Illusions perdues » de Pauline Bayle d’après Honoré de Balzac ♥♥♥
Une adaptation du roman de Balzac qui se concentre sur la vie du jeune poète Lucien de Rubempré, de son ascension à sa chute, dans une mise en scène réduite à sa plus simple expression où les cinq jeunes comédiens endossent tous plusieurs rôles, en mettant ou enlevant l’un une veste, l’autre une chemise, incarnant une vingtaine de personnages. Au fil d’intrigues, au sein des grands journaux, des partis politiques, des théâtres ou des maisons d’édition, on vit pendant toute la durée du spectacle (2h30’) au rythme effréné de Paris, la ville la plus moderne du monde à l’époque, qui fait et défait les gens comme dans toute société cruelle où l’argent et l’ambition sont les moteurs. En transposant au théâtre, le roman que Balzac décrivait lui-même comme « œuvre capitale dans l’œuvre », Pauline Bayle poursuit son travail de transposition de grands textes de la littérature au théâtre. Des livres qui ont façonné notre rapport au monde et qui nourrissent encore aujourd’hui notre imaginaire collectif.
Pourquoi après Homère, avoir choisi Balzac ? « Je crois que Balzac a des choses essentielles à nous dire sur la condition humaine. Dans ce livre particulièrement, il a pressenti ce que le capitalisme allait avoir comme impact sur les relations humaines dans un contexte urbain (…) C’est un projet ambitieux parce que c’est un roman de 700 pages avec plus de 70 personnages (…) C’est vaste et le théâtre permet et réclame des choses vastes » explique la réalisatrice.
Résultat ? Une pièce flamboyante où le texte servi par de bons et très bons acteurs dans une mise en scène percutante est d’une actualité saisissante.
Texte & Photos Virginie de Borchgrave
Jusqu’au 16 octobre 2021 à 21h
Théâtre de la Bastille
76, Rue de la Roquette
75 011 Paris
Réservations : + 33 1 43 57 42 14